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Réflexions sur la doctrine de M. Bordeu sur le pouls. 1°. Sur les différences & les présages. On doit s'être apperçu par l'extrait que nous venons de donner de cette doctrine, qu'elle n'est qu'une collection, une suite, un enchainement de faits. C'est sur ce fondement solide qu'elle est fondée, établie; ainsi donc à l'abri de toute discussion théorique, elle ne peut être cimentée, étendue, ou restreinte & détruite que par de nouveaux faits conformes ou contradictoires. Les avantages qu'on peut en retirer dans la pratique ne sont pas équivoques: cependant cette doctrine dès qu'elle a été publiée, a essuyé des contradictions, excité des clameurs: eh! quelle découverte intéressante n'a pas fait bourdonner les frélons, sifler les serpens de l'envie? Plusieurs parmi les médecins, poussés par différens intérêts, ont renouvellé les scenes ridicules qu'ils ont déja joué avec tant d'indécence lors de la découverte de la circulation du sang, de l'antimoine, du quinquina, &c. Les uns ont attaqué la vérité des faits; d'autres, forcés par le nombre & l'esprit des témoignages d'en reconnoître l'authenticité, ont nié les avantages; mais tel est l'empire de la vérité, qui reçoit un nouvel éclat, & que ses fondemens s'affermissent par les efforts impuissans qu'on fait pour les renverser: cette doctrine prouvée par des faits incontestables, pouvoit tirer un nouveau genre de preuves des critiques qu'on en a faites; elles se sont presque toutes réduites à des clameurs vagues, à des murmures sourds, à des traits lancés dans l'obscurité de la nuit, dont on pourroit rougir, si on ne s'étoit ménagé l'indigne subterfuge de pouvoir les désavouer: combien perdroient - elles encore de leur poids ces critiques, si on remontoit à leur source; on les verroit dictées par la jalousie, attribut trop ordinaire, opprobre avilissant d'une profession noble, qui, si elle n'étoit pas infectée de cet affreux venin, rendroit, suivant l'expression d'un ancien, ceux qui l'exercent semblables aux dieux; par l'orgueil qui croît, ou veut ne rien ignorer, & qui est choqué du rôle d'écolier, qu'il faudroit recommencer; par la paresse, qui aime mieux nier qu'approfondir; par l'enthousiasme outré pour les dogmes anciens; par un aveugle esprit de parti, &c. Il y a des médecins très - éclairés, qu'il faut bien se garder de confondre avec les précédens, qui, faute d'occasion d'avoir pu s'assurer par eux - mêmes de la vérité & des avantages de cette doctrine, ne peuvent pas s'y conformer dans le cours de leur pratique, mais ils gardent le silence: ils ne s'avisent point de prononcer, encore moins de blasphémer contre une chose qu'ils ignorent, ils encouragent plutôt à suivre ce genre d'observation ceux qui sont à portée de les faire, ceux qui fréquentent les hôpitaux, qui voient un grand nombre de malades, cette conduite est très - prudente & désintéressée.
Les faits qui font la base de cette doctrine sont assez prouvés par l'autorité de celui qui les apporte: on ne peut les nier sans convaincre, ou, ce qu'on fait plus souvent & plus injustement, accuser de mensonge l'auteur qui les a observés, & qui en est lui - même garant; mais comme les faits deviennent moins étonnans & plus croyables à mesure qu'ils sont plus fréquens & attestés par un plus grand nombre de personnes; nous joignons à cette autorité respectable celle de Galien, qui a fait, comme nous l'avons
A l'expérience, j'ajoute encore un raisonnement fort simple & décisif contre ceux qui ont l'inconséquence de reconnoître la vérité de cette doctrine, & d'en désavouer les avantages. On ne sauroit disconvenir qu'une maladie est d'autant plus facile à guérir, ou à traiter qu'elle est mieux connue, que les maladies aiguës fébriles n'étant autre chose qu'une agitation plus grande dans les humeurs, ou dans les vaisseaux, ou dans les unes & les autres, ou tendent à rétablir, ou suppléer les excrétions dont le dérangement les a excitées, que cette agitation, effort de la nature, suite de l'organisation animée de notre machine, ne peut cesser sans qu'il se fasse une évacuation critique: peut - on après cela contester l'utilité d'un signe qui dissipe l'obscurité répandue sur bien des maladies, qui dévoile la marche de la nature, qui indique le temps le plus propre pour l'exhibition des remedes, qui en détermine la qualité, qui annonce la terminaison des maladies, qui fait connoître d'avance & l'évacuation prête à se faire & le couloir par lequel elle aura lieu: or, quel médecin, muni de ces connoissances, n'opere pas efficacement, & ne prédit pas avec sureté, travaillant en même tems à la santé du malade, & à sa propre réputation. Suivons - le au lit des malades, interprete & ministre de la nature, dont il a su pénétrer les mysteres, éclairer la marche, qui connoît son pouvoir & sa maniere d'agir, son but & les moyens qu'elle prend pour parvenir, il ne voit dans la maladie la plus orageuse, qu'un travail forcé de la nature; il sait séparer les accidens les plus capables d'en imposer du fond de la maladie, par le peu de changement qu'ils font sur le pouls; il suit la nature pas - à - pas, modere ses efforts trop violens, les augmente quand ils sont foibles, s'il voit de loin la mort déja décidée, il ne l'accelere pas par des remedes déplacés, si la nature ménage une terminaison heureuse, il en est instruit d'avance, il la rend plus facile, plus sûre & plus heureuse, en préparant les voies, disposant les vaisseaux, & sollicitant doucement les humeurs vers les organes qui doivent être le siege de l'excrétion indicatoire; les malades bientôt hors de danger, sans éprouver les langueurs ennuy euses d'une pénible convalescence, sont tout aussitôt bien portans; ils passent rapidement des horreurs de la mort & de la maladie aux délices de la vie & de la santé; il me seroit facile de relever ce tableau, qui n'est point chargé par le contraste de celui que présentent les médecins qui, sourds à la voix de la nature, qu'ils ne connoissent pas, négligent les moyens les plus assurés pour s'instruire de sa marche, ne voyant dans les maladies que l'assemblage effrayant des symptômes dangereux qui leur paroissent tendre manifestement à la destruction du principe de la vie; interdits & tremblans ils se hâtent d'arracher l'épine fatale qui cause tous ces accidens, ils n'oublient rien; donnent remedes sur remedes, & redoublent à chaque instant sans choix & sans considération des efforts inutiles ou pernicieux; semblables à ces personnes qui, prêtes à se noyer, tâchent par la multiplicité de leurs mouvemens, d'échapper à une mort prochaine; ils se débattent en vain; leurs efforts, peu moderés & mal dirigés, ne servent qu'à les affoiblir, & à les précipi<cb->
La doctrine du pouls fait revivre les droits de la nature, rappelle la vraie médecine d'observation, appuyée sur les crises, & pratiquée avec tant d'éclat par le grand Hippocrate. Un des plus singuliers reproches qu'on lui ait fait, & qui en est un éloge très flatteur, est d'empêcher qu'on ne donne beaucoup de remedes; on ose avancer, pour en faire un crime, que les recherches sur le pouls, quelquefois obscures, souvent inutiles, sont aussi capables d'arrêter le médecin dans ses opérations. Voyez le rapport de la faculté de Médecine de Paris, joint à l'ouvrage cité de M. le Camus. Eh? que peut - il arriver de plus heureux à un médecin que d'épargner au malade le désagrément, l'incommodité & les suites fâcheuses d'un remede dégoutant, fatiguant, très - souventinutile, & quelquefois pernicieux, & de s'épargner à soi - même les plaintes & les reproches du malade, les murmures des parens, les clameurs des amis & les remords de sa conscience.
2°. Sur les causes. L'impossibilité de comprendre
comment le pouls pouvoit se modifier diversement
par l'action des différens organes, a fait douter plusieurs
personnes de la vérité de cette doctrine, & les
a détournés de cette étude. Etrange façon de penser,
de fonder la nullité de faits bien attestés sur le défaut
apparent de raisons qui les étayent! On a cherché
inutilement des explications dans la théorie ordinaire
des écoles extrèmement bornée, absolument insuffisante,
& même contraire dans le cas présent. M.
Flemming a essay é de plier cette doctrine aux idées
d'économie animale reçues; mais il n'est pas possible
de se contenter des absurdités qu'il débite là - dessus.
Qu'on en juge par un exemple, par l'explication trèsobscure
qu'il donne du pouls intermittent: il dit que
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