ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"909"> des qui les éclaireroient dans leurs fonctions. Le choix de ces aides fut d'abord à la discrétion des préfidens ou premiers magistrats des provinces; mais ils en abuserent au point qu'on fut obligé de le transférer à l'assemblée des évêques, de leur clergé, des magistrats, & des principaux citoyens. Le préfet du prétoire confirmoit cette élection. Dans la suite les empereurs se réserverent le droit de nommer à ces emplois.

Ces aides eurent différens noms; ils s'appellerent comme à Rome, curatores urbis, commissaires; servatores locorum, défenseurs des lieux; vicaril magistratuum, vice - gérens des magistrats; parentes plebis, peres du peuple; defensores disciplin, inquisuores, diseussores; & dans les provinces greques, irenarchi, modérateurs ou pacificateurs. Leurs fonctions étoient tres - étendues, & afin qu'ils l'exerçassent surement, on leur donna deux huissiers: les huissiers des barrieres, apparitores stationaril, avoient aussi ordre de leur obéir.

Il y eut entre ces nouveaux officiers de police, & les officiers romains, des démêlés qui auroient eu des suites fâcheuses, si les empereurs ne les eussent prévenues, en ordonnant que les aides des députés des consuls & des conservateurs des lieux seroient pris entre les principaux habitans, ce qui écarta d'eux le mépris qu'en faisoient les officiers romains. L'histoire de la police établie par les Romains dans les Gaules, nous conduit naturellement à celle de France où nous allons entrer.

Police de France. Il y avoit 470 ans que les Gaules étoient sous la domination des Romains, lorsque Pharamond passa le Rhin à la tête d'une colonie, s'établit sur ses bords, & jetta les fondemens de la monarchie françoise à Treves, ou il s'arrêta. Clodion s'avança jusqu'à Amiens: Mérouee envahit le reste de la province, la Champagne, l'Artois, une partie de l'île de France, & la Normandie. Childeric se rendit maître de Paris; Clovis y etablit son séjour, & en fit la capitale de ses états. Alors les Gaules prirent le nom de France, province d'Allemagne, d'où les François sont originaires.

Trois peuples partageoient les Gaules dans ces commencemens: les Gaulois, les Romains & les François. Le seul moyen d'accorder ces peuples, que la prudence de nos premiers rois mit en usage, ce sut de maintenir la police des Romains. Four cet effet ils distribuerent les primaties, les duches & les comtes du premier ordre à leurs officiers generaux; les comtes du second ordre à leurs mestres - de - camp & coloneis, & les mairies à leurs capitaines, lieutenans, & autres officiers subalternes. Quant aux fonctions elles demeurerent les mêmes; on accorda seusement à ces magistrats à titre de récompense, une partie des revenus de leur jurisdiction.

Les généraux, mestres - de - camp & colonels, accepterent volontiers les titres de patrice, primat, duc & comte; mais les capitaines & autres officiers aimerent mieux conserver leurs noms de centeniers, cinquanteniers & dixainiers, que de prendre ceux de juges pédanés, ou maires de village. La jurisdiction des dixainiers fut subordonnée à celle des cinquanteniers, & celle - ci à celle des centeniers; & c'est de là que viennent appareminent les distinctions de haute, moyenne & basse justice.

On substitua au préfet du prétoire des Gaules, dont le tribunal dominoit toutes ces jurisdictions, le comte du palais, comes palatii, qui s'appella dans la suite maire du palais, duc de France, duc des ducs.

Tel étoit l'état des choses sous Hugues Capet. Les troubles dont son regne fut agité, apporterent des changemens dans la police du royaume. Ceux qui possédoient les provinces de France s'aviserent de prétendre que le gouvernement devoit en être hérédi<cb-> taire dans leur famille. Ils étoient les plus forts, & Hugues Capet y consentit, à condition qu'on lui en feroit foi & hommage, qu'on le serviroit en guerre, & qu'au défaut d'enfans mâles, elles seroient reversibles à la couronne. Hugues Capet ne put mieux faire.

Voila donc le roi maître d'une province, & les seigneurs souverains des leurs. Bien - tôt ceux - cine se soucierent plus de rendre la justice; ils se déchargerent de ce soin sur des officiers subalternes, & de là vinrent les vicomtes, les vice - comites, les prevôts, prpositi juridicundo; les viguiers, vicarii; les chatelains, castillorum custodes; les maires, majores villarum, premiers des villages.

Les ducs & comtes qui s'étoient reservé la supériorité sur ces officiers, tenoient des audiences solemnelles quatre fois ou six fois l'année, ou plus souvent, & présidoient dans ces assemblées composées de leurs pairs ou principaux vassaux, qu'ils appelloient assises.

Mais les affaires de la guerre les demandant tout entiers, ils abandonnerent absolument la discussion des matieres civiles aux baillis; bailli est un vieux mot gaulois qui signifie protecteur ou gardien; en effet les baillis n'étoient originairement que les dépositaires ou gardiens des droits des ducs & comtes. On les nomma dans certaines provinces sénéchaux; sénéchal est un terme allemand qui se rend en françois par ancien domestique, ou chevalier, parce que ceux à qui les ducs & comtes confioient préférablement leur autorité, avoient été leurs vassaux. Telle est l'origine des deux degrés de jurisdiction qui subsistent encore dans les principales villes du royaume, la vicomté, viguerie, ou prevôté. & le bailliage ou la sénéchaussée.

La création des prevôts succéda à celle des baillis. Les prevôts royaux eurent dans les provinces de la couronne touté l'autorité des ducs & des comtes, mais ils ne tarderent pas à en abuser. Les prélats & chapitres éleverent leurs cris; nos rois les entendirent. & leur accorderent pour juge le seul prevôt de Paris. Voilà ce que c'est que le droit de garde - gardionne, par lequel les affaires de certaines personnes & communautés privilégiées sont attirées dans la capitale.

On eut aussi quelqu'égard aux plaintes de ceux qui ne jouissoient pas du droit de garde - gardienne. On répandit dans le royaume des commissaires pour redresser les torts des prevôts, des ducs & des comtes, ce que ces seigneurs trouverent mauvais; & comme on manquoit encore de force, on se contenta de réduire le nombre des commissaires à quatre, dont on fixa la résidence à Saint - Quentin, autrefois Vermande, à Sens, à Mâcon & à Saint - Pierre - le - Moutier. Aussi - tôt plusieurs habitans des autres provinces demanderent à habiter ces villes, ou le droit de bourgeoisie, qui leur fut accordé à condition qu'ils y acquerroient des biens & qu'ils y séjourneroient. De là viennent les droits de bourgeoisie du roi, & les lettres de bourgeoisie.

Ces quatre commissaires prirent le titre de baillis, & le seul prevôt de Paris fut excepté de leur jurisdiction. Mais en moins de deux siecles, la couronne recouvra les duchés & comtés aliénés; les bailliages & sénéchaussées devinrent des juges royaux, & il en fut de même de ces justices qui ont retenu leurs anciens noms de vicomtés, duchés, & prevotés.

Les titres de bailli & de sénéchal ne convenoient proprement qu'aux vice - gérens des ducs & des comtes; cependant de petits seigneurs subalternes en honorerent leurs premiers officiers, & l'abus subsista; & de là vint la distinction des grands, moyens & petits bailliages subordonnés les uns aux autres, ceux de villages à ceux des villes, ceux - ci à ceux des provinces. De ces petits bailliages il y en eut qui devinrent royaux, mais sans perdre leur subordination. [p. 910]

Les baillis & sénéchaux avoient droit de se choisir des lieutenans, en cas de maladie ou d'absence; mais les lois s'étant multipliées, & leur connoissance demandant une longue étude, il fut ordonné que les lieutenans des baillis & sénéchaux seroient licentiés en droit.

Tel étoit à peu près l'état de la police de France.

Ce royaume étoit divisé en un grand nombre de jurisdictions supérieures, subalternes, royales & seigneuriales; & ce fut à - peu - près dans ces tems que le bon ordre pensa être entierement bouleversépar ceux qui manioient les revenus du roi. Leur avidité leur fit comprendre dans l'adjudication des domaines royaux, les bailliages & sénéchaussées. La prevôté de Paris n'en fut pas même exceptée.

Mais pour bien entendre le reste de notre police, & ses révolutions, il faudroit examiner comment les conflits perpétuels de ces jurisdictions donnerent lieu à la création des bourgeois intendans de police, & se jetter dans un dédale d'affaires dont on auroit bien de la peine à se tirer, & sur lequel on peut consulter l'excellent ouvrage de M. de la Mare. Il suffira seulement de suivre ce que devint la police dans la capitale, &c.

Elle étoit confiée en 275, sous l'empereur Aurélien, à un principal magistrat romain, sous le titre de prsectus urbis, qu'il changea par ostentation en celui de comte de Paris, comes parisiensis. Il se nommoit en cas de maladie ou d'absence, un vice - gérent, sous le titre de vicomte, vicecomes.

Hugues le Grand obtint en 554 de Charles le simple son pupile, l'infeodation du comté de Paris, à la charge de reversion au défaut d'hoirs mâles. En 1082 Odon, comte de Paris, mourut sans enfant mâle; le comté de Paris revint à la couronne, & Falco fut le dernier vicomte de Paris. Le magistrat que la cour donna pour successeur à Falco, eut le titre de prevot, avec toutes les fonctions des vicomtes dont le nom ne convenoit plus.

Saint Louis retira la prevôté de Paris d'entre les mains des fermiers, & la finance fut séparée de la magistrature dans la capitale. Philippe le Bel & Charles VII. acheverent la réforme dans le reste du royaume, en séparant des revenus royaux, les sénéchaussées, bailliages, prevôtés, & autres justices subalternes.

L'innovation utile de saint Louis donna lieu à la création d'un receveur du domaine, d'un scelleur & de soixante notaires. Originairement le nom de notaire ne signifioit point un officier, mais une personne gagée pour écrire les actes qui se passoient entre des particuliers. On ne trouve aucun acte passé par - devant notaire comme officier avant 1270; ces écritures étoient ensuite remises au magistrat, qui leur donnoit l'autorité publique en les recevant inter acta, & qui en délivroit aux parties des expéditions scellées.

La prevôté de Paris fut un poste important jusqu'à la création des gouverneurs. Louis XII. en avoit établi dans ses provinces. Francois I. en donna un à Paris; & ce nouveau magistrat ne laissa bien - tôt au prevôt de toutes ses fonctions, que celle de convoquer & conduire l'arriere - ban; cefut un grand échec pour la jurisdiction du châtelet. Elle en souffrit un autre, ce fut la création d'un magistrat supérieur, sous le titre de bailli de Paris, à qui l'on donna un lieutenant conservateur, douze conseillers, un avocat, un procareur du Roi, un greffier & deux audienciers. Mais cet établissement ne dura que quatre ans, & le nouveau siége fut réuni à la prevôté de Paris.

Le prevôt de Paris, les baillis & les sénéchaux jugeoient autrefois en dernier ressort; car le parlement alors ambulatoire, ne s'assembloit qu'une ou deux fois l'année au lieu que le roi lui désignoit, & tenoit peu de jours. Il ne connoissoit que des grandes affaires; mais la multitude des affaires obligea Philippe le Bel, par édit de 1302, de fixer ses séances, & d'établir en différens endroits de semblables cours, & l'usage des appels s'introduisit.

Le prevôt de Paris avec ses lieutenans, y exerçoient la jurisdiction civile & criminelle en 1400; mais il survint dans la suite des contestations entre les lieutenans même de ce magistrat, occasionnées par les ténebres qui couvrent les limites de leurs charges. Ces contestations durerent jusqu'en 1630, que la police fut conservée au tribunal civil du châtelet. Les choses demeurerent en cet état jusque sous le regne de Louis XIV. ce monarque reconnoissant le mauvais état de la police, s'appliqua à la réformer. Son premier pas fut de la séparer de la jurisdicton civile contentieuse, & de créer un magistrat exprès qui exerçât seul l'ancienne jurisdiction du prevôt de Paris. A cet effet l'office de lieutenant civil du prevôt de Paris fut éteint en 1667, & l'on créa deux offices de lieutenans du prevôt de Paris, dont l'un fut nommé & qualifié conseiller & lieutenant civil de ce prevôt, & l'autre conseiller & lieutenant du même prevôt pour la police. L'arrêt qui créa ces charges fut suivi d'un grand nombre d'autres, dont les uns fixent les fonctions, d'autres portent défenses aux baillis du palais de troubler les deux nouvelles jurisdictions du châtelet. Il y eut en 1674 réunion de l'office de lieutenant de police de 1667 avec celui de la même année 1674, en la personne de M. de la Reynie. Voilà donc un tribunal de police érigé dans la capitale, & isolé de tout autre.

Après avoir conduit les choses où elles sont, il nous reste un mot à dire des officiers qui doivent concourir avec ce premier magistrat, à la conservation du bon ordre.

Les premiers qui se présentent sont les commissaires; on peut voir à l'article Commiss aire & dans le traité de M. de la Mare, l'origine de cet office, & les révolutions qu'il a souffertes. Je dirai seulement que très - anciennement les commissaires assistoient les magistrats du châtelet dans l'exercice de la police; qu'il y avoit 184 ans qu'ils étoient fixés au nombre de seize, par l'édit de Philippe de Valois, du 21 Avril 1337, lorsque François I. doubla ce nombre; qu'on en augmenta encore le nombre; que ce nombre fut ensuite réduit; enfin qu'il fut fixé à 55. Je ne finirois point si j'entrois dans le détail de leurs fonctions: c'est ce qu'il faut voir dans le traité de M. de la Mare, pag. 220, tom. I. où cette énumération remplit plusieurs pages. On peut cependant les réduire à la conservation de la religion, à la pureté des moeurs, aux vivres & à la santé; mais ces quatre tiges ont bien des branches.

Les commissaires sont aidés dans leurs fonctions par des inspecteurs, des exempts, des archers, &c. dont ont peut voir leurs fonctions aux articles de ce Dictionnaire qui les concernent.

Quelques personnes desireroient peut - être que nous entrassions dans la police des autres peuples de l'Europe. Mais outre que cet examen nous méneroit trop loin, on y verroit à - peu - près les mêmes officiers sous des noms différens; la même attention pour la tranquillité & la commodité de la vie des citoyens; mais on ne la verroit nulle part peut - être poussée aussi loin que dans la capitale de ce royaume.

Je suis toutefois bien éloigné de penser qu'elle soit dans un état de perfection. Ce n'est pas assez que d'avoir connu les desordres, que d'en avoir imaginé les remedes; il faut encore veiller à ce que ces remedes soient appliqués; & c'est là la partie du problème qu'il semble qu'on ait négligée; cependant sans elle, les autres ne sont rien.

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