ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"416"> que les procureurs au parlement se plaignoient que divers solliciteurs portant grande barbe, s'ingéroient de faire leur profession, en sorte qu'il ne restoit plus aux procureurs que le chaperon. Peu de tems après on quitta l'usage des longues barbes.

Le rang des procureurs est immédiatement après les avocats, & avant les huissiers & notaires reçus dans le même siege.

Aux sieges des maîtres particuliers, élections, greniers - à - sel, traites foraines, conservations des privileges des foires, aux justices des hôtels & maisonsde - ville & autres jurisdictions inférieures, & dans toutes les justices seigneuriales, les parties ne sont point obligées de se servir du ministere des procureurs, quoiqu'il y en ait d'établis dans plusieurs de ces jurisdictions, les parties sont ouies en l'audience 24 heures après l'échéance de l'assignation, & jugées sur le champ; mais comme la plûpart des parties ont besoin de conseil pour se défendre, elles ont ordinairement recours à un procureur, lors même qu'elles ne sont pas obligées de le faire.

Dans tous les autres tribunaux le demandeur doit coter un procureur dans son exploit, & le défendeur qui ne veut pas faire défaut, doit aussi en constituer un de sa part.

Les procureurs doivent avoir un registre pour enregistrer les causes, & faire mention par qui ils sont chargés.

Ils sont aussi obligés d'avoir des registres séparés en bonne forme pour y écrire toutes les sommes qu'ils reçoivent de leurs parties, ou par leur ordre, & les représenter & affirmer véritables toutes les fois qu'ils en seront requis, à peine contre ceux qui n'auront point de registres, ou qui refuseront de les représenter & affirmer véritables, d'être déclarés nonrecevables en leurs demandes & prétentions de leurs frais, salaires & vacations.

Le ministere des procureurs consiste à postuler pour les parties, c'est - à - dire, à occuper pour elles; en conséquence ils se constituent pour leur partie par un acte qu'on appelle acte d'occuper; ils se présentent au greffe pour leur partie, ils fournissent pour elle d'exceptions, fins de non recevoir, défenses, répliques & requêtes; ils donnent copies des pieces nécessaires, font les sommations pour plaider, font signifier les qualités, levent les jugemens, les font signifier; & en général ce sont eux qui font toute la procédure, & qui font entr'eux toutes les significations qu'on appelle expéditions de palais, ou de procureur à procureur; ce qui se fait avec tant de bonne foi au parlement de Paris, que l'on se contente de mettre la signification sur l'original.

A l'audience, le procureur assiste l'avocat qui plaide la cause de sa partie.

L'usage a aussi introduit que les procureurs peuvent plaider sur les demandes où il s'agit plus de fait & de procédure, que de droit.

Dans les instances & procès ce sont eux qui mettent au greffe les productions qui font les productions nouvelles & autres écritures de leur ministere.

Les procureurs ont chacun un banc au palais, c'est - à - dire le lieu où ils s'arrêtent, stationes. Ils étoient autrefois obligés d'être dès 5 heures du matin, à leur banc, & y travailloient à la lumiere. Chaque procureur avoit son banc à part; mais le nombre des procureurs s'étant multiplié, ils se mirent dans un même banc, & ensuite un plus grand nombre; & pour indiquer le lieu où chacun se mettoit, leurs noms étoient écrits en grosses lettres au - dessus de leurs bancs, comme on en voit encore dans la grande salle à Paris; mais depuis l'usage des listes imprimées, on a cessé de faire écrire les noms au - dessus des bancs.

Dans quelques tribunaux, comme à Lyon, leurs clercs signent pour eux en leur absence; à Paris ils sont obligés, suivant les réglemens, d'avoir chacun deux de leurs confreres pour substituts, lesquels signent pour eux en cas d'absence ou autre empêchement.

Outre ces substituts, ils ont chez eux des clercs qui sont des jeunes éleves qui les aident dans leurs expéditions, & qui viennent ainsi apprendre chez eux la pratique du palais. L'étude des procureurs est l'école où viennent se former presque tous les jeunes gens destinés à remplir des offices de judicature, ou qui se destinent au barreau, ou à la profession de procureur ou autre emploi du palais.

Les procureurs ne sont garans de la validité de leur procédure que dans les decrets seulement, & cette garantie ne dure que dix ans.

Dans les autres matieres, s'ils excedent leur pouvoir, ils sont sujets au désaveu.

S'ils font quelque procédure contraire aux ordonnances & réglemens, on la déclare nulle, sans aucune répétition contre leur partie.

Un procureur est obligé d'occuper pour sa partie jusqu'à ce qu'il soit révoqué.

Quand la partie qui l'avoit chargé vient à décéder, son pouvoir est fini; il lui faut un nouveau pouvoir des héritiers pour reprendre & occuper pour eux.

Lorsque c'est le procureur qui décede pendant le cours de la contestation, on assigne la partie en constitution de nouveau procureur.

Ils ont hypotheque du jour de la procuration.

Lorsque leur partie obtient une condamnation de dépens qu'ils ont avancés, ils peuvent en demander la distraction, & dans ce cas les dépens ont la même hypotheque que le titre.

Suivant la jurisprudence du parlement de Paris, il est défendu aux procureurs de retenir les titres & pieces des parties, sous prétexte de défaut de payement de leurs frais & salaires; mais on ne peut les obliger de rendre les procédures qu'ils ne soient entierement payés.

La déclaration du 11 Décembre 1597 porte que les procureurs, leurs veuves & héritiers ne pourront être poursuivis ni recherchés directement, ni indirectement pour la restitution des sacs & pieces dont ils se trouveront chargés cinq ans auparavant l'action intentée contre eux, lesquels cinq ans passés, l'action demeurera nulle, éteinte & prescrite; l'arrêt d'enregistrement du 14 Mars 1603 porte qu'ils seront pareillement déchargés, au bout de dix ans, des procès indécis & non jugés, & de ceux qui sont jugés, au bout de cinq ans, & que leurs veuves ou autres ayant droit d'eux, seront déchargés au bout de cinq ans après le décès des procureurs, des procès tant jugés qu'indécis.

Les procédures qui sont dans l'étude d'un procureur, forment ce que l'on appelle sa pratique; c'est un effet mobilier que les procureurs, leurs veuves & héritiers peuvent vendre avec l'office, ou séparément.

Les procureurs ne peuvent être cautions pour leurs parties; ils ne peuvent prendre le bail judiciaire, ni se rendre adjudicataires des biens dont ils poursuivent le decret, à moins qu'ils ne soient créanciers de leur chef & poursuivans en leur nom, suivant le réglement du parlement du 22 Juillet 1690.

On tient communément qu'ils ne peuvent recevoir aucune donation universelle de la part de leurs cliens pendant le cours du procès; il y a cependant quelques exemples que de telles libéralités ont été confirmées; cela dépend des circonstances qui peuvent écarter les soupçons de suggestion.

Il y a à ce sujet un arrêt mémorable, qui est celui du 22 Juin 1700, qui confirma un legs universel fait au profit de Me François Pillon, procureur au châtelet, par la dame du Buat sa cliente. C'étoit par un testament olographe que la testatrice, trois ans avant sa [p. 417] mort, avoit déposé entre les mains de Me Pillon; on prétendoit que le legs étoit de valeur de plus 150000 liv. Après la prononciation de l'arrêt, M. le premier président de Harlay dit que la cour avertissoit le barreau, qu'en confirmant la disposition faite au profit de Pillon, elle n'entendoit point autoriser les donations faites au profit de personnes qui ont l'administration des affaires d'autrui; que la décision de ces causes dépend des circonstances du fait; que ce qui déterminoit la cour dans l'espece particuliere à confirmer le legs, étoit la probité & le désintéressement de François Pillon reconnus dans le public.

Les procureurs font en certains cas des fonctions qui approchent beaucoup de celles des juges, comme quand ils taxent les dépens en qualité de tiers, & qu'ils reglent les difficultés qui se présentent à ce sujet en la chambre des tiers.

Ils exercent une jurisdiction en leur chambre de la postulation contre ceux qui sans qualité s'ingerent de faire la fonction de procureur.

Ils ont aussi une supériorité sur le tribunal de la basoche, les procureurs de communauté étant appellés pour juger les requêtes en cassation qui sont présentées contre les arrêts de ce tribunal.

La cour leur fait souvent l'honneur de renvoyer devant eux des incidens de procédure pour donner leur avis, auquel cas cet avis est ordinairement reçu par forme d'appointement.

Enfin, ils exercent entre eux une espece de jurisdiction économique pour maintenir une bonne discipline dans le palais; cette jurisdiction est ce que l'on appelle au palais, la communauté des avocats & procucurears, voyez Communauté, &c.

La profession de procureur demande donc beaucoup de droiture & de savoir; elle est importante par elle - même; & loin que les fonctions de procureur ayent quelque chose de vil, elles n'ont rien que d'honorable, puisque l'emploi des procureurs est de défendre en justice les droits de leur cliens, de soutenir la vérité & l'innocence, & d'instruire la religion des juges.

Les princes & princesses du sang ont admis dans leurs conseils plusieurs procureurs.

Defunt Me Jean - Baptiste Vernier étoit procureur de S. A. R. M. le duc d'Orléans, régent du royaume; il étoit aussi l'un des conseillers du conseil de S. A. R. & de feu S. A. S. M. le duc d'Orléans son fils; ce sont des titres avec provisions du prince, & scellées en sa chancellerie, avec prestation de serment entre les mains de son chancelier.

Le même Me Vernier, après le décès de M. le duc d'Orléans régent, eut l'honneur d'être nommé par arrêt du parlement, tuteur des princesses ses filles.

Feu M. le duc de Bourbon, par son testament, a nommé Me Jean - Baptiste Maupassant, son procureur au parlement, l'un des conseillers de la tutelle de M. le prince de Condé son fils.

Me Louis Formé, procureur au parlement, & de S. A. S. monseigneur le duc d'Orléans, premier prince du sang, a aussi l'honneur d'être l'un des conseillers au conseil de S. A. S. avec provisions scellées en sa chancellerie, & prestation de serment entre les mains de son chancelier; & pour cet office il est employé sur l'état du roi à la cour des aides, comme les commensaux de la maison du roi; il a aussi l'honneur d'être admis aux conseils de leurs AA. SS. monseigneur le comte de Clermont, de monseigneur le prince de Conti, de madame la princesse de Conti, de mademoiselle de Charolois & de mademoiselle de Sens, princes & princesses du sang.

On ne conçoit pas comment quelques auteurs ont avancé que la profession des procureurs dérogeoit à la noblesse. Il est évident qu'ils se sont fondés sur ce qui est dit en droit que la profession des procureurs est vile; mais il n'est question en cet endroit que des procureurs ad negotia, de simples agens ou solliciteurs, lesquels, comme on l'a déja observé, étoient ordinairement des esclaves & des mercenaires; ce qui n'a rien de commun avec les procureurs ad lites, que les lois appellent cognitores juris, domini litium, titres qui suffisent seuls pour justifier que l'on avoit de ces procureurs une idée toute différente de celle que l'on avoit des procureurs ad negotia ou gens d'affaires.

On doit sur - tout distinguer les procureurs des cours souveraines, de ceux qui exercent dans les jurisdictions inférieures.

L'article 15 du réglement du 18 Décembre 1537, défend aux procureurs au parlement de faire commerce, de tenir hôtellerie, ni de faire aucun acte dérogeant à l'état & office de procureur en cour souveraine, mais de préférer l'honneur de leur état à leur profit particulier; prohibition qui est commune à tous ceux qui vivent noblement.

Les ordonnances leur donnent droit de committimus.

Ils ont été appellés par la cour aux cérémonies publiques après les avocats, notamment en 1463, au convoi de Marie d'Anjou, femme de Charles VII. Le 2 Juin 1483, la cour les manda avec les avocats pour l'accompagner en habit décent, & aller au - devant de madame la dauphine. Le 26 du même mois, à la procession qui se fit pendant trois jours à Saint - Denis. Le 30 Juin 1498, & le 13 Novembre 1504, aux entrées de Louis XII. & d'Anne de Bretagne, sa femme, à Paris. Les 8 & 12 Février 1513, quand la cour alla recevoir le corps d'Anne de Bretagne qu'on apportoit de Blois à Paris, ils assisterent aussi aux funérailles. Le 16 Mars 1530, à l'entrée d'Eléonore d'Autriche, seconde femme de François I. Le 18 Août 1534, à la procession que la cour fit pour la santé de Clément VII. Le 12 Novembre 1537, à celle que la cour fit faire pour la prospérité de François I. Le 5 Juin 1538, ils allerent avec la cour à la procescession de la sainte - Chapelle à Notre - Dame. Le premier Janvier 1539, ils allerent avec les avocats à cheval à la suite de la cour, qui vint saluer & haranguer Charles - Quint, arrivant à Paris. La Rocheflavin dit qu'aux entrées & obseques des rois, les procureurs, comme membres & officiers du parlement, y assistent avec leurs robes & chaperons après les avocats, & qu'ils sont placés comme eux par les huissiers. Il rapporte à ce sujet deux délibérations de la cour, l'une de 1533, sur l'ordre qui devoit être observé à l'entrée de François I. l'autre du 4 Avril 1541, pour les obseques de ce prince. En 1559, pareil arrêt pour les funérailles d'Henri II. Les procureurs étoient immédiatement après les avocats. Le même ordre fut observé aux obseques de Charles IX. Henri III. & Henri IV. Le 12 Juillet 1562, les procureurs eurent rang à la procession que la cour fit à S. Médard. On en usa de même à leur égard aux parlemens de Toulouse & de Bordeaux, aux entrées de Charles IX. & de la reine sa mere, en 1564 & 1565; les procureurs y étoient en robe & chaperon à bourrelet. L'édit du mois de Mai 1639, leur donne rang immédiatement après les avocats.

Enfin nos meilleurs auteurs tiennent tous que les procureurs des cours souveraines ne dérogent pas.

Tel est le sentiment de Balde & de Budée, de Tiraqueau, de Pithou, sur la coutume de Troyes, de Loisel en ses mémoires.

Tel est aussi le sentiment de Zypaeus, en sa notice du droit belgique, n°. 4; de Christinoeus, vol. II. décis. cxviij. n°. 8; de Ghewiet, en son institution au droit belgique, p. 453.

Guypape est de même avis; & Ferrerius sur cet

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