ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"210"> ou des arteres: la faculté forte fait les pouls véhémens: foible, les pouls languissans; l'usage plus ou moins pressant les fait varier de différentes façons: l'usage augmente par la chaleur, parce que plus il y a de chaleur, plus aussi le refroidissement est nécessaire; ainsi dans ce cas la distension qui attrire la matiere refroidissante, doit augmenter en grandeur, en vitesse & en fréquence, suivant que la chaleur sera plus ou moins forte; la contraction qui est destinée à chasser la matiere excrémentitielle, augmentera de même si l'usage est pressant; si le besoin est grand, c'est - à - dire, pour parler avec lui, s'il y a beaucoup d'excrémens fuligineux, la nature des instrumens changera aussi le pouls; ainsi l'artere molle fait le pouls mol, & l'artere dure rend les pouls durs; par où l'on peut voir que l'usage n'a point de pouls bien propres, parce que la faculté plus ou moins forte, l'artere plus ou moins dure, peut les faire varier; & Galien remarque en conséquence qu'on a eu tort de regarder le pouls grand, vite & fréquent, comme particulier à la chaleur, comme accompagnant toujours la nature, lorsqu'elle est en feu, cùm aduritur; & de même le pouls n'est pas toujours petit, lent & rare, lorsque la nature s'éteint. On se trompe aussi de croire avec Archigene, que la vitesse vient de la foiblesse, & avec Magnus, qu'elle est produite par la force de la faculté: elle n'est attachée nécessairement ni à l'un ni à l'autre, elle suit pourtant plus ordinairement la force de la faculté, l'abondance de chaleur, ou l'usage pressant & la mollesse de l'artere; la grandeur du pouls suit assez ordinairement les mêmes causes; les pouls petits & lents sont par conséquent les effts du concours des causes opposées. La fréquence est plus souvent jointe à la foiblesse de la faculté, à l'abondance de chaleur & à la dureté des instrumens; la rareté au contraire, &c. Si le besoin étant pressant, l'artere est dure, le pouls ne pourra pas être grand; alors la vitesse compensera le défaut de grandeur, & la fréquence même surviendra pour compenser ce qui manque à la vitesse pour completer l'usage, en attirant une quantité suffisante de rafraichissement; on peut par les différentes combinaisons de ces trois causes, trouver tous les pouls possibles. Encore un exemple: foiblesse de la faculté & chaleur excessive doivent faire nécessairement le pouls petit & lent à cause de la foiblesse, mais en même tems très fréquent pour satisfaire à l'activité de la chaleur: faculté forte & peu de chaleur seront suivis d'un pouls modérément grand, rare & lent, l'usage ou le besoin de rafraichissement étant alors très petit à cause du peu de chaleur. L'état des arteres apporte beaucoup de dérangement dans le pouls, & ne contribue pas seulement à sa dureté ou à sa mollesse: ces qualités en entrainent nécessairement d'autres; ainsi la mollesse de l'artere, pourvu qu'elle ne soit pas portée à l'excès qui supposeroit un relâchement & foiblesse de la faculté, la mollesse, dis - je, fait les pouls mols, grands & vites: grands, parce que les parois plus souples prêtent plus facilement à la distension: vites, parce que cette distension facile exige par - là moins de tems; la dureté des instrumens, par la raison contraire, produit la dureté, la petitesse & la fréquence: j'ajouté la fréquence, non pas qu'elle soit attachée à la dureté, mais pour satisfaire à l'usage qu'on suppose rester le même, & qui n'est pas rempli par le pouls devenu petit & lent; on peut voir à présent de soi - même les pouls qui résulteront, en combinant la mollesse, ou la dureté des instrumens, avec la force ou la foiblesse de la faculté, & l'usage plus ou moins pressant; ces termes peuvent paroître abstraits, étrangers; mais on s'y familiarise aisément. D'ailleurs il n'est pas possible de faire parler Galien comme un françois & comme un contemporain. Voyez de causis puls. lib. I. Mais comme la même différence du pouls peut être produite par différentes causes; la vitesse, par exemple, est, comme on vient de voir, propre à la faculté forte, à la mollesse de l'artere & à l'usage pressant; on peut demander comment on peut reconnoître la véritable: voici le moyen; il sera évident, dans l'exemple proposé, que la vitesse sera un effet de la faculté forte, si on voit en même tems le pouls vite & véhément; s'il est mol, on jugera que la vitesse est dûe à la mollesse de l'artere; & s'il n'est que vite, on l'attribuera à l'usage pressant. Si ces différentes causes y concourent, on s'appercevra par le changement de grandeur, de fréquence & de vitesse, combien l'usage & le besoin ont de part dans sa formation; un pouls très - vite, très - fréquent & très - grand dénote un grand besoin, &c. La chaleur se connoit d'ailleurs au tact, à la respiration, à l'haleine, &c.

Les causes de l'inégalité du pouls ne peuvent se tirer que de la faculté & des instrumens; l'usage ne sauroit produire aucun pouls inégal, parce qu'il ne peut pas varier d'une pulsation à l'autre, & encore moins dans la même pulsation; l'inégalité suit ordinairement la foiblesse de la faculté, soit qu'elle soit absolue, ou relative à l'abondance des humeurs, à la compression, à l'obstruction ou oppilation des vaisseaux; alors elle est semblable à un homme robuste, qui chargé d'un pesant fardeau, fait de faux pas, chancelle & marche inétalement; l'espece de pouls inégal la plus ordinaire alors, sont quelques intermittens surtout, & les intercurrens; ils sont produits par les efforts de la faculté robuste qui tâche d'emporter les obstacles; ils sont de tems en tems grands, élevés, & dans cet état ils annoncent une excrétion critique, lorsque la faculté est absolument foible, qu'elle ne peut pas commander à tous les instrumens & agir sur eux: il y en a quelques - uns qui sont sans action, qui boitent, claudicat: ce qui donne lieu à l'inégalité; mais alors le pouls est foible, petit, lent, & inégal. Les pouls mûrs ou décurtés, & surtout les décurtés manquans, mutila décurtata, sont très - souvent l'effet & le signe de la faculté foible; si le vice des instrumens, c'est - à - dire leur obstruction ou compression, est jointe à la foiblesse de la faculté, l'inégalité sera beaucoup plus considérable.

Lorsque l'inégalité se trouve dans un seul pouls, que l'artere, par exemple, s'arrête au milieu de sa distension, semble reprendre haleine, resprirat, & finit ensuite lentement sa distension; on doit attribuer cet état à l'usage pressant, & aux efforts que fait la faculté pour le satisfaire, mais qui sont interrompus par l'abondance des humeurs ou la gêne des instrumens: ces pouls peuvent varier de bien des façons, la premiere distension pouvant être plus vite ou plus lente que la seconde, ou modérée, ou égale, & le repos plus ou moins long; lorsque la faculté est forte, supérieure aux obstacles, & que les vices des instrumens sont fort éloignés des principaux troncs, ils font alors le pouls grand, fort, les deux distensions vites, & le repos intermédiaire très - court; il en est de même de pouls continus, mais inégaux en vitesse; pour produire le pouls vibratil, il faut que la faculté soit forte, l'usage pressant & peu satisfait, & l'instrument très - dur; la dureté de l'instrument peut être occasionnée par quelque irritation, par une tension trop forte, un état spasmodique ou inflammatoire, & aussi par le desséchement des tuniques de l'artere. Le pouls dicrote qui est une espece de vibratil, suppose aussi inégalité d'intempérie dans les arteres, c'est - à - dire, inégale distribution de chaud, de froid, d'humide & de sec dans son tissu, de façon qu'elle ne résiste pas également dans tous les points; alors une portion d'artere s'élevera avant l'autre, & formera ces deux coups: ce qui peut arriver aussi lorsque les parties environnantes compriment trop [p. 211] & inégalement l'artere, & en font ressortir certaines parties plutôt que d'autres. Le pouls caprisant semblable au dicrote par les deux coups, en differe par la cause; il est produit par une faculté robuste, interrompue dans ses efforts, & empêchée d'avoir son effet total par le trop d'humeurs, la compression ou l'oppilation des arteres, la distension recommence avant que la précédente soit terminée, & elle est plus forte. Les pouls ondulans ont aussi la même cause, abondance d'humeurs, & force de la faculté, auxquelles se joint la mollesse des instrumens; il semble alors que le pouls soit excité par un fluide, ou un esprit qui coule dans leur cavité (cette remarque auroit bien bû rapprocher Galien de la circulation) la faculté ne pouvant pas élever toutes les parties ensemble, les éleve les unes après les autres; les vermiculaires sont l'effet de la foiblesse. La même cause jointe à l'intempérie des arteres, donne naissance aux pouls miures, décurtés, innuens ou circumnuens, &c. Les pouls vibrés où l'artere est un peu déjettée, & comme distordue en - dehors, dépendent des causes ordinaires des distorsions, savoir, un froid extremement vif, une grande sécheresse, des inflammations, des skirrhes, des abscès, la génération des tubercules, des tumeurs contre nature, &c. Quant à la maniere dont les inflammations, les spasmes, les irritations des différentes parties agissent pour rendre le pouls dur, convulsif: Galien l'explique très - bien par la sympathie, l'union & la correspondance des nerfs & des arteres établie par le moyen des arteres que le cerveau reçoit du coeur, & par les nerfs qu'il y envoie; il n'y a, dit - il, après le grand Hippocrate, qu'un concours, qu'une conspiration; toutes les parties compatissent avec toutes les autres, sans cela notre corps seroit un composé de deux animaux & non pas un seul; confluxio una, conspiratio una est, omnia omnibus consentiunt, natura communis; nisi hoc esset, duo animalia esset, non unum, quisque nostrum. Hippocr. lib. de aliment. Galen. de caus. puls. lib. II, cap. xij.

Les inégalités qui naissent dans la longueur, largeur & hauteur des pouls, ont des causes différentes, quoiqu'absolument la largeur & la hauteur ne doivent pas être distinguées, & qu'elles soient les mêmes dans une artere nue & isolée. La faculté forte & la mollesse des instrumens concourent à faire les pouls hauts & larges; ils sont tels dans la colere & dans ceux qui vont être jugés. La faculté irritée & animée éleve les parois supérieures de l'artere, lorsqu'il n'y a point d'obstacles, & que les autres sont comprimés; le pouls est large au contraire, lorsque les efforts se font par les côtés, qu'ils ne résistent pas, & que la peau seche est un obstacle à la hauteur du pouls: cela se rencontre souvent dans le tems de crise. La foiblesse peu considérable de la faculté, la maigreur des parties, & la dureté de la peau & des instrumens produisent les pouls longs: je les ai observés très - fréquemment chez des convalescens exténués.

Les changemens qui arrivent dans les rythmes, sont pour l'ordinaire relatifs aux âges, aux tempéramens, ou à quelqu'autre circonstance semblable; ils dépendent principalement de l'usage auquel se rapportent nécessairement la vitesse, la fréquence & la grandeur des distensions & des contractions; la proportion qui est entre ces deux mouvemens, doit varier dans les cas où leurs causes s'éloigneront de l'équilibre & de l'égalité; par exemple, la contraction augmentera dans les enfans qui prennent plus de nourriture, qui font plus d'humeur: les excrémens fuligineux sont plus abondans, & leur excrétion est plus nécessaire; or, comme nous avons dit plus haut, l'usage de la contraction est de chasser & dissiper ces matieres excrémentitielles, de même que la contraction de la vessie & des intestins exprime & ren<cb-> voie hors du corps les urines & les matieres fécales; ce que l'oeil nous fait appercevoir dans ces parties, la raison & l'analogie le dictent dans les arteres; la distension, dont le propre est d'artirer la matiere aërée, rafraîchissante, deviendra plus grande, plus vite, dans les tempéramens vifs, bouillans, dans qui la chaleur est excessive, & par conséquent le besoin de rafraîchissement pressant, & ainsi des autres.

Telles sont les causes qui agissent intérieurement sur le pouls, & dont l'action dérobée au témoignage des sens ne peut s'atteindre que par un raisonnement plus ou moins hypothétique. Galien joint à l'exposition de ces causes intérieures plus prochaines, plus cachées, plus obscures & plus incertaines, le détail des différentes modifications des pouls qu'entraine l'action des différentes causes extérieures dont les effets sont certains, & peuvent être connus par une observation assidue; mais il n'est pas décidé si Galien s'est servi d'un moyen de connoissance aussi fécond & infaillible pour déterminer ces différentes especes de pouls, ou s'il ne les a pas déduits de ses systèmes antérieurs; quoiqu'il en soit, ces observations & ses classes se plient très - facilement à sa théorie, & semblent faites exprès pour elles. On peut consulter le troisieme & le quatrieme livre des causes des pouls, l'on y verra les changemens du pouls par rapport aux sexes, aux âges, aux saisons, aux climats, aux tempéramens, aux habitudes, à la grossesse, au sommeil, au réveil, à l'exercice, aux bains chauds & froids, au boire, au manger, aux passions, à la douleur, & à un grand nombre de maladies. Il ne nous est pas possible d'entrer dans un détail aussi circonstancié, & qu'il ne seroit pas possible d'abréger & d'ailleurs inutile au but que nous nous sommes proposé; nous nous contentrons de faire une remarque qui nous paroît importante, c'est que Galien ne compte point parmi les causes du pouls le mouvement des humeurs ou des esprits dans les arteres, opinion cependant soutenue avant lui par Erasistrate, qui pensoit que ces esprits étoient envoyés par le coeur dans les arteres. Il ne paroît cependant pas ignorer ce mouvement, puisqu'il a fait une expérience très - ingénieuse pour prouver qu'il n'étoit point cause du pouls, & que les arteres ne se distendoient pas, parce qu'elles recevoient les humeurs, mais qu'elles les recevoient, parce qu'elles étoient distendues, comme les soufflets reçoivent l'air, lorsqu'on en écarte les parois, contraires en cela aux outres & aux vessies qui ne se distendent que par l'humeur dont on les remplit; Galien introduisit un chalumeau dans une artere, & lia fortement les parois au milieu du chalumeau, dans l'instant l'artere au - dessous de la ligature ne battit plus; cependant le cours des humeurs étoit libre à - travers le chalumeau, l'artere se remplissoit comme à l'ordinaire, & rien ne les empêchoit d'exciter les pouls au - dessous de la ligature: d'où Galien conclud que la force pulsatrice est dans la membrane même des arteres, & absolument indépendante du mouvement du sang & de l'esprit dans leur cavité: conclusion très - juste, très - remarquable, & dont la vérité n'est pas encore assez reconnue.

3°. Présages qu'on peut tirer du pouls. Le pouls peut servir à faire connoître le tems passé, ou les causes, la privation, le derangement actuel qui constitue les maladies; & le tems à venir, c'est - à - dire l'issue favorable ou mauvaise qu'on doit espérer ou craindre.

Pour déterminer les causes qui ont précédé, il n'y a qu'à se rappeller les changemens que font sur le pouls les différentes causes, tels que nous les avons exposées ci - dessus. Il y a cependant une observation à faire, c'est qu'il y a certains caracteres du pouls qui ne dépendant que d'une seule cause, l'annoncent nécessairement: tels sont les pouls forts ou foibles, durs ou mols, qui dénotent la force ou la foiblesse de la

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