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Ces abysmes sont la demeure des démons & des impies. Je vis, dit S. Jean dans l'Apocalypse, une étoile qui tomba du ciel, & à qui l'on donna la clef du puits de l'abysme: elle ouvrit le puits de l'abysme, & il en sortit une fumée comme d'une grande fournaise, qui obscurcit le soleil & l'air, & de cette fumée sortirent des sauterelles, qui se repandirent sur toute la terre: elles avoient pour Roi à leur tête l'Ange de l'abysme, qui est nommé Extermin>eur. Et ailleurs, on nous représente la bête qui sort de l'abysme, & qui fait la guerre aux deux témoins de la Divinitê. Enfin l'Ange du Seigneur descend du ciel, ayant en sa main la clef de l'abysme, & tenant une grande chaîne. Il saisit le dragon, l'ancien serpent, qui est le diable & satan, le lie, le jette dans l'abysme pour y demeurer pendant mille ans, ferme sur lui le puits de l'abysme & le scelle, afin qu'il n'en puisse sortir de mille ans, &c. Apoc. IX. 1. 2. XI. 7. XX. 1. 3.
Les fontaines & les rivieres, au sentïment des Hébreux, ont toutes leur source dans l'abysme ou dans la mer: elles en sortent par des canaux invisibles, & s'y rendent par les lits qu'elles se sont formés sur la terre. Au tems du déluge, les abysmes d'embas, ou les eaux de la mer, rompirent leur digue, les fontaines forcerent leurs sources, & se repandirent sur la terre dans le même tems que les cataractes du ciel s'ouvrirent, & inonderent tout le monde. Eccl. I. 7. Genes. VIII. v. II.
L'abysme qui couvroit la terre au commencement du monde, & qui étoit agité par l'Esprit de Dieu, ou par un vent impétueux; cet abysme est ainsi nommé par anticipation, parce qu'il composa dans la suite la mer, & que les eaux de l'abysme en sortirent & se formerent de son écoulement: ou si l'on veut, la terre sortit du milieu de cet abysme, comme une isle qui sort du milieu de la mer, & qui paroit tout d'un coup à nos yeux, après avoir été long - tems cachée sous les eaux. Genes. 1. 2. Dictionn. de la Bibl. de Calmet, tom. I. lettre A. au mot Abysme, pag. 15.
M. Woodward nous a donné des conjectures sur la forme du grand abysme dans son Histoire naturelle de la Terre: il soûtient qu'il y a un grand amas d'eaux renfermées dans les entrailles de la terre, qui forment un vaste globe dans ses parties intérieures ou centrales, & que la surface de cette eau est couverte de couches terrestres: c'est, selon lui, ce que Moyse appelle le grand gouffre, & ce que la plûpart des Auteurs entendent par le grand abysme.
L'existence de cet amas d'eaux dans l'intérieur de
la terre, est confirmée, selon lui, par un grand nombre
d'observations. Voyez
Le même Auteur prétend que l'eau de ce vaste abysme communique avec celle de l'océan, par le moyen de quelques ouvertures qui sont au fond de l'océan: il dit que cet abysme & l'océan ont un centre commun, autour duquel les eaux des deux réservoirs sont placées; de maniere cependant que la surface de l'abysme n'est point de niveau avec celle de l'océan, ni à une aussi grande distance du centre, étant en partie resserrée & comprimée par les couches solides de la terre qui sont dessus. Mais par tout où ces couches sont crevassées, ou si poreuses que l'eau peut les pénétrer, l'eau de l'abysme y monte, elle remplit toutes les fentes & les crevasses où elle peut s'introduire, & elle imbibe tous les interstices & tous les pores de la terre, des pierres, & des autres matieres qui sont autour du globe, jusqu'à ce que cette eau soit montée au niveau de l'océan. Sur quoi tout cela est - il fondé?
Si ce qu'on rapporte dans les Mémoires de l'Aca
démie de 1741, de la fontaine sans fond de Sablé en
Anjou, est entierement vrai, on peut mettre cette
fontaine au rang des abysmes; parce qu'en effet ceux
qui l'ont sondée n'y ont point trouvé de fond; & que
selon la tradition du Pays, plusieurs bestiaux qui y
sont tombés, n'ont jamais été retrouvés. C'est une
espece de gouffre de 20 à 25 piés d'ouverture, situé
au milicu & dans la partie la plus basse d'une lande
de 8 à 9 lieues de circuit, dont les bords élevés en entonnoir,
descendent par une pente insensible jusqu'à
ce gouffre, qui en est comme la citerne. La terre tremble
ordinairement tout autour, sous les piés des hommes
& des animaux qui marchent dans ce bassin. Il y
a de tems en tems des débordemens, qui n'arrivent
pas toûjours après les grandes pluies, & pendant lesquels
il sort de la fontaine une quantité prodigieuse
de poisson, & surtout beaucoup de brochets truités,
d'une espece fort singuliere, & qu'on ne connoît
point dans le reste du Pays. Il n'est pas facile cependant
d'y pêcher, parce que cette terre tremblant> &
qui s'affaisse au bord du gouffre, & quelquefois assez
loin aux environs, en rend l'approche fort dangereuse;
il faut attendre pour cela des années seches,
& où les pluies n'ayent pas ramolli d'avance le terrein
inondé. En général, il y a lieu de croire que tout
ce terrein est comme la voûte d'un lac, qui est au - dessous. L'Académie qui porte par préférence son attention
sur les curiosités naturelles du Royaume, mais
qui veut en même tems que ce soient de vraies curiosités,
a jugé que celle - ci méritoit une plus ample
instruction. Elle avoit chargé M. de Bremond de s'informer
plus particulierement de certains faits, & de
quelques circonstances qui pouvoient plus sûrement
faire juger de la singuiarité de cette fontaine: mais
une longue maladie, & la mort de M. de Bremond
arrivée dans l'interv alle de cette recherche, ayant
arrêté les vastes & utiles projets de cet Académicien, l'Académie n'a pas voulu priver le public de ce
qu'elle savoit déja sur la fontaine de Sablé. (O & G)
Voyez
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