ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"452"> turel de la suivre par - tout puisqu'on la connoissoit: la seconde raison, c'est que la syntaxe réguliere est usitée encore aujourd'hui dans bien des patois, & spécialement dans ceux des évêchés & de la Lorraine, où l'on dit effectivement écoute - me, suivez - me; or il est certain que les usages modernes des patois sont les usages anciens de la langue nationale, comme les différences des patois viennent de celles des causes qui ont amené les différentes métamorphoses du langage national.

On pourroit objecter que j'ai mis un peu d'arbitraire dans la maniere dont j'ai suppléé les ellipses, sur - tout dans le second & le troisieme exemple, où il a fallu mettre moi dans la dépendance d'une préposition. Je réponds qu'il est nécessaire de suppléer les ellipses un peu arbitrairement, sur - tout quand il est question de suppléer des phrases un peu considérables; on a rempli sa tâche, qu nd on a suivi le sens général, & que ce que l'on a introduit n'y est point contraire, ou ne s'en éloigne point.

Mais, peut - on dire, pourquoi s'écarter de la méthode des Grammairiens, dont aucun n'a vu l'ellipse dans ces exemples? & pourquoi ne pas dire avec tous, que quand on dit, par exemple, & moi, je soutiens, ce moi est un mot redondant, au nominatif & en concordance de cas avec je? C'est qu'une redondance de cette espece me paroît une pure périssologie, si elle ne fait rien au sens; si elle y fait, ce n'est plus une redondance, le moi est nécessaire; & s'il est nécessaire, il est soumis aux lois de la syntaxe. Or on ne peut pas dire que moi, dans la phrase en question, soit nécessaire à l'intégrité grammaticale de la proposition, je soutiens que c'est la terre: j'ai donc le droit d'en conclure que c'est une partie intégrante d'une autre proposition, ou d'un complément logique de celle dont il s'agit, que par conséquent il faut suppléer. Dans ce cas n'est - il pas plus raisonnable de tourner le supplément, de maniere que moi y soit employé selon sa destination ordinaire & primitive, que de l'esquiver par le prétexte d'une redondance?

Quelques grammairiens font deux classes de ces pronoms; ils nomment les uns personnels, & les autres conjonctifs.

Les pronoms personnels de la premiere personne, selon M. Restaut, sont je & moi pour le singulier, & nous pour le pluriel. Ceux de la seconde personne sont tu & toi pour le singulier, & vous pour le pluriel. Ceux de la troisieme personne sont il & lui, masculins, & elle, féminin, pour le singulier, ils & eux, masculins, & elles, féminin, pour le pluriel: enfin il y ajoute encore soi.

Les pronoms conjonctifs de la premiere personne, dit - il, sont me pour le singulier, & nous pour le pluriel. Ceux de la seconde personne sont te pour le singulier, & vous pour le pluriel. Ceux de la troisieme personne sont lui, le, la pour le singulier, les, leur pour le pluriel, & se pour singulier & le pluriel.

Tous ces pronoms in distinctement déterminent les êtres par l'idée précise d'une relation personnelle à l'acte de la parole; & par - là les voilà réunis sous un même point de vûe: ils sont tous personnels. Les distinguer en personnels & conjonctifs, c'est donner à entendre que ceux - ci ne sont pas personnels: c'est une division abusive & fausse. M. Restaut devoit d'autant moins adopter cette division, qu'il commence l'article des prétendus pronoms conjonctifs par une définition qui les rappelle nécessairement aux personnels. « Ce sont, dit - il, des pronoms qui se mettent ordinairement pour les cas des pronoms personnels ». S'il n'avoit pas adopté sans fondement des prétendus cas marqués en effet par des prépositions, il auroit dit que ce sont réellement les cas, & non des mots employés pour les cas des pronoms personnels.

La raison pourquoi il appelle ces mots pronoms conjonctifs, n'est pas moins surprenante. « C'est, ditil, parce qu'on les joint toujours à quelques verbes dont ils sont le régime ». Mais on pourroit dire de même que je, tu, il, elle, ils & elles, sont conjonctifs, parce qu'on les joint toujours à quelques verbes dont ils sont le sujet; car le sujet n'est pas moins joint au verbe que le régime.

D'ailleurs la dénomination de conjonctif n'a pas le sens qu'on lui donne ici; ce qui est joint à un autre doit s'appeller adjoint ou conjoint, comme a fait le P. Buffier, n°. 387, & l'on doit appeller conjonctif ce qui sert à joindre: c'est le sens que l'usage a donné à ce mot, d'après l'étymologie.

Le même grammairien ajoute aux pronoms qu'il appelle personnels, le mot on; & à ceux qu'il nomme conjonctifs, les mots en & y: ces mots sont aussi regardés comme pronoms par M. l'abbé Regnier & par le P. Buffier. Mais c'est une erreur, on est un nom, en & y sont des adverbes.

On est un nom qui signifie homme; ceux mêmes que je contredis m'en fournissent la preuve en en assignant l'origine. « Il y a lieu de croire, selon M. Restaut, chap. j. art. j. qu'il s'est formé par abréviation ou par corruption de celui d'homme: ainsi lorsque je dis on étudie, on joue, on mange, c'est comme si je disois homme étudie, homme joue, homme mange. Je fonde cette conjecture sur deux raisons. 1. Sur ce que dans quelques langues étrangeres, comme en italien, en allemand & en anglois, on trouve les mots qui signifient homme, employés au même usage que notre.... on. 2. Sur ce que..... on reçoit quelquefois l'article défini le avec l'apostrophe, comme le nom homme: ainsi nous disons l'on étudie, l'on joue, l'on mange, sans doute parce qu'on disoit autrefois l'homme étudie, l'homme joue, l'homme mange». Ce que dit ici M. Restaut de l'italien, de l'allemand & de l'anglois, est prouvé dans la grammaire françoise de M. l'abbé Regnier, l'un de ses guides (in - 12. page 245. in - 4°. page 258.). Comment M. Restaut, qui vouloit donner des principes raisonnés, s'en est - il tenu simplement aux raisonnemens des maîtres qu'il a consultés, sans pousser le sien jusqu'à conclure que notre on est un synonyme du mot homme, pour les cas où l'on ne veut indiquer que l'espece, comme on naît pour mourir, ou une partie vague des individus de l'espece sans aucune désignation individuelle, comme on nous écoute?

En & y sont des adverbes; & c'est encore chez les mêmes auteurs que j'en prendrai la preuve. 1°. M. l'abbé Regnier, qui en sentoit apparemment quelque chose, n'a pas osé dire aussi nettement que l'a fait son disciple, que en & y fussent des pronoms; il se contente de dire que ce sont des particules qui tiennent lieu des pronoms; & dans le langage des Grammairiens, les particules sont des mots in déclinables comme les adverbes, les prépositions & les conjonctions. 2°. Le maître & le disciple interpretent ces mots de la même maniere, en disant: « j'en parle, je puis entendre, dit M. Restaut, suivant les circonstances du discours, je parle de moi, de nous, de toi, de vous, de lui, d'elle, d'eux, d'elles, de cela, de cette chose , ou de ces choses..... ou en parlant d'argent, j'en ai reçu, c'est - à - dire, j'ai reçu de l'argent». parlant de y un peu plus haut, il s'en explique ainsi: « Quand je dis, je m'y applique, c'est - à - dire, je m'applique a cela, a cette chose ou a ces choses». Les deux mots en & y sont donc équivalens à une préposition avec son complément; en à la préposition de, y à la préposition à: en & y sont donc des mots qui expriment des rapports généraux déterminés par la désignation du terme conséquent & avec abstraction du terme antécédent; ce sont [p. 453] par conséquent des adverbes, conformément à la notion que j'en ai établie ailleurs. Voyez Mot, art. 2. n°. 2. Ce que disent de ces deux mots le P. Buffier & M. l'abbé Girard, loin d'être contraire à ce que j'établis ici, ne fait que le confirmer.

Il. J'ai annoncé quelque difference entre le françois & le latin sur le nombre des pronoms; voici en quoi consiste cette différence. C'est qu'en latin il n'y a point de pronom direct pour la troisieme personne, il n'y a que le réfléchi sui, sibi, se.

Je m'attends bien que les rudimentaires me citeront is, ea, id; hic, hoec, hoc; ille, illa, illud; iste, ista, istud: mais je n'ai rien à dire à ceux qui prétendent que ces mots sont des pronoms, par la raison qu'ils l'ont appris ainsi dans leur rudiment. Je me contenterai de leur demander comment ils parviendront à prouver qu'ille est un pronom de la troisieme personne dans ille ego qui commence l'Enéide. Tout le monde sait que les livres latins sont pleins d'exemples où ces mots sont en concordance de genre, de nombre & de cas avec des noms qu'ils accompagnent, & que ce sont par conséquent de purs adjectifs métaphysiques. Voyez Mot, art. 1.

Si on les trouve quelquefois employés seuls, c'est par ellipse; & la concordance à laquelle ils demeurent soumis, même dans ces occasions, décele assez leur nature, leur fonction & leur relation à un sujet déterminé auquel ils sont actuellement appliqués, quoiqu'il ne soit pas expressement énoncé.

On peut dire qu'il en est de même de notre pronom françois direct de la troisieme personne, il pour le masculin, & elle pour le féminin; mais il est aisé d'y remarquer une grande différence. Premierement, on n'a jamais employé notre il & notre elle comme un adjectif joint à quelque nom par apposition, & l'on ne dit pas en fran~ois il moi, comme on dit en latin ille ego, ni il homme, elle femme, comme ille vir, illa mulier: & cette premiere observation est la preuve que il & elle ne sont point adjectifs, parce que les adjectifs sont principalement destinés à être joints aux noms par apposition. Secondement, quoique notre il & notre elle viennent du latin ille, illa, ce n'est pas à dire pour cela qu'ils en aient conservé le sens & la nature; toutes les langues prouvent en mille manieres que des mots de diverses especes & de significations très - différentes ont une même racine.

Remarquons, avant que d'aller plus loin, que le pronom réfléchi sui, n'a point de nominatif, & que c'est la même chose du nôtre, se & soi. C'est que le nominatif exprime le sujet de la proposition, & qu'il en est le premier mot dans l'ordre analytique: or il faut indiquer directement la troisieme personne, avant que d'indiquer qu'elle agit sur soi - même; & conséquemment le pronom réfiéchi ne peut jamais être au nominatif.

Si l'on est forcé de ne reconnoître comme pronoms que ceux qu'on appelle personnels, & qui déterminent les êtres par l'idée d'une relation personnelle à l'acte de la parole, à quelle classe de mots faut - il renvoyer ceux qui ont sait jusqu'ici tant de classes de prétendus pronoms? J'en trouve de trois especes, savoir des noms, des adjectifs & des adverbes: je vais les reconnoître ici, pour fixer à chacun sa véritable place dans le système des parties de l'oraison.

1. Noms réputés pronoms. Puisque les mots dont on va voir le détail ne sont point des pronoms, il est inutile d'examiner à quelle classe on les rapportoit comme tels: l'ordre alphabétique est le seul que je suivrai.

Autrui. La signification du mot homme y est renfermée; & de plus par accessoire celle d'un autre: ainsi quand on dit, ne faire aucun tort à autrui, ne desirez pas le bien d'autrui, c'est comme si l'on di<cb-> soit, ne faire aucun tort à un autre homme ou aux autres hommes, ne desirez pas le bien d'un autre homme ou des autres hommes. Or il est évident que l'idée principale de la signification du mot autrui est celle d'homme, & que le mot doit être de même nature & de même espece que le mot homme lui - même, nonobstant l'idée accessoire rendue par un autre.

Ce. Ce mot est un vrai nom, lorsqu'il est employé pour énoncer par lui même un être déterminé, ce qui arrive chaque sois qu'il n'accompagne & ne précede pas un autre nom avec lequel il s'accorde en genre & en nombre, comme quand on dit, ce que vous pensez est faux, ce qui suit est bon, ce seroit une erreur de le croire, est - ce la coutume ici d'applaudir pour des sottises? Ce n'est pas nom avis. En effet, ce dans tous ces cas exprime un être général; & la signification vague en est restrainte ou par quelque addition faite ensuite, comme dans les quatre premiers exemples, ou par les circonstances précédentes du discours, comme dans le dernier où ce indique ce qui est supposé dit auparavant. Ce ne détermine pas un être par sa nature, mais il indique un être dont la nature est déterminée d'ailleurs; & voilà pourquoi on doit le regarder comme un nom général qui peut designer toutes les natures, par la raison même qu'il suppose une nature connue, & qu'il n'en détermine aucune. Il tient lieu, si l'on veut, d'un nom plus déterminatif dont on évite par - là la répétition; mais il n'est pas pronom pour cela, parce que ce n'est pas en cela que consiste la nature du pronom.

Ceci, cela. Ces deux mots sont encore deux noms généraux qui peuvent désigner toutes les natures, par la raison qu'ils n'en déterminent aucune, quoique dans l'usage ils en supposent une connue. Tout le monde connoît ce qui différencie ces deux mots.

Personne est un nom qui exprime principalement l'idée d'homme, & par accessoire l'idée de la totalité des individus pris distributivement: personne ne l'a dit, c'est - à - dire, aucun homme ne l'a dit, ni Pierre, ni Paul, ni &c. Puisque l'idée d'homme est la principale dans la signification du mot personne, ce mot est donc un nom comme homme. Nous disons en latin nemo (personne ne), & il est évident que c'est une contraction de ne homo, où l'on voit sensiblement le nom homo. Nous disons en fran~ois, une personne m'a dit; c'est très - évidemment le même mot, non - seulement quant au matériel, mais quant au sens; c'est comme si l'on disoit un individu de l'espece des hommes m'a dit, & tout le monde convient que personne dans cette phrase est un nom: mais dans personne ne l'a dit, c'est encore le même nom employé sans article, afin qu'il soit pris dans un sens indéterminé ou général, nul individu de l'espece des hommes ne l'a dit.

Quiconque. C'est un nom conjonctif, équivalent à tout homme qui; & c'est à cause de ce qui, lequel sert à joindre à l'idée de tout homme une proposition incidente determinative, que je dis de quiconque, que c'est un nom conjonctif. Exemple: je le dis à quiconque veu l'entendre, c'est - à dire, à tout homme qui veut l'entendre. On voit bien que l'idée d'homme est la principale dans la signification de quiconque, & par conséquent que c'est un nom comme le nom homme.

Quoi. C'est un autre nom conjontif, équivalent à quelle chose, ou à laquelle chose, & dans la signification duquel l'idée de chose est manifestement l'idée principale. Exemples: à quoi pensez - vous? je ne sais à quoi vous pensez; sans quoi vous devez craindre; c'est - à - dire, à quelle chose pensez - vous? je ne sais à quelle chose vous pensez; sans laquelle chose vous devez craindre.

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