ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"222"> chinoise; il suffit pour exercer cette profession, dit le célebre Ouang - chon - ho, d'être bien instruit des propriétés du pouls & des drogues: par ce signe bien & longuement examiné, le médecin habile est en état de décider le genre, l'espece, le caractere particulier, la nature & le siége de la maladie qui se présente; il peut annoncer d'avance quelle sera son issue, dans quel tems elle aura lieu, comment elle se fera; & il y puise en même tems les indications nécessaires pour l'administration des remedes. Toutes les relations des historiens s'accordent à nous présenter les Médecins de ce pays, comme merveilleux en ce genre; les idées qu'ils ont sur le pouls, sont ou paroissent très - différentes de celles de tous les autres peuples, peut - être ces différences consistent prin<-> lement dans la façon dont ils s'expriment, dans yle allégorique peu compris qu'ils emploient; les connoissances qu'ils ont sur ce sujet, comme sur bien d'autres sont très - anciennes; leur origine se perd dans l'antiquité la plus reculée où elle est altérée par des fables; une tradition constante à la Chine, fait l'empereur Hoamti, successeur de Chiningo ou Xin - num, fondateur de la Médecine chinoise, & auteur de plusieurs traités sur le pouls: mais l'époque de son regne n'est point fixée; jaloux de leur ancienneté, la plûpart des Chinois la font remonter plusieurs siecles avant la création du monde, telle qu'elle est déterminée par les livres de Moïse; mais ce sentiment est sans contredit faux, puisqu'il est contraire à la chronologie sacrée, la seule véritable. Il est beaucoup plus naturel, ou du moins plus sûr de croire avec d'autres, que cet empereur vivoit quelque tems avant le déluge vers le quinzieme siecle du monde; il ne nous reste plus aucun de ses ouvrages sur le pouls, par lesquels on puisse bien constater ce fait & dont on puisse tirer des éclaircissemens ultérieurs; quoi qu'il en soit, il est toujours très certain que les Chinois sont les peuples qui ont le plus anciennement connu le pouls & appliqué ce signe à la pratique de la Médecine. Ouang - chon - ho qui vivoit sous l'empereur Tsin - chi - hoang, ce fameux bruleur de livres, c'est - à - dire quelques siecles avant l'ere chrétienne, fait dans un ouvrage qui nous reste, mention de plusieurs traités sur le pouls, qu'il distingue dès ce tems - là en anciens & en modernes: cet ouvrage a été traduit en françois par le pere Hervien, & se trouve imprimé avec des notes destinées à l'éclaircir dans le second volume de l'histoire de la Chine, du pere Duhalde; le traducteur pense que cet ouvrage est plutôt une compilation qu'un traité fait par un seul & même auteur; je ne serois pas éloigné de ce sentiment, à la vûe des répétitions fréquentes & du peu d'ordre qu'on y rencontre. La doctrine des Chinois y est exposée fort au long, mais c'est un chaos impénétrable; l'obscurité est si grande qu'on seroit tenté de croire que ni l'auteur, ni le traducteur, ni le faiseur de notes n'y entendoient rien; il se peut aussi que les ténébres qui paroissent répandues sur cette doctrine soient l'effet de l'ignorance où nous sommes, du fond de médecine suivi par ces peuples, & des idées qu'ils ont sur l'économie animale, ignorance que n'ont pas pu détruire les historiens peu versés eux - mêmes dans les matieres qu'ils traitoient; nous ne tirons pas beaucoup plus de lumieres du traité qu'André Cleyer a composé sur le même sujet, specimen medicin. sinic. Francof. ann. 1682. Ce traité n'est qu'une collection informe des débris de différens ouvrages; on en trouve un extrait assez détaillé dans l'histoire de la Médecine, ou des opinions des différens Médecins, donné par Barchusen en 1710; enfin les éphémérides des curieux de la nature contiennent un livre du pere Michel Boyme, jésuite polonois, & missionnaire à la Chine, sur le pouls, tom. XI. ann. 1685. il est formé de plusieurs fragmens qu'il avoit composés à Siam en 1658, mais qui étoient dispersés & presque inconnus. M. le Camus qui vante beaucoup la sagacité des Médecins chinois sur ce point, n'entre dans aucun détail de leur doctrine, il se contente d'exposer historiquement quelques pouls qui passent pour être mortels; c'est de ces différens auteurs que nous allons extraire les matériaux de cet article; pour exposer d'une maniere exacte & complettement toute la doctrine des Chinois sur le pouls, il faudroit donner un traité général de leur médecine, c'est - à - dire faire un très - gros volume, ce que ni le tems, ni la forme de cet ouvrage ne permettent pas: je m'attacherai seulement à donner une idée légere de leur méthode; le lecteur pourra trouver dans les ouvrages déja cités de quoi se satisfaire, s'il est curieux de plus longs détails, & s'il ne craint pas le dégoût que produit toujours la lecture d'un livre dont le moindre mot exigeroit souvent un commentaire très - ample.

Différences des pouls; elles ne sont déduites d'aucun principe général, ni pliées à une certaine méthode, ni enfin restraintes à un nombre déterminé; fondées sur la différente impression que l'artère fait sur le doigt, en s'élevant ou en s'abaissant, chaque observateur peut en être différemment affecté, la comparer aux objets que lui présente son imagination, & les multiplier à l'infini; le seul point dont ils conviennent, c'est que le pouls le plus naturel doit battre quatre ou cinq fois pendant l'intervalle de chaque respiration du médecin; il est censé lent, tardif, tchi & contre nature, lorsqu'il bat moins de quatre fois; on peut distinguer plusieurs degrés dans cette lenteur, de même que dans la vitesse qui s'estime par le nombre de pulsations qui se font sentir au - dessus de cinq entre chaque respiration; ils appellent ce pouls, vîte, précipité, fou: parmi les différences qui se présenfent ensuite, on en a distingué deux majeures qui se subdivisent en huit à neuf autres, ce sont les pouls qu'ils appellent externes & internes, piao & li, ces dénominations sont fondées sur ce que les uns servent à désigner les maladies internes, & les autres découvrent celles qui sont à l'extérieur; outre cela les pouls externes sont plus superficiels, ressortent, pour ainsi dire davantage, & les internes sont plus enfoncés, plus profonds, & comme rentrans.

On compte parmi les pouls externes; 1°. le feon nageant, ou superficiel qui paroît sans appuyer le doigt, & qui fait à - peu - près la même sensation que feroit une feuille d'oignon.

2°. Le kong ou vuide, les doigts posés sur l'artere ne sentent rien au milieu, & sentent aux deux côtés comme des bourlets, de même que si on posoit le doigt sur le trou d'une flûte.

3°. Le hou glissant ou fréquent aigu, dont les pulsations paroissent comme des perles détachées qui glissent sous le doigt.

4°. Le ché, espece de superficiel, qui n'en differe qu'en ce qu'il est plus plein, & qu'on sent comme si la feuille d'oignon à la quelle on l'a comparé plus haut étoit solide & pleine en - dedans; Cleyer l'appelle plein solide.

5°. Le hien tendu ou trémuleux long, ses pulsations ressemblent assez aux vibrations des cordes d'un instrument nommé tceng, qui a treize cordes.

6°. Le kin ou trémuleux court, variété du précédent, qui a tiré son nom d'un autre instrument chinois appellé ken.

7°. Le hong regorgeant, exundans, dont les pulsations sont élevées & fortes.

Les pouls internes en comprennent huit especes; 1°. le tchin profond enfoncé, qui ne se trouve qu'en pressant fortement l'artere. [p. 223]

2°. Le ouei petit, qui paroît sous le doigt comme un fil.

3°. Le ouan lent, remissus, qui bat à - peu - près trois fois dans une respiration.

4°. Le soe aigre, âpre, ou rare, obtus, ses battemens font une impression qui a du rapport à celle d'un couteau qui racle un bambou ou roseau.

5°. Le tchi, lent, rare, tardif, & qui vient comme en cachette.

6°. Le fou fuyant en - bas, se baissant, tombant, qui semble toujours s'enfoncer à mesure qu'on presse, de façon qu'il est peu sensible.

7°. Le sin, mol, fluide, ou mol subtil qui se dissipe, quand on presse, à - peu - près comme une goutte d'eau, ou du coton mouillé.

8°. Le yo assez analogue au précédent qui se sent quoique d'une maniere peu marquée, quand on appuie médiocrement, & qu'on ne sent plus dès qu'on presse davantage; on compare cette sensation à celle qui seroit excitée par le fait d'une étoffe usée.

A ces différences, les anciens en ajoutoient neuf autres, sous le nom générique de tao, mais que les modernes négligent aajourd'hui; dans cette classe sont renfermés, 1°. le tchang, long, qu'on sent comme un bâton ou le manche d'une lance.

2°. Le toan ou court qui paroît comme un point indivisible: on lui trouve de l'analogie avec une graine de riz.

3°. Le hin qu'on ne peut appercevoir qu'en plongeant bien avant le doigt. Le pere du Halde l'appelle mal à propos vuide; le nom de profond lui conviendroit beaucoup mieux.

4°. Le tson qui semble ne passer qu'avec peine sur tout un carpe; il est serré & gêné: on pourroit l'appeller embarrassé, avec plus de raison que le suivant.

5°. Le kié qui est un peu lent, & semble comme s'arrêter quelquefois.

6°. Le tai, espece d'intermittent: il s'arrête tout - à - coup, & a de la peine ensuite à revenir.

7°. Le sié délié qui paroît sous le doigt aussi fin qu'un cheveu: il est fort analogue au pouls externe ouei petit, ou plutôt il n'en differe pas.

8°. Le tong mobile qui fait une sensation assez semblable à celle du hon glissant, & qui a du rapport à celle que font les petits cailloux qu'on touche dans l'eau.

9°. Le dur qu'on dit faire la même impression qu'une peau de tambour ferme & unie.

La plûpart de ces différences sont connues de Galien, & décrites dans ses ouvrages. Elles sont beaucoup plus simples & mieux déterminées que les autres. Je ne vois pas ce qui peut avoir engagé les Chinois à n'en pas faire usage, à moins que ce ne soit le peu de sumiere qu'on en retire.

Les trois portions que les Chinois distinguent dans l'artere en tâtant le pouls, servent à multiplier prodigieusement les différences que nous venons d'exposer. Ils posent trois doigts sur l'artere du poignet, de façon que l'un répond au commencement du carpe; le second à l'articulation de ces os avec ceux de l'avantbras; & le troisieme à l'apophyse radiale qu'ils nomment, suivant les traducteurs, l'extrémité du cubitus. Les pulsations qui répondent à chaque doigt, peuvent avoir, & ont en effet dans l'état naturel des caracteres différens, analogues à l'action des visceres par qui elles sont modifiées. Ainsi le pouls d'un homme bien portant est fort eloigné d'être égal dans toute sa longueur. La pulsation ou le pouls du carpe differe de celui de la jointure, & celui - ci du pouls du cubitus: d'où il resulte qu'il peut arriver que les différences se repandent inégalement dans ces trois pouls; & que par conséquent leur nombre augmente à l'infini; & à proportion la difficulté de les saisir & d'en juger. La variété très - remarquable du pouls dans les deux bras, est encore une source de la multiplicité des différences; de façon qu'en tâtant le pouls des deux côtés, on peut appercevoir six caracteres simples différens. Quel embarras pour les reconnoître & les distinguer, sur - tout pour en tirer parti! Mais combien ne sera - t - il pas plus grand, si l'on conçoit qu'à chaque pouls, à chaque pulsation, tous ces caracteres se combinent de ceux qui ne s'excluent pas mutuellement? Quelle confusion, quel chaos que le tact le plus fin ne sauroit débrouiller, & dont l'imagination même s'épouvante!

A ces différences on peut encore joindre celles qui constituent les dix - huit ou vingt pouls qu'ils appellent monstrueux ou mortels, fondés toujours sur la comparaison qu'ils ont cru entrevoir avec d'autres objets.

1°. Le pouls qui paroît bouillonnant sans regle, comme l'eau sur un grand feu: on l'appelle soufre, bouillon de marmite, ou yong siven, source bouillante.

2°. Celui qui ressemble à un poisson qui nage, ayant la queue ou la tête immobile, les pulsations paroissent & disparoissent: on le nomme yussiang, fretillement de poisson.

3°. Le teon ho, union ou continuité de flots: il tire ce nom de la ressemblance qu'on lui a trouvée avec des flots qui se succedent, de façon que le flot postérieur gagne & empiette sur le précédent, avant qu'il soit applani; il a quelque rapport avec l'undosus & le dicrote de Galien.

4°. Le tanche, pierre ou balle d'arbalête, qui donne un coup ferme & sec contre les doigts, en paroissant venir de loin, & comme sortir d'entre les os. Les Chinois le nomment aussi l'ame d'un cadavre.

5°. Le tchic tso, picotement d'oiseau; il vient frapper trois ou cinq fois d'une maniere dure contre les doigts, puis cesse quelque tems, & revient de la même maniere: il a du rapport aux coups que les poules donnent avec leur bec en ramassant du grain; ou l'appelle l'avant - coureur du cadavre.

6°. Le von leon, fente par où l'eau découle dans une maison. Ce pouls est plein dès qu'il paroît; & d'abord après il est très - foible: on lui a trouvé du rapport avec une goutte d'eau qui se glisse par une fente; on lui a donné le nom de cadavre malade.

7°. Kiai so, corde qui se défile, qu'on a aussi nommé ceinture de cadavre. Il est éparpillé & brouillé de telle sorte, qu'on ne le sent point revenir à aucun mouvement réglé; il ressemble au mouvement d'une corde qui se relâche & qui se denoue; il est fréquent sans être continuel.

8°. Le thia yeon, allure de crapaud; il paroît imiter le saut de cet animal: ce pouls est profond; il se refuse au doigt qui n'appuye pas beaucoup. De tems en tems il survient un battement superficiel mais foible, qui cesse aussi - tôt, & après un tems considérable, revient de même; c'est ce qui a fait croire qu'il ne battoit qu'une fois pendant l'espace d'une respiration.

9°. Le siun tao ou yan tao, coups de couteaux qui se suivent, connus sous le nom de pouls d'un cadavre ambulant: il est fin & délié comme un fil de soie, & cependant il a des battemens durs & coupans, comme seroient des coups de la pointe d'un couteau ou d'une aiguille.

1°. Le tchouen teon, pois roulant, il frappe le doigt comme des pois ou des amandes; ses battemens sont assez forts, très - courts, durs & aigus: on lui a donné le surnom de cadavre qu'on jette dehors.

11°. Le sonyé, feuilles éparpillées; le mouvement de ce pouls imite le mouvement des feuilles qui tombent des arbres par intervalles non réglés.

12°. L'ouei ton, terre qu'on y jette, cadavre détruit. Ce pouls est dur & vuide en même tems: il frappe de la même maniere qu'une motte de terre, & donne neuf ou dix battemens pendant la respiration.

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