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11°. Que l'entrée du royaume des cieux qui est le terme de la prédestination, est tellement une grace: gratia Dei vita oeterna, Rom. vj. 23. qu'elle est en mêtems un salaire, une récompense, une couronne des bonnes oeuvres faites avec le secours de la grace: merces, corona justitioe, bravium. II. Tim. iv. 8. Philipp. iij. 14.
Tels sont sur la prédestination les divers points du dogme, ou contenus clairement dans l'Ecriture, ou décidés en différens tems par l'Eglise contre les Pélagiens, les Sémi - Pélagiens, les Calvinistes, & autres novateurs.
Mais on dispute vivement dans les églises catholiques, savoir, si le decret de la prédestination à la gloire est antérieur ou postérieur à la prévision des mérites surnaturels, formés par la grace. L'état de la question est de savoir précisément si Dieu veut en premier lieu d'une volonté absolue & efficace le salut de ses créatures, & s'il résout en conséquence de leur accorder dans le tems des graces qui leur sassent infailliblement opérer des bonnes oeuvres; ou si au contraire Dieu se propose d'abord de distribuer à ses créatures tous les secours de grace nécessaires pour l'observation des préceptes de la loi, & si ce n'est pas en conséquence de la prévision des mérites qui doivent résulter du bon usage de ces graces qu'il décide du bonheur éternel.
Les Thomistes & les Augustiniens soutiennent que le decret de la prédestination à la gloire est antérieur à la prévision de tout mérite; que Dieu n'a trouvé qu'en lui - même le motif de cette élection, & qu'il l'a décernée indépendamment de la connoissance de la chûte future d'Adam, chef de tout le genre humain. Quelques - uns d'eux prétendent qu'il est inutile de distinguer dans Dieu deux decrets, l'un de prédestination à la gloire, l'autre de prédestination à la grace; qu'il n'y en a qu'un seul qui envisage la gloire comme la fin & la grace, ou la collection des graces comme les moyens pour parvenir à cette fin: mais que, supposé même cette distinction des decrets, la prédestination à la gloire n'en est pas moins antérieure à la prévision des mérites, parce que, disent - ils, tout agent sage se propose d'abord une fin, ensuite il examine les moyens propres à conduire à cette fin. Or la gloire est la fin que Dieu se propose d'abord, les mérites ne sont que les moyens pour arriver à cette fin, d'où il s'ensuit que Dieu a décerné la gloire avant que de faire attention aux mérites. Enfin, quelques défenseurs de cette opinion pensent qu'elle appartient à la foi, & que saint Augustin étoit tellement persuadé de la gratuité de la prédestination considérée dans sa totalité, c'est - à - dire, prise pour un seul decret en Dieu qui destine la gloire à ses élus par certains moyens efficaces qu'il leur a préparés pour les y conduire, qu'il ne craint point de donner ce sentiment comme la créance de l'Eglise, & de soutenir que personne ne peut l'attaquer sans tomber dans l'erreur. Lib. de don. perseverant. c. xxiij. & xix.
Il faut convenir en effet, que l'Ecriture & saint Augustin, avec quelques autres peres latins, sont extrèmement favorables à ce sentiment; mais ce n'est point assez pour le mettre au nombre des dogmes de la foi, puisqu'on tire également de l'Ecriture, des Peres, & de saint Augustin même, des autorités qui appuient fortement l'opinion contraire, & que l'Eglise permet encore aujourd'hui que les Théologiens connus sous le nom de Molinistes & de Congruistes, la soutiennent.
En effet, ceux - ci alleguent en leur saveur le v. 25. du xxxiv. chap. de S. Matthieu, comparé avec le v. 41. du même chapitre, où la prédestination & la réprobation supposent également la prévision des
On sent que tout le noeud de cette difficulté, dépend
des systèmes qu'embrassent ces diverses écoles
sur la nature de la grace. Voyez
Les Catholiques admettent cette conséquence, quoiqu'ils ne conviennent pas du principe, comme on l'a vu. Les Luthériens l'admettoient en partie, prétendant qu'on peut être sûr de sa justice présente, mais non pas de la persévérance future. Mais les Calvinistes au contraire déciderent dans leur synode de Dordrecht, que le decret de la prédestination est absolu & immuable; que Dieu donne la vraie & vive foi à tous ceux qu'il veut retirer de la damnation commune, & à eux seuls; que tous les élus sont dans leur tems assurés de leur élection... non en sondant les decrets de Dieu, mais en remarquant en eux - mêmes les fruits infaillibles de cette élection tels que la vraie foi, la douleur de ses péchés, & les autres, & que le sentiment & la certitude de leur élection, les rend toujours meilleurs de plus en plus. Sess. 36. pag. 249. actor. synod. Dordac. Bossuet, hist. des variat. liv. XIV. pag. 328. & 330.
Luther avoit aussi toujours soutenu ces secrets absolus & particuliers, par lesquels Dieu prédestine un certain nombre d'élus; mais Melanchton adoucit cette doctrine, prétendant que la doctrine des Théologiens de la confession d'Augsbourg est que la prédesti - [p. 276]
Quoique les anciens hébreux fussent persuadés comme nous que Dieu a prévu ce que chaque homme doit être, faire, ou devenir, tant pour le bien que pour le mal, cependant il n'est pas aisé de se former une juste idée de leur système sur la prédestination. Joseph reconnoît que les Pharisiens admettoient le destin, sans toutefois exclure la liberté de l'homme; & comme les Hébreux admettoient la préexistence des ames, il est probable qu'ils pensoient que Dieu formoit son decret pour sauver ou pour damner les hommes, sur la connoissance qu'il a des bonnes ou des mauvaises qualités qui sont dans leurs ames avant leur infusion dans les corps; du bon ou mauvais usage qu'elles ont fait de leur liberté avant que de les animer, & de celui qu'elles en doivent faire dans le tems qu'elles vivront sur la terre. C'est sur ces idées qu'Origène avançoit que nous ne sommes pas prédestinés suivant la préscience de Dieu, mais en considération de nos mérites; & que Pélage avoit aussi formé son système, puisque saint Jérome lui reproche que sa doctrine n'est qu'une branche de celle d'Origène, doctrina sua Origenis ramusculus est; epist. ad Ctesiph. Saint Chrysostome, & la plûpart des peres grecs, ont aussi supposé dans la prédestination une prévision des mérites non passés, comme Origène, mais futurs, ni provenans de la nature, comme Pélage, mais fondés sur la grace.
Les Turcs admettent ordinairement une prédestination absolue & nécessitante pour tous les événemens de la vie, & en conséquence ils se précipitent
aveuglément à la guerre dans les plus grands dangers;
mais il y a aussi parmi eux la même différence
sur la prédestination antérieure ou postérieure aux
mérites, que chez les Chrétiens; dans le même sens
les payens reconnoissoient le destin. Voyez
Voici quelques passages propres à fixer les sentimens des peres dans cette grande question qui a exercé toutes les sectes religieuses en quelque lieu du monde que ce soit, & qui les a exercées avec d'autant plus de chaleur que l'objet en a dû paroître plus important, puisqu'il est question du salut éternel, du moyen d'y parvenir, du mérite ou du démérite de nos actions, de l'usage de notre liberté, de l'empire de Dieu sur sa créature. Ce qui a dû encore ajouter à l'opiniatreté avec laquelle on devoit s'occuper de ces dogmes, c'est leur profondeur, leur incompréhensibilité. C'est une maladie de l'esprit humain que de s'attacher d'autant plus fortement à un objet qu'il lui donne moins de prise.
Il paroît très - vraisemblable que le sentiment général des Peres sur la prédestination, a été que ceux qui ne parviennent point au salut, périssent, parce qu'ils n'ont pas voulu faire le bien qu'ils pouvoient; & que c'est dans l'homme seul qu'il faut chercher la cause de ce qu'il n'est pas sauvé, attendu qu'étant appellé, il néglige de suivre sa vocation, & qu'ainsi il rend inutiles les dons de Dieu.
Irénée, l. IV. c. lxxvj. dit en termes exprès, que
c'est à soi - même que l'homme doit s'en prendre, s'il
n'a point de part aux graces du Très - haut.
Clément d'Alexandrie parlant des payens dit,
On trouve un passage assez semblable à celui de
saint Clément, dans Origène contre Celse, liv. III.
p. 115. le voici:
Saint Chrysostome, in cap. ix. ep. ad Rom. p. 196.
s'exprime d'une maniere claire par rapport à Pharaon:
Il paroît par quelques écrits de saint Augustin, que
ce pere étoit alors d'accord sur ce point avec les docteurs
qui l'avoient précédé; je ne citerai pour le
prouver qu'un passage frappant, qui se trouve dans
son tract. 53. saint Augustin y explique les versets
39. & 40. du chap. xij. de l'Evang. selon saint Jean,
& voici comme il s'exprime:
Il résulte assez clairement de tous ces passages &
autres, dont les citations nous meneroient trop loin,
que les Peres attribuent la perte des pécheurs à leurs
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