ABSTINENCE, s. f. Plusieurs croient que les
premiers hommes avant le déluge s'abstenoient de
vin & de viande, parce que l'Écriture marque expressément
que Noé après le déluge commença à
planter la vigne, & que Dieu lui permit d'user de
viande, au lieu qu'il n'avoit donné à Adam pour
nourriture que les fruits & les herbes de la terre: mais
le sentiment contraire est soûtenu par quantité d'habiles
Interpretes, qui croient que les hommes d'avant
le déluge ne se refusoient ni les plaisirs de la
bonne chere, ni ceux du vin; & l'Ecriture en deux
mots nous fait assez connoître à quel excès leu> corruption
étoit montée, lorsqu'elle dit que toute chair
avoit corrompu sa voie. Quand Dieu n'auroit pas permis
à Adam ni l'usage de la chair, ni celui du vin,
ses descendans impies se seroient peu mis en peine
de ces défenses. Gen. IX. 20. III. 17. VI. 11. 12
La Loi ordonnoit aux Prêtres de s'abstenir de vin
pendant tout le tems qu'ils étoient occupés au service
du Temple. La même défense étoit faite aux Nazaréens pour tout le tems de leur Nazaréat. Les Juifs
s'abstiennent de plusieurs sortes d'animaux, dont on
trouve le détail dans le Lévitique & le Deutéronome.
Saint Paul dit que les Athletes s'abstiennent de toutes
choses, pour obtenir une couronne corruptible, c'est - à - dire, qu'ils s'abstiennent de tout ce qui peut les affoiblir;
& en écrivant à Timothée, il blâme certains
hérétiques qui condamnoient le mariage & l'usage
des viandes queDieu a créées. Entre les premiers
Chrétiens, les uns observoient l'abstinence des viandes
défendues par la Loi, & des chairs immolées aux
Idoles; d'autres méprisoient ces observances comme
inutiles, & usoient de la liberté que Jesus - Christ a
procurée à ses Fideles. Saint Paul a donné sur cela
des regles très - sages, qui sont rapportées dans les
Épîtres aux Corinthiens & aux Romains. Levit. X. 9.
Num. VI. 3. 1. Cor. IX. 25. Tim. 1. c. IV. 3. 1. cor.
VIII. 7. 10. Rom. XIV. 23.
Le Concile de Jérusalem tenu par les Apôtres, ordonne
aux Fideles convertis du paganisme de s'abstenir
du sang des viandes suffoquées, de la fornication,
& de l'idolatrie. Act. XV. 20.
Saint Paul veut que les Fideles s'abstiennent de
tout ce qui a même l'apparence du mal, ab omni specie
malâ abstinete vos, & à plus forte raison de tout ce
qui est réellement mauvais & contraire à la religion
& à la piété. Thessal. v. 21. Calmet. Dictionn. de la
Bibl. Lettre A. tom. I. pag. 32. (G)
Abstinence
Abstinence, s. f. Orphée, après avoir adouci
les moeurs des hommes, établit une sorte de vie qu'on
nomma depuis Orphique; & une des pratiques des
hommes qui embrassoient cet état, étoit de ne point
manger de la chair des animaux. Il est plausible de
dire qu'Orphée ayant rendu sensibles aux Lois de la
société les premiers hommes qui étoient Antropophages:
Silvestres homines sacer Interpresque Deorum,
Coedibus & foedo victu deterruit Orpheus. Horat.
il leur avoit imposé la loi de ne plus manger de viande
du tout, & cela sans doute pour les éloigner entierement
de leur premiere férocité; que cette pratique
ayant ensuite été adoptée par des personnes
qui vouloient embrasser une vie plus parfaite que les
autres, il y eut parmi les Payens une sorte de vie qui
s'appella pour lors vie Orphique, *O'RFIKO'> BI'O>, dont
Platon parle dans l'Épinomis, & au sixieme Livre de
ses Lois. Les Phéniciens & les Assyriens voisins des
Juifs avoient leurs jeûnes sacrés. Les Égyptiens, dit
Hérodote, sacrifient une vache à Isis, après s'y être
préparés par des jeûnes; & ailleurs il attribue la
même coûtume aux femmes de Cyrene. Chez les
Athéniens, les fêtes d'Eleusine & des Tesmophores étoient accompagnées de jeûnes rigoureux, surtout
entre les femmes qui passoient un jour entier
assises à terre dans un équipage lugubre, & sans
prendre aucune nourriture. A Rome il y avoit des
jeûnes réglés en l'honneur de Jupiter, & les Historiens font mention de ceux de Jules César, d'Auguste, de Vespasien, de Marc Aurele, &c. Les Athletes en particulier en pratiquoient d'étonnans: nous
en parlerons ailleurs. Voyez Athletes. (G)
Abstinence
* Abstinence des Pythagoriciens. Les Pythagoriciens ne mangeoient ni chair, ni poisson, du
moins ceux d'entr'eux qui faisoient profession d'une
grande perfection, & qui se piquoient d'avoir atteint
le dernier degré de la théorie de leur Maître.
Cette abstinence de tout ce qui avoit eu vie étoit
une suite de la métempsycose: mais d'où venoit à
Pythagore l'aversion qu'il avoit pour un grand nombre
d'autres alimens, pour les féves, pour la mauve,
pour le vin, &c. On peut lui passer l'abstinence
des oeufs; il en devoit un jour éclorre des poulets:
où avoit - il imaginé que la mauve étoit une herbe
sacrée, folium sanctissimum? Ceux à qui l'honneur
de Pythagore est à coeur, expliquent toutes ces choses;
ils démontrent que Pythagore avoit grande raison
de manger des choux, & de s'abstenir des féves.
Mais n'en déplaise à Laerte, à Eustathe, à AElien,
à Jamblique, à Athenée, &c. On n'apperçoit dans
toute cette partie de sa Philosophie que de la superstition
ou de l'ignorance: de la superstition, s'il pensoit
que la féve étoit protégée des Dieux; de l'ignorance,
s'il croyoit que la mauve avoit quelque qualité
contraire à la santé. Il ne faut pas pour cela en
faire moins de cas de Pythagore: son système de la
métempsycose ne peut être méprisé qu'à tort par
ceux qui n'ont pas assez de Philosophie pour connoître
les raisons qui le lui avoient suggéré, ou qu'à
juste titre par les Chrétiens à qui Dieu a révélé
l'immortalité de l'ame, & notre existence future dans
une autre vie.
Abstinence
Abstinence en Médecine a un sens très - étendu.
On entend par ce mot la privation des alimens
trop succulens. On dit communément qu'un malade
est réduit à l'abstinence, quand il ne prend que du
bouillon, de la tisane, & des remedes appropriés
à sa maladie. Quoique l'abstinence ne suffise pas pour
guérir les maladies, elle est d'un grand secours pour
aider l'action des remedes. L'abstinence est un préservatif
contre beaucoup de maladies, & surtout contre
celles que produit la gourmandise.
On doit régler la quantité des alimens que l'on
prend sur la déperdition de substance qu'occasionne
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