ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"460"> logie, il vient du verbe grec FHMI, qui signifie parler, & de la préposition PRO\, qui quelquefois signifie auparavant, & quelquefois en présence; car l'on dit, PRO\ TD= XROND, avant le tems, W=RO/ TD BASILEW, en présence du roi: ainsi la prophétie sera, selon la force du mot, ou une prédiction, qui est une parole annoncée avant le tems de son accomplissement, ou une prédication, qui est une parole prononcée en présence du peuple.

Si l'on remonte à l'hébreu, le mot nabi qui répond à celui de prophete, peut avoir deux racines, & parlà deux significations différentes. Rabbi Salomon, en expliquant le chapitre vij. de l'Exode, le fait descendre de la racine noub, qui signifie proprement germer ou produire des fruits en abondance, & par métaphore, parler éloquemment; de sorte que selon cette racine, un prophete sera un prédicateur ou un orateur, & la prophétie sera un discours public composé avec art. Mais Aben Esra tire l'étymologie de ce mot de la racine naba ou niba, qui signifie prophétiser ou découvrir les choses cachées & futures. Pour réfuter Rabbi Salomon, il se sert d'une regle de grammaire, selon laquelle il prétend que la lettre N qui se trouve dans le mot nabi est radicale, ce qui ne seroit pas ainsi si ce mot venoit de noub.

Quoi qu'il en soit de toutes ces différentes étymologies, voici les divers sens qu'on a donnés aux mots de prophete & de prophétie, & toutes les significations que l'Ecriture - sainte & les auteurs y ont attachées dans les lieux où ils les ont employés.

Premierement, dans un sens étendu & général, prophete signifie une personne spécialement éclairée, qui a des connoissances que les autres n'ont point, soit que ces connoissances soient divines ou purement humaines. De - là vient que Balaam, dans les Nombres selon l'édition des Septante, commence sa prophétie par ces paroles: voici ce que dit l'homme qui a l'oeil ouvert & qui est éclairé de la vision du Toutpuissant; & que, selon la remarque de l'auteur du premier livre des Rois, chap. ix. v. 9. on nommoit autrefois en Israël voyans ceux qu'on nomma dans la suite prophetes. Samuel étoit appellé voyant. C'est apparemment en ce sens que saint Paul, dans sa premiere lettre aux Corinthiens, prend le mot de prophétie, qu'il dit être un don de Dieu préférable au don des langues; car il parle là des connoissances spéciales que Dieu donnoit à certaines personnes, pour l'instruction & pour l'édification des autres, soit en leur révélant le secret des coeurs & de la morale, soit en leur découvrant le vrai sens des Ecritures: delà vient qu'au chap. xiv. il veut que ces prophetes parlent dans l'Eglise tour - à - tour préférablement aux autres, sur - tout à ceux qui n'avoient que le don des langues étrangeres, les langues ne signifiant rien d'elles - mêmes si elles ne sont interpretées, au - lieu que la prophétie, dit - il, sert à l'instruction & à la consolation des fideles, ZHLD=TE DE/ TA W=NEUMATIKA MA=LLON DE/ I)/NA PRWFHTEU/NTE.... O LALW=N LLWSSH E(AWT O)IKODOMEI= O( DE\ PROFHTEU/WN E)KKLHSIAN W)IKODOMEI=. Le mot de prophete a le même sens dans la bouche de Notre - Seigneur, lorsqu'il dit qu'aucun prophete n'est privé d'honneur excepté dans sa patrie; car prophete dans cet endroit signifie un homme distingué du reste du peuple par sa science & par ses lumieres, d'où est venu le proverbe commun, nul prophete en son pays; c'est - à - dire que personne ne passe chez soi pour plus habile que les autres, ou dans un autre sens, qu'il faut pour acquérir des connoissances particulieres & supérieures, sortir de sa patrie & voir d'autres pays que le sien.

Secondement, le mot de prophétie se prend pour une connoissance surnaturelle des choses cachées, quoique présentes ou passées. Dans ce sens Samuel prophétisa à Saül, que les ânesses qu'il cherchoit avoient été retrouvées; & les soldats disoient à J. C. en le maltraitant dans la salle de Pilate, de prophé<cb-> tiser celui qui l'avoit frappé, PROFH/TEUSOU H(MI=N XRISTE\ TI\S2 E\STIN O/ PAI/SAS2 SE.

Troisiemement, on entend par prophete un homme qui ne parle pas de lui - même & de son propre mouvement, mais que Dieu fait parler, soit qu'il sache que ce qu'il dit vient de Dieu, ou qu'il l'ignore. C'est en ce sens que l'évangéliste dit de Caïfe, qu'étant pontife cette année, il prophétisa, en disant à l'occasion de Jesus - Christ, qu'il étoit expédient qu'un homme mourût pour le peuple, TD=TO DE/ A)F)E)AUTD= D)K E)IPEN, dit saint Jean, chap xj. v. 51. A)LLA( A)RXIEREU/S2 W)/N TD= E)NIAUTD= EKEI/ND PROFH/TEUSEN O/TN E(MELLEN O( *IHSDS2 A)W=OQUH\SKEIN U(PES2 TOU E)QNOUS2. En ce même sens Josephe met les auteurs des treize premiers livres de l'Ecriture au rang des prophetes, quoique plusieurs de ces livres ne nous révélent point des choses cachées ou futures. Ainsi quand il dit que ces livres ont été écrits par des prophetes, il entend & veut dire par des hommes que Dieu inspiroit; afin de les distinguer des autres livres qui contiennent l'histoire des tems qui ont suivi Artaxerxes, & dont on ne regardoit pas les auteurs comme inspirés de Dieu, mais seulement comme des écrivains ordinaires qui avoient écrit & travaillé de leur propre fond, & selon les lumieres humaines.

Quatriemement, un prophete est celui qui porte la parole au nom d'un autre; ainsi Moïse s'excusant dans l'Exode, & voulant se dispenser de parler à Pharaon sur ce qu'il n'avoit pas la parole libre, Dieu lui dit que son frere Aaron seroit son prophete, c'est - à - dire qu'il parleroit pour lui & de sa part au roi d'Egypte. Aaron frater tuus, erit propheta tuus, tu loqueris & omnia quoe mando tibi, & ille loquetur ad Pharaonem, chap. vij. Jesus - Christ & saint Etienne le prennent au même sens, lorsqu'ils reprochent aux Juifs d'avoir persécuté tous les prophetes depuis Abel jusqu'à Zacharie, car ils entendent par - là tous les justes qui avoient annoncé à ce peuple la vérité de la part de Dieu; & la fonction des anciens prophetes n'étoit pas seulement de prédire l'avenir, il étoit encore de leur charge & de leur devoir de parler au peuple & aux princes de la part de Dieu sur les choses présentes, de les reprendre de leurs crimes, de les instruire de ses volontés, & de porter ses ordres.

Natan exerça la charge & remplit la fonction de prophete lorsqu'il reprit David de l'enlevement de Bertzabée & de l'homicide d'Urie. Samuel fit les mêmes fonctions lorsqu'il oignit rois d'Israël Saül & David: nous voyons aussi dans l'Ecriture qu'ils étoient envoyés de Dieu, & qu'ils avoient ordre de parler en son nom. C'est en ce sens que Moïse, Heli, Henoc, & saint Jean - Baptiste sont appellés prophetes, & c'est peut - être par cette même raison que chez les anciens les prêtres qui présidoient aux sacrifices & dans les temples étoient nommés prophetes; & ce nom étoit également donné à ceux qui interprétoient les oracles des dieux, comme nous l'apprenons de Festus Pompéius, dans son livre de verborum significatione, où il cite pour cela deux vers d'un poëte latin nommé Caius Coesar, & dont les tragédies ont été attribuées à Jules César, ces vers sont tirés de la tragédie d'Adraste; les voici:

Cum capita viridi lauro velare imperant Prophetae, sancta castè qui parant sacra. Ces prêtres & ces interpretes avoient soin d'expliquer la volonté des dieux & de parler de leur part aux hommes. C'est encore par cette raison qu'il est dit en quelques endroits de l'Ecriture, que les faux prophetes parloient d'eux - mêmes & sans mission, aulieu de parler au nom de Dleu, prophétisant de ore suo. Notre - Seigneur prend ce terme dans le même sens, lorsqu'il nous dit de nous défier des faux prophetes, attendite à falsis prophetis, qui couverts de [p. 461] la peau de brebis se disent être envoyés de Dieu, & ne sont pourtant que les émissaires du diable; c'est enfin selon ce sens que saint Augustin (quest. xix. in Exod.) définit un prophete en disant que c est un homme qui porte la parole de Dieu aux hommes, qui ne peuvent ou ne méritent pas de l'entendre par eux - mêmes: annunciatorem verborum Dei hominibus, qui vel non possunt vel non merentur Deum audire.

Cinquiemement, les Poëtes & les Chantres ont été appellés prophetes, & vates en latin signifie quelquefois un devin & quelquefois un poete. Ce nom ne leur a peut - être été donné qu'à cause de l'enthousiasme poétique, qui élevant leurs discours au - dessus du langage ordinaire, & les faisant sortir d'un caractere modéré, les rend semblables à des hommes inspirés; c'est pourquoi la Poésie est nommée le langage des dieux, & les Poëtes ont grand soin de faire entendre que leur style est au - dessus de celui des mortels, en commençant leurs ouvrages par l'invocation des dieux, des Muses, & d'Apollon qu'ils reclament & appellent sans cesse à leur secours; coutume dont Tite - Live semble un peut se railler au commencement de son histoire, lorsqu'il dit qu'il chercheroit dans l'invocation des dieux un secours favorable à un aussi grand ouvrage qu'est celui d'une histoire romaine, si l'usage l'avoit également autorisé parmi les Historiens comme parmi les Poëtes, si ut Poëtis nobis quoque mos esset. Cette coutume n'avoit point passé jusque dans l'Histoire, dont la gravité ne sauroit admettre le faste dans le style non - plus que le faux dans les faits. Ces épithetes exagérées de prophetes, de devins, & de sacrés ont été & seront toujours apparamment l'apanage de la fiction & de l'enthousiasme; de - là vient qu'Horace se nomme dans une de ses odes le prêtre des Muses; odi prosanum vulgus & arceo (dit - il) favete linguis, carmina non prius audita, Musarum sacerdos, virginibus puerisque canto. C'est peut - être en ce sens que saint Paul, dans son épître à Tite, donne à Epiménide le nom de prophete, proprius eorum propheta, dit - il, parce que c'étoit un poëte crétois. Il est dit en ce même sens de Saül, qu'il prophétisa avec une troupe de prophetes qu'il rencontra en son chemin, ayant à leur tête plusieurs instrumens de musique, & chantant des vers & des hymnes qu'ils avoient composés ou qu'ils composoient sur - le - champ. En ce sens David, Asaph, Heman, Idithun étoient des prophetes, parce qu'ils composoient & chantoient des pseaumes: & Conenias est nommé dans les Paralippomenes, le prince & le chef de la prophétie parmi les chantres, princeps prophetioe inter cantores. Dans le même livre, chap. xxv. il est dit des chantres que David avoit établis pour chanter dans le temple, qu'ils prophétisoient sur la guitare, sur le psalterium, & sur les autres anciens instrumens de musique, prophetantes juxta regem.... qui prophetarent in cytaris & psalteriis, & cymbalis.

Sixiemement, le mot de prophétie a été appliqué, quoiqu'assez rarement, à ce qui étoit éclatant & merveilleux; c'est pourquoi l'Ecclésiastique dit au chap. lxviij. que le corps d'Elisée prophétisa après sa mort, & mortuum prophetavit corpus ejus, parce que son attouchement ressuscita un mort qu'on enterroit auprès de lui. Et les Juifs voyant les miracles que faisoit Jesus - Christ, disoient, qu'il n'avoit jamais paru parmi eux un semblable prophete, c'est - à - dire un homme dont les actions & les paroles eussent tant de brillant & tant de merveilleux.

En septieme lieu, on a quelquefois donné le nom de prophétie à un juste discernement & à une sage prévoyance, qui font qu'on pense d'une maniere judicieuse sur les choses à venir comme sur les présentes; alors pour être prophete il ne faut que de la science, de l'expérience, de la réflexion, de l'étendue & de la droiture d'esprit. C'est par cette raison qu'il est dit dans les Proverb. que la bouche du roi n'erre point dans les jugemens qu'elle prononce, & que ses levres annoncent l'avenir, divinatio in labiis regis, & in judicio non errabit os ejus, ou, dans un sens d'instruction & de commandement, que les rois doivent prévoir les événemens, & que leurs arrêts doivent toujours être dictés par la justice. Ce talent de prévoyance fit passer pour prophete Thalès milésien, parce qu'il sut prévoir, ou du - moins conjecturer, par les connoissances qu'il avoit de la physique, l'abondance d'huile qu'il dut y avoir une année dans son pays. Euripide a un beau vers sur cette sorte de prophétie, cité par M. Huet: le voici.

MANTIS2 D) ARISTOS2 O)STIS2 E)\IKAZEI KALWS2.

« Un excellent prophete est celui qui conjecture sagement. » Le poëte Ménandre dit aussi que plus on a d'étendue d'esprit, plus grand prophete on est O/ NOUN PLE=ISTON E)XWN, MANTIS2 PLE\IS2TON. Par cette raison le poëte Epiménide passoit pour prophete, car Aristote dit de lui qu'il découvroit les choses inconnues: & Diogene Laerce, dans la vie qu'il en a donnée, dit qu'il devinoit les choses futures; qu'il prédit le succès de la guerre que les Arcadiens & les Lacedémoniens commençoient entre eux, & qu'il prévit les malheurs que causeroit un jour aux Athéniens le port qu'ils avoient fait construire; il leur dit que s'ils le connoissoient, ils le renverseroient plutôt avec les dents que de le laisser sur pié. C'est sans doute pour cela que saint Paul ne fait point difficulté de l'appeller prophete, mais un prophete par sagesse humaine, tel qu'il pouvoit y en avoir chez les Crétois, proprius ipsorum propheta. Il approuve & confirme la justesse du discernement de ce poëte, lorsqu'il dit à Tite que le témoignage qu'il a rendu des Crétois est véritable. Ce témoignage ne leur fait pas honneur, car ils dit d'eux qu'ils sont toujours menteurs, méchantes bêtes, & grands paresseux, AEI YEUDOI, KAKA QHRIA, GAS2TE/<-> RES2 ARGAI; il étoit cependant très - estimé des Crétois & de tous les Grecs; ils le consultoient comme un oracle dans les affaires & dans les accidens publics.

Huitiemement, enfin le nom de prophétie signifie, dans un sens plus propre & plus resserré, la prédiction certaine des choses futures, à la connoissance desquelles la science ni la sagesse humaine ne sauroit atteindre; comme lorsque Notre - Seigneur dit qu'il faut que tout ce qui est contenu dans les prophéties soit accompli. Cette sorte de prophétie est le caractere de la divinité; de - là vient qu'ileli insulte les faux dieux & leurs prêtres idolâtres, en leur reprochant l'impuissance où ils sont de prédire l'avenir; nunciate, dit - il, quoe ventura sunt, & sciemus quia dii estis vos, « prédisez - nous ce qui doit arriver & nous reconnoîtrons en vous la divinité ». C'est en ce sens que la définit M. Huet au commencement de sa démonstration évangélique, & c'est aussi presque le seul sens dans lequel on se sert aujourd'hui du mot de prophétie.

Prophetes (Page 13:461)

Prophetes, s. m. (Hist. ecclés.) secte d'hérétiques que l'on nomme en Hollande prophétantes. Ils s'assemblent de toute la province à Varmont, près de Leyde, les premiers dimanches de chaque mois, & vaquent tout le jour à la lecture de la sainte - Ecriture, proposant chacun leurs difficultés, & usant de la liberté de prophétiser, ou plûtôt de raisonner sur l'Evangile. D'ailleurs ils se piquent d'être honnêtes gens, & ne different des remontrans qu'en une plus étroite discipline sur le fait de la guerre, qu'ils condamnent sans aucune exception. La plûpart d'eux s'appliquent à étudier le grec & l'hébreu. Sorberiana.

Prophete, Devin (Page 13:461)

Prophete, Devin, (Synon.) Le devin découvre ce qui est caché; le prophete prédit ce qui doit arriver.

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