ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"218"> de perfection, plus la nature est foible, & plus il est à craindre qu'elle ne succombe aux obstacles qui l'oppriment. Le pouls non - seulement nous manifeste le dérangement ou la force de tout le corps, mais encore la constitution & la nature du sang, & en outre l'état des secrétions, semblable à un pendule, dont le mouvement égal & uniforme marque sûrement le bon état de l'horloge dont il fait partié: le pouls décide de la nature de l'homme, la vigueur ou la foiblesse de ses fonctions, &c.». (Freder. Hoff. dissert. de puls. natur. &c. tom. VI. pag. 241.) D'autre côté, on soutient hardiment avec le fougueux Chirac, que la circulation du sang est le seul flambeau capable de dissiper les ténebres dont la Médecine étoit enveloppée; qu'avant cette découverte, tous les Médecins étoient des aveugles & des ignorans qui marchoient à tâtons au milieu d'une nuit obscure, & sacrifioient sans le savoir les malades à leur aveugle empirisme; il tranche le mot, & dans l'ardeur & le délire de son enthousiasme, il dit qu'Hippocrate & Galien, privés de la clarté de ce flambeau, ne pouvoient être que des maréchaux ferrans. (Dieux, quel blasphème!) Le pouls doit faire connoître les moindres altérations dans le mouvement du sang: quel jour éclatant ce signe ne doit - il pas répandre dans la théorie & la pratique de la Médecine? Après des éloges si pompeux, on doit s'attendre que toute la Médecine des méchaniciens soit fondée sur le pouls; qu'elle soit désormais aussi certaine qu'elle étoit auparavant conjecturale; qu'ils tirent de - là les connoissances les moins équivoques, les pronostics les plus justes, les indications les plus sûres; enfin, que le pouls soit leur boussole universelle & infaillible: point du tout, leur pratique n'est pas plus conforme à leur théorie en ce point, que dans les autres. Toutes ces vaines déclamations, bonnes dans le cabinet où elles sont enfantées, ne sont point soutenues au lit du malade; ces médecins, presque tous routiniers, ne font qu'une légere attention au pouls, tâtent superficiellement deux ou trois pulsations, & les signes qu'ils en tirent sont très - incertains & le plus souvent fautifs. Dès que le pouls est petit, ils le croyent foible, pensent que les forces sont épuisées, & donnent des cordiaux; dès qu'il est élevé il passe pour être trop fort; à l'instant on ordonne la saignée qu'on fait réitérer tant que le pouls persiste dans cet état. Par la fréquence on juge de la fiévre; le pouls fréquent en est le signe pathognomonique, selon Sylvius de le Boë, (Prax. medic. lib. II. pag. 460.) suivi en cela par Etmuller, Decker, Schelhamer, Bohn, Willis, Brown, & un grand nombre d'autres médecins. Voyez Fievre. La dureté du pouls est un signe d'inflammation dans les maladies aiguës; l'inégalité, & sur - tout l'intermittence, un signe presque toujours mortel: c'est à quoi se réduisent les connoissances que la plûpart des médecins tirent du pouls. Bellini paroît avoir examiné ce signe plus attentivement, partant toujours des mêmes principes, & tirant plus du raisonnement que de l'observation; il pense cependant que l'âge, le tempérament, les passions, l'exercice, le sommeil, la veille, les saisons, les pays, les climats, le boire & le manger, faisant varier le pouls à l'infini, & chacune de ces causes le modifiant différemment; on ne pourra reconnoître le pouls naturel, & savoir si celui qu'on tâte s'en éloigne, & de combien; & par conséquent ce signe deviendra équivoque & trompeur. Ajoutez encore à cela, dit - il, la différente quantité de sang, & les variétés qui peuvent se trouver dans le tissu, l'épaisseur, la tension, & la capacité des arteres; (de putrib. pag. 64.) il indique néanmoins, ou il imagine un pouls naturel qui doit servir de point de comparaison où l'on rapporte tous les autres, & qui est une espece de toise qui en mesure les différens écarts; ce pouls est modéré dans sa vitesse, sa force & sa durée, & toujours égal. Dans les maladies les pouls grands, forts, & pleins, sont de bon augure; ils dénotent que la circulation est libre, & les forces encore entieres; les petits, les foibles & les vuides, sont par la raison des contraires un mauvais signe; le vîte & le lent sont aussi fâcheux: l'un dénote une obstruction totale des extrémités artérielles, & l'autre stagnation, dissolution du sang, dissipation des forces, &c. Le pouls dur est à craindre, parce qu'il signifie un état convulsif, une inflammation, ou de grands embarras; le pouls mol est encore plus funeste, marquant l'exténuation, un relâchement mortel, & enfin un épuisement absolu des forces. Le pouls rare indique l'obstruction du cerveau, défaut d'esprits animaux, & engorgement des arteres coronaires par des calculs, des polypes, de la sérosité coagulée, &c. Si ces obstacles sont permanens, ils donneront lieu aux miures récurrens, intermitens, intercurrens, &c. Le pouls fréquent est un signe de la vîtesse de la circulation; on remonte par - là à la connoissance des causes qui l'ont produit. Voyez 2°. Causes. Hoffman prétend que toutes les inégalités qui constituent les vermiculaires, tremblottans, formicans, ferrés, caprisans, dénotent un état convulsif dans les parois de l'artere; il assûre, après Galien, que le pouls ondulant annonce la sueur; mais il ne dit pas l'avoir observé. Il remarque avec raison que le pouls intermittent n'est pas toujours un signe mortel; enfin, il veut que pour bien saisir la signification du pouls, on le tâte long - tems & à diverses reprises, & dans différentes parties, à l'exemple des Chinois; il rappelle à ce sujet l'observation de Vanderlinde, sur un homme qui avoit mal à la rate, & chez qui on sentoit un battement à l'hypocondre gauche: seditionem facit lien, dit - il, pungendo pulsandoque. L'observation que rapporte Tulpius, (Centur. II. observ. XXVIII.) est tout - à - fait semblable; dans le délire, ou lorsqu'il est prêt à se déclarer, les arteres temporales battent très - fort. On sent aussi le même battement, suivant la remarque d'Hippocrate, dans certaines maladies qui se terminent par une hémorrhagie abondante du nez. (Coacar. proenot. cap. III. n°. 23.)

Réflexions sur la doctrine des Méchaniciens. 1°. Sur les différences; on ne sauroit refuser aux différences des pouls assignées par les Méchaniciens un caractere de simplicité qui semble les rendre plus faciles à observer, & même plus significatives; l'ardeur avec laquelle ils ont banni toutes les especes de pouls admises par Galien, qui avoient un air hypothétique & trop recherché, doit faire penser qu'ils ont été eux - mêmes en garde contre cet écueil; il n'en est cependant rien; leur prétendu zele n'est qu'un voile dont ils vouloient couvrir leur mépris des anciens & leur déchaînement contre leurs dogmes. Ils n'ont pas montré plus de discernement dans les pouls qu'ils ont rejetté, que dans ceux qu'ils ont retenus; guidés dans ce choix par le raisonnement & le caprice bien plus que par les lumieres & l'observation, ils ont traité les pouls ondulans, dicrotes, caprisans, &c. de chimériques, par la difficulté qu'ils voyoient d'en donner des explications satisfaisantes, & de les classer méthodiquement; cependant la plûpart de ces pouls sont réellement observés; les caracteres qu'ils ont admis sont réels; ils sont simples, mais en sont - ils pour cela plus faciles à saisir, à connoître, à déterminer, à bien évaluer? Il est certain que le pouls est tantôt plus grand, tantôt plus petit, tantôt dur, & tantôt mol, &c. Mais comment saura - t - on que le pouls qu'on tâte participe de l'un ou l'autre de ces caracteres? Y a - t - il un point fixe au - dessous duquel le pouls soit dur, & au - dessous duquel il soit mol? La vîtesse, la grandeur, la dureté & la force, sont des [p. 219] qualités respectives, dont on ne peut déterminer l'excès ou le défaut, que d'après une mesure constante & invariable. Cette mesure se trouve - t - elle dans le pouls; y a - t - il un pouls naturel, fixe, & déterminé? Quand il existeroit, l'observateur peut - il l'avoir toujours présent dans l'esprit; ne peut - il pas s'en former des idées différentes, suivant que la finesse du tact variera, ou par d'autres circonstances? Ne voyons - nous pas tous les jours qu'un pouls qui paroît dur à un médecin, est censé mol par un autre, de même qu'un corps n'est jamais trouvé par plusieurs personnes avoir le même degré de chaleur; d'ailleurs, toutes ces qualités, comme l'a judicieusement observé Bellini, ne varient - elles pas suivant l'âge, le tempérament, le climat, la disposition du corps, &c. Dans l'état de santé, la mollesse & la dureté, la fréquence & la vîtesse, n'ont - elles pas des degrés différens? La fréquence du pouls, comme l'a observé un auteur célebre, aussi illustré par ses lumieres & ses écrits que par son rang & sa dignité, varie encore beaucoup, suivant la taille; les personnes grandes ont le pouls plus rare que les petites; dans les corps de six piés il n'a compté que 60 pulsations dans une minute; 70 dans ceux de cinq piés; 90 dans ceux de quatre; & 100 dans ceux qui n'avoient que deux piés. (Structure du coeur, par M. de Sénac, livre III. chap. vij. part. II. page 214.) On remarque quelque chose d'assez semblable dans les grands horloges, les pendules, & les montres; le nombre de battemens augmente dans la même proportion que leur petitesse; d'où l'on peut conclure que les différences des pouls adoptées par les Méchaniciens, ne sont pas à beaucoup près préférables à celles de Galien; qu'on ne peut en tirer rien d'assuré, parce que leur valeur est le plus souvent arbitraire, & qu'en général elles n'expriment rien de précis & de positif.

2°. Sur les causes. L'étiologie du pouls développée dans le système des Méchaniciens paroit au premier coup - d'oeil assez satisfaisante; elle a reçu encore un nouveau relief plus imposant que son prétendu accord avec les lois de la méchanique par les calculs dont on l'a hérissée, & sous lesquels on n'a fait que l'envelopper; il sembloit qu'elle dût particsper de la vérité & de la démonstration qu'on croit inséparables des sciences mathématiques, & qui l'est effectivement lorsqu'elles sont bien appliquées. Mais il est facile d'appercevoir par le peu de succès des savans illustres, par les erreurs grossieres dans lesquelles ils sont tombés; par leur prodigieuse variété sur le même point, voyez les ouvrages de Keill & de Borelli, voyez aussi l'article Coeur, que la géométrie n'est nullement applicable à la physique du corps humain; nous pourrions joindre ici l'autorité respectable d'un célebre mathématicien, & bien d'autres preuves qui quoique démonstratives seroient ici déplacées, parce qu'elles ne feroient rien au fond de la question; il s'agit de savoir si en effet la circulation du sang est la cause du battement des arteres ou du pouls. La décision de cette question exigeroit une discussion sévere des preuves de la circulation du sang; mais il ne nous est pas possible d'entrer dans un détail aussi long, quelque important qu'il pût être, & quoiqu'il dût servir à éelaircir des faits intéressans mal examinés ou connus & nullement constatés. Nous sommes malgré nous obligés de nous restraindre & d'élaguer souvent notre matiere, nous nous contenterons d'observer, peut - être aurons nous quelqu'occasion de le démontrer ailleurs, que l'on se fait une idée très - incomplette & très - fausse de la circulation du sang, si on se la représente comme un simple mouvement progressif, toujours direct, toujours uniforme, par lequel le sang est porté du coeur dans les arteres, de - là dans les veines, d'où il revient de nou<cb-> veau dans le coeur; pour en trouver soi - même la preuve il faut avoir recours à un moyen sûr & lumineux, c'est l'observation exacte, assidue & réfléchie des phénomenes de l'économie animale dans l'homme sain & malade, & cesser de s'en tenir simplement à des expériences fautives, peu décisives & mal évaluées. Voyez Inflammation, Economie animalf , & la suite de cet article.

En second lieu, il est certain qu'il y a un mouvement progressif dans le sang, quel qu'il soit, de quelle maniere qu'il s'exécute, quelles qu'en soient les causes, le méchanisme & les variétés; mais admertonsle pour un mouvement aussi uniforme que les Méchaniciens, il en résultera, 1°. qu'en le regardant comme la cause du battement des arteres, on prend évidemment la cause pour l'effet; qu'il est beaucoup plus naturel de croire que le mouvement du sang est dû à l'action des arteres, que d'attribuer cette action au mouvement du sang; 2°. que dans cette idée on fait des arteres un instrument passif, sans ton, sans force, & sans vie, bien différent en un mot de ce qu'elles sont effectivement, on multiplie prodigieusement les resistances opposées à la circulation, puisqu'alors non - seulement le sang a à surmonter les obstacles qui viennent des frottemens immenses, mais encore une partie de sa force est employée à soulever, à distendre, & à dilater les parois resserrés & contractés des arteres; 5°. l'expérience de Galien que nous avons rapportée plus haut est absolument contraire à cette opinion, elle prouve incontestablement que les arteres ne se dilatent pas, parce qu'elles reçoivent du sang comme de simples outres, mais qu'elles reçoivent du sang, parce qu'elles se dilatent comme des soufflets qui ont une action propre ou dépendante d'une cause extérieure; si l'on applique ce système à différens phénomenes, par exemple, à la variété du pouls des deux côtés, aux pulsations vives des parties enflammées où le sang est censé en repos, si surtout on essayoit de le plier aux nouvelles observations sur le pouls dont il sera fait mention plus bas, on en sentiroit de plus en plus les contradictions, l'insussisance & la nullité; on ne peut rien trouver de plus ridicule que l'explication qu'on donne de la fréquence du pouls, on peut voir ce que nous en avons dit à l'article Inflammation; l'étiologie du pouls intermittent & des pouls inégaux ne présente aucune idée, ce ne sont que des mots vuides de sens, & ce langage quoique fort rapproché de notre tems, paroit dejà plus barbare que celui des anciens; nous sinirons par cette derniere remarque qui nous paroit décisive, c'est que dans les arteres vuides de sang on peut rappeller le double mouvement de dilatation & de contraction en irritant les parois, sur - tout intérieurs de l'artere, qui donnent par - là une grande preuve d'irritabilité.

3°. Sur les présages. Il n'est pas étonnant qu'avec des différences aussi vagues & une théorie aussi fausse les Méchaniciens tirent aussi peu de lumieres du pouls dans le diagnostic & le prognostic des maladies, & c'est la raison pourquoi les effets répondent si peu aux éloges magnifiques mais aveugles qu'ils font de l'importance de ce signe. Ils ont raison de regarder le pouls grand & fort comme un très - bon signe dans les maladies aiguës, mais ils ont tort de tirer un mauvais présage du pouls fréquent, vîte; ce pouls est souvent très - nécessaire & aussi utile que la fievre dont ils le regardent comme le siége; ils ont tort aussi de se fonder sur la fréquence du pouls pour assurer qu'il y a sievre, parce qu'ils ont donné le nom de fievre à bien des maladies où le pouls n'est pas fréquent, telles sont la plûpart des fievres malignes; mais ils n'ont pas une idée plus nette & plus conforme à la vérité de la flevre, mot si souvent répété & jamais expliqué, que du pouls. Il se trompent davan<pb->

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