ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"291"> tié de toute la succession, & que l'autre moitié se parrageoit par parties égales aux autres freres. Mais les rabbins enseignent au contraire que le premier - né prenoit le double lot de chacun de ses freres. Ainsi si un pere avoit laissé six fils, on faisoit sept portions égales, l'aîné en avoit deux, & chacun de ses freres en avoit une. Si l'aîné étoit mort, & avoit laissé des enfans, son droit passoit à ses enfans & à ses héritiers. Les filles n'avoient nulle part à ces privileges, quand même elles auroient été les aînées de leurs freres ou de leurs soeurs. On trouve dans l'Ecriture quelques faits qui dérogent à ces lois générales; par exemple, Isaac transporta le droit de premier - né d'Esaii à Jacob; Jacob le transporta de Ruben à Joseph, & David d'Adonias à Salomon. Mais ces événemens arriverent par une providence particuliere, & par une révélation de Dieu. Calmet, Dictionn. de la Bible tome III. pag. 265.

Premier - occupant (Page 13:291)

Premier - occupant, droit du, (Droit naturel.) maniere d'acquérir la propriété des biens qui n'appartiennent à personne.

Les hommes sont convenus entr'eux que toutes choses qui n'étoient point entrées dans le premier partage, & qui se trouvoient inconnues, seroient laissées à celui qui s'en empareroit avant tout autre, soit par prise de possession, soit autrement, ensorte que par ce moyen il acquéreroit légitimement la propriété de ces sortes de choses.

Ce qui fonde le droit du premier - occupant dans le cas dont il s'agit ici, c'est qu'il a donné à connoître avant tout autre le dessein qu'il avoit de s'emparer de telle ou telle chose, étant à portée de le faire. Si donc il témoigne son intention par quelque acte significatif, comme par un acte corporel, par une marque faite à certaines choses, &c. ou si les autres ont manifestement renoncé en sa faveur au droit qu'ils avoient aussi - bien que lui sur une chose, il peut alors acquérir la propriété originaire de cette chose, sans aucune prise de possession actuelle.

C'est ainsi que l'on se rend maître des pays déserts que personne ne s'étoit encore appropriés; car ils commencent à appartenir au premier qui y met le pié avec intention de les posséder, & qui pour cet effet les cultive, & y plante ou y établit des bornes par lesquelles il distingue ce dont il veut s'emparer d'avec ce qu'il veut laisser en commun. Que si plusieurs à - la - fois s'emparent de certaines contrées, l'expédient le plus ordinaire est d'assigner à chacun une certaine portion de terre, après quoi on regarde celles qui restent comme appartenant à tout le corps.

On acquiert aussi par droit de premier - occupant, les bêtes sauvages, les oiseaux, les poissons de la mer, des rivieres, des lacs ou des étangs, & les perles ou autres choses semblables que la mer jette sur le rivage en certains endroits; bien entendu que le souverain n'ait pas expressément défendu aux particuliers de prendre ces sortes de choses.

En effet, le chef de l'état est censé de s'être emparé de toutes les choses mobilieres qui se trouvent dans l'enceinte de ses terres, lorsqu'il ne les donne pas à d'autres; si donc il ne témoigne pas qu'il veut laisser ces sortes de biens en communauté, ils lui appartiennent véritablement autant que leur constitution naturelle le permet. Je dis autant que leur constitution naturelle le permet, car les bêtes sauvages, par exemple, qui sont dans les forêts du pays, peuvent passer dans les forêts d'un autre état, où l'on n'a pas droit de les aller réclamer: mais il ne s'en suit point de - là qu'elles n'appartinssent pas auparavant au maître des forêts qu'elles ont quitté. Le droit de propriété que celui - ci avoit n'en étoit pas moins réel pour être chancelant & sujet à s'évanouir: il en est ici comme des rivieres. L'eau qui coule chaque jour dans nos campagnes est nôtre, quoiqu'elle s'enfuie incessamment pour passer sur les terres d'autrui d'où elle ne reviendra plus.

Enfin on peut acquérir par droit de premier - occupant une chose qui a déja eu un autre maître, pourvû que le droit de celui - ci ait été entierement éteint, comme quand le proprietaire d'une chose l'a jettée ou abandonnée avec un dessein formel & suffisamment manifesté de ne plus la tenir pour sienne; ou lorsque l'ayant perdue malgré lui, il la regarde ensuite comme ne lui appartenant plus, & ne pense point à la recouvrer.

Il faut rapporter à ceci, ce qu'on appelle un trésor, c'est - à - dire un argent dont on ignore le maître, car il est au premier qui le trouve, à - moins que les lois civiles en disposent autrement. Ce trésor devroit encore appartenir au premier qui le découvre, quand même il l'auroit trouvé dans le fond d'autrui; car ce n'est pas un accessoire du fonds, comme les métaux, les minéraux & autres choses semblables qui y sont censées attachées, & dont, à cause de cela, le propriétaire du fonds peut être regardé comme en possession.

Il y a des excellentes notes de M. Barbeyrac sur cette matiere dans son édition de Puffendorf; voyez - les. (D. J.)

Premier - pris (Page 13:291)

Premier - pris, terme de Lansquenet, c'est le coupeur dont celui qui tient la main amene le premier la carte. Celui qui est ainsi pris le premier, est obligé d'arroser tous les autres coupeurs, c'est - à - dire de leur payer à chacun autant que vaut le fond du jeu. Le grand usage de prononcer le mot de premier - pris en a fait un substantif; quand on voit un homme triste, pâle & défait, on dit en proverbe tiré du lansquenet, qu'il a l'air d'un premier - pris. Acad. des jeux.

Premieres - couleurs (Page 13:291)

Premieres - couleurs, (Joaillerie.) sortes d'émeraudes qui se vendent au marc; c'est ce qu'on appelle plus ordinairement negres - cartes. (D. J.)

PRÉMISSES (Page 13:291)

PRÉMISSES, s. f. plur. (Logique.) les deux premieres propositions d'un syllogisme. Voyez l'article Syllogisme. Si le syllogisme est en forme, les deux prémisses accordées, il faut avouer la conclusion.

PRÉMONTRÉ (Page 13:291)

PRÉMONTRÉ, (Théolog.) est le nom d'un ordre religieux de chanoines réguliers, institué par S. Norbert en 1120.

Le premier monastere de cet ordre fut bâti par S. Norbert dans l'île de France, à trois lieues de Laon vers le couchant, & appellé par lui prémontré, proemonstratum, & c'est de - là que l'ordre a tiré son nom. Les auteurs sont fort partagés sur la vraie origine de ce nom.

Honorius II. approuva cet ordre en 1126, & plusieurs autres papes le confirmerent dans la suite. En 1245, Innocent IV. se plaignit du relâchement de cet ordre, & en écrivit au chapitre général. En 1288, le général Guillaume demanda & obtint du pape Nicolas IV. la permission de manger de la viande pour ceux de l'ordre qui seroient en voyage. En 1460, à la priere du général, Pie II. accorda la permission générale de manger de la viande, excepté depuis la Septuagésime jusqu'à Pâque.

Les prémontrés sont vêtus de blanc, avec un scapulaire au - devant de leur soutane. Lorsqu'ils sortent, ils ont un manteau blanc; dans la maison, un petit camail; & au choeur, un surplis.

Les premiers monasteres que S. Norbert établit étoient l'un pour les hommes, & l'autre pour les femmes; un mur de séparation les divisoit. En 1137, un decret du chapitre général défendit cet usage pour l'avenir, & ordonna que les religieuses des monasteres déja bâtis seroient transférées ailleurs, & éloignées du monastere des hommes.

Les prémontrés ont un college à Paris, & peuvent [p. 292] prendre des degrés dans la faculté de Théologie de Paris.

Il y a aussi une réforme de prémontrés.

Prémontré (Page 13:292)

Prémontré, (Géog. mod.) abbaye réguliere de France, dans la Picardie, au diocese & à 3 lieues au couchant de Laon, à 4 lieues au nord de Soissons, dans la forêt de Couci, & dans un vallon marécageux. Je ne parle de cette abbaye contre ma coutume, que parce qu'elle est chef de l'ordre de prémontré qui en tire son nom. Saint Norbert, allemand, s'y retira avec ses compagnons en 1119. Les religieux de cette abbaye, quoiqu'éloignés du commerce des hommes, y sont commodément logés, & jouissent de plus de 70000 livres de revenu. Cette abbaye est élective. (D. J.)

PRÉMOTION PHYSIQUE (Page 13:292)

PRÉMOTION PHYSIQUE, (Métaphysique.) prémotion physique n'est autre chose que le concours immédiat de Dieu avec la créature. On lui donne le nom de prémotion, parce qu'elle prévient la détermination de la volonté créée. Dans l'ordre des choses, cela doit être ainsi supposé que Dieu concoure immédiatement avec les créatures; car, comme Dieu & la créature ne peuvent être causes paralleles en produisant la même action, il est nécessaire que Dieu prévienne la créature qui, par sa nature, lui est subordonnée.

On distingue deux sortes de prémotions, l'une générale & l'autre particuliere. La prémotion générale n'est autre chose que cette nécessité qui nous force d'acquiescer à la vérité une fois connue, & cet empressement général & indispensable qui nous est donné par le Créateur pour le bonheur en général. La prémotion particuliere, c'est cet acte physique, par lequel Dieu, sans consulter notre volonté, l'incline vers un parti plutôt que vers un autre.

Les Thomistes de tout tems ont soutenu le système de la prémotion avec une chaleur d'autant plus vive, qu'ils la croient établie dans les ouvrages de S. Thomas. Ils tirent sa nécessité de trois sources différentes; 1° de la nature de la volonté, laquelle a besoin d'être prévenue par l'action de Dieu pour sortir de son indifférence; 2° de ce que Dieu est une cause universelle, le premier agent de tous les êtres & le premier mouvant; 3° de la dépendance absolue de la créature, qui ne seroit pas digne de Dieu si la créature pouvoit soustraire à l'action prévenante du Créateur la moindre de ses volitions, un rayon imperceptible de volonté. Comme ces raisons ont lieu dans l'ordre de la nature & dans l'ordre dela grace, dans l'état d'innocence & dans l'état de corruption, les Thomistes ont admis dans ces différens ordres & dans ces différens états la nécessité de la prémotion. Dans l'ordre naturel, elle retient le nom de prémotion physique; dans le surnaturel, elle s'appelle la grace efficace par elle - même, grace prédéterminante, grace thomistique. Voyez tous ces articles.

La premiere raison que les Thomistes alleguent en faveur de la prémotion, & qu'ils tirent de la nature de la volonté, paroît si forte à quelques - uns, que, quoiqu'ils rejettent la prémotion particuliere comme contraire à la liberté, ils en admettent une générale qu'ils croient nécessaire à la volonté pour qu'elle sorte de son indifférence. Mais cette prémotion générale n'est pas un bouclier propre à parer les coups que leur portent les Thomistes. Quand on fait tant que d'admettre une prémotion générale, autant vaudroit - il en admettre tout - d'un - coup une particuliere. Qu'est - ce que ce mouvement vague & indéterminé qui se portant à tout, ne se porte à rien; qui se diversifie en une infinité de manieres, selon les volontés qui en reçoivent l'impression, à - peu - près comme le son varie selon les tuyaux d'orgue dans lesquels il entre? Si la volonté peut arrêter le mouvement qui lui est communiqué, ou le diriger du côté qu'il lui plaira, pourquoi ne pourra - t - elle pas se le donner à elle - même? L'un n'est pas plus difficile que l'autre. C'est ici que triomphent les Thomistes de ceux qui ne forment que des pas incertains & irrésolus dans le chemin que leur ouvre la vérité. Lorsqu'on suppose une fois de l'activité dans l'ame, je ne vois pas pourquoi elle auroit besoin d'une action étrangere pour se déterminer, & pourquoi elle ne se suffiroit pas à elle - même dans une action naturelle: ipsa suis pollens opibus, nil indiga causoe. En la rendant si impuissante, ils ne s'apperçoivent pas qu'ils affoiblissent la puissance de Dieu même. La seconde raison tombe d'elle - même, dès - là qu'on suppose la créature capable de se déterminer par elle - même. Pour la troisieme raison, elle ne tiendra pas davantage, si l'on fait attention que la créature, quelque maîtresse qu'on la suppose de ses déterminations, ne sort jamais du cercle étroit que Dieu a tracé autour d'elle, parce que Dieu ne la tire du néant qu'autant qu'il prévoit (& cette prévoyance est infaillible) qu'elle concourra, soit par ses crimes, soit par ses vertus, à avancer les grands desseins de sa providence.

L'auteur de la prémotion physique, ou de l'action de Dieu sur les créatures, s'est signalé, sur - tout dans la défense de ce système. Cet auteur prétend 1° que toutes nos connoissances & tous nos amours sont autant d'êtres distincts; 2° que nous n'acquérons de nouvelles connoissances & que nous ne formons de nouveaux amours, qu'autant que Dieu en crée l'être pour l'ajouter à celui de notre ame; 3° enfin que Dieu, en créant de nouveaux êtres de connoissance ou d'amour, se sert du premier être de notre ame, pour le faire concourir à cette création. On voit bien qu'il ne pose le troisieme principe qu'à son corps défendant, s'il est permis de parler ainsi, & que pour maintenir l'activité de l'ame que les deux autres paroissent détruire. Sans suivre ces principes, toutes leurs conséquences, je ferai seulement sur eux quelques réflexions. 1° Toutes nos connoissances, tous nos amours, tous nos degrés de connoissance, tous nos degrés d'amour sont autant d'êtres ou de degrés d'être; du - moins cela paroît ainsi à l'auteur: il part de - là comme d'un principe incontestable. Quand je suis bien rempli de ce système, je me fais un vrai plaisir d'ouvrir, de fermer & de rouvrir sans cesse les yeux: d'un clin d'oeil je produis, j'anéantis & je reproduis des êtres sans nombre. Il semble encore qu'à tout ce que j'entends, je sente grossir mon être: si j'apprends, par exemple, que dans une bataille il est resté dix mille hommes sur la place, dans le moment mon ame augmente de dix mille degrés d'être pour chaque homme tué: tant il est vrai que dans ce système mon ame fait son profit de tout: il y a là bien de la philosophie. C'est grand dommage que cela soit inintelligible, & que l'auteur ne puisse donner aucune idée de ces êtres, production de sa féconde imagination. Comprenons - nous qu'à chaque instant de nouveaux êtres soient ajoutés à notre substance, & ne fassent avec elle qu'un seul être indivisible? Comprenons - nous qu'on puisse retrancher quelque chose d'une substance qui n'est pas composée, ou qu'on puisse lui ajouter quelque chose sans qu'elle perde sa simplicité? Avons - nous quelque idée de ces entités ajoutées à l'ame qui, au dire de l'auteur, semblent enfler le volume de sa substance? On ne donne point, dit l'auteur de la prémotion physique, ce qu'on n'a point, ni par conséquent plus qu'on a; ou, pour le rendre autrement, avec le moins on ne fait pas le plus: d'où il infere qu'une intelligence créée n'augmentera jamais toute seule son être; que n'ayant, par exemple, que quatre degrés d'être dans le moment A, elle ne s'en donnera pas un cinquieme dans le moment B; car elle se donneroit ce qu'elle

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