ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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l'aspiration comme faisant partie de l'objet de la prosodie. Dans la remarque que j'ai rapportée de lui sur
la définition de ce mot par M. d'Olivet, il donne
pour raison de la correction qu'il y fait, que chaque
syllabe prise à - part n'a ni accent ni qu antité; &
il ne fait aucune mention de l'aspiration: d'ailleurs il
admet la lettre h, qui la représente, au rang des consonnes,
comme on peut le voir dans ses Remarques
sur le ij. chap. de la 1. partie de la Grammaire genérale.
J'ai ouvert bien des livres qui traitent de la prosodie des Grecs & des Latins; prosodie, quelque étendue que l'on donne à ce mot, beaucoup plus marquée
que la nôtre; & j'ai vu que les uns ne font point
entrer dans leur système prosodique ce qui concerne
l'accent, que les autres ajoutent à la quantité de chaque
syllabe des mots, les notions des différens piés
qui peuvent en résulter, & la théorie du méchanisme
des vers métriques, ou déterminés par le nombre
& le choix des piés. J'ai compris par - là que ce
n'étoit peut - être que faute de s'en être avisé, que
quelque autre auteur n'avoit pas étendu les fonctions
de la prosodie jusqu'à fixer les principes méchaniques
de ce que l'on appelle nombre ou rythme dans
le style oratoire. J'en ai conclu que la véritable notion
de ce que l'on doit entendre par le terme de prosodie n'est pas encore trop décidée, & qu'il est encore
tems de donner à ce mot une signification qui s'accorde
avec l'étymologie.
Ce mot est purement grec, PROSW/DI/A, dont les racines
sont PRO\S2, ad, & W)/DH\, cantus: PRO\S2 W)/DHN, ad
cantum; & de - là PROSW/DI/A, institutio ad cantum. Le
mot accent, en latin accentus, a une origine toute
semblable, ad & cantus; le d final de ad y est changé
en c par une sorte d'attraction. Mais je ferois différemment
la construction des racines élémentaires
dans ces deux mots composés: je dirois que PRO/S2
W)/DHN, ad cantum, est la construction des racines du
mot composé PROSW/DI/A, à cause du mot sous - entendu
PAIDEI/A ou A)GOGH/, institutio; mais que cantus ad est
la construction des racines du mot accentus, que l'on
doit expliquer par cantus ad vocem (chant ajouté à
la voix). Cette premiere observation indique que
l'accent est du ressort de la prosodie, puisque c'est une
espece de chant ajouté aux sons, & que la prosodie est
l'art de regler ce chant de la voix.
Au reste les mots W)/DH\, cantus, chant, sont employés
par catachrese ou extension, parce qu'il ne
s'agit pas ici des modifications de la voix qui constituent
proprement le chant, mais seulement des agrémens
de prononciation qui rapprochent la voix parlante
de la voix chantante, en lui donnant une sorte
de mélodie par des tons variés, des tenues précises,
& des repos mesurés.
L'origine du mot ainsi devéloppée, semble borner
les vûes de la prosodie sur les accents & la quantité
des syllabes: & Vossius la définit dans sa petite grammaire à l'usage des écoles de Hollande & de West - Frise, page 281: pars grammaticoe quoe accentus &
quantitatem syllabarum docet. Mais sous le titre de
prosodie, il enseigne lui - même l'art métrique, qui
consiste dans la connoissance des différens piés, &
des diverses sortes de vers qui en sont composés: &
je crois qu'il a raison. La Musique qui, selon M. l'abbé
d'Olivet, page 9. n'est, à proprement parler, qu'une
extension de la prosodie, n'est pas bornée à enseigner
les différens tons, & leur quantité caractérisée
par les rondes, les blanches, les noires, les croches,
les doubles - croches, &c. Elle enseigne encore les diverses
mesures qui peuvent regler le chant, les propriétés
des différentes pieces de musique qui peuvent
en résulter, &c. & voilà la modele qui doit
achever de fixer l'objet de la prosodie.
Disons donc que c'est l'art d'adapter la modulation
propre de la langue que l'on parle, aux différens sens
qu'on y exprime. Ainsi elle comprend non seulement
tout ce qui concerne le matériel des accens & de la
quantité, mais encore celui des piés & de leurs différens
mélanges, celui des mesures que les repos de
la voix doivent marquer, &, ce qui est bien plus
précieux, l'usage qu'il faut en faire selon l'occurrence,
pour établir une juste harmonie entre les signes
& les choses signifiées. Par - là on réunira des théories
éparses, qui ont pourtant un lien commun, & que
la réunion rendra plus utiles. Par - là ceux qui écriront sur la prosodie auront la liberté d'écrire en même
tems sur l'art métrique, quand il s'agira des langues
dont le génie s'est prêté à cette sorte de mélodie: ils pourront s'étendre aussi sur le rythme de la
prose, & en détailler les motifs, les moyens, les
regles, les écarts, les usages, ainsi que l'a fait Cicéron pour le latin dans son Orateur, & comme M. l'abbé
d'Olivet l'a lui - même entrepris par rapport à notre
langue.
On ne doit pas s'attendre que j'entre ici dans les
détails de cet art séducteur, qui est effectivement
l'art de verser le plaisir dans l'ame de ceux qui écoutent, pour en faciliter l'entrée à la vérité même,
dont la parole est, pour ainsi dire, le ministre. Cet
art existe sans doute par rapport à notre langue, puisque
nous en admirons les effets dans un nombre de
grands écrivains, dont la lecture nous fait toujours
un nouveau plaisir: mais les principes n'en sont pas
encore rédigés en système, il n'y en a que quelques-uns
épars çà & là; & c'est peut - être une affaire de
génie de les mettre en corps. Ce qu'en a écrit M.
l'abbé d'Olivet, tout excellent qu'il est en soi & qu'il
paroît aux yeux de tous les connoisseurs, n'est à
ceux de l'auteur qu'un foible essai.
« Pour l'achever,
dit - il à la fin de son Traité, il faut un grammairien,
un orateur, un poëte, un musicien; & j'ajoute un
géometre: car tout ce qui demande arrangement
& combinaison de principes, a besoin de sa méthode ».
Voyez
Accent, Quantité, Pié, Vers, Mesure, Nombre, Rythme , &c.
Prosodies
Prosodies, s. f. (Hist. anc.) especes d'hymnes
ou de cantiques en l'honneur des dieux, & en usage
chez les anciens grecs qui les appelloient PROSODIA ou
PROSWDIA. C'étoient des chants en l'honneur de quelque
divinité, vers l'autel ou la statue de laquelle on
s'avançoit en procession. Ces cantiques, selon Pollux, s'adressoient à Apollon & à Diane conjointement.
On en attribue l'invention à Cloas poëte, musicien
de Thegée en Arcadie, dont parle Plutarque
dans son traité de la Musique.
PROSODIQUE
PROSODIQUE, adj. qui concerne la prosodie,
qui appartient à la prosodie. L'accent prosodique: caracteres
prosodiques.
1°. C'est par cette épithete que l'on distingue l'espece
d'accent qui est du ressort de la prosodie, des
autres modulations que l'on nomme aussi accens: ainsi
l'on dit l'accent prosodique, l'accent oratoire, l'ac<->
musical, l'accent national, &c. Voyez traité de la Prosodie françoise, par M. l'abbé d'Olivet, art. 2. & le
mot Accent..
L'accent prosodique est cette espece de modulation
qui rend le son grave ou aigu.
« La différence qu'il
y a entre l'accent prosodique & le musical, dit M.
Duclos, dans ses Remarques manuscrites sur la prosodie de M. l'abbé d'Olivet; c'est que l'accent musical
ne peut aujourd'hui élever, ni baisser moins
que d'un demi - ton, & que le prosodique procede
par des tons qui seroient inappréciables dans la
musique, des dixiemes, des trentiemes de ton. Il
y a, ajoute - t - il, bien de la différence entre le sensible
& l'appréciable ».
L'accent prosodique differe
de l'accent oratoire, en ce que celui - ci influe moins
sur chaque syllabe d'un mot, par rapport aux autres
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