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Les choses entre lesquelles on ne peut saisir d'autres différences intrinséques, que celle de la quantité, paroissent donc semblables, & ont la même essence, aussi - bien que les mêmes déterminations. La similitude n'a lieu qu'entre des êtres, qui appartiennent à la même espece, ou du moins au même genre, & elle ne s'étend pas au - delà des bornes de la notion commune, sous laquelle les choses semblables sont comprises. Une montre d'or, d'argent, de cuivre, sont semblables, entant que montres composées de rouages & de ressorts qui font aller l'aiguille sur le cadran des heures. Voilà leur notion commune, & leur ressemblance ne va pas plus loin. La matiere, la grosseur, le poids, la façon sont autant de choses qui peuvent varier. Il est vrai qu'à mesure qu'elles s'accordent, la similitude augmente jusqu'à ce qu'elle soit parfaite par le concours de toutes les choses qui servent à distinguer les êtres.
Or, il est manifeste qu'il ne sauroit y avoir une suite manifeste des causes; car la derniere cause augmenteroit la suite en produisant son effet.
Pour les mathématiciens, ils appellent infini tout ce qui surpasse le fini; c'est - à - dire, tout ce qui peut être exprimé ou mesuré en nombre. Cet article est tiré des papiers de M. Formey.
Les rhéteurs s'en servent ou pour prouver, ou pour orner, ou pour rendre le discours plus clair & plus agréable. Quintilien, que je consulte comme un guide propre à nous conduire dans les ouvrages d'esprit, dit que les similitudes ont été inventées les unes pour servir de preuve des choses dont on traite, les autres pour éclaircir les matieres douteuses.
La premiere regle qu'il donne à ce sujet est de ne pas apporter pour éclaircissement une chose qui est peu connue; parce que ce qui doit éclairer & donner du jour à une chose, doit avoir plus de clarté que la chose même. C'est pourquoi, dit - il, laissons aux poëtes les comparaisons savantes & peu connues.
La seconde regle est que les similitudes ne doivent pas être triviales; car plus elles paroissent neuves, plus elles causent d'admiration.
La troisieme regle est que l'on ne doit point employer des choses fausses pour similitudes.
Quelquefois la similitude précede la chose, ou la chose précede la similitude; quelquefois aussi elle est libre & détachée: mais elle est plus agréable quand elle est jointe avec la chose dont elle est l'image, par un lien qui les embrasse toutes deux, & qui fait qu'elles se répondent réciproquement.
Une quatrieme regle que j'ajoute à celles de Quintilien, c'est que dans les similitudes l'esprit doit toujours gagner, & jamais perdre; car elles doivent toujours ajouter quelque chose, faire voir la chose plus grande, ou, s'il ne s'agit pas de grandeur, plus fine & plus délicate; mais il faut bien se donner de garde de montrer à l'ame un rapport dans le bas, car elle se le seroit caché, si elle l'avoit découvert.
La cinquieme regle, c'est que l'esprit doit réunir dans les similitudes tout ce qui peut frapper agréablement l'imagination; mais afin que la ressemblance dans les idées soit spirituelle, il faut que le rapport ne saute pas d'abord aux yeux, car il ne surprendroit point, & la surprise est de l'essence de l'esprit. Si l'on
Entre tant de belles similitudes que j'ai lu dans les orateurs, & les poëtes anciens & modernes, je n'en citerai qu'une seule qui me charme par sa noble simplicité; c'est celle de M. Godeau dans sa paraphrase du premier pseaume de David:
Comme sur le bord des ruisseaux Un grand arbre planté des mains de la nature, Malgré le chaud brûlant conserve sa verdure, Et de fruits tous les ans enrichit ses rameaux: Ainsi cet homme heureux fleurira dans le monde; Il ne trouvera rien qui trouble ses plaisirs, Et qui constamment ne réponde A ses nobles projets, à ses justes desirs.
Après avoir parlé de la similitude en rhéteur, il
faut bien que j'en dise un mot comme philosophe:
je crois donc dès que le langage fut devenu un art,
l'apologue se réduisit à une simple similitude. On chercha
à rendre par - là le discours plus concis & plus
court. En effet, le sujet étant toujours présent, il
n'étoit plus nécessaire d'en faire d'application formelle.
Ces paroles de Jérémie, chap. ij. 16. qui tiennent
le milieu entre l'apologue & la similitude, & qui
par conséquent participent de la nature des deux,
nous font connoître avec quelle facilité l'apologue
s'est réduit à une similitude.
On peut ajouter que la similitude répond aux marques ou caracteres de l'écriture chinoise; & que comme ces marques ont produit la méthode abrégée des lettres alphabétiques, de même aussi pour rendre le discours plus coulant & plus élégant, la similitude a produit la métaphore, qui n'est autre chose qu'une similitude en petit; car les hommes étant aussi habitués qu'ils le sont aux objets matériels, ont toujours eu besoin d'images sensibles pour communiquer leurs idées abstraites.
Les degrés par lesquels la similitude s'est réduite en
métaphore, sont faciles à remarquer par une personne
qui se donnera la peine de lire attentivement les
écrits des prophetes. Rien n'y est plus ordinaire que
le langage entremêlé de similitudes & de métaphores.
A peine quittent - ils la similitude, qu'ils reprennent
la métaphore. Voilà donc les vicissitudes du langage,
l'apologie se réduisit à la similitude, la similitude fit
naître la métaphore; les orateurs les employerent
pour l'ornement de leurs discours, & finirent par en
abuser. (Le chevalier
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