ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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La divination regarde le présent & le passé; la prophétie a pour objet l'avenir.

Un homme bien instruit, & qui connoît le rapport que les moindres signes extérieurs ont avec les mouvemens de l'ame, passe facilement dans le monde pour devin. Un homme sage qui voit les conséquences dans leurs principes, & les effets dans leurs causes, peut se faire regarder du peuple comme un prophete. Traité des synon. (D. J.)

Prophete (Page 13:462)

Prophete, (Antiq. grecq.) PROFH/THS2; c'étoit un ministre chargé d'interpréter, & principalement de rédiger par écrit les oracles des dieux. Les prophetes les plus célebres étoient ceux de Delphes. On les élisoit au sort, & cette dignité étoit affectée aux principaux habitans de la ville. On leur adressoit les demandes que l'on vouloit faire au dieu; ils conduisoient la pythie au trépié, recevoient la réponse, l'arrangeoient pour la faire mettre en vers par les poëtes. Des marbres de Milet prouvent qu'un prophete étoit attaché au temple d'Apollon Didymien. Nous voyons par une inscription, qu'il y avoit à Rome un prophete du temple de Sérapis. Calcédoine avoit aussi un prophete attaché à un temple de la ville; il recevoit les oracles des dieux. (D. J.)

Prophete, faux (Page 13:462)

Prophete, faux, (Critique sacrèe.) Un faux prophete dans l'Ecriture, est quelquefois appelle prophete abusivement, Deuteronome, xiij. 1. Moise donne aux Israélites un moyen de distinguer les prédicateurs du mensonge; un tel homme, leur dit - il, ne mérite jamais que vous l'écoutiez, s'il entreprend de vous détourner du culte du vrai Dieu, & vous porter à l'idolâtrie. Ces prédicateurs du mensonge, esclaves d'un vil intérêt, n'avoient que des paroles de flatterie & de complaisance pour les grands. Ezéchiel, c. xiij. v. 18. s'éleve contre eux en termes pleins de force, & qui forment un tableau. « Malheur à vous, leur dit - il, qui préparez des coussinets pour les mettre sous les coudes; qui faites des oreillers pour en appuyer des personnes de tout âge, dans le dessein de gagner les coeurs; & qui apres avoir trompé les ames de mon peuple, leur assurez qu'elles sont vivantes ». (D. J.)

Prophetes de Baal (Page 13:462)

Prophetes de Baal, (Critique sacrée.) c'est ainsi que l'Ecriture nomme les prêtres attachés à Baal, divinité que l'on croit être le soleil.

Achab, roi d'Israël, établit dans ses états le culte de Baal, à la sollicitation de Jezabel qu'il avoit épousée. Il ne prciettoit rien de considerable sans l'aveu de ces prêtres; & c'étoit une coutume généralement répandue dans tout l'orient, de n'entreprendre aucune affaire importante, guerre ou alliance, sans avoir consulté les devins; politique propre à tenir les peuples dans le respect, & à inspirer au soldat plus de courage. Les Grecs & les Romains adopterent cette politique; & c'est par - là que les augures répandoient la terreur dans les esprits, ou les remplissoient d'espérance.

Quinte - Curse dit finement que rien n'est si puissant que la superstition, pour tenir en bride une populace. Quelque inconstante & furieuse qu'elle soit, quand elle a une fois l'esprit frappé d'une vaine image de religion, elle obéit bien mieux à des devins qu'à des chefs. Nulla res efficaciùs multitudinem regit, quàm superstitio; alioquin impotens, soeva, mutabilis, ubi vanâ religione capta est, melius vatibus quam ducibus suis paret. l. IV. c. x.

Achab voulant déclarer la guerre à Benhadad, roi de Syrie, sollicita Josaphat de se liguer avec lui: le roi de Juda y consentit, mais il souhaita que l'on consultât Dieu sur le succès de l'entreprise, indépendamment des quatre cens prophetes de Baal, qui tous annonçoient une heureuse réussite. Michée ayant été consulté, promit d'abord un succès favorable; mais Achab l'ayant sommé de dire exactement la vérité, il lui répondit qu'il avoit vu tout Israël épars sur les montagnes, comme un troupeau de brebis qui n'a point de pasteur, & que Dieu avoit permis à un esprit de mensonge d'entrer dans les prophetes de Baal. I. Rois, c. xxij. 23.

Ce passage de l'Ecriture que nos versions traduisent, l'éternel a mis un esprit mensonger en la bouche de tous ces prophetes qui sont à toi; ce passage, dis - je, embarrasse fort les critiques, parce qu'il répugne aux idées que l'on doit avoir de la divinité. M. Leclerc traduit le passage de cette maniere: nunc autem Jehova passus est esse spiritum mendacii in ore istorum omnium prophetarum. « Dieu a permis qu'un esprit de mensonge soit dans la bouche de tous ces prophetes ». Et il prouve dans divers passages de l'Ecriture, & particulierement par Genèse xx. 6. Exod. xij. 23. & Pseaume xvj. 10. que le terme hébreu nathan signifie très - souvent permettre qu'une chose arrive ou se fasse.

Le même critique observe que pour prévenir les fâcheuses conséquences que l'on pourroit tirer de cette histoire, il faut d'abord faire cette réflexion: c'est que le discours de Michée ne doit pas se prendre à la rigueur & dans un sens absolument littéral; qu'il ne s'agit que d'une vision symbolique, dans laquelle Dieu lui avoit fait voir comment un si grand nombre de prophetes prophétisoient faussement, parce qu'ils étoient animés, non de l'esprit de vérité, mais par une basse flaterie. Ainsi l'on ne doit pas plus presser les circonstances de cette vision, que celles d'une parabole, dans laquelle on ne fait attention qu'au but de celui qui parle.

Deux raisons principales appuient cette explication; la premiere est que Dieu est représenté réglant & dirigeant ce qui regardoit le peuple juif, non de la maniere qu'il le faisoit réellement, mais à la maniere des hommes, & selon l'usage ordinaire des rois de la terre. On voit Dieu assis sur son trône, environné de bons & de mauvais anges, qu'il consulte sur les moyens d'inspirer à Achab le dessein d'aller à Ramoth de Galaad. On propose divers expédiens que Dieu desapprouve. Enfin un esprit mensonger se présente & offre son secours; on l'accepte, parce que c'étoit le moyen le plus sûr de faire réussir le dessein projetté. Pour peu qu'on ait de justes idées de la Providence, il n'y a personne qui s'imagine que Dieu gouverne le monde de cette maniere.

La seconde raison qui prouve que ce n'étoit là qu'une vision symbolique, est prise de la nature même de la chose. La véracité & la sainteté de Dieu ne permettent pas qu'il envoie dans les prophetes un esprit de mensonge auquel ils ne puissent résister: puisqu'il s'ensuivroit de là que Dieu lui - même seroit l'auteur du mensonge, & que les hommes ne seroient en aucune façon criminels ou blâmables; & si les prophetes dont il s'agit n'étoient pas en état de distinguer entre l'inspiration divine & celle du démon, ils n'étoient nullement coupables.

Ajoutez à cela que si l'on suppose qu'il soit jamais arrivé que les prophetes du vrai Dieu, parlant sincerement & se croyant divinement inspirés, ont cependant été séduits par l'esprit de mensonge; cela ne pouvoit qu'affoiblir l'autorité de la prophétie, & la décréditer, tant dans l'esprit des prophetes eux - mêmes, desormais hors d'état de distinguer une véritable inspiration d'avec une une fausse; que dans l'esprit du peuple, convaincu par expérience que les vrais prophetes, aussi - bien que les imposteurs, pouvoient se tromper dans leurs prédictions, & se croire inspirés tandis qu'ils ne l'étoient réellement point. Quiconque, dit M. le Clerc, pesera ces raisons & d'autres que l'on pourroit alléguer, ne pourra s'empêcher de conclure que cette vision n'est nullement un récit de ce qui s'étoit passé réellement dans le ciel. [p. 463]

Le P. Calmet penche pour le sentiment de M. le Clerc; il remarque que Dieu, dans ses révélations au genre humain, s'accommode à notre portée, & souvent même à nos préjugés. Les Juifs se représentoient Dieu dans le ciel, tel qu'un roi dans son royaume; les bons & les mauvais esprits, comme les exécuteurs & les instrumens de ses desseins, les uns à sa droite & les autres à sa gauche; & comme les princes de la terre n'entreprennent guere rien qui soit de conséquence, sans l'avis de leur conseil, Dieu est représenté délibérant de la même maniere sur le sujet d'Achab. Tout cela ne peut se prendre au pié de la lettre; Dieu ne consulte aucun ange pour exécuter ses volontés. Qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? On sait aussi que les mauvais anges ne se trouvent pas devant le Seigneur & à la gauche de son trône dans le ciel. L'écriture de l'ancien & du nouveau Testament nous apprend qu'ils sont tombés du ciel & détenus dans des chaines d'obscurité. Isaïe, xl. 12. Cependant puisque Job nous représente les mauvais anges devant le Seigneur, à - peu - près comme fait ici Michée, nous en devons conclure que telle étoit l'idée de le concevoir parmi les Hébreux & parmi les autres peuples qui n'étoient point plongés dans l'idolatrie.

Il faut enfin remarquer que les termes de l'Ecriture n'emportent pas un commandement direct ou une approbation, mais une simple permission; c'est - à - dire, que Dieu n'empêcha point l'esprit malin de séduire les prophetes. Il permit, sans aucune approbation de sa part, que toutes ces circonstances contribuassent à avancer l'accomplissement de ses desseins. C'est ainsi que J. C. disoit à Judas: ce que tu fais fais - le bientôt, Jean, xiij. 27. quoique le Sauveur fût bien éloigné le lui commander ou d'approuver ce qu'il avoit dessein de faire. C'est encore ainsi que Dieu disoit à Isaïe, c. vj. 10. Engraisse le coeur de ce peuple, rend ses oreilles pesantes, & bouche ses yeux; paroles qui n'étoient qu'une prophétie de ce qui devoit arriver. (D. J.)

PROPHÉTIE (Page 13:463)

PROPHÉTIE, prophetia, se dit en général de toute prédiction faite par l'inspiration divine. Voyez Inspiration.

Mais pour en donner une idée plus ju'te, il est à propos d'observer, 1°. que la prophétie n'est point la prévoyance de quelques effets naturels & physiques, suites infaillibles de la communication des différens mouvemens de la matiere. Un astronome prédit les éclipses, un pilote prévoit les tempêtes; & ni l'un ni l'autre ne sont pour cela prophetes. 2°. Que la prophétie n'est pas non plus la prévoyance de quelque suite d'événemens, établie sur certains signes extérieurs en conséquence de plusieurs expériences où ces mêmes signes ont été succédés d'évenemens pareils: les décisions des médecins sont de ce genre, & ne passent pas pour des prophéties. 3°. La prophétie n'est pas le présage de quelques révolutions dans les affaires, soit publiques, soit particulieres, quand on a pour motif la détermination, la connoissance du coeur humain, ou du jeu des passions, qui engagent presque toujours les hommes dans les mêmes démarches. La politique & la réflexion suffisent pour prévenir de pareils événemens.

La prophétie est donc la connoissance de l'avenir impénétrable à l'esprit humain; ou pour mieux dire, c'est la connoissance infaillible des événemens futurs, libres, casuels, où l'esprit ne découvre ni détermination antérieure, ni disposition préliminaire. On peut encore la définir la prédiction certaine d'une chose suture & contingente, & qui n'a pu être prévue par aucun moyen naturel.

Dieu seul a par lui - même la connoissance de l'avenir; mais il peut la communiquer aux hommes, & leur ordonner d'annoncer aux autres les vérités qu'il leur a manifestées: or, c'est ce qu'il a fait, & delà les prophéties qui sont contenues dans l'anc en Testament.

Quelques auteurs ont pensé que la divination étant un art enseigné méthodiquement dans les écoles romaines, les Juifs avoient pareillement des colléges & des écoles où l'on apprenoit à prophétiser. Dodwel ajoute que dans ces écoles on apprenoit les regles de la divination, & que le don de prophétie n'étoit pas une chose occasionnelle, mais une chose de sair & assurée; & quelques autres ont osé avancer qu'il y avoit dans l'ancien Testament un ordre de prophetes à - peu - près semblable aux colléges des augures chez les payens.

Il est vrai qu'on trouve dans l'Ecriture ces communautés des prophetes & des enfans des prophetes établies; mais où trouve - t - on qu'on y enseignât l'art de prophétifer? quelles en étoient les regles? Tous les sectateurs des prophetes étoient - ils prophetes eux - mêmes? Enfin ne voit - on pas dans tous les prophetes un choix particulier de Dieu sur eux, une vocation spéciale, des inspirations particulieres marquées par ces paroles, factum est verbum Domini ad N? Enfin, entre les impostures, les conjectures des devins du paganisme, & le ton sérieux & affirmatif des prophetes de l'ancienne loi, il y a une différence palpable.

On ajoute qu'il y avoit parmi les Juifs un grand nombre de prophetes, qui non - seulement parloient sur la religion & le gouvernement, mais encore qui faisoient profession de dire la bonne avanture, & de faire retrouver les choses perdues; mais ces deux especes de prophetes étoient fort différens. Les devins, les imposteurs & les charlatans, sont condamnés par la loi de Moïse: les vrais prophetes démasquoient leurs fourberies; les princes impies avoient beau les tolérer & les favoriser, tôt ou tard on découvroit la fausseté de leurs prédictions; au lieu que celles des vrais prophetes étoient confirmées ou surle - champ par des miracles éclatans, ou peu après par l'infaillibilité de l'évenement.

L'accomplissement des prophéties de l'ancien Testament dans la personne de Jesus - Christ, est une des preuves les plus fortes que les Chrétiens emploient pour démontrer la vérité de la religion, contre les Juifs & les Payens: on y oppose diverses difficultés, mais qui ne demeurent pas sans replique.

Ainsi l'on objecte que souvent les textes de l'ancien Testament cités dans le nouveau, ne se trouvent point dans l'ancien; que souvent aussi le sens littéral du nouveau Testament ne paroît pas le même que celui de l'ancien: ce qui a obligé quelques critiques & théologiens à avoir recours à un sens mystique & allégorique pour adapter ces prophéties à Jesus - Christ. Par exemple, quand saint Matthieu, après avoir rapporté la conception & la naissance de Jesus - Christ, dit: « Tout cela arriva, afin que fût accompli ce qui avoit été dit par le seigneur par la bouche de son prophete, disant, ecce virgo concipiet & pariet filium, & vocabitur nomen ejus Emmanuel». Or, ajoutet - on, ces paroles telles qu'elles se trouvent dans Isaïe, prises dans leur sens littéral & ordinaire, regardent une jeune femme épouse du prophere, qui accoucha d'un fils au tems d'Achaz, & ne peuvent s'appliquer à Jesus - Christ que dans un sens allégorique: c'est le sentiment de Grotius, de Castalion, de Courcelles, d'Episcopius, & de M. Leclerc.

Nous voulons bien ne pas tirer avantage contre ces auteurs, de ce qu'ils sont tous suspects de socinianisme ou d'arianisme; & s'il s'agissoit de décider la chose par autorité, nous leur opposerions une foule de peres, d'interpretes, de théologiens, soit catholiques, soit protestans, qui ont entendu ce passage d'lsaïe à la lettre de Jesus - Christ. Mais il s'agit, pour l'instruction du lecteur, de montrer que c'est de Je<pb->

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