ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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Parlement d'Angleterre (Page 12:38)

Parlement d'Angleterre, (Hist. d'Angl.) le parlement est l'assemblée & la réunion des trois états du royaume; savoir des seigneurs spirituels, des seigneurs temporels & des communes, qui ont reçu ordre du roi de s'assembler, pour déliberer sur matieres relatives au bien public, & particulierement pour établir ou révoquer des lois. C'est ordinairement à Westminster que s'assemble le parlement de la Grande - Bretagne; l'auteur de ia Henriade en parle en ces termes:

Aux murs de Westminster on voit paroître ensemble Trois pouvoirs étonnés du noeud qui les rassemble, Les députés du peuple & les grands, & le roi, Divisés d'intérêt, réunis par la loi; Tous trois membres sacrés de ce corps invincible, Dangereux à lui - même, à ses voisins terrible: Heuteux lorsque le peuple instruit dans son devoir, Respecte autant qu'il doit le souverain pouvoir! Plus heureux lorsqu'un roi doux, juste & politique, Respecte autant qu'il doit la liberté publique.

Qu'il me soit permis de m'étendre sur ce puissant corps législatif, puisque c'est un sénat souverain, le plus auguste de l'Europe, & dans le pays du monde où l'on a le mieux su se prévaloir de la religion, du commerce & de la liberté.

Les deux chambres du parlement composent le grand conseil de la nation & du monarque. Jusqu'au tems de la conquête, ce grand conseil compose des grands du royaume seulement, étoit nommé magnatum conventus & proelatorum procerumque conventus. Spelman nous apprend aussi qu'on en appelloit les membres, magnates regni, nobiles regni, proceres & fideles regni, discretio totius regni, generale consilium regni. Les Saxons l'appelloient dans leur langue wittenagemot, c'est - à - dire assemblee des sages. Voyez Wittenagemot.

Après la conquête, vers le commencement du regne d'Edouard I. ou, selon d'autres, dans le tems d'Henri I. il fut nommé parlement, peut - être du mot françois parler; mais on n'est point d'accord ni sut le pouvoir & l'autorité des anciens parlemens de la grande Bretagne, ni sur les personnes qui le composoient; & vraissemblablement on ne le sera jamais sur l'origine de la chambre des communes, tant les savans du premier ordre sont eux - mêmes partagés à cet égard.

Les uns prétendent que le parlement ne fut composé que des barons ou des grands de la nation, jusqu'à ce que sous le regne d'Henri III. les communes turent aussi appellées pour avoir séance au parlement. Cambden, Pryun, Dugdale, Heylin, Bradyd, Filmer, & autres sont de cet avis. Une de leurs principales raisons est que le premier ordre ou lettre circulaire pour convoquer l'assemblee en parlement de tous les chevaliers citoyens & bourgeois n'est pas plus ancienne que la 49° annee du régne d'Henri III. c'est - à - dire l'an 1217; ils ajoutent, pour appuver leur sentiment, que la chambre des communes sut établie sous le regne de ce prince seulement après qu'il eut vaineu les barons, parce qu'il n'est guere croyable qu'auparavant les barons eussent souffert aucun pouvoir qui fut oppose au leur.

Cependant le celebre Raleigh, dans ses prérogatives des parlemens, soutient que les communes y furent appellées la 17e année d'Henri I. D'un autre coté, le Ch. Edouard Coke, Duderidge, & autres savans se sont efforcés de prouver par plusieurs faits d'un grand poids, que les communes ont toujours eu part dans la legislation, & seance dans les grandes assemblées de la nation, quoique sur un pie different d'aujourd'hui; car à pretent elles font une chambre distin guée, & qui est composee de chevaliers, de citovens & de bourgeois. Une chose certaine, c'est que sous le regne d'Edouard I. il y a eu une chambre des seigneurs & une chambre des communes, laquelle derniere chambre étoit composee de chevaliers, citoyens & bourgeois.

Le parlement est indiqué par une sommation du roi; & quand la pairie parlementaire fut etablie, tous les paris étoient sommés chacun en particulier, ce qui a fait dire au Ch. Coke que tout lord spirituel & temporel d'âge requis doit avoir un ordre d'ajournement. ex debito instituto. On trouvera la forme de ces sommations dans les Cotton's records, rij. 4.

Anciennement la tenure d'un fief formoit le droit de séance, & tous ceux qui possédoient des tenures per baroniam, étoient sommés d'assister au parlement; de - là vint que la tenure en la seance au parlement formoit le baron; mais cette tenure n'etoit pas suffisante pour les autres degrés de qualité au - dessus de celle du baron. Il y avoit pour eux d'autres cérémonies requises, à - moins qu'on n'en fut dispense par lettres - patentes dùement enregistrées.

La premiere sommation d'un pair au parlement differe des sommations suivantes, en ce que dans la premiere sommation le pair est seulement nommé par son nom de baptême & de famille, ne devant posseder le nom & le titre de sa dignité qu'après avoir siégé, & pour - lors seulement le nom de sa dignité devient partie de son nom - propre.

L'ordre de sommation doit émaner de la chancellerie; il porte que le roi, de avisamento consilii, ayant résolu d'avoir un parlement, desire quod intersitis eum, &c. Chaque lord du parlement doit avoir une sommation particuliere, & chaque sommation doit lui être adressée au - moins 40 jours avant que le parlement commence.

Quant à la maniere de sommer les juges, les barons de l'échiquier, ceux du conseil du roi, les maîtres en chancellerie qui n'ont point de suffrage, & en quoi ces sommations different de celles d'un lord membre du parlement. Voyez le Rég. 261. F. N. B. 229. 4. Inst. 4. [p. 39]

Tout ordre de sommation doit être adressé au shé<-> iff de chaque comté d'Angleterre & de la principauté de Galles pour le choix & l'élection des chevaliers, citoyens & bourgeois, qui sont dans l'étendue de leur département respectif; de même l'ordre de sommation s'adresse au lord gouverneur des cinq ports pour les élections des barons de son district. La forme de ces sommations doit être toujours la même sans aucun changement quelconque, à - moins qu'il n'en soit ordonné autrement par acte du parlement.

Le roi convoque, proroge & casse le parlement. Ce corps auguste est dans l'usage de commencer ses séances avec la présence du roi ou sa représentation. La représentation du roi se fait de deux manieres, ou 1° par le lord gardien d'Angleterre, the guardian of England, quand le roi est hors du royaume; ou 2° par commission du grand sceau d'Angleterre à un certain nombre de pairs du royaume qui représentent la personne du roi, lorsqu'il est dans le royaume, inais qu'il ne peut assister au parlement à cause de quelque maladie.

Dans le commencement on convoquoit de nouveaux parlemens tous les ans; par degrés leur terme devint plus long. Sous Charles II. ils étoient tenus pendant long - tems avec de grandes interruptions, mais l'une & l'autre de ces coutumes fut trouvée de si dangereuse conséquence, que du regne du roi Guillaume il fut passé un acte, par lequel le terme de tous les parlemens seroit restraint à trois sessions ou trois années, & pour cette raison cet acte fut nommé acte triennal. Depuis par d'autres considérations à la 3e année de Georges I. la durée des parlemens a été de nouveau prorogée jusqu'à sept ans. Les parlemens sont convoqués par des ordres par écrit ou lettres du roi adressées à chaque seigneur, avec commandement de comparoître, & par d'autres ordres adressées aux scherifs de chaque province, pour sommer le peuple d'élire deux chevaliers par chaque comté, & un ou deux membres pour chaque bourg, &c.

Anciennement tout le peuple avoit voix dans les élections, jusqu'à ce qu'il fut arrêté pa Henri VI. qu'il n'y auroit que les propriétaires de franc - fiefs résidens dans la province, & ceux qui ont au - moins 40 schellings de revenu annuel, qui seroient admis à voter; personne ne peut être élu qu'il ne soit âgé de 21 ans.

Tout lord spirituel & temporel, chevalier, citoyen & bourgeois, membre du parlement, doit s'y rendre sur l'ordre de sommation, à - moins qu'il ne produise des excuses raisonnables de son absence: sans cela il est condamné à une amende pécuniaire; savoir un seigneur par la chambre des pairs, & un membre des communes par la chambre basse. Mais en même tems, afin que les membres viennent au parlement en plus grand nombre; il y a un privilege pour eux & leurs domestiques, qui les met à couvert de toutes condamnations, saisies, prises de corps, &c. pour dettes, délits, &c. pendant le tems de leur voyage, de leur séjour & de leur retour: ce privilege n'a d'exceptions que les condamnations pour trahisons, félonie & rupture de paix.

Quoique les droits & qualifications pour les élections soient généralement établies par divers actes du parlement, il faut néanmoins remarquer que ces droits & qualifications des membres du parlement pour les cites, villes & bourgs sont fondées de tems immémorial sur leurs chartres & leurs coutumes. Hobart, 120. 126. 241.

Le roi désigne le lieu où le parlement doit se tenir; j'ai nommé ci - dessus Westminster, parce que depuis long - tems le parlement s'y est toujours assemblé. Dans ce palais, les seigneurs & les communes ont chacun un appartement séparé. Dans la chambre des pairs, les princes du sang sont placés sur des sieges particu<cb-> liers, les grands officiers de l'état, les ducs, les marquis, les comtes, les évêques sur des bancs, & les vicomtes & les barons sur d'autres bancs en travers de la salle chacun suivant l'ordre de leur création & leur rang.

Les communes sont pêle - mêle; l'orateur seul a un siege distingué au plus haut bout; le secrétaire & son assistant sont placés proche de lui à une table. Avant que d'entamer aucune matiere, tous les membres de la chambre des communes pretent les sermens, & souscrivent leur opinion contre la transubstantiation, &c. Les seigneurs ne prêtent point de sermens, mais ils sont obligés de souscrire comme les membres de la chambre basse. Tout membre de cette derniere chambre qui vote après que l'orateur a été nommé, & sans avoir auparavant prêté les sermens requis, est déclaré incapable de tout office, & amendé à 500 livres sterlings par le statut 30. carol. II. c.j. Il est vrai seulement que la forme du serment de suprématie a été changée par le stat. 4. an. c. v.

La chambre des pairs est la cour souveraine de justice du royaume, & juge en dernier ressort: la chambre basse fait les grandes enquêtes, mais elle n'est point cour de justice.

Comme l'objet le plus important dans les affaires du parlement concerne la maniere dont les bills ou projets d'actes sont proposés & débattus, nous nous y arrêterons quelques momens.

L'ancienne maniere de procéder dans les bills étoit différente de celle qu'on suit aujourd'hui; alors le bill étoit formé en maniere de demande qu'on couchoit sur le registre des seigneurs avec le consentement du roi; ensuite à la clôture du parlement, l'acte étoit rédigé en forme de statut, & porté sur le registre nommé registre des statuts. Cet usage subsista jusqu'au regne d'Henri VI. où, sur les plaintes qu'on fit que les statuts n'étoient point fidélement couchés comme ils avoient été prononcés, on ordonna qu'à l'avenir les bills, continentes formam actûs parliamenti, seroient déposés dans la chambre du parlement. Aujourd'hui donc dès qu'un membre desire d'avoir un bill sur quelque objet, & que sa proposition est agréée par la majorité des voix, il reçoit ordre de le préparer & de l'extraire; on fixe un tems pour le lire, lá lecture faite par le secrétaire, le président demande s'il sera lu la seconde fois ou non; après la seconde lecture, on agite la question, si on verra ledit bill en comité ou non: ce comité est compoié le la chambre entiere ou d'un comité privé, formé d'un certain nombre de commissaires.

Le comité étant ordonné, on nomme un président qui lit le bill article par article, & y fait des corrections suivant l'opinion du plus grand nombre; après que le bill a été ainsi balloté, le president fait son rapport à la barre de la chambre, lit toutes les additions & corrections, & le laisse sur la table. Alors il demande si le bill sera lu une seconde fois; quand la chambre y consent, il demande encore si ledit bill sera grossoyé, écrit sur parchemin, & litune troisieme fois. Enfin il demande si le bill passera. Quand la majorité des suffrages est pour l'affirmative, le secrétaire écrit dessus soit baillé aux seigneurs, ou si c'est dans la chambre des pairs, soit baillé aux communes; mais si le bill est rejetté, il ne peut plus être proposé dans le cours de la même session.

Quand un bill passe à une chambre, & que l'autre s'y oppose, alors on demande une conférence dans la chambre - peinte, où chaque chambre députe un certain nombre de membres, & là l'affaire est discutée, les seigneurs assis & couverts, & les communes de bout & tête nue; si le bill est rejetté, l'affairé est nulle; s'il est admis, alors le bill, ainsi que les autres bills qui ont passé dans les deux chambres, est mis aux piés du roi dans la chambre des pairs; [p. 40] le roi vient revêtu de son manteau royal & la couronne sur la tête; alors le secrétaire du parlement lit en sa présence le titre de chaque bill, & à mesure qu'il lit, le secrétaire de la couronne prononce le consentement ou le refus du roi.

Si c'est un bill public, le consentement du roi est exprimé en ces termes, le roi le veut; si c'est un bill particulier, soit fait comme il est desiré: si le roi refuse le bill, la réponse est, le roi s'avisera; si c'est un bill de subsides, le secrétaire répond, le roi remercie ses loyaux sujets, accepte leur bénévolence, & aussi le veut.

Le bill pour le pardon général accordé par le roi n'est lu qu'une fois.

Il faut encore remarquer que pour la passation d'un bill, le contentement des chevaliers, citoyens & bourgeois doit être fait en personne, au lieu queles seigneurs peuvent voter par procureur; la raison de cette difference est que les barons sont censés siegor en parlement de droit en qualité de pairs de la cour du roi, pares curtis; comme il leur étoit permis de servir dans les guerres par procureur, de même ils ont droit d'établir leur procureur en parlement; mais les chevaliers venant seulement en parlement, comme représentant les barons minors; & les citovens & bourgeois, comme représentant les gens de leur cité & bourg, ils ne pouvoient pas constituer des procureurs, parce qu'ils n'y sont eux - mêmes que comme procureurs, & représentans d'autrui.

Quarante membres suffisent pour former la chambre des communes, & huit pour former un comité. Ces membres de quarante & de huit devroient, pour le bien public, être au - moins porté au quadruple chacun, dans un corps composé de plus de 500 députés; il conviendroit de ne permettre qu'à peu de gens de s'absenter, même dans les débats de particuliers, parce qu'alors les brigues seroient moins faciles, & la discussion de toutes assaires seroit plus mûrement pesée.

Un membre des communes en parlant est de bout, découvert, & adreste ton discours à l'orateur seul. Si un autre membre repond à son discours, le premier n'est point admis à repliquer le même jour, à moins que cela nele regarde personnellement. La même personne ne peut parler qu'une fois le même jour sur le même bill.

Dans la chambre des pairs les membres donnent leurs suffrages, en commençant par le baron le plus jeune & le moins qualifié, & en continuant ainsi par ordre jusqu'au plus élevé; chacun répond à son rang, ou pour approuver ou pour désapprouver.

Dans la chambre des communes, on donne les suffrages par oui & non; & quand on doute quel est le plus grand nombre, la chambre se partage: s'il s'agit de faire recevoir quelque chose dans la chambre, ceux qui sont pour l'assirmative sortent; si c'est quelque chose que la chambre ait déja vu, ceux qui vont pour la négative sortent.

Dans toute division le président nomme quatre orateurs, deux de chaque opinion. Dans un comité de la chambre entiere, elle se partage en changeant de côté, ceux qui consentent, prenant le côté droit de la chaire, & ceux qui refusent, prenant le côté gauche, & alors il n'y a que deux orateurs.

Le nombre des membres dans la chambre des pairs n'est pas déterminé, parce qu'il augmente selon le bon plaisir de S. M. Les membres de la chambre des communes, quand elle est complette, sont au nombre de 553; savoir, 92 chevaliers ou gouverneurs de provinces; 52 députés pour les 25 villes, Londres en ayant quatre; 16 pour les cinq ports; 2 pour chaque université; 332 pour 180 bourgs; enfin 12 pour la principauté de Galles, & 45 pour l'Ecosse.

Enfin les deux chambres doivent être prorogées ensemble, ou dissoutes ensemble; car une clambre ne peut pas subsister sans l'autre.

A ces détails, dont les étrangers n'ont peut - être pas une entiere connoissance, il est difficile de ne pas ajouter quelques reflexions.

La chambre de, pairs & celle des communes sont les arbitres de la nation, & le roi est le surarbitre. Cette balance manquoit aux Romain; les grands & le peuple étoient toujours en division, san, qu'il y eut une puissance mitoy enne pour les accorder. Le gouvernement d'Angleterre est plus sage, parce qu'il y a un corps qui l'examine continuellement. & qui s'examine continuellement lui - même; telles sont ses erreurs qu'elles ne sont jamais langues; & que par l'esprit d'attention qu'elles donnent à la nation, clles sont souvent utiles. Un etat libre, e'est - à - dire, tonjours agité, ne sauroit se maintenir, s'il n'est par ses propres lois, capable de correclon; & tel est l'avantage du corps legistutif qui s'assemble de tems en tems pour etablir ou revoquer des lois.

Les rois d'Angleterre peuvent convoquer un parlement, s'il en est besoin, dans un tems auquel la loi ne les oblige pas de le faire. Ils sont, pour ainsi dire, en sentinelle; ils doivent observer avec beaucoup de vigilance les mouvemens de l'ennemi, & avertir de ses approches; mais si la sentinelle s'endort, qu'elle neglige son devoir, ou qu'elle tâche malicieusement de trahir la ville; ceux qui sont intéressés à sa conservation, ne sont - ils pas en droit de se servir de tout autre moyen pour decouvrir le danger qui les menace, & pour s'en preserver?

Il est certain que c'etoit aux consuls, ou aux autres principaux magistrats de Rome, d'assembler & de congédier le sénat; mais lorsqu'Annibal étoit aux portes de la ville, ou que les Romains se trouvoient dans quelqu'autre danger pressant, qui ne les menaçoit pas moins que d'une entiere destruction; si ces magistrats eussent été ivres, insenses, ou qu'ils eussent été gagnés par l'ennemi, il n'y a point de personne raisonnable qui puisse imaginer, qu'on eût dû alors s'arrêter aux formalités ordinaires.

Dans cette occasion chaque particulier est magistrat; & celui qui s'apperçoit le premier du danger, & qui sait le moyen de le prevenir, est en droit de convoquer l'astemblee du senat ou du peuple. Le peuple seroit toujours dispose à suivre cet homme, & le suivroit infailliblement, tout de même que les Romains suivirent Brutus & Valerius contre Tarquin, ou Horatius & Valerius contre les décemvirs; & quiconque agiroit autrement, seroit, sans contredir, aussi fou que les courtisans de Philippe III. & de Philippe IV. rois d'Espagne. Le premier ayant un jour le frisson de la fievre, on apporta dans sa chambre un brasier qu'on mit si proche de lui, qu'il en fut cruellement brûlé; un des grands s'écria, le roi se brûle; un autre grand répondit; c'est très - vrai; mais comme la personne chargée d'ôter le brasier étoit absente, avant qu'elle fut arrivée, les jambes du roi se trouverent dans un pitoyable état. Phiiippe IV. ayant été surpris à la chasse d'une tempête mêlée de grele & de pluie, fut attaqué d'un gros rhume & d'une fievretres - dangereuse, parce qu'aucun des comtisans de sa suite n'avoit ose prendre la liberté de lui prêter son manteau pour le garantir pendant l'orage.

O'est encore en vain que les parlemens s'assemblent, s'il ne leur est pas permis de contiuer leurs séances, jusqu'à ce qu'ils aient achevé les affaires pour lesquelles ils se sont assemblés; & il seroit ridicule de leur donner pouvoir de s'assembler, s'il ne leur étoit pas permis de demeurer assemblés jusqu'à l'expédition des affaires. La seule raison pour laquelle les parlemens s'assemblent, c'est pour travailler à l'avancement du bien public; & c'est en vertu de la loi qu'ils s'assemblent pour cette fin. On ne doit [p. 41] donc pas le dissoudre avant qu'ils aient terminé les objets pour lesquels ils se sont assemblés.

L'histoire des rois d'Angleterre, & fur - tout de ceux qui dans le dernier siecle travailloient sans cesse à s'emparer du pouvoir despotique, justifie bien les réflexions de Sydnei; en effet, c'est principaiement en refusant d'avoir des parlemens, ou en dissolvant ceux qui étoient assemblés, que ces princes tâchoient d'établir leur puissance; mais ces moyens, qu'ils mirent en usage, leur furent plus nuisibles qu'avantageux. Charles l. en 1628, cassa le troisieme parlement qu'il avoit convoqué, parce qu'il ne vouloit pas le soumettre à ses volontes; ce qui fit voir, dit Clar ndon, la force des parlemens, puisque l'autorite souveraine se porte à la dure idée d'en abolir l'usage, ne pouvant en borner la puissance. C'est donc au parlement qu'il appartient de reprimer les attentats de la politique sur la liberté, & de ménager l'autorité du prince en la modérant.

« Il est vrai, dit M. de Voltaire, dans ses mélanges de littérature & de philosophie, que c'est dans des mers de sang que les Anglois ont noyé l'idole du pouvoir despotique; mais ils ne croyent point avoir acheté trop cher leurs lois & leurs privileges. Les autres nations n'ont pas versé moins de sang qu'eux; mais ce sang qu'elles ont repandu pour la cause de leur liberte, n'a fait que cimenter leur servitude; une ville prend les armes pour défendre ses droits, soit en barbarie, soit en Turquie; aussi - tôt des soldats mercenaires la subjuguent, des bourreaux la punissent, & le reste du pays baise ses chaînes. Les François pensent que le gouvernement d'Angleterre est plus orageux que la mer qui l'environne, & cela est vrai; mais c'est quand le roi commence la tempête; c'est quand il veut se rendre maître du vaisseau dont il n'est que le premier pilote. Les guerres civiles de France ont été plus longues, plus cruelles, plus fecondes en crimes que celles d'Angleterre; mais de toutes ces guerres civiles, aucune n'a eu une liberté sage pour objet ». (Le chevalier de Jaucourt.)

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