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POSSESSIF, ve (Page 13:162)
POSSESSIF,
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la premiere personne du singulier, sont mon, ma, mes; mien, mienne, miens, miennes: ceux qui se rapportent à la premiere personne du pluriel, sont notre, nos; nôtre, nôtres.
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la seconde personne du singulier, sont ton, ta, tes; tien, tienne, tiens, tiennes: ceux qui se rapportent à la seconde personne du pluriel, sont votre, vos; vôtre, vôtres.
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la troisieme personne du singulier, sont son, sa ses; sien, sienne, siens, siennes: ceux qui se rapportent à la troisieme personne du pluriel, sont leur, leurs.
Sur cette premiere division des adjectifs possessifs, il faut remarquer que chacun d'eux a des terminaisons relatives à tous les nombres, quoique la dépendance qu'ils expriment soit relative à une personne d'un seul nombre. Ainsi mon livre veut dire le livre (au singulier) qui appartient à moi (pareillement au singulier); mes livres, c'est - à - dire les livres (au pluriel) qui appartiennent à moi (au singulier): notre livre signifie le livre (au singulier) qui appartient à nous (au pluriel); nos livres, c'est la même chose que les [p. 163]
Dans la plûpart des langues, il n'y a qu'un adjectif possessif pour chacune des trois personnes du singulier, & un pour chacune des trois personnes du pluriel; mais en françois, nous en avons de deux sortes pour chaque personne: l'un qui ne s'emploie jamais qu'avant un nom, & qui exclut tout autre article; l'autre qui est toujours précédé de l'un des articles, le, la, les, & qui n'est jamais accompagné d'aucun nom, mais qui est toujours en concordance avec un nom déja exprimé auquel il se rapporte. C'est la même chose dans la langue allemande.
Les possessifs de la premiere espece sont mon, ma, mes, pour la premiere personne du singulier; notre, nos, pour la premiere du pluriel: ton, ta, tes, pour la seconde personne du singulier; votre, vos, pour la seconde du pluriel: son, sa, ses, pour la troisieme du singulier; & leur, leurs, pour la troisieme du pluriel.
Les possessifs de la seconde espece sont le mien, la mienne, les miens, les miennes, pour la premiere personne du singulier; le nôtre, la nôtre, les nôtres, pour la premiere du pluriel: le tien, la tienne, les tiens, les tiennes, pour la seconde personne du singulier; le vôtre, la vôtre, les vôtres, pour la seconde du pluriel: le sien, la sienne, les siens, les siennes, pour la troisieme personne du singulier; & le leur, la leur, les leurs, pour la troisieme du pluriel.
L'exacte différence qu'il y a entre les deux especes,
c'est que les possessifs de la premiere espece me
paroissent renfermer dans leur signification celle des
possessifs de la seconde & celle de l'article; ensorte
que mon signifie le mien, ton signifie le tien, son signifie
le sien, nos signifie les nôtres, &c. Mon livre, selon
cette explication, veut donc dire le mien livre ou le
livre mien; nos livres, c'est les livres nôtres, &c. Et
c'est ainsi que parlent les Italiens, il mio libro, imostri
libri; ou bien il libro mio, i libri nostri.
1°. Ce principe explique à merveille ce que Vaugelas a dit (rem. 513) qu'il faut répéter le... possessif de la premiere espece comme on répete l'article, & aux mêmes endroits où l'on répéteroit l'article: par exemple, on dit le pere & la mere, & non pas les pere & mere; & il faut dire de même son pere & sa mere, & non pas ses pere & mere, ce qui est, selon M. Chapelain, du style de pratique, & selon M. de Vaugelas, une des plus mauvaises façons de parler qu'il y ait dans toute notre langue. On dit aussi, les plus beaux & les plus magnifiques habits, ou les plus beaux & plus magnifiques habits, sans répéter l'article au second adjectif; & l'on doit dire de même ses plus beaux & ses plus magnifiques habits, ou ses plus beaux & plus magnifiques habits, selon la même regle. Cette identité de pratique n'a rien de surprenant, puisque les adjectifs possessifs dont il est ici question, ne sont autre chose que l'article même auquel on a ajouté l'idée accessoire de dépendance relativement à l'une des trois personnes.
2°. C'est pour cela aussi que cette sorte d'adjectif possessif exclut absolument l'article, quand il se trouve lui - même avant le nom; ce seroit une véritable périssologie, puisque l'adjectif possessif comprend l'article dans sa signification.
3°. On explique encore par - là pourquoi ces pos -
C'est apparemment pour donner à la phrase plus de vivacité, & conséquemment plus de vérité, que l'usage a autorisé la contraction de l'article avec le possessif dans les cas où le nom est exprimé; & c'est pour les intérets de la clarté que, quand on ne veut pas répéter inutilement un nom déja exprimé, on exprime chacun à part l'article & le possessif pur, afin que l'énonciation distincte de l'article réveille plus surement l'idée du nom dont il y a ellipse, & qui est annoncée par l'article.
Presque tous les grammairiens regardent comme des pronoms les adjectifs possessifs de l'une & de l'autre espece, & voici l'origine de cette erreur: ils regardent les noms comme un genre qui comprend les substantifs & les adjectifs, & ils observent qu'il se fait des adjctifs de certains noms qui signifient des substances, comme de terre, terrestre. Ainsi meus est formé de mei, qui est le génitif du pronom ego; tuns de tui, génitif de tu, &c. Or, dans le système de ces grammairiens, le substantif primitif & l'adjectif qui en est dérivé sont également des noms: & ils en concluent que ego & meus, tu & tuus, &c. sont & doivent être également des pronoms. D'ailleurs ces adjectifs possessifs doivent être mis au rang des pronoms, selon M. Restaut (ch. v. art. 3), parce qu'ils tiennent la place des pronoms personnels ou des noms au génitif: ainsi mon ouvrage, notre devoir, ton habit, votre maître, son cheval, en parlant de Pierre, leur roi en parlant des François, signifient l'ouvrage de moi, le devoir de nous, l'habit de toi, le maître de vous, le cheval de ui ou de Pierre, le roi d'eux ou des François.
Par rapport au premier raisonnemnnt, le principe
en est absolument faux; & l'on peut voir au mot
Quant au principe prétendu raisonné de M. Restaut, j'y trouve deux vices considérables. Premierement il suppose que la nature du pronom consiste à
tenir la place du nom; & c'est une erreur que je crois
solidement détruite ailleurs. Voyez
Tous les grammairiens françois & allemans recon<pb-> [p. 164]
Nos grammairiens appellent mon, ton, son, & leurs semblables possessifs absolus; & ils regardent le mien, le tien, le sien, &c. comme des possessifs relatifs: ceuxci sont nommés relatifs, parce que n'étant pas joints avec leur substantif, dit M. Restaut, ils le supposent énoncé auparavant, & y ont relation: mais personne ne dit pourquoi on appelle absolus les possessifs de la premiere espece; & M. l'abbé Regnier paroît avoir voulu éviter cette dénomination, en les nommant simplement non - relatifs. Le mot de relatif est un terme dont il semble qu'on ne connoisse pas assez la valeur, puisqu'on en abuse si souvent; tout adjectif est essentiellement relatif au sujet déterminé auquel on l'applique, soit que ce sujet soit positivement exprimé par un nom ou par un pronom, soit que l'ellipse l'ait fait disparoître & qu'il faille le retrouver dans ce qui précede. Ainsi les deux especes de possessifs sont également relatives, & la distinction de nos grammairiens est mal caractérisée.
Les grammairiens allemands ont apparemment voulu éviter ce défaut, & M. Gottsched appelle conjonctifs les possessifs de la premiere espece, mon, ton, son, &c. & il nomme absolus ceux de la seconde, le mien, le tien, le sien, &c. Les premiers sont nommés conjonctifs, parce qu'ils sont toujours unis avec le nom auquel ils se rapportent; les autres sont appellés absolus, parce qu'ils sont employés seuls & sans le nom auquel ils ont rapport. Voilà comment les différentes manieres de voir une même chose, amenent des dénominations différentes & même opposées. M. de la Touche qui a composé en Angleterre l'art de bien parler françois, a adopté cette seconde maniere de distinguer les possessifs.
Avec un peu plus de justesse que la premiere, je ne crois pourtant pas qu'elle doive faire plus de fortune. Les termes téchniques de grammaire ne doivent pas être fondés sur des services accidentels, qui peuvent changer au gré de l'usage; la nomenclature des sciences & des arts doit être immuable comme les natures dont elle est chargée de reveiller les idées, parce qu'elle doit en effet exprimer la nature intrinséque, & non les accidens des choses. Or il est évident que mien, tien, sien, &c. ne sont absolus, au sens des grammairiens allemans, que dans l'usage présent de leur langue & de la nôtre; & que ces mêmes mots étoient conjonctifs lorsqu'il étoit permis de dire un mien frere, un sien livre, comme les Italiens disent encore il mio fratello, il suo libro.
M. Duclos, qui apparemment a senti le vice des
deux nomenclatures dont je viens de parler, a pris
un autre parti.
C'est donc la différence que j'ai observée entre les deux especes de possessifs, qui doit fonder celle des dénominations distinctives de ces especes. Mon, ton,
Content d'avoir examiné la nature des adjectifs possessifs, ce qui est véritablement de l'objet de l'Encyclopédie, je ne m'arrêterai point ici à détailler les différens usages de ces adjectifs par rapport à notre langue; c'est à nos grammaires françoises à discuter ces lois accidentelles de l'usage; mais je m'arrêterai à deux points particuliers, dont l'un concerne notre langue, & l'autre la langue allemande.
L'examen du premier point peut servir à faire voir
combien il est aisé de se méprendre dans les décisions
grammaticales, & combien il faut être attentif pour
ne pas tomber dans l'erreur sur ces matieres.
Cela peut n'être en effet d'aucune importance s'il
ne s'agit que de connoître l'usage de la langue & de
s'y conformer: mais cela ne peut être indifférent à
la Philosophie, si ce n'est à la philosophie sceptique
qui aime à douter de tout. Thomas Corneille crut
apparemment qu'une décision valoit mieux que l'incertitude,
& il décide, dans sa note sur cette remarque,
que cet usage de notre langue n'autorise pas à
dire que mon, ton, son, sont du genre commun.
Je passe à l'observation qui concerne la langue allemande: c'est que l'usage y a introduit deux articles & deux adjectifs possessifs qui ont rapport à la troisieme personne du singulier; l'un s'emploie quand la troisieme personne est du feminin, & l'autre, quand elle est du masculin. Cette différence ne sert qu'à déterminer le choix du mot, & n'empêche pas qu'il ne s'accorde en genre avec le nom auquel on l'applique. Ainsi son, quand la troisieme personne est du masculin, se dit en allemand sein, m. seine, f. & sein, n. & sien se dit seiner, m. seine, f. seines, n. ou bien der sernige, m. die seinige, f. das seinige, n. & tous ces mots sont dérivés du génitif masculin seiner (de lui). Mais si la troisieme personne est du feminin, son se dit en allemand ihr, m. ihre, f. ihr, n. & sien se dit ihrer, m. ihre, f. ihres, n. ou bien der ihrige, m. die ihrige, f. das ihrige, n. & tous ces mots sont dérivés du génitif feminin ihrer (d'elle). On peut concevoir, par cette propriété de la langue allemande, combien l'usage a de ressources pour enrichir les langues, pour y mettre de la clarté, de la précision, de la justesse, & combien il importe d'examiner de près les idiotismes pour en demêler les finesses & le véritable sens. C'est la conclusion que j'ai prétendu tirer de cette observation. (B. E. R. M.)
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