ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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découvertes; objets toujours curieux par eux - mêmes,
& qui ne sont presque jamais sans utilité. Pline prétend
qu'Hérophile exigeoit que ceux qui s'appliquoient
à l'étude du pouls, fussent musiciens & géometres,
pour pouvoir connoître parfaitement la cadence du pouls & sa mesure, selon les âges & les maladies;
& il ajoute que la grande subtilité qu'il avoit
mêlée dans cette connoissance, éloigna beaucoup de
medecins de cette étude, & diminua considérablement
le nombre de ses sectateurs. Lib. XXIX. cap. j.
M. Leclerc prétend justifier Hérophile sur ces deux
points (hist. de la Médec. part. II. liv. I. chap. vij.),
mais il paroît que Pline a raison sur le premier, &
qu'Hérophile avoit beaucoup tiré de la musique pour
bâtir sa doctrine. Voyez Rythme. Quant au second
point, savoir que la secte d'Hérophile fut presque
abandonnée, deserta deinde & hoec secta est (Plin. ibid.),
cette assertion de Pline est évidemment fausse, car
Hérophile eut de son vivant & après sa mort, un
grand nombre de partisans, comme l'assurent Galien
& Strabon: ce dernier dit qu'en Phrygie il y avoit
une secte très - étendue de médecins qui portoient le
nom d'Hérophiliens, à la tête desquels furent en différens
tems Zeuxis & Alexandre Philalethe. Dès - lors
la doctrine du pouls fit beaucoup de bruit, & se répandit
très - promptement; plusieurs médecins fameux
écrivirent sur cette matiere, tels qu'Asclépiade,
Athénée, Erasistrate, Magnus, Archigene, Agatinus,
Héraclide Erythréen, Chrysermus, Zénon, Aristoxene, Bacchius, Héraclide de Tarente, Alexandre
Philalethe, Démosthène Philalethe, Mantias, Apollonius, &c. mais tous ces ouvrages ont péri, soit par
l'injure du tems. soit par les flammes qui consumerent
le temple de la Paix à Rome, où ils étoient conservés
dans de magnifiques bibliotheques: peut - être le même
accident nous a enlevés les commentaires que
Galien dit lui - même avoir composés avec beaucoup
de soin sur Hérophile, Erasistrate & Asclépiade, &
qu'il n'a pas été possible de retrouver. Parmi les ouvrages
qui nous restent de Galien, il y a un livre entier
qui ne contient que l'exposition, le commentaire
& quelquefois la réfutation & la correction des différentes
définitions que tous ces médecins nommés
plus haut ou leurs disciples, ont données du pouls:
les uns ont dit que le pouls étoit le mouvement des
arteres; les autres ont ajouté du coeur, ou du ventricule
artériel du coeur: ceux - ci ont prétendu qu'il falloit
déterminer les mouvemens & définir le pouls par
la distension & la contraction du coeur & des arteres;
ceux - là ont fait entrer dans la définition les causes,
les usages, &c. Athenoeus a dit que le pouls n'étoit
que la distension naturelle & involontaire de l'esprit
chaud qui est dans les arteres & dans le coeur,
&c. Moschion a soutenu que le pouls étoit un mouvement
particulier du coeur, des arteres, des veines,
du cerveau & des membranes environnantes, qui se
faisoit plus d'une fois dans chaque inspiration, &c. Il
est inutile de nous arrêter plus long - tems à cet objet:
le lecteur curieux peut consulter le IV. liv. des différences
des pouls de Galien, il y verra que toutes ces
définitions, au nombre de plus de vingt, paroissent
avoir été faites plûtôt par esprit de parti, par envie
d'innover, & pour suivre les regles scholastiques
d'Aristote, que pour développer & éclaircir la nature
du pouls.
Galien s'est beaucoup distingué dans la connoissance
du pouls; il l'a réduite en méthode & en a fait
un système qui a été adopté & suivi aveuglément,
de même que ses autres opinions, jusqu'à l'invasion
du chimisme dans la Médecine, qui a combattu & renversé
indistinctement & sans choix tous les dogmes
du galénisme. Cette doctrine a été reprise par les méchaniciens,
mais altérée, prétendue corrigée, & habillée
à leur façon. Les historiens qui ont voyagé à
la Chine, nous ont appris que les médecins chinois
s'appliquoient particulierement à l'étude du pouls,
& qu'ils avoient sur cette matiere des connoissances
propres bien éloignées de ce qu'en ont écrit les médecins
des autres pays, anciens & modernes. Enfin
depuis quelques années un médecin espagnol nommé
dom Solano de Lucquès, a vu dans quelques modifications
du pouls, des signes inconnus jusqu'alors, qui
annonçoient des crises prochaines, & faisoient connoître
d'avance le couloir par lequel devoit se faire
l'excrétion critique; il recueillit & publia des observations
très - intéressantes là - dessus. M. Nihell, médecin
irlandois, y en ajouta quelques - unes; & en dernier
lieu M. de Bordeu, médecin des facultés de
Montpellier & de Paris, a confirmé & considérablement
étendu & augmenté la découverte de Solano:
Il a bâti, pour me servir des paroles de M. Haller, sur l'édifice de Solano, un édifice plus vaste, plus
clair, & qui est manifestement le sien, dont la structure ne
peut être affermie ou renversée que par un grand nombre
d'expériences (observations) qui demandent du loisir,
des occasions, & sur - tout un esprit affranchi de tout préjugé.) Physiol. tom. II. pag. 279). C'est à ces quatre
époques remarquables qu'on peut & qu'on doit réduire
tout ce qui a été dit sur la doctrine du pouls:
nous le parcourerons le plus rapidement qu'il nous
sera possible; l'importance de cette matiere, le peu
de connoissance qu'on a du système de Galien & de
celui des Chinois, nous obligera d'entrer dans bien
des détails, & de donner même sur ces points à cet
article une certaine étendue. Malgré le grand nombre
de commentaires des ouvrages de Galien, il
nous manque encore une explication nette de ses
écrits sur le pouls, qui sont les plus obscurs de ses
ouvrages, non - seulement parce qu'ils sont tronqués,
mais parce qu'ils sont embrouillés de façon, comme
il dit lui - même, que sur mille lecteurs, à peine y en
aura - t - il un qui pourra les comprendre. La méthode
des Chinois est presque entierement inconnue; il y
a lieu de présumer qu'elle n'est pas sans avantages; il
est au - moins très - assuré qu'elle peut piquer & satisfaire
la curiosité. La doctrine de M. de Bordeu examinée
sans prévention & avec assiduité, paroît très belle,
très - vraie & très - lumineuse, non - seulement
fertile en explications satisfaisantes de plusieurs phénomenes
de l'économie animale, mais encore très propre
à répandre sur la connoissance, le prognostic
& le traitement des maladies, beaucoup de lumieres
& de certitude: c'est ce qui nous a déterminé à entrer
dans bien des détails sur cette matiere, d'autant
mieux que cette doctrine, comme toutes les découvertes
intéressantes, a essuyé bien des contradictions
de la part même de ceux qui auroient été les plus intéressés
à l'approfondir, la défendre & la publier;
pendant que M. le Camus assuroit avec cette noble
fermeté que donne la conviction, que le médecin
destitué de ces connoissances est le plus souvent
« un
pilote qui vogue sans boussole sur les mers les plus
dangereuses; un aveugle qui veut guider les autres
dans un chemin qu'il ne connoît pas; un téméraire
qui assassine en voulant sauver la vie, &c».
mém.
sur divers sujets de médecine. Des députés de la faculté
de Médecine de Paris, dans le rapport qu'ils font de
cet ouvrage, ont l'inconséquence, pour ne rien dire
de plus, d'avancer & d'imprimer que la connoissance
du pouls (qui ne peut être que l'objet de l'observation) étoit devenue depuis quelques années un nouveau
sujet de récherches plus ou moins systématiques.... obscures,
souvent peu utiles, & capables aussi d'arrêter le
médecin dans ses opérations, &c. Nous examinerons
plus bas sur quoi ces reproches sont fondés, tâchant
autant qu'il sera possible de tirer le rideau sur les motifs
qui ont fait tenir à ces médecins un langage si
contraire au bon sens, à la vérité, & même à leur
propre façon de penser.
[p. 207]
Doctrine de Galien sur le pouls. Cette doctrine que
Galien a puisée chez les anciens médecins, mais qu'il
s'est comme appropriée par les changemens & les
additions essentielles ou inutiles qu'il y a fait, se
trouve très - prolixement exposée dans dix - huit livres
qui nous restent de cet auteur sur le pouls: savoir,
1°. de pulsibus libellus ad tyrones; 2°. de pulsibus libri
XVI. Cet ouvrage est divisé en quatre parties, dont
la premiere traite des différences des pouls; la seconde
de la maniere de les connoître; la troisieme contient
les causes des pouls, & la quatrieme les signes qu'ils
fournissent: 3°. synops. libror. XVI. de pulsib. Ceci
n'est qu'une récapitulation, un abregé de ce qu'il a
dit dans l'ouvrage précédent, où il ajoute quelques
regles & quelques observations nouvelles. Dans l'extrait
que nous allons en donner nous suivrons à - peu - près cet ordre, exposant d'abord les caracteres ou
différences du pouls; 2°. leurs causes; 3°. les présages
qu'on peut en tirer.
1°. Différences du pouls. Galien appelle pouls le
double mouvement de l'artere par lequel elle s'affaisse
sur elle - même & se distend ensuite en tout sens. Entre chaque mouvement il distingue un tems intermédiaire,
ou repos. Il tire les premieres différences de
la variété qu'il peut y avoir dans les trois dimensions
que présentent la distension & la contraction de l'artere;
2°. de la force ou de la foiblesse du coup que
donne l'artere distendue; 3°. de la promptitude ou
de la lenteur avec laquelle l'artere s'éleve ou s'épanouit;
4°. de la nature de ce coup, c'est - à - dire, de
sa dureté ou de sa mollesse; 5°. de la plénitude ou
de la vacuité (qu'on me passe ce mot) de l'artere;
6°. de l'égalité ou de l'inégalité qui se trouve dans
ces différences; 7°. de la proportion qu'on peut observer
entre le tems de la distention & celui de la
contraction. On peut appercevoir ces différences dans
un seul pouls, c'est - à - dire, dans une seule pulsation,
ou pour m'exprimer plus correctement dans une seule
distension précédée ou suivie de sa contraction; car
pulsation ne désigne que l'abattement d'un seul point
de l'artere, & par distension, on peut exprimer l'élévation
de plusieurs parties de l'artere dans le même
temps, ce qu'on observe lorsqu'on tâte le pouls
avec plusieurs doigts, l'on sent alors plusieurs pulsations, & rien qu'une distension ou contraction. 8°. On
tire aussi des différences que Galien appelle collectives de plusieurs pouls (pulsations) qui se succedent,
& l'on peut y examiner leur fréquence, l'égalité ou
l'inégalité des intervalles avec lesquels ils se suivent;
& la proportion, l'ordre, la régularité ou le desordre & l'irrégularité qu'ils observent.
Dans un seul pouls (pulsation ou distension) les
différences qui se tirent de la quantité de mouvement
forment le pouls vîte, lent & modéré, suivant le plus
ou moins de tems que l'artere emploie à s'élever ou
à s'abaisser.
La quantité de distension fournit neuf différences,
trois pour chaque dimensions, & il en résulte 1°. le
pouls long, court & modere; 2°. le pouls large,
étroit & moderé; 3°. le pouls haut, bas & moderé;
ces différences sont relatives à la situation de l'artere
dans le corps; car absolument parlant, dans un cylindre
comme les arteres, il n'y a point de hauteur
& de largeur proprement dites qui soient différentes;
par la combinaison de ces différentes especes, & en
les associant ensemble, on forme vingt - sept especes
de pouls simples. Exemple. Un pouls peut être en même
tems long, large & haut; dans ce cas il est appellé
grand; si toutes les dimensions sont moderées,
il en résultera le pouls moyen; le court, l'étroit &
le bas forment le pouls petit; celui qui est en même
tems modéré (en longueur) large & haut est nomme
turgidus, gonflé, crassus, épais; il peut résulter d'autres
combinaisons; on a donné le nom de gréle ou
de tenu, tenuis, à celui qui est long & haut, mais
modéré en largeur, ou étroit. Voyez la table de Galien, de differ. puls. lib. I. cap. v.
La nature du coup que le doigt appliqué sur l'artere
sent, a établi trois divisions ou différences qui se
subdivisent encore; savoir, le pouls véhement, ou
fort, foible & modéré, selon le degré de force du
coup; 2°. le pouls dur, mol, que les jeunes médecins,
dit Galien, confondent souvent avec le plein, le vuide
qui forment la troisieme différence. Le pouls plein
est, suivant la définition d'Archigene, celui qui présente
au doigt une artere distendue, remplie, avec un
gonflement humide, occursum humidè tumidum; le
pouls vuide au contraire fait paroître l'artere semblable
à une bulle, bullosam facit elevauonem, qui se
dissipant tout de suite, laisse le doigt isolé.
Galien prétendant contre quelques médecins, que
la contraction de l'artere est sensible, distingue deux
repos; l'un qui termine, suivant lui, la contraction,
& commence la distension; il est intérieur, & relativement
à nous, inférieur. L'autre externe & supérieur
suit la distension, & précéde la contraction;
ceux qui nient qu'on puisse sentir la contraction, prennent
pour repos l'intervalle qui se trouve entre deux
mouvemens apparens, c'est - à - dire, entre deux pulsations;
ceux du parti opposé multiplient beaucoup
les différences qu'ils prétendent déduire de ces repos
mitoyens. Quoi qu'il en soit, lorsque le doigt est
frappé par l'artere, on peut distinguer deux tems,
l'un relatif à la promptitude avec laquelle les parois
de l'artere sont distendus & contractés; & l'autre relatif
à l'intervalle écoulé entre deux ou plusieurs pulsations: le premier pouls est appellé vîte, & le second
fréquent: on leur oppose les pouls lent & rare. Delà naît le rythme ou cadence, qui n'est autre chose
que la proportion qu'il y a entre le tems du mouvement
& celui du repos. Ceux qui croient sentir la
contraction, ont distingué dans ce tems les mêmes
différences que dans la distention d'où ils ont pu tirer
vingt - sept autres especes de pouls; & en les combinant
avec ceux de la distension. On peut en former
plus de deux cens especes; je laisse à décider combien
ces divisions minutieuses sont difficiles à saisir,
arbitraires & inutiles.
La proportion qui constitue le rythme, ne demande
pas une parfaite égalité; elle varie suivant les
âges, les tempéramens, les tems de l'année, les climats
& d'autres circonstances. Voyez
Rythme, a Ryhtme, en Rythme, para Rythme, Hetero Rythme
, &c. à leur article, ou au mot Rythme.
Elle se trouve souvent jointe avec l'inégalité dans le
nombre, la vîtesse, la force, la grandeur & la fréquence
des pulsations, pourvu que cette inégalité
suive un certain ordre; par exemple, le tems de la
contraction peut être double, triple, quadruple de
celui de la distension, suivre les progressions arithmétiques
ou géométriques; un rythme constant fait
les pouls bien ordonnés, reglés ou réguliers. Le pouls
arythme dérange l'ordre, trouble la régularité; le
pouls est toujours régulier, quand il est parfaitement
égal; mais le défaut d'égalité n'emporte pas toujours
le défaut d'ordre; il subsiste lorsque les retours des
inégalités sont semblables; si après deux pulsations
égales il en vient pendant plusieurs périodes une troisieme
inégale, le pouls sera inégal régulier; si telle
pulsation inégale n'observe dans ses retours aucun
ordre, le pouls sera inégal, irrégulier; l'inégalité
peut regarder la vîtesse, la fréquence, la dureté, la
grandeur, &c. & le pouls peut être en même tems
égal & inégal sous des rapports différens; il y a aussi
des inégalités que Galien appelle égales; on ne peut
les appercevoir que dans l'assemblage de plusieurs
pulsations; elles se rencontrent lorsque les différences,
qui constituent l'inégalité, sont dans une égale
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