ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"156"> parce qu'elles n'ont eu pour principe que l'amour de ses devoirs, & la vue du bonheur public.

Bien loin de regarder la souveraine puissance comme un moyen de satisfaire ses passions, elle a conçu que la tranquillité du gouvernement dépendoit de la tranquillité de son ame, & qu'il n'y a que les esprits doux & patiens qui sachent se rendre véritablement maîtres des hommes. Elle a éloigné de sa pensée toute vengeange; & laissant à des hommes privés la honte d'exercer leur haines dès qu'ils le peuvent, elle a pardonné comme les dieux avec un plein pouvoir de punir.

Elle a réprimé les esprits rébelles, moins parce qu'ils résistoient à ses volontés, que parce qu'ils faisoient obstacle au bien qu'elle vouloit faire. Elle a soumis ses pensées aux conseils des sages, & tous les ordres du royaume à l'équité de ses loix. Elle a désarmé les ennemis étrangers par son courage, & par la fidélité à sa parole; & elle a surmonté les ennemis domestiques par sa fermeté & par l'heureux accomplissement de ses projets.

Il n'est jamais sorti de sa bouche ni un secret, ni un mensonge; & elle a cru que la dissimulation nécessaire pour regner ne devoit s'étendre que jusqu'au silence. Elle n'a point cédé aux importunités des ambitieux; & les assiduités des flateurs n'ont point enlevé les récompenses dues à ceux qui servoient leur patrie loin de sa cour.

La faveur n'a point été en usage sous son regne; l'amitié même qu'elle a connue & cultivée, ne l'a point emportée auprès d'elle sur le mérite, souvent moins affectueux & moins prévenant. Elle a fait des graces à ses amis; & elle a donné les postes importans aux hommes capables. Elle a répandu des honneurs sur les grands, sans les dispenser de l'obéissance; & elle a soulagé le peuple sans lui ôter la nécessité du travail. Elle n'a point donné lieu à des hommes nouveaux de partager avec le prince, & inégalement pour lui les revenus de son état; & les deniers du peuple ont satisfait sans regret aux contributions proportionnées qu'on exigeoit d'eux; parce qu'elles n'ont point servi à rendre leurs semblables plus riches, plus orgueilleux & plus méchans.

Persuadée que la providence des dieux n'exclud point la vigilance des hommes qui est un de ses présens, elle a prévenu les miseres publiques par des provisions régulieres; & rendant ainsi toutes les années égales, sa sagesse a maîtrisé en quelque sorte les saisons & les élemens. Elle a facilité les négociations, entretenu la paix & porté le royaume au plus haut point de la richesse & de la gloire par l'accueil qu'elle a fait à tous ceux que la sagesse de son gouvernement attiroit des pays les plus éloignés; & elle a inspiré à ses peuples l'hospitalité qui n'étoit point encore assez établie chez les Egyptiens.

Quand il s'est agi de mettre en oeuvre les grandes maximes du gouvernement, & d'aller au bien général malgré les inconveniens particuliers; elle a subi avec une généreuse indifférence les murmures d'une populace aveugle, souvent animée par les calomnies secretes des gens plus éclairés qui ne trouvent pas leur avantage dans le bonheur public. Hazardant quelquefois sa propre gloire pour l'intérêt d'un peuple méconnoissant, elle a attendu sa justification du tems; & quoiqu'enlevée au commencement de sa course, la pureté de ses intentions, la justesse de ses vues, & la diligence de l'exécution lui ont procuré l'avantage de laisser une mémoire glorieuse, & un regret universel.

Pour être plus en état de veiller sur le total du royaume, elle a confié les premiers détails à des ministres sûrs, obligés de choisir des subalternes qui en choisissoient encore d'autres, dont elle ne pouvoit plus répondre elle - même, soit par l'éloignement, soit par le nombre. Ainsi j'oserai le dire devant nos juges, & devant ses sujets qui m'entendent: si dans un peuple innombrable, tel que l'on connoît celui de Memphis, & des cinq mille villes de la Dynastie, il s'est trouvé, contre son intention, quelqu'un d'opprimé; non seulement la reine est excusable par l'impossibilité de pourvoir à tout; mais elle est digne de louange, en ce que connoissant les bornes de l'esprit humain, elle ne s'est point écartée du centre des affaires publiques, & qu'elle a réservé toute son attention pour les premieres causes & pour les premiers mouvemens.

Malheur aux princes dont quelques particuliers se louent, quand le public a lieu de se plaindre; mais les particuliers même qui souffrent n'ont pas droit de condamner le prince, quand le corps de l'état est sain, & que les principes du gouvernement sont salutaires. Cependant quelque irréprochable que la reine nous ait paru à l'égard des hommes, elle n'attend par rapport à vous, ô justes dieux, son repos & son bonheur que de votre clémence ».

Si l'on compare ce morceau au portrait qu'a fait Bossuet de Marie Thérese, on sera surpris de voir combien le grand maître de l'éloquence est au - dessous de l'abbé Terrasson dans son éloge.

Un portrait en vers est une petite piece de vers dans laquelle on peint, comme on fait en prose, une personne par les traits les plus propres à faire connoître ses agrémens & son caractere. Tel est le portrait de madame de Rochefort par M. le duc de Nivernois.

Sensible avec délicatesse, Et discrette sans fausseté; Elle sait joindre la finesse A l'aimable naïveté. Sans caprice, humeur, ni folie Elle est jeune, vive & jolie; Elle respecte la raison; Elle déteste l'imposture, Trois syllabes forment son nom, Et les trois graces sa figure.

Voici celui d'une autre dame par M. de Voltaire.

Etre femme sans jalousie Et belle sans coqueterie, Bien juger sans beaucoup savoir, Et bien parler sans le vouloir; N'être haute ni familiere, N'avoir point d'inégalité, C'est le portrait de la Valliere, Il n'est ni fini, ni flatté.

Il y a des portraits satyriques; j'en supprime les exemples quelque bons, quelque vrais en eux - mêmes que soient ces portraits; car la qualité des objets ne fait rien à la chose, dès qu'on la peint avec tous les traits qui lui conviennent. Que ce soit les graces ou les furies, il n'importe, Ciceron dit: Gorgonis os pulcherrimum crinitam anguibus. Orat. 4, in Verrem.

Un portrait plein d'énergie & d'une heureuse simplicité, est celui de l'empereur Titus par Ausone.

Felix imperio, felix brevitate regendi, Expers civilis sanguinis, orbis amor.

Enfin, on fait quelquefois des portraits en vers à la gloire des beaux génies. Despreaux fit ceux - ci pour être mis au bas du portrait de Racine.

Du théâtre françois l'honneur & la merveille, Il sut résusciter Sophocle & ses écrits, [p. 157] Et dans l'art d'enchanter les coeurs & les esprits, Surpasser Euripide & balancer Corneille. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Portrait (Page 13:157)

Portrait, s. m. (Paveur.) les maîtres paveurs appellent ainsi un des marteaux dont ils se servent pour fendre & tailler le pavé de grès, particulierement celui qu'on nomme du petit échantillon. (D. J.)

PORTRAITURE, livre de (Page 13:157)

PORTRAITURE, livre de, (Peint.) c'est un livre de desseins qui contient la représentation linéale du corps humain.

PORT - ROYAL (Page 13:157)

PORT - ROYAL, (Hist. mod.) terme qui tient un rang considérable dans la république des lettres. Voici quelle a été son origine.

Philippe - Auguste s'étant égaré seul en chassant près de Chevreuse, au couchant de Paris, trouva une petite chapelle où il s'arrêta, en attendant que quelqu'un de ses officiers vînt le joindre: ce qui arriva. Il nomma pour cela ce lieu Port du roi, ou Port - Royal; & pour remercier Dieu de l'avoir tiré de l'embarras & de l'inquiétude où il étoit, il résolut d'y faire bâtir un monastere.

Odon de Sulli, évêque de Paris, l'ayant su, prévint le roi, & avec Mathilde, femme de Mathieu de Montmorenci, seigneur de Marly, il bâtit cette abbaye en 1204, & y mit des religieuses de Citeaux, qui ont toujours été soumises à la jurisdiction du général de cet ordre jusqu'en 1627, qu'elles furent transférées au fauxbourg S. Jacques à Paris, où on leur donna une maison.

En 1647 elles quitterent l'habit de Citeaux, & elles résolurent d'embrasser l'institut de l'aboration perpétuelle du S. Sacrement. L'archevêque de Paris leur permit la même année de renvoyer des religieuses à Port - Royal des Champs, & d'y rétablir ce monastere.

Quelque tems après, la souscription du formulaire d'Alexandre VII. ayant été ordonnée dans tout le royaume, les religieuses du Port - Royal de ville le signerent; celles de Port - Royal des Champs ne s'y soumirent qu'après de grandes difficultés, & avec restriction.

Ces filles étant toujours demeurées dans les mêmes sentimens jusqu'en 1709, le roi crut qu'il n'y avoit d'autres moyens de les soumettre, que de les disperser, ce qui fut exécuté, & le monastere de Port - Royal des Champs fut entierement détruit, & ses biens rendus à Port Royal de Paris.

Plusieurs ecclésiastiques qui étoient dans les mêmes sentimens, que ces religieuses se retirerent à Port - Royal, où on leur donna des appartemens. Ils y ont fait plusieurs livres qu'ils ont imprimés, tant sur ces matieres que sur d'autres; c'est ce qui fit donner à tout leur parti le nom de Port - royalistes, & à leurs livres celui de livres de Port - royal.

Ainsi l'on dit les écrivains de Port - royal, messieurs de Port - royal, les traductions de Port - royal, les méthodes grecque & latine de Port - royal, qui sont des grammaires de ces langues.

PORTUGAISE, ou PORTUGALOISE (Page 13:157)

PORTUGAISE, ou PORTUGALOISE, (Monn.) grosse piece d'or frappée en Portugal, du poids d'une once trois deniers au titre de 23 carats 3 quarts. Ces especes d'or ont eu cours en France bien avant sous le regne de Louis XIII. (D. J.)

PORTUGAL (Page 13:157)

PORTUGAL, (Géog. mod.) en latin Lusitania, royaume le plus occidental de l'Europe, borné au nord par la Galice, au midi & au couchant par l'Océan, au levant par l'Andalousie, la nouvelle - Castille, & le royaume de Léon. Son étendue est du nord au sud. Il a 120 lieues de longueur, & 50 de largeur.

L'air y est assez tempéré, pur & sain. C'est un très bon pays; le blé n'y manque pas, les fruits sont exquis, les huiles délicieuses: on y trouve quantité de miel; les laines sont admirables; les salines très abondantes; les bestiaux & les chevaux très - estimés: on sait combien les orangers, les vins, sur - tout ceux d'Alantejo & des Algarves sont recherchés.

Il y a des mines d'or & d'argent, des carrieres de beau marbre, & de pierres précieuses, des rubis, des émeraudes, des hyacinthes.

Il est arrosé d'un grand nombre de rivieres. Les principales sont le Tage, la Guadiana, le Duero, &c. La religion catholique est la seule permise. Il y a beaucoup de Juifs, mais cachés. L'inquisition y est très - sévere. Il y a trois archevêchés & dix évêchés, sans compter ceux des Indes & d'Afrique.

On divise le Portugal en six parties; savoir, le royaume des Algarves; les provinces entre Dueroe - Minho, Béïra, l'Alentéjo, Tra - los Montes, l'Estramadoure portugaise: outre cela le royaume de Portugal a des possessions considérables dans l'Amérique, comme le Brésil, dans l'Afrique & dans l'Asie.

La langue portugaise est un composée de la latine, de la françoise & de la castillane. Elle est grave & élégante; & comme elle ne manque pas d'élévation pour les sujets héroïques, de même elle est remplie de douceur pour les délicatesses de l'amour.

Lisbonne est la capitale du royaume. Long. 9. 12. lat. 37. 42.

Le royaume de Portugal est la Lusitanie des anciens; cependant la Lusitanie comprenoit des pays qui ne sont point aujourd'hui de Portugal; & le Portugal renferme quelques contrées qui n'étoient point de la Lusitanie. Ses premiers habitans formoient plusieurs républiques, & se gouvernoient selon leurs loix & leurs coutumes.

Les Phéniciens ayant abordé sur les côtes de la Lusitanie, se fortifierent dans l'île de Cadix, d'où ils passerent dans le continent, & y firent des conquêtes par le secours des Carthaginois, environ 510 ans avant J. C. Ce pays fut ensuite soumis par les Romains, & successivement par les Alains, les Sueves, les Vandales, les Goths & les Maures.

Alphonse VI. roi de Castille & de Léon, fit la conquête de la meilleure partie de la Lusitanie sur les Maures en 1094. Il maria sa fille Therese légitimée de Castille, à Henri de Bourgogne, & lui donna pour dotte la ville de Porto avec le titre de comte de Portugal.

Henri conquit bien du pays sur les Maures, fonda proprement le royaume de Portugal, & fut couronné en 1139, après la fameuse bataille d'Ourique. Alors le pape Alexandre III. ne manqua pas d'exiger de lui pour la confirmation de cette couronne, en 1160, un tribut de deux marcs d'or; le roi s'y soumit, sachant que dans les querelles de tant de souverains, le suffrage du pape, payé par une bonne rente, pouvoit quelquefois faire pancher la balance.

Ce nouveau royaume se soutint glorieusement, & les Portugais commencerent à mériter dans le xv. siecle une gloire aussi durable que l'univers, par le changement du commerce du monde, qui fut bientôt le fruit de leurs découvertes. Ce fut cette nation qui, la premiere des nations modernes, navigea sur l'Océan atlantique. Elle n'a dû qu'à elle seule le passage du cap de Bonne - Espérance, au lieu que les Espagnols dûrent à des étrangers la découverte de l'Amérique.

Le Portugal s'occupa toujours de ses grandes navigations & de ses succès en Afrique, sans prendre aucune part aux événemens de l'Italie qui allarmoient le reste de l'Europe.

Enfin ce royaume depuis Alphonse I. surnommé Henriquez, dura l'espace de quatre cens quaranteneuf ans, sous seize rois, & finit en 1578 par la mort

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