ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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système le plus raisonnable & le plus parfait qu'on ait encore imaginé.

Barclay mit au jour son ouvrage en 1675; l'épître dédicatoire à Charles II. contient non des basses adulations, mais des vérités hardies, & des conseils justes.

« Tu as goûté, dit - il à Charles, à la fin de cette épître, de la douceur & de l'amertume, de la prospérité & des grands malheurs: tu as été chassé des pays où tu regnes; tu as senti le poids de l'oppression, & tu dois savoir combien l'oppresseur est détestable devant Dieu & devant les hommes: que si après tant d'épreuves & de bénédictions, ton coeur s'endurcissoit & oublioit le Dieu qui s'est souvenu de toi dans les disgraces, ton crime en seroit plus grand, & la condamnation plus terrible: au lieu donc d'écouter les flatteurs de ta cour, écoute la voix de ta conscience, qui ne te flatera jamais. Je suis ton fidel ami & sujet, Barclay ».

Environ ce tems - là, parut l'illustre Guillaume Penn, qui établit la puissance des Quakers en Amérique, & qui les auroit rendus respectables en Europe, si les hommes pouvoient respecter la vertu sous des apparences ridicules. Il étoit fils unique du chevalier Penn, vice - amiral d'Angleterre, & favori du duc d'York, depuis Jacques Il. Il naquit à Londres en 1644, & sut élevé avec soin dans l'université d'Oxford; il y étudia avec un jeune quaker, qui en fit un partisan des plus zélés du Quakérisme.

De retour chez le vice - amiral son pere, au lieu de se mettre à genoux devant lui, & de lui demander sa bénédiction, selon l'usage des Anglois, il l'aborda le chapeau sur la tête, & lui dit: je suis fort aise, mon cher pere de te voir en bonne santé. Le vice - amiral crut que son fils étoit devenu sou; il apperçut bientôt qu'il étoit quaker. Il mit en usage tous les movens que la prudence humaine peut employer, pour l'engager à vivre comme un autre; le jeune homme ne répondit à son pere qu'en l'exhortant à se faire quaker lui - même. Enfin, le pere se relâcha à ne lui demander autre chose, sinon qu'il allât voir le roi & le duc d'York le chapeau sous le bras, & qu'il ne les tutoyât point; Guillaume répondit que sa conscience ne lui permettoit pas, & qu'il valoit mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. Le pere au desespoir, le chassa de sa maison. Le jeune Penn remercia Dieu de ce qu'il souffroit déja pour sa cause: il alla prêcher dans la cité; il y fit beaucoup de prosélytes. Comme il étoit beau, bienfait, vif, & naturellement éloquent, les femmes de tout rang accouroient dévotement pour l'entendre. Sur sa réputation, Georges Fox vint du fond de l'Angleterre le voir à Londres. Tous deux s'embarquerent pour la Hollande & l'Allemagne en 1677, afin de gagner des prosélytes au Quakérisme.

Leurs travaux eurent un heureux succès à Amsterdam; mais, ce qui leur fit plus d'honneur, & ce qui mit le plus leur humilité en danger, fut la réception que leur fit la princesse Palatine Elisabeth, tante de Georges I. roi d'Angleterre, femme illustre par son esprit & par son savoir, & à qui Descartes avoit dédié son roman de Philosophie.

Elle étoit retirée à la Haye, où elle vit les Amis; car c'est ainsi que l'on appelloit alors les Quakers en Hollande. Elle eut plusieurs conférences avec eux; ils prêcherent souvent chez elle; & s'ils ne firent pas d'elle une parfaite quakeresse, ils avouerent au - moins qu'elle n'étoit pas loin du royaume des cieux. Les Amis semerent aussi en Allemagne, mais ils y recueillirent peu; on ne goûta pas la mode de tutoyer dans un pays, où il faut prononcer toujours les termes d'altesse & d'excellence.

Penn repassa bien - tôt en Angleterre, sur la nouvelle de la maladie de son pere, qui se réconcilia avec lui, le reçut avec tendresse, & finit ses jours entre ses bras. Il en hérita de grands biens, parmi lesquels il se trouvoit des dettes de la couronne, pour des avances faites par le vice - amiral, dans des expéditions maritimes. Le gouvernement donna à Guillaume Penn en 1681, au lieu d'argent, tant pour lui que pour ses successeurs, la propriété & la souveraineté d'une province de l'Amérique septentrionale, bornée au nord par les Iroquois, à l'orient par le nouveau Jersey, au midi par le Mariland, & à l'orient par le pays des Oniasontkes. Voilà un quaker devenu souverain.

Il partit pour ses nouveaux états, avec deux vaisseaux chargés de quakers, qui le suivirent. On appella des lors le pays Pensylvania, du nom de Penn; il y fonda la ville de Philadelphie, qui est aujourd'hui très - florissante. Il commença par faire une ligue avec les Amériquains ses voisins; c'est le seul traité entre ces peuples & les Chrétiens, qui n'ait point été juré, & qui n'ait point été rompu. Le nouveau souverain fut aussi le législateur de la Pensylvanie; il donna des lois très sages, dont aucune n'a été changée depuis lui. La premiere, est de ne maltraiter personne au sujet de la religion, & de regarder comme freres tous ceux qui croyent un Dieu.

A peine eut - il établi son gouvernement, que plusieurs négocians de l'Amérique vinrent peupler cette colonie. Les naturels du pays, au lieu de fuir dans les forêts, s'accoutumerent insensiblement avec les pacisiques Quakers. Autant ils détestoient les autres chrétiens, conquérans & destructeurs de l'Amérique, autant ils aimoient ces nouveaux venus. En peu de tems, ces prétendus sauvages, charmés des Quakers, vinrent en foule demander à Guillaume Penn, de les recevoir au nombre de ses vassaux. C'étoit un spectacle bien nouveau, qu'un souverain que tout le monde tutoyoit, & à qui on parloit le chapeau sur la tête, un gouvernement sans prêtres, un peuple sans armes, des citoyens tous égaux, à la magistrature près, & des voisins sans jalousie. Guillaume Penn pouvoit se vanter d'avoir apporté sur la terre l'âge d'or, dont on parle tant, & qui n'a vraissemblablement existé qu'en Pensylvanie.

Il revint en Angleterre pour les affaires de son nouveau pays, après la mort de Charles II. Le roi Jacques, qui avoit aimé son pere, eut la même affection pour le fils, & ne le considéra plus comme un sectaire obscur, mais comme un très - grand homme. La politique du roi s'accordoit en cela avec son goût. Il avoit envie de flatter les Quakers, en abolissant les lois contre les non - conformistes, afin de pouvoir introduire la religion catholique à la faveur de cette liberté. Toutes les sectes d'Angleterre virent le piége, & ne s'y laisserent pas prendre; mais elles reçurent de Guillaume III. & de son parlement, cette même liberté qu'elles n'avoient pas voulu tenir des mains du roi Jacques. Ce fut alors que les Quakers commencerent à jouir, par la force des lois, de tous les priviléges dont ils sont en possession aujourd'hui. Penn, après avoir vu enfin sa secte établie sans contradiction dans le pays de sa naissance, alla faire un tour dans la Pensylvanie en 1700, avec sa femme & sa famille.

Les siens & les Amériquains le reçurent avec des larmes de joie, comme un pere qui revenoit voir ses enfans. Toutes ses lois avoient été religieusement observées pendant son absence; ce qui n'étoit arrivé qu'au seul Lycurgue avant lui. Il ne resta qu'un couple d'années à Philadelphie; & cependant n'en partit que malgré lui, pour aller solliciter à Londres des avantages nouveaux en faveur du commerce des Pensylvains. Il ne les revit plus; la reine Anne le reçut avec beaucoup de considération, & voulut souvent l'avoir à sa cour; mais l'air de Londres étant contraire à sa santé, il se retira en 1710 dans la pro<pb->

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