ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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de perfection, plus la nature est foible, & plus il
est à craindre qu'elle ne succombe aux obstacles
qui l'oppriment. Le pouls non - seulement nous manifeste
le dérangement ou la force de tout le corps,
mais encore la constitution & la nature du sang,
& en outre l'état des secrétions, semblable à un
pendule, dont le mouvement égal & uniforme marque
sûrement le bon état de l'horloge dont il fait
partié: le pouls décide de la nature de l'homme, la
vigueur ou la foiblesse de ses fonctions, &c.».
(Freder. Hoff. dissert. de puls. natur. &c. tom. VI. pag. 241.)
D'autre côté, on soutient hardiment avec le fougueux
Chirac, que la circulation du sang est le seul
flambeau capable de dissiper les ténebres dont la Médecine étoit enveloppée; qu'avant cette découverte,
tous les Médecins étoient des aveugles & des
ignorans qui marchoient à tâtons au milieu d'une
nuit obscure, & sacrifioient sans le savoir les malades
à leur aveugle empirisme; il tranche le mot, &
dans l'ardeur & le délire de son enthousiasme, il dit
qu'Hippocrate & Galien, privés de la clarté de ce
flambeau, ne pouvoient être que des maréchaux ferrans. (Dieux, quel blasphème!) Le pouls doit faire
connoître les moindres altérations dans le mouvement
du sang: quel jour éclatant ce signe ne doit - il
pas répandre dans la théorie & la pratique de la Médecine? Après des éloges si pompeux, on doit s'attendre
que toute la Médecine des méchaniciens soit
fondée sur le pouls; qu'elle soit désormais aussi certaine
qu'elle étoit auparavant conjecturale; qu'ils
tirent de - là les connoissances les moins équivoques,
les pronostics les plus justes, les indications les plus
sûres; enfin, que le pouls soit leur boussole universelle
& infaillible: point du tout, leur pratique n'est
pas plus conforme à leur théorie en ce point, que
dans les autres. Toutes ces vaines déclamations,
bonnes dans le cabinet où elles sont enfantées, ne
sont point soutenues au lit du malade; ces médecins,
presque tous routiniers, ne font qu'une légere attention
au pouls, tâtent superficiellement deux ou
trois pulsations, & les signes qu'ils en tirent sont
très - incertains & le plus souvent fautifs. Dès que le
pouls est petit, ils le croyent foible, pensent que les
forces sont épuisées, & donnent des cordiaux; dès
qu'il est élevé il passe pour être trop fort; à l'instant
on ordonne la saignée qu'on fait réitérer tant que le
pouls persiste dans cet état. Par la fréquence on juge
de la fiévre; le pouls fréquent en est le signe pathognomonique,
selon Sylvius de le Boë, (Prax. medic.
lib. II. pag. 460.) suivi en cela par Etmuller,
Decker, Schelhamer, Bohn, Willis, Brown, &
un grand nombre d'autres médecins. Voyez Fievre.
La dureté du pouls est un signe d'inflammation dans
les maladies aiguës; l'inégalité, & sur - tout l'intermittence,
un signe presque toujours mortel: c'est à
quoi se réduisent les connoissances que la plûpart
des médecins tirent du pouls. Bellini paroît avoir examiné
ce signe plus attentivement, partant toujours
des mêmes principes, & tirant plus du raisonnement
que de l'observation; il pense cependant que l'âge,
le tempérament, les passions, l'exercice, le sommeil,
la veille, les saisons, les pays, les climats, le boire
& le manger, faisant varier le pouls à l'infini, & chacune
de ces causes le modifiant différemment; on
ne pourra reconnoître le pouls naturel, & savoir si
celui qu'on tâte s'en éloigne, & de combien; & par
conséquent ce signe deviendra équivoque & trompeur.
Ajoutez encore à cela, dit - il, la différente quantité
de sang, & les variétés qui peuvent se trouver
dans le tissu, l'épaisseur, la tension, & la capacité
des arteres; (de putrib. pag. 64.) il indique néanmoins,
ou il imagine un pouls naturel qui doit servir
de point de comparaison où l'on rapporte tous les
autres, & qui est une espece de toise qui en mesure
les différens écarts; ce pouls est modéré dans sa vitesse,
sa force & sa durée, & toujours égal. Dans
les maladies les pouls grands, forts, & pleins, sont
de bon augure; ils dénotent que la circulation est
libre, & les forces encore entieres; les petits, les
foibles & les vuides, sont par la raison des contraires
un mauvais signe; le vîte & le lent sont aussi fâcheux:
l'un dénote une obstruction totale des extrémités artérielles,
& l'autre stagnation, dissolution du sang,
dissipation des forces, &c. Le pouls dur est à craindre,
parce qu'il signifie un état convulsif, une inflammation,
ou de grands embarras; le pouls mol est
encore plus funeste, marquant l'exténuation, un relâchement
mortel, & enfin un épuisement absolu
des forces. Le pouls rare indique l'obstruction du cerveau,
défaut d'esprits animaux, & engorgement des
arteres coronaires par des calculs, des polypes, de
la sérosité coagulée, &c. Si ces obstacles sont permanens,
ils donneront lieu aux miures récurrens,
intermitens, intercurrens, &c. Le pouls fréquent est
un signe de la vîtesse de la circulation; on remonte
par - là à la connoissance des causes qui l'ont produit.
Voyez 2°. Causes. Hoffman prétend que toutes les
inégalités qui constituent les vermiculaires, tremblottans,
formicans, ferrés, caprisans, dénotent un état
convulsif dans les parois de l'artere; il assûre, après
Galien, que le pouls ondulant annonce la sueur; mais
il ne dit pas l'avoir observé. Il remarque avec raison
que le pouls intermittent n'est pas toujours un signe
mortel; enfin, il veut que pour bien saisir la signification
du pouls, on le tâte long - tems & à diverses
reprises, & dans différentes parties, à l'exemple des
Chinois; il rappelle à ce sujet l'observation de Vanderlinde, sur un homme qui avoit mal à la rate, &
chez qui on sentoit un battement à l'hypocondre
gauche: seditionem facit lien, dit - il, pungendo pulsandoque. L'observation que rapporte Tulpius, (Centur. II. observ. XXVIII.) est tout - à - fait semblable;
dans le délire, ou lorsqu'il est prêt à se déclarer, les
arteres temporales battent très - fort. On sent aussi le
même battement, suivant la remarque d'Hippocrate, dans certaines maladies qui se terminent par une
hémorrhagie abondante du nez. (Coacar. proenot. cap.
III. n°. 23.)
Réflexions sur la doctrine des Méchaniciens. 1°. Sur
les différences; on ne sauroit refuser aux différences
des pouls assignées par les Méchaniciens un caractere
de simplicité qui semble les rendre plus faciles à observer,
& même plus significatives; l'ardeur avec
laquelle ils ont banni toutes les especes de pouls admises
par Galien, qui avoient un air hypothétique
& trop recherché, doit faire penser qu'ils ont été
eux - mêmes en garde contre cet écueil; il n'en est cependant
rien; leur prétendu zele n'est qu'un voile
dont ils vouloient couvrir leur mépris des anciens
& leur déchaînement contre leurs dogmes. Ils n'ont
pas montré plus de discernement dans les pouls qu'ils
ont rejetté, que dans ceux qu'ils ont retenus; guidés
dans ce choix par le raisonnement & le caprice bien
plus que par les lumieres & l'observation, ils ont
traité les pouls ondulans, dicrotes, caprisans, &c. de
chimériques, par la difficulté qu'ils voyoient d'en
donner des explications satisfaisantes, & de les classer
méthodiquement; cependant la plûpart de ces
pouls sont réellement observés; les caracteres qu'ils
ont admis sont réels; ils sont simples, mais en sont - ils
pour cela plus faciles à saisir, à connoître, à déterminer,
à bien évaluer? Il est certain que le pouls
est tantôt plus grand, tantôt plus petit, tantôt dur, &
tantôt mol, &c. Mais comment saura - t - on que le
pouls qu'on tâte participe de l'un ou l'autre de ces
caracteres? Y a - t - il un point fixe au - dessous duquel
le pouls soit dur, & au - dessous duquel il soit mol? La
vîtesse, la grandeur, la dureté & la force, sont des
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qualités respectives, dont on ne peut déterminer l'excès
ou le défaut, que d'après une mesure constante
& invariable. Cette mesure se trouve - t - elle dans le
pouls; y a - t - il un pouls naturel, fixe, & déterminé?
Quand il existeroit, l'observateur peut - il l'avoir toujours
présent dans l'esprit; ne peut - il pas s'en former
des idées différentes, suivant que la finesse du
tact variera, ou par d'autres circonstances? Ne
voyons - nous pas tous les jours qu'un pouls qui paroît
dur à un médecin, est censé mol par un autre,
de même qu'un corps n'est jamais trouvé par plusieurs
personnes avoir le même degré de chaleur;
d'ailleurs, toutes ces qualités, comme l'a judicieusement
observé Bellini, ne varient - elles pas suivant
l'âge, le tempérament, le climat, la disposition du
corps, &c. Dans l'état de santé, la mollesse & la dureté,
la fréquence & la vîtesse, n'ont - elles pas des
degrés différens? La fréquence du pouls, comme l'a
observé un auteur célebre, aussi illustré par ses lumieres
& ses écrits que par son rang & sa dignité,
varie encore beaucoup, suivant la taille; les personnes
grandes ont le pouls plus rare que les petites;
dans les corps de six piés il n'a compté que 60 pulsations
dans une minute; 70 dans ceux de cinq piés;
90 dans ceux de quatre; & 100 dans ceux qui n'avoient
que deux piés. (Structure du coeur, par M. de
Sénac, livre III. chap. vij. part. II. page 214.) On
remarque quelque chose d'assez semblable dans les
grands horloges, les pendules, & les montres; le
nombre de battemens augmente dans la même proportion
que leur petitesse; d'où l'on peut conclure
que les différences des pouls adoptées par les Méchaniciens, ne sont pas à beaucoup près préférables
à celles de Galien; qu'on ne peut en tirer rien d'assuré,
parce que leur valeur est le plus souvent arbitraire,
& qu'en général elles n'expriment rien de
précis & de positif.
2°. Sur les causes. L'étiologie du pouls développée
dans le système des Méchaniciens paroit au premier
coup - d'oeil assez satisfaisante; elle a reçu encore
un nouveau relief plus imposant que son prétendu
accord avec les lois de la méchanique par les calculs
dont on l'a hérissée, & sous lesquels on n'a fait que
l'envelopper; il sembloit qu'elle dût particsper de la
vérité & de la démonstration qu'on croit inséparables
des sciences mathématiques, & qui l'est effectivement
lorsqu'elles sont bien appliquées. Mais il est
facile d'appercevoir par le peu de succès des savans
illustres, par les erreurs grossieres dans lesquelles ils
sont tombés; par leur prodigieuse variété sur le même
point, voyez les ouvrages de Keill & de Borelli,
voyez aussi l'article Coeur, que la géométrie n'est
nullement applicable à la physique du corps humain;
nous pourrions joindre ici l'autorité respectable
d'un célebre mathématicien, & bien d'autres
preuves qui quoique démonstratives seroient ici déplacées,
parce qu'elles ne feroient rien au fond de
la question; il s'agit de savoir si en effet la circulation
du sang est la cause du battement des arteres ou
du pouls. La décision de cette question exigeroit une
discussion sévere des preuves de la circulation du
sang; mais il ne nous est pas possible d'entrer dans un
détail aussi long, quelque important qu'il pût être, &
quoiqu'il dût servir à éelaircir des faits intéressans mal
examinés ou connus & nullement constatés. Nous
sommes malgré nous obligés de nous restraindre &
d'élaguer souvent notre matiere, nous nous contenterons
d'observer, peut - être aurons nous quelqu'occasion
de le démontrer ailleurs, que l'on se fait une
idée très - incomplette & très - fausse de la circulation
du sang, si on se la représente comme un simple mouvement
progressif, toujours direct, toujours uniforme,
par lequel le sang est porté du coeur dans les
arteres, de - là dans les veines, d'où il revient de nou<cb->
veau dans le coeur; pour en trouver soi - même la
preuve il faut avoir recours à un moyen sûr & lumineux,
c'est l'observation exacte, assidue & réfléchie
des phénomenes de l'économie animale dans l'homme
sain & malade, & cesser de s'en tenir simplement
à des expériences fautives, peu décisives & mal évaluées. Voyez
Inflammation, Economie animalf
, & la suite de cet article.
En second lieu, il est certain qu'il y a un mouvement
progressif dans le sang, quel qu'il soit, de quelle
maniere qu'il s'exécute, quelles qu'en soient les causes,
le méchanisme & les variétés; mais admertonsle
pour un mouvement aussi uniforme que les Méchaniciens, il en résultera, 1°. qu'en le regardant comme
la cause du battement des arteres, on prend évidemment la cause pour l'effet; qu'il est beaucoup plus
naturel de croire que le mouvement du sang est dû à
l'action des arteres, que d'attribuer cette action au
mouvement du sang; 2°. que dans cette idée on fait
des arteres un instrument passif, sans ton, sans force,
& sans vie, bien différent en un mot de ce qu'elles
sont effectivement, on multiplie prodigieusement les
resistances opposées à la circulation, puisqu'alors
non - seulement le sang a à surmonter les obstacles
qui viennent des frottemens immenses, mais encore
une partie de sa force est employée à soulever, à
distendre, & à dilater les parois resserrés & contractés
des arteres; 5°. l'expérience de Galien que nous
avons rapportée plus haut est absolument contraire
à cette opinion, elle prouve incontestablement que
les arteres ne se dilatent pas, parce qu'elles reçoivent
du sang comme de simples outres, mais qu'elles
reçoivent du sang, parce qu'elles se dilatent comme
des soufflets qui ont une action propre ou dépendante
d'une cause extérieure; si l'on applique ce système à
différens phénomenes, par exemple, à la variété du
pouls des deux côtés, aux pulsations vives des parties
enflammées où le sang est censé en repos, si surtout
on essayoit de le plier aux nouvelles observations
sur le pouls dont il sera fait mention plus bas,
on en sentiroit de plus en plus les contradictions, l'insussisance
& la nullité; on ne peut rien trouver de
plus ridicule que l'explication qu'on donne de la fréquence
du pouls, on peut voir ce que nous en avons
dit à l'article Inflammation; l'étiologie du pouls
intermittent & des pouls inégaux ne présente aucune
idée, ce ne sont que des mots vuides de sens, & ce
langage quoique fort rapproché de notre tems, paroit
dejà plus barbare que celui des anciens; nous
sinirons par cette derniere remarque qui nous paroit
décisive, c'est que dans les arteres vuides de sang on
peut rappeller le double mouvement de dilatation
& de contraction en irritant les parois, sur - tout intérieurs
de l'artere, qui donnent par - là une grande
preuve d'irritabilité.
3°. Sur les présages. Il n'est pas étonnant qu'avec
des différences aussi vagues & une théorie aussi fausse
les Méchaniciens tirent aussi peu de lumieres du pouls
dans le diagnostic & le prognostic des maladies, &
c'est la raison pourquoi les effets répondent si peu
aux éloges magnifiques mais aveugles qu'ils font
de l'importance de ce signe. Ils ont raison de regarder
le pouls grand & fort comme un très - bon signe
dans les maladies aiguës, mais ils ont tort de tirer
un mauvais présage du pouls fréquent, vîte; ce pouls
est souvent très - nécessaire & aussi utile que la fievre
dont ils le regardent comme le siége; ils ont tort
aussi de se fonder sur la fréquence du pouls pour assurer
qu'il y a sievre, parce qu'ils ont donné le nom
de fievre à bien des maladies où le pouls n'est pas fréquent,
telles sont la plûpart des fievres malignes;
mais ils n'ont pas une idée plus nette & plus conforme
à la vérité de la flevre, mot si souvent répété &
jamais expliqué, que du pouls. Il se trompent davan<pb->
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