ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"238"> sur le genre arteriel & veineux, ainsi que sur tout le système nerveux; il est évident que chaque organe doit faire sur le pouls une impression particuliere: cette impression sera presque insensible, comme dans l'état naturel, lorsque l'organe ne sera pas plus agité qu'à l'ordinaire; elle sera au contraire très - évidente, comme dans l'état d'un effort critique, lorsque l'organe sera gené dans ses fonctions, & fera quelqu'effott extraordinaire. Recherches sur le pouls.

Réflexions sur la doctrine de M. Bordeu sur le pouls. 1°. Sur les différences & les présages. On doit s'être apperçu par l'extrait que nous venons de donner de cette doctrine, qu'elle n'est qu'une collection, une suite, un enchainement de faits. C'est sur ce fondement solide qu'elle est fondée, établie; ainsi donc à l'abri de toute discussion théorique, elle ne peut être cimentée, étendue, ou restreinte & détruite que par de nouveaux faits conformes ou contradictoires. Les avantages qu'on peut en retirer dans la pratique ne sont pas équivoques: cependant cette doctrine dès qu'elle a été publiée, a essuyé des contradictions, excité des clameurs: eh! quelle découverte intéressante n'a pas fait bourdonner les frélons, sifler les serpens de l'envie? Plusieurs parmi les médecins, poussés par différens intérêts, ont renouvellé les scenes ridicules qu'ils ont déja joué avec tant d'indécence lors de la découverte de la circulation du sang, de l'antimoine, du quinquina, &c. Les uns ont attaqué la vérité des faits; d'autres, forcés par le nombre & l'esprit des témoignages d'en reconnoître l'authenticité, ont nié les avantages; mais tel est l'empire de la vérité, qui reçoit un nouvel éclat, & que ses fondemens s'affermissent par les efforts impuissans qu'on fait pour les renverser: cette doctrine prouvée par des faits incontestables, pouvoit tirer un nouveau genre de preuves des critiques qu'on en a faites; elles se sont presque toutes réduites à des clameurs vagues, à des murmures sourds, à des traits lancés dans l'obscurité de la nuit, dont on pourroit rougir, si on ne s'étoit ménagé l'indigne subterfuge de pouvoir les désavouer: combien perdroient - elles encore de leur poids ces critiques, si on remontoit à leur source; on les verroit dictées par la jalousie, attribut trop ordinaire, opprobre avilissant d'une profession noble, qui, si elle n'étoit pas infectée de cet affreux venin, rendroit, suivant l'expression d'un ancien, ceux qui l'exercent semblables aux dieux; par l'orgueil qui croît, ou veut ne rien ignorer, & qui est choqué du rôle d'écolier, qu'il faudroit recommencer; par la paresse, qui aime mieux nier qu'approfondir; par l'enthousiasme outré pour les dogmes anciens; par un aveugle esprit de parti, &c. Il y a des médecins très - éclairés, qu'il faut bien se garder de confondre avec les précédens, qui, faute d'occasion d'avoir pu s'assurer par eux - mêmes de la vérité & des avantages de cette doctrine, ne peuvent pas s'y conformer dans le cours de leur pratique, mais ils gardent le silence: ils ne s'avisent point de prononcer, encore moins de blasphémer contre une chose qu'ils ignorent, ils encouragent plutôt à suivre ce genre d'observation ceux qui sont à portée de les faire, ceux qui fréquentent les hôpitaux, qui voient un grand nombre de malades, cette conduite est très - prudente & désintéressée.

Les faits qui font la base de cette doctrine sont assez prouvés par l'autorité de celui qui les apporte: on ne peut les nier sans convaincre, ou, ce qu'on fait plus souvent & plus injustement, accuser de mensonge l'auteur qui les a observés, & qui en est lui - même garant; mais comme les faits deviennent moins étonnans & plus croyables à mesure qu'ils sont plus fréquens & attestés par un plus grand nombre de personnes; nous joignons à cette autorité respectable celle de Galien, qui a fait, comme nous l'avons vu, des observations conformes; celle de Prosper Alpin, de proesagiend. vit. & mort. lib. & cap. xj. de Wireus apud Georg. hont. sen. observ. med. singul. lib. XI. observ. 8. & d'un grand nombre d'autres médecins qui, sans avoir aucune idée de la valeur du pouls pour la prédiction des crises, ont décrit ses caracteres à l'approche d'une évacuation critique, tels qu'on les observe communément aujourd'hui, & qu'ils ont été exposés: ici se présentent le témoignage de dom Solano, de Nihell, de huit ou dix médecins espagnols, & de plusieurs personnes de considération, observat. nouv. & extraord. sur les crises, &c. celui de l'illustre M. de Sénac dissertat. sur les crises; celui de M. Lok, médecin anglois, qui rapporte plusieurs observations sur le pouls intermittent, signe de diarrhée critique, dans un traité anglois dont on est actuellement occupé à enrichir la France; toutes ces observations confirment en général la solidité & la vérité du système; mais la doctrine de M. Bordeu est plus particulierement constatée par les témoignages publics, & les observations de M M. Michel & le Camus. Voyez leurs ouvrages cités, par les faits rapportés dans une des theses soutenues cette année en 1760 pour la dispute d'une chaire de professeur dans la célebre université de Montpellier; je pourrois joindre ici toutes les observations dont j'ai été témoin oculaire, ou qui m'ont été communiquées par des personnes dignes de foi. Je n'ajouterai plus qu'un mot sur celles que j'ai eu occasion de faire moi - même pour répondre à quelques personnes qui, ayant distingué dès le premier pas quelques caracteres faciles à saisir, se sont rebutées de la difficulté qu'elles ont trouvées à appercevoir ceux qui étoient plus composés, & les ont regardé comme des divisions arbitraires, productions frivoles d'un esprit abusé. Dès que l'ouvrage de M. Bordeu parut, un professeur illustre de Montpellier, le célebre M. de Lamure, me conseilla de le lire, & d'essayer cette méthode aux hôpitaux que je fréquentois; il m'assura que dans le cours de sa pratique ordinaire il avoit observé plus d'une fois le pouls intermittent précéder les diarrhées critiques; je m'empressai de vérifier des observations qui me parurent importantes & douteuses; je ne tardai pas à me convaincre de la vérité de quelques unes, je saisis en peu de jours le pouls pectoral, & je vis bientôt avec une extrème plaisir survenir les crachats annoncés par le pouls; je fis les mêmes observations sur le pouls nasal & sur l'intestinal; il m'a paru que ces trois especes étoient les plus aisées à distinguer; je voyois toujours avec satisfaction mon pronostic se vérifier exactement; je rendis plusieurs jeunes médecins témoins de la justesse de mes prédictions; il me fallut un tems beaucoup plus considérable pour bien saisir les pouls stomacal, de la sueur, des urines, &c. & les pouls composés & compliqués; quelques pronostics que je hasardai avec ce peu de connoissance, & qui ne se vérifioient pas, me décourageoient beaucoup; je désesperais presque de parvenir à quelque chose de positif & de certain; je n'étois pas éloigné de croire qu'il y avoit beaucoup plus d'ideal que de réel dans ces derniers caracteres, & peu s'en fallut que je n'abandonnasse entierement l'ouvrage; cependant par le moyen des pouls simples, que je connoissois bien, je faisois souvent de nouvelles prédictions qui se rencontroient très - justes; elles me convainquirent que le peu de succès que j'avois dans les autres cas, devoit plutôt être attribué à mon impéritie qu'au défaut de la méthode; la suite confirma mon opinion, & justifia ma façon de penser; je suis venu à - bout par un travail assidu, que je continue tous les jours, à saisir presque tous les caracteres des pouls critiques, composés & compliqués. Avec un peu moins de constance & de courage, j'eusse peut - être été injus<pb-> [p. 239] te, j'eusse ridiculement, comme tant d'autres, opposé mon inexpérience à des faits positifs, & condamné des choses que je ne connoissois pas. Je puis au contraire opposer ma propre expérience soit à ceux qui ne conviennent pas des faits, soit à ceux qui prétendent que la pratique de la médecine ne peut en retirer aucune utilité; la forme de cet ouvrage & la longueur déja excessive de cet article, m'empêchent d'entrer dans le détail des observations que j'ai faites, ou dont j'ai été témoin, elles pourront être la matiere d'un ouvrage particulier.

A l'expérience, j'ajoute encore un raisonnement fort simple & décisif contre ceux qui ont l'inconséquence de reconnoître la vérité de cette doctrine, & d'en désavouer les avantages. On ne sauroit disconvenir qu'une maladie est d'autant plus facile à guérir, ou à traiter qu'elle est mieux connue, que les maladies aiguës fébriles n'étant autre chose qu'une agitation plus grande dans les humeurs, ou dans les vaisseaux, ou dans les unes & les autres, ou tendent à rétablir, ou suppléer les excrétions dont le dérangement les a excitées, que cette agitation, effort de la nature, suite de l'organisation animée de notre machine, ne peut cesser sans qu'il se fasse une évacuation critique: peut - on après cela contester l'utilité d'un signe qui dissipe l'obscurité répandue sur bien des maladies, qui dévoile la marche de la nature, qui indique le temps le plus propre pour l'exhibition des remedes, qui en détermine la qualité, qui annonce la terminaison des maladies, qui fait connoître d'avance & l'évacuation prête à se faire & le couloir par lequel elle aura lieu: or, quel médecin, muni de ces connoissances, n'opere pas efficacement, & ne prédit pas avec sureté, travaillant en même tems à la santé du malade, & à sa propre réputation. Suivons - le au lit des malades, interprete & ministre de la nature, dont il a su pénétrer les mysteres, éclairer la marche, qui connoît son pouvoir & sa maniere d'agir, son but & les moyens qu'elle prend pour parvenir, il ne voit dans la maladie la plus orageuse, qu'un travail forcé de la nature; il sait séparer les accidens les plus capables d'en imposer du fond de la maladie, par le peu de changement qu'ils font sur le pouls; il suit la nature pas - à - pas, modere ses efforts trop violens, les augmente quand ils sont foibles, s'il voit de loin la mort déja décidée, il ne l'accelere pas par des remedes déplacés, si la nature ménage une terminaison heureuse, il en est instruit d'avance, il la rend plus facile, plus sûre & plus heureuse, en préparant les voies, disposant les vaisseaux, & sollicitant doucement les humeurs vers les organes qui doivent être le siege de l'excrétion indicatoire; les malades bientôt hors de danger, sans éprouver les langueurs ennuy euses d'une pénible convalescence, sont tout aussitôt bien portans; ils passent rapidement des horreurs de la mort & de la maladie aux délices de la vie & de la santé; il me seroit facile de relever ce tableau, qui n'est point chargé par le contraste de celui que présentent les médecins qui, sourds à la voix de la nature, qu'ils ne connoissent pas, négligent les moyens les plus assurés pour s'instruire de sa marche, ne voyant dans les maladies que l'assemblage effrayant des symptômes dangereux qui leur paroissent tendre manifestement à la destruction du principe de la vie; interdits & tremblans ils se hâtent d'arracher l'épine fatale qui cause tous ces accidens, ils n'oublient rien; donnent remedes sur remedes, & redoublent à chaque instant sans choix & sans considération des efforts inutiles ou pernicieux; semblables à ces personnes qui, prêtes à se noyer, tâchent par la multiplicité de leurs mouvemens, d'échapper à une mort prochaine; ils se débattent en vain; leurs efforts, peu moderés & mal dirigés, ne servent qu'à les affoiblir, & à les précipi<cb-> ter plutôt: par cette pratique aveugle, par ces remedes donnés sans indications, ces médecins tantôt diminuent la force d'une fievre nécessaire, tantôt détournent la nature d'une métastase salutaire, souvent suspendent des excrétions critiques & décisives, pour en procurer d'autres qui sont indifférentes ou nuisibles. Les morts qui succedent en foule, deviennent, pour celui qui sait en profiter, l'école la plus avantageuse, mais horrible, où il ne s'éclaire qu'en gémissant.

La doctrine du pouls fait revivre les droits de la nature, rappelle la vraie médecine d'observation, appuyée sur les crises, & pratiquée avec tant d'éclat par le grand Hippocrate. Un des plus singuliers reproches qu'on lui ait fait, & qui en est un éloge très flatteur, est d'empêcher qu'on ne donne beaucoup de remedes; on ose avancer, pour en faire un crime, que les recherches sur le pouls, quelquefois obscures, souvent inutiles, sont aussi capables d'arrêter le médecin dans ses opérations. Voyez le rapport de la faculté de Médecine de Paris, joint à l'ouvrage cité de M. le Camus. Eh? que peut - il arriver de plus heureux à un médecin que d'épargner au malade le désagrément, l'incommodité & les suites fâcheuses d'un remede dégoutant, fatiguant, très - souventinutile, & quelquefois pernicieux, & de s'épargner à soi - même les plaintes & les reproches du malade, les murmures des parens, les clameurs des amis & les remords de sa conscience.

2°. Sur les causes. L'impossibilité de comprendre comment le pouls pouvoit se modifier diversement par l'action des différens organes, a fait douter plusieurs personnes de la vérité de cette doctrine, & les a détournés de cette étude. Etrange façon de penser, de fonder la nullité de faits bien attestés sur le défaut apparent de raisons qui les étayent! On a cherché inutilement des explications dans la théorie ordinaire des écoles extrèmement bornée, absolument insuffisante, & même contraire dans le cas présent. M. Flemming a essay é de plier cette doctrine aux idées d'économie animale reçues; mais il n'est pas possible de se contenter des absurdités qu'il débite là - dessus. Qu'on en juge par un exemple, par l'explication trèsobscure qu'il donne du pouls intermittent: il dit que « l'intermittence a lieu, lorsque pendant une contraction du système artériel, le sinus veineux & l'oreillette droite tardant trop à se remplir, à être distendues, ne peuvent dans le tems accoutumé se vuider dans le ventricule correspondant, d'où naît un retardement dans sa contraction, & par conséquent une distance plus grande dans les pulsations, qui constitue le pouls intermittent; lorsque la nature médite & fait effort pour opérer un devoiement critique, les humeurs se portent abondamment des vaisseaux sanguins dans les lymphatiques ou sereux, qui s'ouvrent en très - grand nombre dans la surface interne très - étendue des intestins, d'où il arrive que les vaisseaux sanguins sont moins pleins que le sinus veineux & l'oreillette droite, ne sont pas remplis, distendus & vuidés dans le même tems: ce qui occasionne le retardement dans la contraction du coeur & des arteres, ou l'intermittence. Plus les humeurs qui abordent aux intestins sont abondantes, plus aussi l'intermittence sera durable & sréquente: ce qui est très - conforme aux observations de Solano ». de Francise. Solani invent. circa arter. puls. &c. programma in quo ex secund. recept. in oeconom. animal. leges solvuntur & explicantur. L'explication que donne Chirac, & après lui un grand nombre d'auteurs, de l'intermittence du pouls, fondée sur les divers degrés de grossiéreté des différentes portions du sang, n'est pas moins fausse & ridicule. Mais on devroit savoir 1°. que des faits pour être inexplicables, ne sont pas moins certains, qu'il arrive souvent au vrai de n'être pas vraissembla

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