ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"206"> découvertes; objets toujours curieux par eux - mêmes, & qui ne sont presque jamais sans utilité. Pline prétend qu'Hérophile exigeoit que ceux qui s'appliquoient à l'étude du pouls, fussent musiciens & géometres, pour pouvoir connoître parfaitement la cadence du pouls & sa mesure, selon les âges & les maladies; & il ajoute que la grande subtilité qu'il avoit mêlée dans cette connoissance, éloigna beaucoup de medecins de cette étude, & diminua considérablement le nombre de ses sectateurs. Lib. XXIX. cap. j. M. Leclerc prétend justifier Hérophile sur ces deux points (hist. de la Médec. part. II. liv. I. chap. vij.), mais il paroît que Pline a raison sur le premier, & qu'Hérophile avoit beaucoup tiré de la musique pour bâtir sa doctrine. Voyez Rythme. Quant au second point, savoir que la secte d'Hérophile fut presque abandonnée, deserta deinde & hoec secta est (Plin. ibid.), cette assertion de Pline est évidemment fausse, car Hérophile eut de son vivant & après sa mort, un grand nombre de partisans, comme l'assurent Galien & Strabon: ce dernier dit qu'en Phrygie il y avoit une secte très - étendue de médecins qui portoient le nom d'Hérophiliens, à la tête desquels furent en différens tems Zeuxis & Alexandre Philalethe. Dès - lors la doctrine du pouls fit beaucoup de bruit, & se répandit très - promptement; plusieurs médecins fameux écrivirent sur cette matiere, tels qu'Asclépiade, Athénée, Erasistrate, Magnus, Archigene, Agatinus, Héraclide Erythréen, Chrysermus, Zénon, Aristoxene, Bacchius, Héraclide de Tarente, Alexandre Philalethe, Démosthène Philalethe, Mantias, Apollonius, &c. mais tous ces ouvrages ont péri, soit par l'injure du tems. soit par les flammes qui consumerent le temple de la Paix à Rome, où ils étoient conservés dans de magnifiques bibliotheques: peut - être le même accident nous a enlevés les commentaires que Galien dit lui - même avoir composés avec beaucoup de soin sur Hérophile, Erasistrate & Asclépiade, & qu'il n'a pas été possible de retrouver. Parmi les ouvrages qui nous restent de Galien, il y a un livre entier qui ne contient que l'exposition, le commentaire & quelquefois la réfutation & la correction des différentes définitions que tous ces médecins nommés plus haut ou leurs disciples, ont données du pouls: les uns ont dit que le pouls étoit le mouvement des arteres; les autres ont ajouté du coeur, ou du ventricule artériel du coeur: ceux - ci ont prétendu qu'il falloit déterminer les mouvemens & définir le pouls par la distension & la contraction du coeur & des arteres; ceux - là ont fait entrer dans la définition les causes, les usages, &c. Athenoeus a dit que le pouls n'étoit que la distension naturelle & involontaire de l'esprit chaud qui est dans les arteres & dans le coeur, &c. Moschion a soutenu que le pouls étoit un mouvement particulier du coeur, des arteres, des veines, du cerveau & des membranes environnantes, qui se faisoit plus d'une fois dans chaque inspiration, &c. Il est inutile de nous arrêter plus long - tems à cet objet: le lecteur curieux peut consulter le IV. liv. des différences des pouls de Galien, il y verra que toutes ces définitions, au nombre de plus de vingt, paroissent avoir été faites plûtôt par esprit de parti, par envie d'innover, & pour suivre les regles scholastiques d'Aristote, que pour développer & éclaircir la nature du pouls.

Galien s'est beaucoup distingué dans la connoissance du pouls; il l'a réduite en méthode & en a fait un système qui a été adopté & suivi aveuglément, de même que ses autres opinions, jusqu'à l'invasion du chimisme dans la Médecine, qui a combattu & renversé indistinctement & sans choix tous les dogmes du galénisme. Cette doctrine a été reprise par les méchaniciens, mais altérée, prétendue corrigée, & habillée à leur façon. Les historiens qui ont voyagé à la Chine, nous ont appris que les médecins chinois s'appliquoient particulierement à l'étude du pouls, & qu'ils avoient sur cette matiere des connoissances propres bien éloignées de ce qu'en ont écrit les médecins des autres pays, anciens & modernes. Enfin depuis quelques années un médecin espagnol nommé dom Solano de Lucquès, a vu dans quelques modifications du pouls, des signes inconnus jusqu'alors, qui annonçoient des crises prochaines, & faisoient connoître d'avance le couloir par lequel devoit se faire l'excrétion critique; il recueillit & publia des observations très - intéressantes là - dessus. M. Nihell, médecin irlandois, y en ajouta quelques - unes; & en dernier lieu M. de Bordeu, médecin des facultés de Montpellier & de Paris, a confirmé & considérablement étendu & augmenté la découverte de Solano: Il a bâti, pour me servir des paroles de M. Haller, sur l'édifice de Solano, un édifice plus vaste, plus clair, & qui est manifestement le sien, dont la structure ne peut être affermie ou renversée que par un grand nombre d'expériences (observations) qui demandent du loisir, des occasions, & sur - tout un esprit affranchi de tout préjugé.) Physiol. tom. II. pag. 279). C'est à ces quatre époques remarquables qu'on peut & qu'on doit réduire tout ce qui a été dit sur la doctrine du pouls: nous le parcourerons le plus rapidement qu'il nous sera possible; l'importance de cette matiere, le peu de connoissance qu'on a du système de Galien & de celui des Chinois, nous obligera d'entrer dans bien des détails, & de donner même sur ces points à cet article une certaine étendue. Malgré le grand nombre de commentaires des ouvrages de Galien, il nous manque encore une explication nette de ses écrits sur le pouls, qui sont les plus obscurs de ses ouvrages, non - seulement parce qu'ils sont tronqués, mais parce qu'ils sont embrouillés de façon, comme il dit lui - même, que sur mille lecteurs, à peine y en aura - t - il un qui pourra les comprendre. La méthode des Chinois est presque entierement inconnue; il y a lieu de présumer qu'elle n'est pas sans avantages; il est au - moins très - assuré qu'elle peut piquer & satisfaire la curiosité. La doctrine de M. de Bordeu examinée sans prévention & avec assiduité, paroît très belle, très - vraie & très - lumineuse, non - seulement fertile en explications satisfaisantes de plusieurs phénomenes de l'économie animale, mais encore très propre à répandre sur la connoissance, le prognostic & le traitement des maladies, beaucoup de lumieres & de certitude: c'est ce qui nous a déterminé à entrer dans bien des détails sur cette matiere, d'autant mieux que cette doctrine, comme toutes les découvertes intéressantes, a essuyé bien des contradictions de la part même de ceux qui auroient été les plus intéressés à l'approfondir, la défendre & la publier; pendant que M. le Camus assuroit avec cette noble fermeté que donne la conviction, que le médecin destitué de ces connoissances est le plus souvent « un pilote qui vogue sans boussole sur les mers les plus dangereuses; un aveugle qui veut guider les autres dans un chemin qu'il ne connoît pas; un téméraire qui assassine en voulant sauver la vie, &c». mém. sur divers sujets de médecine. Des députés de la faculté de Médecine de Paris, dans le rapport qu'ils font de cet ouvrage, ont l'inconséquence, pour ne rien dire de plus, d'avancer & d'imprimer que la connoissance du pouls (qui ne peut être que l'objet de l'observation) étoit devenue depuis quelques années un nouveau sujet de récherches plus ou moins systématiques.... obscures, souvent peu utiles, & capables aussi d'arrêter le médecin dans ses opérations, &c. Nous examinerons plus bas sur quoi ces reproches sont fondés, tâchant autant qu'il sera possible de tirer le rideau sur les motifs qui ont fait tenir à ces médecins un langage si contraire au bon sens, à la vérité, & même à leur propre façon de penser. [p. 207]

Doctrine de Galien sur le pouls. Cette doctrine que Galien a puisée chez les anciens médecins, mais qu'il s'est comme appropriée par les changemens & les additions essentielles ou inutiles qu'il y a fait, se trouve très - prolixement exposée dans dix - huit livres qui nous restent de cet auteur sur le pouls: savoir, 1°. de pulsibus libellus ad tyrones; 2°. de pulsibus libri XVI. Cet ouvrage est divisé en quatre parties, dont la premiere traite des différences des pouls; la seconde de la maniere de les connoître; la troisieme contient les causes des pouls, & la quatrieme les signes qu'ils fournissent: 3°. synops. libror. XVI. de pulsib. Ceci n'est qu'une récapitulation, un abregé de ce qu'il a dit dans l'ouvrage précédent, où il ajoute quelques regles & quelques observations nouvelles. Dans l'extrait que nous allons en donner nous suivrons à - peu - près cet ordre, exposant d'abord les caracteres ou différences du pouls; 2°. leurs causes; 3°. les présages qu'on peut en tirer.

1°. Différences du pouls. Galien appelle pouls le double mouvement de l'artere par lequel elle s'affaisse sur elle - même & se distend ensuite en tout sens. Entre chaque mouvement il distingue un tems intermédiaire, ou repos. Il tire les premieres différences de la variété qu'il peut y avoir dans les trois dimensions que présentent la distension & la contraction de l'artere; 2°. de la force ou de la foiblesse du coup que donne l'artere distendue; 3°. de la promptitude ou de la lenteur avec laquelle l'artere s'éleve ou s'épanouit; 4°. de la nature de ce coup, c'est - à - dire, de sa dureté ou de sa mollesse; 5°. de la plénitude ou de la vacuité (qu'on me passe ce mot) de l'artere; 6°. de l'égalité ou de l'inégalité qui se trouve dans ces différences; 7°. de la proportion qu'on peut observer entre le tems de la distention & celui de la contraction. On peut appercevoir ces différences dans un seul pouls, c'est - à - dire, dans une seule pulsation, ou pour m'exprimer plus correctement dans une seule distension précédée ou suivie de sa contraction; car pulsation ne désigne que l'abattement d'un seul point de l'artere, & par distension, on peut exprimer l'élévation de plusieurs parties de l'artere dans le même temps, ce qu'on observe lorsqu'on tâte le pouls avec plusieurs doigts, l'on sent alors plusieurs pulsations, & rien qu'une distension ou contraction. 8°. On tire aussi des différences que Galien appelle collectives de plusieurs pouls (pulsations) qui se succedent, & l'on peut y examiner leur fréquence, l'égalité ou l'inégalité des intervalles avec lesquels ils se suivent; & la proportion, l'ordre, la régularité ou le desordre & l'irrégularité qu'ils observent.

Dans un seul pouls (pulsation ou distension) les différences qui se tirent de la quantité de mouvement forment le pouls vîte, lent & modéré, suivant le plus ou moins de tems que l'artere emploie à s'élever ou à s'abaisser.

La quantité de distension fournit neuf différences, trois pour chaque dimensions, & il en résulte 1°. le pouls long, court & modere; 2°. le pouls large, étroit & moderé; 3°. le pouls haut, bas & moderé; ces différences sont relatives à la situation de l'artere dans le corps; car absolument parlant, dans un cylindre comme les arteres, il n'y a point de hauteur & de largeur proprement dites qui soient différentes; par la combinaison de ces différentes especes, & en les associant ensemble, on forme vingt - sept especes de pouls simples. Exemple. Un pouls peut être en même tems long, large & haut; dans ce cas il est appellé grand; si toutes les dimensions sont moderées, il en résultera le pouls moyen; le court, l'étroit & le bas forment le pouls petit; celui qui est en même tems modéré (en longueur) large & haut est nomme turgidus, gonflé, crassus, épais; il peut résulter d'autres combinaisons; on a donné le nom de gréle ou de tenu, tenuis, à celui qui est long & haut, mais modéré en largeur, ou étroit. Voyez la table de Galien, de differ. puls. lib. I. cap. v.

La nature du coup que le doigt appliqué sur l'artere sent, a établi trois divisions ou différences qui se subdivisent encore; savoir, le pouls véhement, ou fort, foible & modéré, selon le degré de force du coup; 2°. le pouls dur, mol, que les jeunes médecins, dit Galien, confondent souvent avec le plein, le vuide qui forment la troisieme différence. Le pouls plein est, suivant la définition d'Archigene, celui qui présente au doigt une artere distendue, remplie, avec un gonflement humide, occursum humidè tumidum; le pouls vuide au contraire fait paroître l'artere semblable à une bulle, bullosam facit elevauonem, qui se dissipant tout de suite, laisse le doigt isolé.

Galien prétendant contre quelques médecins, que la contraction de l'artere est sensible, distingue deux repos; l'un qui termine, suivant lui, la contraction, & commence la distension; il est intérieur, & relativement à nous, inférieur. L'autre externe & supérieur suit la distension, & précéde la contraction; ceux qui nient qu'on puisse sentir la contraction, prennent pour repos l'intervalle qui se trouve entre deux mouvemens apparens, c'est - à - dire, entre deux pulsations; ceux du parti opposé multiplient beaucoup les différences qu'ils prétendent déduire de ces repos mitoyens. Quoi qu'il en soit, lorsque le doigt est frappé par l'artere, on peut distinguer deux tems, l'un relatif à la promptitude avec laquelle les parois de l'artere sont distendus & contractés; & l'autre relatif à l'intervalle écoulé entre deux ou plusieurs pulsations: le premier pouls est appellé vîte, & le second fréquent: on leur oppose les pouls lent & rare. Delà naît le rythme ou cadence, qui n'est autre chose que la proportion qu'il y a entre le tems du mouvement & celui du repos. Ceux qui croient sentir la contraction, ont distingué dans ce tems les mêmes différences que dans la distention d'où ils ont pu tirer vingt - sept autres especes de pouls; & en les combinant avec ceux de la distension. On peut en former plus de deux cens especes; je laisse à décider combien ces divisions minutieuses sont difficiles à saisir, arbitraires & inutiles.

La proportion qui constitue le rythme, ne demande pas une parfaite égalité; elle varie suivant les âges, les tempéramens, les tems de l'année, les climats & d'autres circonstances. Voyez Rythme, a Ryhtme, en Rythme, para Rythme, Hetero Rythme , &c. à leur article, ou au mot Rythme. Elle se trouve souvent jointe avec l'inégalité dans le nombre, la vîtesse, la force, la grandeur & la fréquence des pulsations, pourvu que cette inégalité suive un certain ordre; par exemple, le tems de la contraction peut être double, triple, quadruple de celui de la distension, suivre les progressions arithmétiques ou géométriques; un rythme constant fait les pouls bien ordonnés, reglés ou réguliers. Le pouls arythme dérange l'ordre, trouble la régularité; le pouls est toujours régulier, quand il est parfaitement égal; mais le défaut d'égalité n'emporte pas toujours le défaut d'ordre; il subsiste lorsque les retours des inégalités sont semblables; si après deux pulsations égales il en vient pendant plusieurs périodes une troisieme inégale, le pouls sera inégal régulier; si telle pulsation inégale n'observe dans ses retours aucun ordre, le pouls sera inégal, irrégulier; l'inégalité peut regarder la vîtesse, la fréquence, la dureté, la grandeur, &c. & le pouls peut être en même tems égal & inégal sous des rapports différens; il y a aussi des inégalités que Galien appelle égales; on ne peut les appercevoir que dans l'assemblage de plusieurs pulsations; elles se rencontrent lorsque les différences, qui constituent l'inégalité, sont dans une égale

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