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Dans un état despotique, le chef de la nation est tout, la nation n'est rien; la volonté d'un seul fait la loi, la société n'est point représentée. Telle est la forme du gouvernement en Asie, dont les habitans soumis depuis un grand nombre de siecles à un esclavage héréditaire, n'ont point imaginé de moyens pour balancer un pouvoir énorme qui sans cesse les écrase. Il n'en fut pas de même en Europe, dont les habitans plus robustes, plus laborieux, plus belliqueux que les Asiatiques, sentirent de tout tems l'utilité & la nécessité qu'une nation fût représentée par quelques citoyens qui parlassent au nom de tous les autres, & qui s'opposassent aux entreprises d'un pouvoir qui levient souvent abusif lorsqu'il ne connoît aucun frein. Les citoyens choisis pour être les organes, ou les représentans de la nation, suivant les différens tems, les différentes conventions & les circonstances diverses, jouirent de prérogatives & de droits plus ou moins étendus. Telle est l'origine de ces assemblées connues sous le nom de dietes, d'états - géné raux, de parlemens, de senats, qui presque dans tous les pays de l'Europe participerent à l'administration publique, approuverent ou rejetterent les propositions des souverains, & furent admis à concerter avec eux les mesures nécessaires au maintion de l'état.
Dans un état purement démocratique la nation, à proprement parler, n'est point représentée; le peuple entier se réserve le droit de faire connoître ses volontés dans les assemblées générales, composées de tous les citoyens; mais des que le peuple a choisi des magistrats qu'il a rendus dépositaires de son autorité, ces magistrats deviennent ses représentans; & suivant le plus ou le moins de pouvoir que le peuple s'est réservé, le gouvernement devient ou une aristocratie, ou demeure une démocratie.
Dans une monarchie absolue le souverain ou jouit, du consentement de son peuple, du droit d'être l'unique représentant de sa nation. ou bien, contre son gré, il s'arroge ce droit. Le souverain parle alors au nom de tous; les lois qu'il fait sont, ou du moins sont consées l'expression des volontés de toute la nation qu'il représente.
Dans les monarchies tempérées, le souverain n'est dépositaire que de la puissance exécutrice, il ne représente sa nation qu'en cette partie, elle choisit d'autres représentans pour les autres branches de l'administration. C'est ainsi qu'en Angleterre la puissance exécutrice réside dans la personne du monarque, tandis que la puissance législative est partagée entre lui & le parlement, c'est - à - dire l'assemblée générale des différens ordres de la nation britannique, composée du clergé, de la noblesse & des communes;
En Suede, le monarque gouverne conjointement avec un sénat, qui n'est lui - même que le représentant de la diete générale du royaume; celle - ci est l'assemblée de tous les représentans de la nation suédoise.
La nation germanique, dont l'empereur est le chef,
est représentée par la diete de l'Empire, c'est - à - dire
par un corps composé de vassaux souverains, ou de
princes tant eccléfiastiques que laiques, & de députés
des villes libres, qui représentent toute la nation
allemande. Voyez
La nation françoise fut autrefois représentée par l'assemblée des états - généraux du royaume, composée du clergé & de la noblesse, auxquels par la suite des tems on associa le tiers - état, destiné à représenter le peuple. Ces assemblées nationales ont été discontinuées depuis l'année 1628.
Tacite nous montre les anciennes nations de la Germanie, quoique féroces, belliqueuses & barbares, comme jouissant toutes d'un gouvernement libre ou tempéré. Le roi, ou le chef, proposoit & persuadoit, sans avoir le pouvoir de contraindre la nation à plier sous ses volontés: Ubi rex, vel princeps, audiuntur autoritate suadendi magis quam jubendi potestate. Les grands delibéroient entre eux des affaires peu importantes; mais toute la nation étoit consultée sur les grandes affaires: de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes. Ce sont ces peuples guerriers ainsi gouvernes, qui, sortis des forêts de la Germanie, conquirent les Gaules, l'Espagne, l'Angleterre, &c. & fonderent de nouveaux royaumes sur les débris de l'empire romain. Ils porterent avec eux la forme de leur gouvernement; il fut par - tout militaire, la nation subjuguée disparut; réduite en esclavage, elle n'eut point le droit de parler pour elle - même; elle n'eut pour représentans que les soldats conquérans, qui apres l'avoir soumise par les armes, se subrogerent en sa place.
Si l'on remonte à l'origine de tous nos gouvernemens
modernes, on les trouvera fondés par des nations
belliqueuses & sauvages, qui sorties d'un climat
rigoureux, chercherent à s'emparer de contrées
plus fertiles, formerent des établissemens sous un ciel
plus favorable, & pillerent des nations riches & policées.
Les anciens habitans de ces pays subjugués ne
furent regardés par ces vainqueurs farouches, que
comme un vil bétail que la victoire faisoit tomber
dans leurs mains. Ainsi les premieres institutions de
ces brigands heureux, ne furent pour l'ordinaire
que des effets de la force accablant la foiblesse; nous
trouvons toujours leurs lois partiales pour les vainqueurs,
& funestes aux vaincus. Voilà pourquoi dans
toutes les monarchies modernes nous voyons partout
les nobles, les grands, c'est - à - dire des guerriers,
posséder les terres des anciens habitans, & se mettre
en possession du droit exclusif de représenter les nations;
celles - ci avilies, écrasées, opprimées, n'eurent
point la liberté de joindre leurs voix à celles de leurs
superbes vainqueurs. Telle est sans doute la source
de cette prétention de la noblesse, qui s'arrogea
long - tems le droit de parler exclusivement à tous les
autres au nom des nations; elle continua toujours à
regarder ses concitoyens comme des esclaves vaincus,
même un grand nombre de siecles après une
conquête à laquelle les successeurs de cette noblesse
conquérante n'avoit point eu de part. Mais l'intérêt
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