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Ponts (Page 13:71)
On comptoit sept ponts principaux dans la ville de Rome. Les voici.
1°. Le pont appellé sublicien, c'étoit un pont de bois; car le mot sublicoe signifie des poteaux de bois qu'on enfonce dans l'eau. Ce fut le premier qu'on fit sur le Tibre. Ancus Martius le fit de bois d'assemblage sans fer, ni chevilles. Il étoit au pié du mont Aventin, & servoit à joindre le Janicule à la ville. C'est celui qu'Horatius Coclès défendit contre l'armée des Toscans; mais ayant été ruiné par la longueur des années, il fut rebâti de pierre par Emilius Lépidus, & appellé de son nom. L'empereur Tibere le rétablit de son tems, ayant été ruiné par les fréquentes inondations du Tibre. Ensuite ayant encore été ruiné, Antoine le refit tout de marbre, & il fut appellé pons marmoratus. On jettoit du haut de ce pont les méchans & les vagabonds & les simulacres d'Argéens.
2°. Le pont appellé triomphal, autrement du vatican; il étoit au milieu du Tibre, sur lequel passoient tous les triomphateurs. Il est aujour d'hui ruiné.
3°. Le pont qu'on a appellé palatinus. Il étoit proche du mont Palatin, autrement senatorius. M. Fulvius en fit faire les piles, & L.Mummius en acheva les arches pendant sa censure.
4°. Le quatrieme pont fut séparé en deux quand l'île du Tibre fut faite. L'un s'appella pons fabricius de celui qui le fit faire lorsqu'il étoit grand - maître & intendant des chemins. Il joignit l'île à la ville, & il se nomme aujourd'hui di quatro capi, à cause des quatres figures de marbre qui ont chacune quatre têtes, à l'issue du pont dans l'île; ou le pont des Juifs, parce qu'ils demeurent auprès. L'autre s'appelle pons cestius ou exquilinus, le pont exquilin.
5°. Le pont janiculensis & aurelius, fait de marbre par Antonin le pieux; & ayant été ruiné, il fut rétabli par le pape Sixte IV. On l'appelle de son nom ponte sixio.
6°. Le pont elius, ainsi nommé de l'empereur Adrien qui le fit bâtir. Il subsiste encore aujourd'hui à Rome: on l'appelle le pont Saint - Ange. Il étoit garni au - dessus d'une couverture de bronze, supportée par quarante - deux colonnes qui portoient des statues. Ces ornemens furent détruits dans la seconde guerre des Goths, qui briserent les statues, afin de se servir de leurs débris pour leur défense. Ces colonnes ainsi isolées, qui échaperent à ce combat, ne formerent plus un ornement au pont. On les trouva trop belles pour décorer un bâtiment délabré. On en détacha plusieurs qui ont été employées à l'embellissement de l'église de S. Paul à Rome. Voyez le diarium italicum du P. Montfaucon.
7°. Le pont mulvius, aujourd'hui de mole ou milvio, qui fut édifié par Elius Scaurus. Ce fut sur ce pont que Cicéron fit arrêter les ambassadeurs des Allobroges, avec leurs lettres, par lesquelles la conjuration de Catilina fut découverte. Ce fut proche de ce pont que Constantin défit l'empereur Maxence. Il étoit sur le chemin de l'Etrurie. Il y a deux milles de Ponte - Mole à Rome, & tout ce chemin pourroit être
On trouve à trois milles de Rome le pont salaro, sous lequel passe le Teveron ou l'Anien.
Les historiens ont beaucoup parlé de celui qui fut bâti près de la ville de Narni sous l'empire d'Auguste des dépouilles conquises sur les Sycambres. Procope dit qu'en nul endroit du monde, il n'a vu de si belles arcades. Ce pont joignoit les deux montagnes entre lesquelles Narni est située, & la riviere passoit dessous.
Le pont qu'Auguste fit bâtir à Rimini étoit digne de remarque. Toutes les arches étoient voutées en demi - cercle, & jettoient une saillie au - dehois de même courbure. Les piles avançoient leurs éperons à angles droits & non à angles aigus, ce que les anciens observoient dans tous leurs ponts de pierre, les angles droits leur paroissant plus forts que les aigus, moins exposés à être endommagés, & suffisans pour couper l'eau. Pour couronnement il y avoit de chaque côté des accoudoirs de marbre. Il fut achevé l'an 779 de la fondation de Rome, sous le consulat de C. Calvisius & de Cn. Lentulus.
On concevra jusqu'où les Romains porterent leur ambition dans le genre de ces édifices, quand on lira qu'un simple citoyen romain, Marc Varron, lieutenant de Pompée dans la guerre des pirates, entreprit de joindre l'Italie à la Macedoine par un pont de bois. Il est vrai que c'est dans l'endroit le plus étroit de la mer Ionniene. Mais cet endroit a néanmoins 25 lieues françoises communes de longueur. Il est encore vrai que cette entreprise demeura sans effet; mais Pline qui en fait l'histoire, dit qu'elle ne fut point abandonnée faute de moyens, mais de loisir.
On sait que Caligula eut l'extravagance de faire un pont de bateaux en pleine mer sur le golfe de Pouzzoles à Bayes, sur la longueur de 3600, selon Suétone, c'est - à - dire, environ deux de nos lieues. Il accoupla des navires deux - à - deux, & en composa son pont à doubles rangs, arrêtant chaque navire avec son ancre, & fit couvrir le dessus d'une levée de terre qu'il fit paver de grands carreaux semblables à ceux de la voie appienne qui étoient de quatre à cinq piés de face. Il s'amusa deux jours entiers sur ce pont à représenter un triomphe, & se vanta d'avoir surpassé Xercès. Pour cette grande, ridicule & vaine entreprise, il prodigua toutes ses finances, & pour les récouvrer, il fit périr les citoyens romains les plus riches, afin d'avoir la confiscation de leurs biens.
Il n'est pas douteux que les Romains n'aient bâti de très - beaux ponts dans toutes les provinces de leur empire. Ils sont ruinés aujourd'hui, parce que le tems consume tout. On connoît en France le pont du Gard, qui est leur ouvrage, & dont il sera fait un article à - part.
On parle en Espagne du pont réparé par Trajan dans la ville de Salamanque, sur la riviere de Tormes. Il est de mille cinq cens piés de longueur divisés en 26 arcades, qui ont chacune 72 piés d'ouverture en oeuvre: les piles ont 23 piés d'épaisseur, & plus de 200 piés de hauteur.
Il y a un autre pont des Romains, dont l'histoire parle. C'est celui d'Alcantara, cette ville de Portugal que Pline & Ptolomée appellent norbam cesaream, assis sur le Tage. Quoique ce pont soit digne de Trajan, c'est cependant l'ouvrage d'un simple citoyen romain gouverneur de ce pays - là. On le nommoit C. Julius Lacer. Ce pont par sa forme & son architecture sembloit fait pour l'éternité, & les restes qui subsistent encore, semblent le prouver. Il avoit 670 piés de long distribués en 6 arcades, chacune de 84 piés de voute, sur les piles presque quarrées de 27 à 28 piés de chaque face, & 200 piés de hauteur à mesurer à [p. 72]
Mais le pont que Trajan fit bâtir sur le Danube, passoit pour le plus excellent de ses ouvrages, & il auroit suffi pour immortaliser son nom. Il étoit composé de 20 piles de pierre de taille de 150 piés de hauteur, & de 60 de largeur, distantes les unes des autres de 170 piés, qui étoit la mesure des arcades relevées par - dessus en demi - cercle. Ainsi l'oeuvre entiere sans ses deux culées avoit 4740 piés de longueur, qui reviennent à environ demie - lieue françoise, grandeur étonante d'un pont solide. Si la dépense en fut immense, on doit encore plus s'étonner qu'on ait posé ces piles en un endroit changeant, limonneux, sans pilotis; c'étoit l'endroit de tout le pays où le Danube étoit le plus étroit; mais il y étoit aussi le plus rapide & le plus profond, & c'est ce qui paroissoit un obstacle insurmontable à l'industrie humaine. Il fut impossible d'y faire des bâtardeaux pour fonder les piles; au lieu de cela il fallut jetter dans le lit de la riviere une quantité prodigieuse de matériaux, & par ce moyen former des manieres d'empatemens qui s'élevassent jusqu'à la hauteur de l'eau, pour pouvoir ensuite y construire les piles & tout le reste du bâtiment. Dion Cassius qui nous en fait la peinture, ajoute que de son tems ce pont n'étoit d'aucun usage, & qu'on voyoit seulement les piles se pousser comme par ostentation hors de la surface des eaux d'une hauteur étonnante. Trajan fit ce pont pour transporter son armée contre les Daces, & Adrien son successeur, par crainte des Barbares, ou par envie, fit démolir ce superbe ouvrage. Il n'en reste plus de vestiges, & le lieu même où il étoit assis sur le Danube, paroît nous être inconnu. Apollodore de Damas fut l'architecte qui présida à la construction de ce pont; il avoit travaillé à beaucoup d'autres ouvrages sous Trajan. (D. J.)
Pont du Gard (Page 13:72)
On n'a rien pu découvrir qui marque en quel tems & par qui ce pont a été construit. C'est une foible conjecture que de supposer que ce fut par Agrippa, gendre d'Auguste, qui fit les grands chemins de la Gaule, car il n'y avoit que trois lettres énigmatiques gravées sur ce pont; savoir A. AE. A. (D. J.)
Ponts (Page 13:72)
Le pont de Loyang, dans la province chinoise Sokien est plus beau encore que le précédent. Il est porté par 300 piliers joints sans arcs par des pierres d'un marbre noir de 18 pas de longueur, de deux de hauteur, & de deux de large. Les piédestaux des balustrades sont ornés de lion à la chinoise.
On voit aussi à la Chine deux ponts d'une construction bien surprenante. L'un sert à traverser des montagnes; il a trente stades de long, & est porté par des grosses poutres qui appuient sur des pointes de rochers, entre lesquels sont des précipices affreux, de sorte qu'on ne traverse jamais ce pont sans frémir. Ce pont sert à aller à la capitale de la Chine, sans être obligé de se détourner.
Le deuxieme pont qu'on admire à la Chine, situé près de la ville de Kingtung, est un pont de charpente attaché à 20 chaînes de fer, qui joignent les extrémités de deux montagnes.
Il n'y a point en Europe de ponts aussi hardis que ceux des Chinois; mais ceux que nous avons peuvent tenir à d'autres égards un rang distingué parmi les plus beaux ouvrages de l'antiquité. (D. J.)
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