ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"226"> pulsations, ensuite le pouls propre aux différentes saisons, aux différens organes, aux sexes, & aux circonstances particulieres où les femmes peuvent se trouver, aux tempéramens, aux âges, à la taille, &c. Si le pouls répond exactement à tous ces différens objets, la santé est parfaite & elle sera constante; s'il s'éloigne de ce juste milieu, dès - lors il y a maladie ou disposition plus ou moins prochaine: or il peut s'en éloigner si sa vîtesse augmente ou diminue, si les pulsations ne sont pas long - tems égales, si pendant une saison on ne trouve pas le pouls conforme ou qu'on y trouve le pouls d'une autre saison; si de même les différens pouls ne répondent pas aux visceres analogues, s'ils sont alterés, ou s'ils ont simplement changé de place; si dans un homme on trouve le pouls d'un enfant ou d'une femme, &c. ou si enfin on observe quelqu'un des pouls externes, internes, mortels ou monstrueux, que nous avons exposés.

L'excès de vîtesse dans le pouls indique un excès de chaleur; elle est modérée si le pouls bat six fois dans un adulte pendant une respiration, elle est très considérable s'il bat sept, le danger est fort grand s'il bat jusqu'à huit fois, & le malade expire s'il y a un plus grand nombre de battemens. La lenteur du pouls est un signe de froid; à mesure qu'elle augmente, elle dénote un froid plus grand & le danger plus pressant, au point que si pendant deux respirations le pouls ne bat qu'une fois, la mort est prochaine.

Cinquante pulsations égales & sans intermittences sont un signe de santé; si le pouls s'arrête avant d'avoir battu cinquante fois, il n'est pas naturel, il indique maladie d'autant plus grave, que le nombre des battemens après lesquels il s'arrête est plus petit. Si au bout de quarante battemens le pouls s'arrête, un des cinq tsang ou principaux visceres est gâté, le malade ne doit pas passer quatre ans; si c'est après trente, la mort survient après trois ans, & l'intermittence à chaque vingtieme annonce la mort dans deux ans; l'intermittence plus fréquente dénote un danger plus pressant & une mort plus prompte, &c.

Les dérangemens quiarrivent dans le pouls par rapport aux saisons sont plus ou moins dangereux; en général avoir au printems le pouls de l'estomac; en hiver, le pouls du coeur; en été, celui du poumon; en autonne, celui du foie, c'est un très - mauvais signe: cependant si au printems on observe le pouls propre à cette saison, qui est celui du foie, combiné avec le pouls de la derniere lune de chaque saison ou de l'estomac, la maladie n'est pas dangereuse & on guérit assez souvent sans remedes, alors le pouls est trémuleux, long, & en même tems un peu lent; mais s'il perdoit sa trémulation, & qu'il n'eût que la lenteur du pouls de l'estomac, le danger seroit pressant. Si les pouls propres aux saisons se dérangent de façon, dit l'auteur que nous analysons, que l'enfant soit soutenu par sa mere, le mal n'est pas grand; mais si la mere charge l'enfant, la maladie sera longue: il en est de même si le mari & la femme ne se tiennent pas dans l'ordre. Cette façon allégorique de s'exprimer est fondée sur la sympathie, la dépendance mutuelle des visceres, & l'espece de filiation qu'ils ont établie entr'eux; & pour éclaircir le passage que je viens de rapporter, je n'ai qu'à développer le rôle que les Chinois font jouer à chaque viscere dans cette famille: ils pensent que les reins sont la mere du foie qui a l'estomac pour épouse & le coeur pour fils, que le coeur est le mari du poumon & le pere de l'estomac; ainsi lorsqu'ils disent que l'enfant est soutenu par la mere, ils veulent faire entendre qu'un viscere prend le pouls de celui qui passe pour son fils, ainsi dans l'exemple proposé: la maladie n'est pas sérieuse, si, lorsque le pouls de l'estomac est haut & regorgeant, celui du coeur (qui est son pere) prend la lenteur modérée qui lui est propre; si la mere charge l'en - fant, ajoute - t - il, la maladie sera longue, c'est - à - dire, si les reins communiquent leur mal au foie, ou le foie au coeur. Avec cette clé on peut résoudre les autres énigmes semblables. « Dans le printems avoir le pouls du poumon, poursuit Ouang chon no, cela est mortel, pour le pouls du coeur passe; car le coeur est le fils du foie qui a les reins pour mere & l'estomac pour épouse ». Ce prognostic est fondé sur ce que le métal, comme nous avons dit, répond au poumon & le printems au bois, & que le métal détruit le bois, d'où il suit que le malade doit être détruit; telle est l'explication de tous leurs autres axiomes, je crois que c'en est aussi le fondement ordinaire.

On peut juger par - là du danger qui accompagne les transpositions des pouls propres aux différens visceres; mais ces pouls non - seulement peuvent changer de place, ils s'alterent souvent d'une autre façon & prennent des caracteres plus ou moins dangereux: on peut assurer en général qu'un viscere est sain lorsque son pouls a au - moins quarante - cinq battemens consécutifs sans une interruption considérable. Si le pouls du carpe gauche ou du coeur, après ces quarantecinq battemens égaux, cesse ou change peu de tems, il n'y a pas grand danger; si le pouls, après avoir battu trente - une fois, se plonge & tarde notablement à revenir comme auparavant, le malade mourra la saison suivante, &c. si le pouls propre au foie qui est celui de la jointure du poignet gauche, après vingt - six battemens convenables, se plonge & devient profond sans cependant tarder à revenir tel qu'il doit être, c'est signe de chaleur excessive & ventosités dans le foie; si, après vingt - neuf battemens, il devient aigre & paroît vouloir se cacher, le foie est très - mal affecté, il y a obstruction considérable, les jointures des membres s'en sentent, cela va communément de mal en pis jusqu'à la mort qui s'ensuit; si, après dixneuf battemens, il se plonge & se releve alternativement, le foie est entierement gâté, il ne fait plus ses fonctions, & il n'y a plus rien à attendre de la vertu des remedes.

Le pouls du cubitus gauche ou du rein gauche indique chaleur & ventosité dans ce rein, lorsqu'on le sent précipité ou trémuleux long; s'il devient tout - à - coup très - lent, c'est signe de froid, le mal est très dangereux, demande un prompt secours, beaucoup de soin & de dépense; si, après vingt - cinq battemens égaux, ce pouls se plonge, ce rein est gâté & ne fait plus ses fonctions: toute l'habileté du médecin ne sauroit sauver le malade, à - peine pourra - t - on différer la mort de peu de jours.

Si le pouls du carpe droit, propre au poumon, se trouve très - précipité, le poumon a souffert de l'air extérieur; & si, en continuant à compter les battemens & à observer le pouls, « vous trouvez, dit l'auteur, qu'après vingt - sept battemens il devienne considérablement lent, le poumon n'a plus le degré de chaleur nécessaire, ne dites pas c'est peu de chose, remédiez - y promptement; sans cela, un matin vous trouverez que le pouls se plongera & replongera, que le malade abattu ne pourra quitter le lit, que le poumon ne fait plus ses fonctions, & vous vous repentirez d'avoir dit d'abord que ce n'étoit rien. Que si, après douze autres battemens, le pouls disparoît encore, ou change notablement, bien - tôt le malade sera tourmenté d'une toux fâcheuse, accompagnée ou suivie de crachats mélés de pus, les forces lui manqueront, ses cheveux se hérisseront; & le fameux Tsin pien tsi ressuscitât - t - il pour le traiter, il ne le pourroit faire avec succès ».

Le pouls de la jointure du poignet droit, propre à l'estomac, devenant trop précipité, dénote que la digestion est troublée par trop de chaleur; l'extrème lenteur de ce pouls désignera que le mal vient du froid, ce qui est plus ordinaire; s'il arrive, comme [p. 227] cela est fréquent, qu'il y ait alors des nausées & des vomissemens, le malade n'a plus guere qu'environ dix jours de vie.

Lorsque le pouls de l'extrémité du cubitus droit qui appartient au rein de ce côté, se plonge & se replonge après dix - neuf battemens considérables, c'est un grand prognostic de mort, de cent il n'en réchapera pas un; & si c'est après sept battemens, sans se relever que long - tems après, le malade n'a plus que quelques heures à vivre. Ce pouls fort précipité tenant du trémuleux, indique des ventosités dans cet organe. Il y a encore du remede.

Ces dérangemens des différens pouls ne sont pas les seuls dont les Chinois tirent des signes dans l'examen & le prognostic des maladies; ils considerent avec la même attention, & peut - être le même fruit, les différentes modifications que peut prendre chacun de ces pouls; ils sont en effet susceptibles de tous les caracteres qui constituent les pouls internes, externes & monstrueux; & la différente combinaison de ces pouls rend les présages extrèmement étendus & compliqués. Nous passerons tout ce détail trop long & sans doute ennuyeux, sous silence; nous en userons de même à l'égard des pouls externes & internes, parce que les signes qu'ils fournissent relativement à leur différente situation & à leur combinaison sont prodigieusement multipliés; nous nous contenterons de faire observer que les pouls externes sont toujours plus favorables que les autres, parce qu'ils indiquent que la maladie se porte au - dehors & n'attaque aucun viscere considérable; outre les signes qu'ils présentent au médecin pour connoître la maladie & en prognostiquer l'issue, ils lui fournissent des indications pour placer avantageusement les remedes: c'est une maxime reçue chez les praticiens chinois, que lorsque le pouls est feou, superficiel, externe, facile à sentir en posant simplement le doigt, il faut faire suer le malade, & lorsqu'il est tschin, profond, & comme rentrant, il faut purger; ils ne sont cependant pas si scrupuleusement attachés à cette regle, qu'ils ne s'en écartent dans quelques occasions qui sont rares: ils ont une autre maxime assez analogue à celle - là, qui est de purger dans les maladies internes, & de faire suer dans celles qui ont leur siege à l'extérieur. Cependant lorsque dans une maladie intérieure le pouls est externe, ils tirent leurs indications de ce signe; il survient quelquefois après midi une chaleur intérieure: si le pouls est superficiel & comme vuide, c'est - à - dire, mou, faites suer, recommandent - ils, par le moyen des sommités de l'arbre kouei: de même quand la poitrine est embarrassée, on use communément d'une potion qui, en faisant aller par bas, dégage la poitrine, & qui pour cela s'appelle pectorale; si cependant le pouls est superficiel, ne purgez point, cela est mortel.

Nous remarquerons en général, sur les pouls monstrueux ou mortels, qu'ils sont tous des signes d'une mort plus ou moins prochaine; les uns l'annoncent dès le jour même, comme le pouls, fon foe, bouillon de marmite; d'autres, dans deux jours, comme le siun tao, qui désigne aussi quelquefois le saignement de nez; il y en a qui ne l'annoncent que pour trois, quatre jours, ou même pour plus long - tems, pour des années entieres, pour quatre ou cinq ans: on prétend encore que l'empereur Hoamti en a observé qui marquent qu'on ne doit mourir que dans vingt ou trente ans; ces prédictions paroissent bien hasardées, il doit arriver rarement que le médecin puisse les voir se vérifier.

Réflexions sur la doctrine des Chinois sur le pouls: 1°. sur les différences. Il n'y a pas lieu de douter que les différences des pouls, établies par les Chinois, ne soient fondées sur l'observation; la maniere dont elles sont exprimées & peintes fait voir évidemment leur origine; cependant il n'en est pas moins certain que la plûpart sont indéterminées & arbitraires. Les objets qui leur ont servi de point de comparaison ne sont rien moins que fixes & décidés, chacun peut souvent s'en faire une idée très - différente; il y en a même qui ne présentent aucune image sensible, qui n'offrent aucun sujet d'analogie; quel rapport en effet peut - il y avoir entre le battement d'une artere & le mouvement de l'eau qui se glisse à - travers une fente, & un homme qui défait sa ceinture, ou qui, voulant entortiller quelque chose, n'a pas assez d'étoffe pour en faire le tour, & une motte de terre, &c. &c. &c. On ne sauroit disconvenir qu'il n'y ait quelqu'une de ces comparaisons heureuses, qui servent à donner une idée assez exacte du pouls; telles sont celles du pouls glissant, avec des perles, du feou ho, avec des flots qui se succedent; du trémuleux, avec les vibrations des cordes d'instrument; du tanche même, avec une pierre lancée par une arbalète; du vuide, avec le trou d'une flûte, ou l'orifice d'un vase, &c. &c. Cette façon de peindre les modifications du pouls a bien ses avantages, il seroit très à souhaiter qu'on pût trouver pour tous les pouls connus des objets de comparaison assortis; il est certain qu'on saisiroit plus facilement & qu'on en retiendroit mieux les différens caracteres: parmi ces différences il s'en trouve quelques - unes très - conformes à celles que Galien a établi & que tous les Médecins reconnoissent; mais la plûpart sont nouvelles pour nous, & paroissent bien minutieuses & bien difficiles à saisir. Ce ne doit cependant pas être une raison pour les regarder comme chimériques: 1°. parce que c'est une absurdité que de nier une chose parce qu'on ne la comprend pas; 2°. parce qu'il est au - moins très - imprudent de prononcer sur des objets qu'on ne connoît pas; 3°. parce que les Chinois s'étant adonnés particulierement à ce genre d'étude, il n'est pas étonnant qu'ils soient allés plus loin que nous & qu'ils n'aient des lumieres supérieures aux nôtres; 4°. enfin, parce que moins légers que nous, ils portent dans l'examen de ce signe une application singuliere dont nous sommes peu capables: je ne prétends cependant pas garantir la vérité de tout ce qu'ils avancent; mais je voudrois qu'on suspendît son jugement sur des choses qu'on ne connoît pas, & qu'on ne les condamnât qu'après un mûr examen fondé sur des observations répétées.

2°. Sur les causes. La théorie que les Chinois donnent du pouls, ne paroît pas s'écarter beaucoup des idées que nous en avons: d'ailleurs, comme elle tient à leur système général de Médecine & d'économie animale peu connu, nous n'avons pas pû la développer exactement; si quelque endroit choque notre façon de penser, peut - être le défaut n'est que dans les termes & dans le tour de phrase, ou méritet - il encore mieux d'être attribué à la mal - adresse de ceux qui nous ont transmis leurs sentimens, & qui ont prétendu les éclaircir. Quoi qu'il en soit, la comparaison du corps humain avec un luth, ou un autre instrument harmonique, nous paroît très - juste; la division du corps en deux parties latérales, très - lumineuse; l'influence des différens visceres sur le pouls, très - conforme à la plus saine doctrine répandue parmi nous: les filiations & les correspondances des visceres entr'eux sont sans doute bien apperçues en général, peut être sont elles mal déterminées & mal exprimées; leurs idées sur la circulation du sang ne sont pas assez clairement exposées. La maniere dont ce mouvement produit le pouls n'est point suffisamment détaillée, il n'est pas possible de savoir si c'est en irritant les vaisseaux, ou en les distendant, qu'il en occasionne les battemens. Ce qu'ils disent sur les faisons mérite d'être constaté, elles influent sans contredit sur le pouls, elles doivent en variant y occasionner des changemens, mais en résulte - t - il les effets

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