ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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La raison même au milieu des plus épaisses ténebres, ne pouvoit se dérober à ces rayons de vérité, tant il est impossible à l'homme d'anéantir l'idée de l'Etre unique, saint & parfait qui l'a tiré du néant.

Mais si ces fables dont on repaissoit le peuple étoient, de l'aveu même de Platon, si injurieuses à la divinité, & en même tems si funestes à la pureté des moeurs, pourquoi ne travailloit - il pas à le détromper, en lui inspirant une idée saine de la divinité? Pourquoi, de concert avec les autres philosophes, fomentoit - il encore son erreur? Le voici, c'est qu'il s'imaginoit que le polytheisme étoit si fort enraciné, qu'il étoit impossible de le détruire sans mettre toute la société en combustion. « Il est très - difficile, dit - il, de connoître le pere, le souverain arbitre de cet univers; mais si vous avez le bonheur de le connoître, gardez - vous bien d'en parler au peuple » Les Philosophes, aussi bien que les Législateurs, étoient dans ce principe, que la vérité étoit peu propre à être communiquée aux hommes. On croyoit sans aucune répugnance qu'il falloit les tromper, ou du moins leur exposer les choses adroitement voilées. De - là vient, dit Strabon, que l'usage des sables s'est si fort étendu, qu'on a feint & imaginé, par une espece de devoir politique, le tonnerre de Jupiter, l'égide de Pallas, le trident de Neptune, les flambeaux & les serpens des Furies vengeresses; & ce sont toutes ces traditions ajoutées les unes aux autres, qui ont formé l'ancienne théologie, dans la vûe d'intimider ceux qui se conduisent par la crainte plutôt que par la raison, trop foible, hélas! sur l'esprit des hommes corrompus. Séneque dit que le Jupiter du peuple est celui qui est arme de la foudre, & dont la statue se voit au milieu du Capitole; mais que le véritable Jupiter, celui des Philosophes, est un Ftre invisible, l'ame & l'esprit universel, le maître & le conservateur de toutes choses, la cause des causes, dont la nature emprunte sa force, & pour ainsi dire sa vie. Varron le plus savant des Romains, dans un fragment de son traité sur les religions, cité par S. Augustin, dit qu'il y a de certaines vérités qu'il n'est pas à - propos de faire connoître trop généralement pour le bien de l'état; & d'autres choses qu'il est utile de faire accroire au peuple quoiqu'elles soient fausses, & que c'est par cette raison que les Grecs cachent leurs mysteres en général. Quelque système qu'on embrasse, il faut que le peuple soit séduit; & il veut lui - même être séduit. Orphée en parlant de Dieu disoit, je ne le vois point, car il y a un nuage autour de lui qui me le dérobe.

Une autre raison qui portoit les législateurs à ne point déprévenir l'esprit des peuples des erreurs dont ils étoient imbus, c'est qu'ils avoient eux - mêmes contribué à l'établissement ou à la propagation du polythéisme, en protestant des inspirations, & se servant des opinions religieuses quoique fausses; & dont les peuples étoient prévenus, pour leur inspirer une plus grande vénération pour les lois. Le polythéisme fut entierement corrompu par les Poetes qui inventerent ou pubherent des histoires scandaleuses des dieux & des heros; histoires dont la prudence des législateurs auroit voulu dérober la connoissance au peuple, ce qui plus que toute autre chose, contribuoit à rendre le polythéisme dangereux pour l'état, comme il est aisé de s'en convaincre par le passage de Platon que j'ai cité ci - dessus. Trouvant donc les peuples livrés à une religion qui étoit faite pour le plaisir, à une religion dont les divertissemens, les fêtes, les spectacles, & enfin la licence même faisoit une partie du culte, les trouvant, dis - je, enchantés par une telle religion, ils se virent forcés de se prêter à des préjugés trop tenans & trop invétérés. Ils crurent qu'il n'étoit pas dans leur pouvoir de la détruire, pour y en substituer une meilleure. Tout ce qu'ils purent faire, ce sut d'établir avec plus de fermeté le corps de la religion; & c'est à cet usage qu'ils employerent un grand nombre de pompeuses cérénoes. Dans la suite des tems, le génie de la religion sunvit celui du gouvernement civil, & ainsi elle s'épura d'elle même comme à Rome, ou elle se corrompit de plus en plus comme dans la Syrie. Si les législateurs eussent institué une religion nouvelle, ainsi qu'ils instituerent de nouvelles lois, on auroit trouvé dans quelquesunes de ces religions des institutions moins éloignées de la pureté de la religion naturelle. L'imperfection de ces religions est une prcuve qu'ils les trouverent dejà établies, & qu'ils n'en furent pas les inventeurs.

On peut dire que ni les Philosophes, ni les Législateurs n'ont reconnu cette vérité essentielle, que le vrai & l'utile sont inséparables. Par - là les uns & les autres ont tres souvent manqué leur but. Les premiers négligeant l'utilité, sont tombés dans les opinions les plus absurdes sur la nature de Dieu, & sur celle de l'ame; & les derniers n'étant pas assez scrupuleux sur la vérité, ont beaucoup contribué à la propagation du Polytheisme, qui tend naturellement à la destruction de la société. Ce sut même la nécessité de remédier à ce mal qui leur sit établir les mysteres sacrés avec tant de succès; & on peut dire qu'ils étoient fort propres à produire cet effet. Dans le Paganisme l'exemple des dieux vicieux & corrompus avoit une forte influence sur les moeurs: Ils ont sait cela, disoit - on, & moi chétis mortel je ne le ferois pas? Ego homuncio hoc non sacerem? Térence, Eunuq. acte III. scene v. Eurypide met le même argument dans la bouche de plusieurs de ses personnages en différens endroits de ses tragédies.

Voilà ce que l'on alleguoit pour sa justification, lorsqu on vouloit s'abandonner à ses passions déréglées, & ouvrir un champ libre à ses vastes desirs. Or dans les mysteres on affoiblissoit ce puissant aiguillon, & c'est ce que l'on faisoit en coupant la racine du mal. On découvroit a ceux des initiés qu'on en jugeoit capables, l'erreur où étoit le commun des hommes: on leur apprenoit que Jupiter, Mercure, Vénus, Mars, & toutes les divinités licentieuses, n'étoient que des hommes comme les autres, qui durant leur vie avoient été sujets aux mêmes passions & aux mêmes vices que le reste des mortels; qu'ayant été à divers égards les bienfaiteurs du genre humain, la postérité les avoit déisiés par reconnoissance, & avoit indiserétement canonisé leurs vices avec leurs vertus. Au reste on ne doit pas croire que la doctrine enseignée dans les mysteres, d'une cause suprême, auteur de toutes choses, détruisît les divinités tutélaires, ou pour mieux dire les patrons locaux. Ils étoient simplement considérés comme des êtres du second ordre, inférieurs à Dieu; mais supérieurs à l'homme, & placés par le premier être pour présider aux différentes parties de l'univers. Ce que la doctrine des grands mysteres détruisoit, c'étoit le polythéisine vulgaire, ou l'adoration des hommes déifiés après leur mort.

L'unité de Dieu étoit donc établie dans les grands mysteres sur les ruines du polythéisme; car dans les petits on ne demasquoit pas encore les etreurs du polythéisme: seulement on y inculquoit fortement le dogme de la Providence, & ceci n'est pas une simple conjecture. Les mystagogues d'Egypte enseignoient dans leurs cérémonies secretes le dogme de l'unité de Dieu, comme M. Ladworth savant anglois, l'a évidemment prouvé. Or les Grecs & les Asiatiques emprunterent leurs mysteres des Egyptiens, d'où l'on peut conclure très - probablement qu'ils enseignoient le même dogme. Pythagore reconnoissoit que c'étoit dans les mysteres d'Orphée qui se célé<pb-> [p. 964] broient en Thrace, qu'il avoir appris l'unité de la cause premiere universelle. Cicéron garde aussi peu de mesure « Si j'entreprenois d'approfondir l'antiquité, & d'examiner les relations des historiens grecs, on trouveroit que les dieux de la premiere classe ont habité la terre avant que d'habiter les cieux. Informez - vous seulement de qui sont ces sépulchres que l'on montre dans la Grece; ressouvenez - vous, car vous êtes initié, de ce que l'on enseigne dans les mysteres? Vous concevrez alors toute l'étendue que l'on pourroit donner à cette discussion » . On pourroit, s'il étoit nécessaire, citer une nuée de témoins pour confirmer de plus en plus cette vérité.

S'il restoit encore quelques nuages, ils seroient bientôt dissipés par ce qui est dit de l'unité de Dieu dans l'hymne chantée par l'hiérophante, qui paroissoit sous la figure du créateur. Après avoir ouvert les my steres, & chanté la theologie des idoles, il renversoit alorslui - même tout ce qu'il avoit dit, & introdusoit la vérité en débutant ainsi. « Je vais déclarer un secret aux initiés; que l'on ferme l'entrée de ces lieux aux prosanes. O toi, Musée, descendu de la brillante Sélene, sois attentif à mes accens: je t'annoncerai des vérités importantes. Ne souffre pas que des préjugés ni des affections antérieures, l'enlevent le bonheur que tu souhaites de puiser dans la connoissance des vérités mystérieuses. Considere la nature divine, contemple - la sans cesse, regle ton esprit & ton coeur, & marchant dans une voie sûre, admire le maître unique de l'univers. Il en est un, il existe par lui - même. C'est à lui seul. que tous les autres êtres doivent leur existence. Il opere en tout & par - tout; invisible aux yeux des mortels, il voit lui - même toutes choses ».

Avant de finir cet article, il est à - propos de prévenir une objection que fait M. Bayle au sujet du polythéisme, qu'il pretend pour le moins être aussi pernicieux à la société que l'athéisme. Il se fonde sur ce que cette religion si peu liée dans toutes ses parties, n'exigeoit point les bonnes moeurs. Et de quel quel front, disoit - il, les auroit - elle exigées? Tout étoit plein des crimes, des iniquités diverses qu'on reprochoit à l'assemblée des dieux. Leur exemple accoutumoit au mal, leur culte même applanissoit le chemin qui y conduit. Qu'on remonte à la source du paganisme, ou verra qu'il ne promettoit aux hommes que des biens physiques, comme des cérémonies d'éclat, des sacrifices, des décorations propres à faire respecter les temples & les autels, des jeux, des spectacles pour les passions si difficiles à corriger, ou plutôt à retenir dans de justes borne, (car les passions ne se corrigent jamais entierement). Il leur laissoit une libre étendue, sans les contraindre en aucune maniere, sans aller jamais jusqu'au coeur. En un mot, la religion payenne étoit une espece de banque, où en échange des offrandes temporelles, les dieux rendoient des plaisirs, des satisfactions voluptueuses.

Pour répondre à cette objection, il faut remarquer que dans le paganisme il y avoit deux sortes de religion, la religion des particuliers, & la religion de la société. La religion des particuliers étoit inférieure à celle de l'état, & en étoit différente. A chacune de ces religions présidoit une Providence particuliere. Celle de la religion des particuliers ne punissoit pas toujours le vice, ni ne récompensoit pas toujours la vertu en ce bas monde, idée qui entraînoit nécessairement après elle celle du dogme des pnes & des récompenses d'une autre vie. La Providence, sous la direction de laquelle étoit la société, étoit au contraire égale ou uniforme dans sa conduite, dispensant les biens & les maux temporels, selon la maniere dont la société se comportoit en<cb-> vers les dieux. De - la vient qué là religion faisoit partie du gouvernement civil. On ? délibéroit sur rien, ni l'on n'exécutoit rien sans ? l'oracle. Les prodiges, les presages étoient aussi communs que les édits des magistrats; car on les gardoit comme dispersés par la Providence pour le bien public; c'étoient ou des déclarations dé la faveur des dieux, ou des dénonciations des châtimen; qu'ils étoient sur le point d'infliger. Tou cela né regardoit point les particuliers considérés comme tels. S'il s'a gissoit d'accepter un augure, ou d'en détourner le présage, de rendre graces aux dieux, ou d'appaiser leur colere, la méthode que l'on suivoit constainment, étoit ou de rétablir quelqué ancienne céremonie, ou d'en insrituer de nouvelles; mais la réformation des moeurs ne faisoit jamais partie de la propitiation de l'état. La singularité & l'évidence de ce fait ont frappé si fortement M. Bayle, que s'imaginant que cette partie publique de la religion des payens en faisoit le tout, il en a conclu avec un peu trop de précipitation, que la religion pay e me n'instruisoit point à la vertu, mais seulement au culte externe des dieux; & de - là il a tiré un argument pour soutenir son paradoxe favori en faveur de l'athéisme. La vaste & profonde connoissance qu'il avoit de l'antiquité ne l'a point, en cette occasion, garanti de l'erreur; & l'on doit avouer qu'il y a été en partie entraîné par plusieurs passages des peres de l'Eglise dans leurs déclamations contre les vices du paganisme. Quoiqu'il soit évident que cette partie publique de la religion payenne n'eût aucun rapport à la pratique de la vertu, & à la pureté des moeurs; on ne sauroit pretendre la même chose de l'autre partie de la religion, dont chaque individu étoit le sujet. Le dogme des peines & des récompenses d'une autre vie en étoit le fondement; dogme inséparable du mérite des oeuvres, qui consiste dans le vice & la vertu. Je ne nierai cependant pas que la nature de la partie publique de la religion n'ait souvent donné lieu à des erreurs dans la pratique de la religion privée, concernant l'efficacité des actes extérieurs en des cas particuliers. Mais les mysteres sacrés auxquels bien des personnes se faisoient initier, corrigeoient les maux que le polythéisme n'avoit pas la force de réprimer.

POLYTIMETOS (Page 12:964)

POLYTIMETOS, (Géog. anc.) sleuve que Quinte - Curce, Arrien & Strabon mettent dans la Sogdiane. Niger appelle ce fleuve Amo. (D. J.)

POLYTRIC (Page 12:964)

POLYTRIC, s. m. trichomanes, (Hist. nat. Botan.) genre de plante dont les feuilles sont composées de petites feuilles qui sont le plus souvent arrondies, & qui naissent de chaque côté de la côte comme par paire. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Le polytric est une plante chevelue du genre des mousses; c'est l'espece d'adiantum ou de ca? llaire, qu'on nomme autrement capillaire rouge, trichom<-> nes sive polytrichum, I. R. H. 539.

Sa racine est chevelue, fibreuse & Être; ses tiges sont longues d'une demi - palme ou de palme, d'un rouge foncé, luisantes, cylindriques, un peu roides, cassantes. Ses feuilles naissent de part & d'autre par conjugaisons ou alternativement; elles sont arrondies, obtuses, vertes, lisses, chargées en - dessous de petites éminences écailleuses, formées de plusieurs capsules membraneuses, presque sphériques, garnies d'un anneau élastique, de même que dans les fruits du capillaire; les capsules, par la contraction de cet anneau, s'ouvrent & jettent des graines brunes en forme de poussiere très - fine. Cette plante vient à l'ombre, dans des endroits élevés, sur de vieux murs, & dans les fentes humides des rochers. (D. J.)

Polytric (Page 12:964)

Polytric, (Mat. med.) Le polytric est une des plantes appellées capillaires (voyez Capillaire): on

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