ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"118"> viere que l'on veut passer, il n'est guere possible de véussir dans cette entreprile, à - moins qu'on ne trouve le moyen de l'en éloigner par un grand feu d'arlillerie, secondé de celui de la mousqueterie, si la largeur de la riviere n'excede pas la portée du fusil. Lorsqu'elle a plus d'étendue, on peut placer des fusiliers dans des bateaux, dont les bords soient assez élevés pour former une espece de parapet, derriere lequel les soldats puissent tirer à couvert des coups de l'ennemi. Ces bateaux étant protégés par le feu du canon, & bien garnis de soldats, assurent la construction du pont, & ils empêchent que l'ennemi ne puisse en interrompre le travail.

Si l'ennemi s'est fortifié sur le bord opposé de la riviere par de bons retranchemens, le passage est alors presque impossible dans cet endroit, à - moins qu'on ne trouve des situations sur le bord que l'on occupe, propres à établir des batteries qui foudroient & labourent tout le camp de l'ennemi, & qui ne lui permettent pas d'y demeurer.

Comme le terrein n'offre pas toujours des positions aussi avantageuses pour les batteries, ce qu'on a de mieux à faire en pareil cas, c'est de chercher à tromper l'ennemi. Pour cet effet, on feint d'abandonner l'entreprise pour aller chercher un passage où il y ait moins d'obstacles à vaincre. On fait marcher l'armée avec tout l'attirail des ponts, & l'on se met en devoir de faire le passage dans des lieux éloignés du pont; mais on laisse secretement un bon corps de troupes dans les environs, avec ordre de profiter du départ de l'armée ennemie pour assûrer la tête du pont, si elle prend le parti de suivre celle qui veut forcer le passage.

Si l'ennemi abandonne sa position, les troupes qu'on a laissé pour l'observer se hâtent de passer dans de petits bateaux pour aller occuper le bord opposé, & s'y retrancher; l'armée revenant ensuite pour protéger la construction du pont, peut par ce moyen effectuer le passage de la riviere sans grandes difficultés. Si au contraire l'ennemi reste toujours en force dans le même endroit, on cherche à faire le passage dans quelqu'autre lieu plus favorable qu'on a reconnu pour cet effet. Quand on craint qu'il ne vienne s'y opposer, on reste avec la plus grande partie de l'armée vis - à - vis de lui, en faisant toujours les démonstrations nécessaires pour lui faire croire qu'on veut s'obstiner à forcer le passage dans cet endroit. Pendant ce tems - là, les troupes qu'on a détachées pour chercher & tenter un autre passage, peuvent, en usant de beaucoup de diligence, passer la riviere dans le lieu où elles présument de trouver moins d'obstacles, & lorsqu'elles ont formé un bon retranchement à l'autre bord, & même du côté qu'elles occupoient d'abord pour mettre les deux issues du pont à l'abri des entreprises des détachemens de l'ennemi, l'armée alors marche à cet endroit où l'on acheve de construire le pont, & de faire passer les troupes malgré les efforts que l'ennemi peut faire par les détachemens de son armée pour s'y opposer. Comme il n'est guere possible qu'il garde également une grande étendue du cours de la riviere, les petits corps qu'il peut poster en différens endroits ne sont pas suffisans pour empécher le passage: il faut qu'il leur envoye du secours. Si ce secours forme un corps considérable, la lenteur ou la pesanteur de sa marche donne le tems de se fortirier contre lui avant son arrivée. Si au contraire ce corps est petit, sa marche est plus légere & plus prompte, mais aussi il est plus aisé de se mettre en état de lui résister.

On voit par - là qu'en rusant un peu avec l'ennemi, & en calculant le tems de la durée, les différentes manoeuvres qu'il peut faire, on peut avec de l'adresse & de la diligence le tromper & traverser les rivieres malgré les soins qu'il peut prendre pour s'y opposer. C'est ce que l'expérience fait voir tous les jours à la guerre.

Les précautions nécessaires pour passer les rivieres à gué, sont à - peu - près les mêmes que lorsqu'il s'agit de les passer sur des ponts. Il faut seulement avoir soin de bien faire reconnoître les gués avant que de commencer le passage, & s'assurer que l'ennemi ne les a ni gâtés, ni rompus.

Lorsque la riviere que l'on passe à gué est fort rapide, M. le marquis de Sancta - Crux conseille de mottre au - dessus des gués quelques escadrons de cavalerie qui, en se tenant bien fermes & bien serrés, rompent ainsi la force du courant que linfanterie traverse par ce moyen avec plus de sureté & moins de danger. Ce même auteur observe qu'il est à - propos que l'infanterie interrompe de tems - en - tems son passage, & que les escadrons au - dessus se retirent pour un peu de tems, afin de donner un écoulement libre aux eaux de la riviere, dont le cours étant en partie arrète pendant un tems considérable, pourroit par sa force entraîner ces escadrons & l'infanterie qui se trouveroit dans la riviere.

« Quelques auteurs, & en particulier Vegece, veu ent que l'on mette aussi un peu au - dessous des gués, des escadrons qui y demeurent fermes, afin que le fantassin qui auroit été entraîné par l'eau, puisse s'arrêter à ces escadrons & se sauver. Cet expédient a été mis en pratique par plusieurs géneraux. Il me paroît pourtant que cette cavalerie au - dessous du gué arrétera l'eau, & par conséquent que l'espace entre les deux troupes au - dessus & au - dessous du gué deviendra plus difficile à passer. Je crois donc qu'il seroit seulement à - propos de prendre ce parti, lorsque la difficulté ne vient pas de la hauteur des eaux, mais uniquement de la rapidité du courant; ou du moins il ne faut pas si fort doubler les rangs de la cavalerie, portée au - dessous du gué où passe l'insanterie, que le cours de l'eau en soit arreté. Le plus sûr, au lieu de ces rangs de la cavalerie au - dessous du gué, seroit de faire traverser des cordes arrêtées sur les bords par de bons pieux, & soutenues au milieu par des tonneaux bien casfatés, afin que la corde ne s'enfonce pas, lorsque les fantassins qui auront été entraînés par l'eau viendront à la prendre. A cette corde seront attaches plusieurs autres cordes qui pendront dans la riviere, avec des morceaux de bois ou de liege au bout pour que ces mêmes fantassins puissent plus facilement les voir & les saisir.

Quelque sorte de troupes que ce soit qui passe un gué rapide, doit le passer sur un front aussi grand que le gué le permet, & se tenir côte - à - côte les unes avec les autres pour mieux résister à la force du courant, pour passer plus vîte & se trouver déja rangées à mesure qu'eiles sortent à l'autre bord. Les bataillons ou les escadrons ne doivent pas marcher si serrés de la tête à la queue qu'en arretant trop le courant des eaux, ils en augmentent la profondeur. La meilleure maniere de prendre les gués est de couper un peu vers le haut, excepté que pour chercher le fond bas, il ne faille s'écarter de cette regle. Réflex. milit. par M. le marq. de Sancta - Crux, tom. II

Lor u'on est parvenu à passer une riviere de quelque maniere que ce soit, on ne doit rien négliger de tous les avantages que e terrein peut procurer pour s'y mettre promptem ten etat de défense; car il est cortain que si l'on a en t te un ennemi actif & courageux, il ne manquera pas de tomber brusquement sur les troupes qui ont passé la riviere pour forcor le retranchement qui couvre le pont & interrompre le passage. Des troupes vaieureuses & bien conduites ont dans ce cas, quel qu'en soit le nombre, un grand avantage dans l'action: elles peu<pb-> [p. 119] vent être soutenues & secondées de celles qui les suivent, au lieu que celles de l'armée qui passe la riviere & qui sont parvenues à la traverser, ne reçoivent que des secours lents & tardifs; elles sont d'ailleurs totalement perdues pour peu qu'elles soient poussées & enfoncées, inconvénient auquel les autres sont moins exposées. Comme l'ennemi néglige souvent de profiter du premier instant pour attaquer les troupes qui passent une riviere, il n'est pas étonnant que ce passage réussisse presque toujours; en effet, s'il hésite un moment, s'il délibere & qu'il temporise un tant soit peu pour commencer son attaque, lorsqu'il n'y a encore qu'une petite partie de l'armée de passée, il donne le tems de se mettre en état de lui resister, de le combattre, & même de lui faire quitter le terrein.

Lorsqu'une armée se trouve obligée de passer une riviere pour s'éloigner de l'ennemi, elle doit prendre de grandes précautions pour qu'il ne vienne point la troubler & la combattre pendant cette opération. Non - seulement les ponts doivent être couverts des deux côtés de la riviere par de grands retranchemens bien garnis de troupes; mais il faut encore que l'armée se renferme elle - même dans des especes de lignes du côté de l'ennemi qui la mettent en état de lui résister, s'il veut l'inquiéter dans le passage de la riviere. Ces lignes peuvent être formées par une espece d'enceinte de plusieurs rangs de redoutes qui se soutiennent les unes & les autres, de maniere que les troupes en se retirant, s'en trouvent couvertes & protegées jusqu'aux ponts ou au bord de la riviere. Les troupes qui gardent ces redoutes les abandonnent à mesure que l'armée se retire: lorsqu'elle est presque entierement passée, elles occupent le retranchement qui couvre les ponts, & lorsqu'on a commencé à les rompre, elles gagnent le bord opposé dans des bateaux particuliers préparés pour les recevoir.

Cet article deviendroit d'une longueur excessive, si l'on vouloit entrer dans tout le détail dont le passage des rivieres est susceptible. On s'est borné à donner ici ce qu'il y a de plus général sur cette importante matiere: ceux qui voudront des observations plus détaillées pourront avoir recours aux auteurs militaires, particulierement au commentaire sur Polybe, par M. le chevalier Folard, tom. IV. & V. pag. 56. & 142. aux réfléxions Militaires de M. le marquis de Sancta - Crux, tom. II. pag. 282. à l Ingénieur de campagne, pai M. le chevalier de Clairac, page 163, &c.

On trouvera dans ces différens ouvrages, les principaux moyens qu'on doit employer à la défense du passage des rivieres. Nous remarquerons seulement ici que pour le faire avec succès, il faut s'appliquer à pénétrer les desseins de l'ennemi, & à bien reconnoître les endroits où le passage doit lui être le plus facile & le plus avantageux; ce sont sur ces lieux qu'il faut veiller avec la plus grande attention, sans se négliger néanmoins sur les autres endroits. On ne doit point trop étendre son at mée pour garder à là fois une grande étendue de riviere; il suffit d'avoir de bons postes ou des redoutes de distance en distance dans les lieux où l'on présume que l'ennemi peut tenter le passage, de faire ensorte de n'être point surpris & de s'attacher à bien démêler ses mouvemens feints des véritables. Lorsqu'on a bien pris toutes les précautions que la science de la guerre suggere à cet égard, on peut rendre le passage d'une riviere très - difficile à l'ennemi. Il est important de convenir de signaux avec les différens postes qui gardent le bord de la riviere, & même avec les habitans des villages voisins, pour être informé promptement de toutes les démarches de l'ennemi. Si malgré les troupes qu'on lui oppose; il veut forcer le passage dans un endroit, il faut s'y retrancher & s'y bien épauler contre le feu de son artillerie; la cavalerie doit être assez éloignée pour n'en avoir rien à craindre, de cette maniere elle est en état d'agir avec plus de force & d'impétuosité, lorsqu'il s'agit de lui donner ordre de charger.

Si malgré les obstacles qu'on oppose à l'ennemi, il parvient, sous la protection du feu de son artillerie, à établir ses ponts & à commencer de faire passer ses troupes; on ne doit pas pour cela abandonner la défense du passage, mais tomber courageusement & sans délibérer, sur les premieres qui l'ont franchies, pour les culbuter dans la riviere ou leur faire regagner leurs ponts: comme l'ennemi ne peut les soutenir que difficilement, une attaque vigoureuse ne peut guere manquer de réussir. Si on ne peut parvenir à les chasser entierement, on retarde au moins le passage, & l'on se soutient ainsi pendant tout le jour. Lorsque la nuit est venue, & qu'il y a lieu de craindre que l'ennemi ne se trouve trop en force, le matin pour qu'on puisse lui résister, on se retire pour aller occuper un poste avantageux à peu de distance, où l'on puisse lui en imposer ou le gêner dans les opérations qu'il a dessein d'exécuter.

Quand on défend une riviere qui peut se passer à gué, il faut avoir soin de rompre & de garder les gués: on y jette pour cet esset des chausses - trapes, des arbres avec toutes leurs branches, bien amarrées avec de forts piquets dans le fond de la riviere, des madriers attachés de même & bien lardés de grands clous dont la pointe sort en - dehors, &c. (Q)

Passage du fossé (Page 12:119)

Passage du fossé le, (Fortification) est dans l'attaque des places le chemin qu'on pratique dans le foslé pour parvenir au pié de la breche, soit que le fossé soit sec ou plem d'cau.

Le fossé sec se passe à la sape, en s'épaulant du côté des parties des ouvrages par lesquels il est flanqué ou défendu. On forme vers ce côté un parapet de fascines, de barriques, ou vieilles futailles, de gabions, &c.

C'est dans le passage du fossé sec que l'ennemi a le plus d'avantage pour l'exécution de toutes les chicannes qui peuvent le retarder.

Le passage du fossé plein d'eau se fait en le comblant de fascines dans la largeur de 12 ou 15 piés. Pour cet effet, après avoir rompu la contrescarpe, on fait ranger dans toute l'étendue de la descente un nombre d'hommes suffisant pour en occuper la longueur, étant placés à deux piés de distance les uns des autres. Les hommes sont adossés au parapet de la descente, & ils se passent des fascines de main en main jusqu'à l'ouverture du débouchement, ou à la tête du passage. Le sapeur qui est en cet endroit jette les fascines dans le fossé, & il s'en forme en même tems un épaulement du côté de la place qui a vue su le passage.

Après avoir jetté un assez grand nombre de fascines pour s'avancer de quelques pas dans le fossé & se couvrir, il continue d'en jetter la quantité nécessaire pour le comblement du fossé en cet endroit.

On pose les fascines de différens sens, & on en fait différens lits qu'on couvre de terre pour les faire enfoncer plus aisément. On pique aussi tous ces différens lits de fascines par de longs piquets, afin qu'ils soient liés ensemble pius solidement. A mesure que le passage avance, on fait avancer l'épaulement, sans lequel le travail ne pourroit se faire qu'avec un très grand péril.

Lorsque le passage se trouve plongé du feu du parapet de la place qui est vis - à - vis, ou de quelqu'autre endroit, on fait en sorte de s'en parer en se couvrant avec une montagne de fascines, ou par quelqu'autre expédient; mais quel qu'il puisse être, dans

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