ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"293"> n'a point, elle donneroit plus qu'elle n'a, avec le moins elle seroit le plus. L'auteur étend & retourne ce raisonnement de mille manieres différentes. Mais s'il est vrai qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas, & qu'avec le moins on ne fait pas le plus, donc l'ame qui n'a pas une telle connoissance, ni un tel amour, qui a moins que cette connoissance & que cet amour, ne pourra se donner toute seule ni l'un ni l'autre; elle ne se les donnera pas même avec le secours de Dieu; elle ne concourra pas à leur production; pour concourir, il ne suffit pas qu'elle produise en partie l'acte de connoissance ou celui d'amour, il faut qu'elle le produise en entier, & qu'elle soit cause totale ainsi que Dieu. Mais si on ne donne point ce qu'on n'a point, comment concourra - t - on à donner en entier ce qu'on n'a point? C'est ici que l'auteur est fort embarrassé. Comment sauvera - t - il l'activité de l'ame? C'est qu'en créant en nous un nouvel être de connoissance ou d'amour, il se sert des degrés d'être qu'il trouve dans notre ame, & qu'il les fait concourir à cette production, c'est - à - dire que les nouveaux degrés de connoissance ou d'amour s'unissent, s'incorporent avec les anciens qui les développent, qui les dilatent: mais comment concevoir cela? Mon ame (je le suppose avec vous) n'a que quatre degrés d'être dans le moment A; il s'agit qu'elle en ait cinq dans le moment B. Or elle n'a point ce cinquieme degré, aucun des quatre premiers ne le contient; donc ni elle, ni les quatre premiers degrés ne formeront pas le cinquieme, si Dieu ne le produit lui - même: vous en convenez. Mais j'ajoute que Dieu en le créant ne fera pas qu'elle se le donne, ou qu'elle concoure à sa production; car Dieu employeroit inutilement sa toute - puissance, pour me faire donner ce que je n'ai pas. Dieu ne sauroit faire qu'un principe vrai devienne faux, ce qui pourtant arriveroit, s'il dépendoit de lui, que l'ame se donnât ce qu'elle n'a pas, ou plus qu'elle n'a. Dieu, dites vous, met en oeuvre les premiers degrés d'être qui sont déja dans l'ame. Ne croiroit - on pas à ce langage qu'il n'y a que lui qui agisse, & que les premiers êtres sont entre les mains de Dieu, comme quelque chose de purement passif, comme l'argile entre les mains du potier? Vous ajoutez que Dieu fait ensorte que les degrés qui étoient anciennement dans l'ame, cooperent & contribuent avec ce que Dieu y ajoute pour former une nouvelle action. Je découvre - là trois choses: 1° la coopération des anciens degrés d'être: 2° ce que Dieu ajoute: 3° l'action qui en résulte. Par - là il paroît que ce ne sont plus ici deux causes dont l'une est subor donnée à l'autre, & qui produisent chacune en entier la même & unique action; ce sont deux causes paralleles qui en font chacune une partie; car la coopération des anciens degrés & ce que Dieu ajoute sont deux choses fort distinctes. Or, ou la coopération des anciens degrés produit quelque chose, ou non: mais que produiroit - elle? Ce n'est pas ce que Dieu ajoute; Dieu peut seul en être la cause: sera - ce quelque autre être? Voilà donc quelque chose qui appartient à la créature & qu'elle produit toute seule; ne produirat - elle rien? Elle ne fait donc rien, elle n'a donc point de part à l'action: ou bien encore, les anciens degrés contiennent - ils en entier l'être de l'action? Leur opération le produira donc toute seule, & il est inutile que Dieu y ajoute du sien. Ne le contiennent - ils pas en entier? Leur opération ne le produira donc pas en entier, même avec le secours de Dieu. Mais bien plus, qu'est - ce que Dieu ajoute, & qui est si distingué de la coopération des anciens degrés? Estce la nouvelle action, en est - ce l'être? En ce cas Dieu fait donc ensorte que les anciens degrés d'être cooperent avec la nouvelle action, qu'il ajoute lui - même pour former cette même action. Ajouter une action avant de la former! Voilà un langage inintelligible. Si elle est ajoutée, elle est formée; & la coopération des anciens degrés devient inutile. Enfin ce que Dieu ajoute, sera - ce quelque chose de moins que l'action, que l'être de l'action? L'action n'en résultera donc jamais; car avec le moins, on ne fait pas le plus: ou si elle en résulte, les anciens degrés auront produit quelque chose qu'ils ne contenoient pas, ils auront fait quelque chose sans le secours de Dieu. Qu'est - ce donc, encore un coup, que ce que Dieu ajoute selon votre système?

Mais si quittant la créature, nous nous élevons jusqu'au créateur, nous rétorquerons contre l'auteur ses propres principes, & nous lui prouverons que Dieu n'a pû former de decrets. S'il est vrai que ame ne puisse se donner un degré d'amour ou de connoissance, qu'elle n'augmente son être, donc Dieu en formant ses decrets, a augmenté le sien. Si on ne donne point ce qu'on n'a point, ni par conséquent plus qu'on n'a, donc Dieu n'a pû se donner ses decrets, ne les ayant pas par la constitution de sa nature. Si ces principes sont ridicules étant appliqués à Dieu, ils ne le sont pas moins quand il s'agit de la créature.

Autant le systeme de la prémotion physique se défend mal, autant on a d'avantage à l'attaquer. Deux inconvéniens que ses défenseurs n'ont jamais pû parer, c'est 1°. de ruiner la liberté; c'est 2°. de faire Dieu auteur du péché. Que ce système soit contraire à la liberté, c'est ce qu'il est aisé de montrer.

1°. C'est un principe constant dans toutes les écoles, que nous ne sommes pas libres pour le bonheur en général. Or cette pente rapide que nous avons vers lui, cette impression invincible que Dieu nous a donnée pour lui, sont l'effet de la prémotion physique générale. Ce que la prémotion physique générale est pour le bonheur en général, la prémotion physique particuliere l'est pour les actes particuliers. Or si la prémotion physique générale détruit notre liberté par rapport au bien général, la prémotion physique particuliere la détruira par la même raison, par rapport aux actions particulieres vers lesquelles elle nous détermine.

2°. Les Thomistes conviennent eux - mêmes que nousme sommes pas libres par rapport aux premieres impressions que produit en nous la grace prévenante ou excitante. Quand Dieu nous illumine subitement, & qu'il attire notre volonté vers la vertu, il ne dépend pas de nous de ne pas être éclairés, & de ne pas ressentir les attraits que la grace répand sur la vertu. Or pourquoi ne sommes - nous pas libres par rapport à ces premieres touches de la grace, si ce n'est parce qu'elles préviennent le consentement de notre volonté! Or la prémotion physique pour agir sur nous n'attend pas notre consentement? Nous ne sommes donc point libres sous son impression.

3°. Il n'y a point de liberté là où nous ne sommes pas les arbitres de notre choix, les maîtres de notre détermination. Or la prémotion, en prévenant notre volonté, nous ravit ce beau privilege de notre liberté.

4°. On n'est véritablement libre que lorsqu'on a le pouvoir de suspendre à son gré l'action qu'on a commencée. Or cela n'est pas possible sous l'empire de la prémotion. La liberté échoue nécessairement contre la force de la nécessité, en vertu de laquelle suit l'effet pour lequel elle est donnée. Dans le tems que la prémotion me porte à l'amour, je ne suis pas libre de me tourner vers la haine; je ne le pourrois qu'avec une prémotion opposée à celle qui m'entraîne d'une maniere insurmontable. Or il ne dépend pas de moi de me procurer cette prémotion qui m'est absolument nécessaire pour haïr. Je ne le pourrois que par un acte de ma volonté. Or pour enfanter cet acte, j'ai besoin d'une prémotion; car tel est l'ordre du destin, que je n'agirai jamais sans elle. Si je n'ai pû me procu<pb-> [p. 294] rer l'autre, je ne pourrai aussi me donner celle - ci. Poussé vers l'amour par la force de la prémotion, je ne puis donc haïr; je ne suis donc pas libre.

5°. Dieu même dans ce système seroit auteur du péché. Dans le péché on distingue deux choses, le matériel & le formel. Le matériel est tout ce qu'il y a de physique dans l'acte; le formel est le défaut de conformité qui s'y trouve avec la loi. On ne peche que parce qu'on ne donne pas à son action toute l'intégrité qu'elle exige de sa nature; & on ne donne pas à son action cette intégrité qui en fait la perfection, parce que la volonté cesse d'agir, & qu'elle s'arrête dans la créature; au lieu de s'élever avec des aîles fortes jusqu'au créateur. Or pourquoi, je vous prie, la volonté cesse - t - elle d'agir? n'est - ce pas parce que le souffle de la prémotion la laisse pour ainsi dire à moitié chemin? Un peu plus de secours de la part de la prémotion, & elle eût été plus active, & elle se seroit élevée jusqu'à Dieu. La volonté ne peche donc que parce que la prémotion lui manque avant qu'elle ait donné à son action toute la perfection que la loi commande; & cette prémotion lui manque sans qu'elle l'ait mérité. Ce n'est donc pas sa faute, mais celle du Dieu qui la prémeut, si elle tombe dans le péché. Dans ce système, Dieu seroit donc auteur du péché. Voyez Concours.

PREMUNIR (Page 13:294)

PREMUNIR, verb. act. & neut. (Gramm.) se munir d'avance soi - même, ou les autres. Il faut se prémunir contre le froid, contre le chaud, contre l'injustice, &c.

PRÉNANTHS, (Botan.) genre de plantes dont voici les caracteres dans le système de Linnaeus. Le calice commun est de forme cylindrique évasé au sommet; il est garni à la base de cinq écailles égales, & de trois inégales, qui sont plus petites. La fleur est composée d'un assemblage de fleurs hermaphrodites placées en cercle; chaque fleur particuliere est formée d'un seul pétale, découpé & divisé sur les bords en cinq segmens; les étamines sont des filets capillaires très - courts; les antheres sont tubulaires & cylindriques; le germe du pistil est petit, & placé sous la fleur. Le stile est très - délié, & plus court que les étamines; le stigma est fendu en deux, & replié; le calice après que la fleur est tombée, réunit légérement au sommet ses différens segmens; ses graines sont uniques, faites en coeur, avec une aigrette à duvet; le réceptacle est nud. Il n'y a qu'une espece de ce genre de plante dans laquelle l'aigrette ait un pédicule. Linnaei, gen. plant. p. 374. (D. J.)

PRENDRE (Page 13:294)

PRENDRE, (se) s'en prendre, (Lang. franç.) on dit fort bien je m'en prendrai à vous, si l'affaire ne réussit pas; les malheureux ont tort de s'en prendre aux astres. En doit toujours être mis avant prendre, quand on donne à ce verbe la signification d'imputer. Si je perds mon procès, je m'en prendrai à vous, c'est - à - dire je vous imputerai la perte de mon procès; se prendre sans en, veut dire au figuré attaquer, & non pas imputer: par exemple, il ne faut pas se prendre à plus méchant que nous. Se prendre au propre signifie s'attacher; les gens qui se noient se prennent à tout ce qu'ils trouvent.

Il y a d'autres phrases dans notre langue, où en est si nécessaire, que dès qu'on l'ôte, on change le sens; on en étoit venu si avant, qu'il falloit vaincre ou mourir. Cela veut dire dans le style figuré, que les choses étoient si engagées, qu'il falloit vaincre ou mourir. Mais si on ôtoit en, & qu'on dît, on étoit venu si avant, cela s'entendroit dans le sens propre, & ne marqueroit que le lieu où l'on seroit arrivé.

Je n'en puis plus, a une toute autre signification que je ne puis plus; il en est de même de je ne sai où j'en suis, qui signifie toute autre chose que je ne sai où je suis. Il en est de même de se tenir & s'en tenir, qui ont des significations bien différentes.

MM. de Por - troyal ont dit dans leur traduction du nouveau Testament, cette femme voulant prendre Jesus - Christ par sa propre bouche, &c. on ne dit point prendre quelqu'un par sa bouche, mais par ses paroles. (D. J.)

Prendre (Page 13:294)

Prendre, a une infinité d'acceptions différentes; on dit prendre à témoin, d'assaut, à force, un criminel, un lievre au gîte, au collet, un bâton, un fusil, l'épée, un livre, la main, un présent, un repas, ses suretés, des mesures, pour son ami, pour sa maîtresse, pour sa femme, une médecine, un lavement, du tabac, un bouillon, la fievre, la peste, la vérole, &c. On dit se prendre pour se figer, ou se glacer. Prendre sur soi, &c.

Prendre parti (Page 13:294)

Prendre parti, (Langue françoise.) prendre parti tout seul, signifie s'enrôler pour servir à la guerre; il a pris parti; il prendra parti dans notre régiment. Prendre parti signifie aussi s'attacher au service de quelqu'un; mais alors on marque toujours avec qui on s'engage; il a pris parti avec M. le duc. Prendre son parti, veut dire, se résoudre; j'ai pris mon parti; elle prit son parti sur le champ. Prendre le parti de quelqu'un, c'est se mettre de son côté, le défendre, il faut prendre le parti des malheureux, des gens qu'on opprime, qu'on calomnie, qu'on persécute; c'est un devoir de l'humanité. (D. J.)

Prendre vent devant (Page 13:294)

Prendre vent devant, (Marine.) c'est - à - dire que le vent se jette sur les voiles d'un vaisseau sans qu'on le veuille. Nous prenons vent devant.

Prendre un ris; c'est racourcir la voile à une hauteur déterminée.

Prendre une bosse; c'est attacher la bosse ou l'amarrer.

Prendre les amures de quelque bord, c'est - à - dire, amurer de ce bord - là.

Prendre chasse & échapper. Prendre chasse, voyez Chasse.

Prendre hauteur. Prendre hauteur par - devant, prendre hauteur par derriere. Voyez Hauteur.

Prendre terre. Voyez Terre.

Prendre le trot, le galop (Page 13:294)

Prendre le trot, le galop, (Maréchal.) se dit de l'homme, lorsqu'il excite le cheval à aller le trot ou le galop, aussi bien que du cheval qui s'y met de lui - même. Prendre ses dents, c'est à l'égard du chevalla même chose que mettre ses dents. Voyez Mettre. Prendre le mort aux dents, se dit communément des chevaux de carrosse, lorsque n'ayant plus aucune sensibilité dans la bouche, ils vont de toute leur vîtesse sans pouvoir être arrêtés. Prendre les aides des jambes. Voyez Jambe. Prendre son avantage. Voyez Avantage. On dit qu'un cheval prend quatre ou cinq ans, pour dire qu'il en approche.

Prendre chair (Page 13:294)

Prendre chair, (Jardinage.) se dit d'un fruit qui commence à grossir.

Prendre (Page 13:294)

Prendre, v. act. terme de Vénerie; ce mot s'emploie fréquemment en vénerie. On dit prendre le vent quand on prend les devans, ou quand le chien va lasser le cerf au vent. Prendre les devans, c'est quand on a perdu le cerf, & qu'on fait un grand tour avec les chiens courans pour le retrouver en le requêtant. Prendre son buisson; c'est en parlant du cerf, lorsqu'il choisit au printems une pointe de bois pour se retirer le jour, & aller aisément la nuit aux gagnages ou aux champs. (D. J.)

Prendre (Page 13:294)

Prendre, au jeu de l'hombre; c'est prendre du talon autant de cartes qu'on en a écarté. Jouer sans prendre, c'est jouer sans écarter.

Prendre sans prendre (Page 13:294)

Prendre sans prendre, au jeu de quadrille, signifie l'action de jouer sans aucune aide, ni roi appellé, mais avec son seul jeu. On gagne ordinairement la moitié de ce à quoi est fixée la vole; ainsi ce sera cinq jettons qu'on payera à celui qui gagne, si l'on est convenu d'en payer dix pour la vole. Observez que le sans prendre & les matadors ne sont dûs

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