ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"858"> la bat & on la remet dans des caisses comme devant, & dans cet état on l'appelle la seconde matiere. Il faut entendre la même chose d'une troisieme préparation qui rend la pâte propre à passer encore dans des mortiers, où elle est battue de - rechef, jusqu'à ce qu'étant mêlée avec de l'eau claire & brassée çà & là, elle paroisse comme la farine délayée dans de l'eau sans aucuns grumeaux.

La pâte ainsi préparée, on la passe encore une fois dans un mortier creux, dont le marteau n'est pas garni de fer. On fait couler continuellement de l'eau dans ce mortier, par le moyen d'un auget, tandis qu'on travaille à la chaudiere. Quand l'eau & la pâte sont absolument incorporées ensemble, on retire la pâte pour la mettre dans la chaudiere, & l'on ôte de la pâte des caisses pour en remettre dans le mortier, & ainsi successivement.

La chaudiere est préparée suivant les regles, quand la liqueur a acquis une telle proportion de pâte que le moule, étant trempé dedans, en emporte autant qu'il en faut pour une feuille de l'épaisseur qu'on la veut. Un moule est une grille quarrée d'un pouce d'épaisseur, dont le fond est fait de fil de laiton, soutenu de petites barres de bois pour empêcher qu'il ne cave, & le tenir parfaitement horisontal; car s'il creusoit quelque part, une partie de la feuille seroit plus épaisse que l'autre.

Le plongeur trempe ce moule dans la chaudiere, & le retire en le remuant, afin que l'eau qui est dans la pâte s'écoule par la grille: dans cet état il le donne au coucheur, qui couche la feuille sur un feutre posé sur une planche, & met un autre feutre par - dessus, & ainsi successivement une feuille & un feutre, une feuille & un feutre jusqu'à ce qu'il y en ait de quoi remplir une pressée, c'est - à - dire environ 6 mains: on fait au moins 20 pressées par jour. Le coucheur ayant fait son office, rend le moule au plongeur, & le plongeur au coucheur successivement.

Quand il y en a plein une presse de fait, le plongeur ou le coucheur donne un coup de sifflet qui fait venir 4 ou 5 ouvriers, dont un tire la pile sous la presse avec deux petits crochets, & les autres la pressent fortement jusqu'à ce qu'il n'y reste plus d'eau, ce qui se fait promptement en 2 ou 3 secousses.

Cela fait, on tire la pile hors de la presse, & on la met au côté droit du siege du leveur: alors le leveur ôte le premier feutre, le rend au coucheur, & met la premiere feuille sur le siege: sur cette feuille il en met une seconde, ensuite une troisieme, & continue de la sorte jusqu'à ce que tout soit levé. Ce tas est laissé là jusqu'au soir: alors on presse une seconde fois tout l'ouvrage du jour, & on le met exactement l'un sur l'autre, de façon que cela ressemble à un monceau de pâte solide.

Après que ce monceau a reçu 2 ou 3 coups de presse, comme ci - devant, le sécheur le retire, le porte dans une chambre faite exprès, & étend 6 ou 7 feuilles ensemble sur des cordes attachées à une machine appellée trible, chaqué trible contenant 30 cordes de 10 ou 12 piés de long.

Quand il est séché on le retire, on le met sur un siege à 3 piés: dans cet état on l'adoucit avec les mains, ensuite on le met en monceau de 7 ou 8 piés de haut, dans un lieu bien sec, où il reste jusqu'à ce qu'on le colle, c'est la derniere préparation.

On choisit un jour clair & sec: on met dans une chaudiere 2 barils d'eau, & quand elle commence à être chaude, on y jette 60 livres de rognures de parchemin, ou raclures de vélin, qu'on y fait bouillir jusqu'à ce qu'elles soient réduites parfaitement en colle, alors on la passe à - travers une chausse, & sur le tout on répand une dose convenable de vitriol blanc, & d'alun de glace réduit en poudre très - fine, dans un vase d'un pié de profondeur: auprès de ce vase on apporte 5 ou 6 rames de papier, on en trem pe dans la colle une certaine quantité, à - peu - prè autant qu'on en peut prendre à la fois avec les mains & par un certain maniement vif & prompt, ils font en sorte que chaque feuille est collée. Après cela on met le tout en presse: le tout étant pressé, on l'ôte & on le transporte dans le séchoir, où on l'étend ordinairement feuille par feuille, jusqu'à ce qu'il soit sec. Mais il faut avoir soin que les rayons du soleil ne donnent pas directement dessus, avant que le tout soit sec, car autrement le soleil pourroit faire évaporer la colle. Dès que le papier est entierement sec, on le retire, on l'adoucit, on le polit avec les mains comme auparavant, on le met en pile, on le presse fortement, & on le laisse dans cet état passer la nuit. Le lendemain matin on le retire & on le porte au magasin pour le trier: ce qui est pour le dedans des mains est mis à part, ce qui est dessus pareillement; ensuite on le presse encore, & on le laisse ordinairement toute la nuit dans cet état.

Le lendemain matin on l'arrange par main de 24 ou 25 feuilles chacune, on le plie, on le met en monceau, & quand il y a une presse pleine, on le presse encore en double tout de suite, & alors on l'arrange en rames de 20 mains chacune, & en ballot de 10 rames chacune. Voyez Hought, collect. tome II. p. 412.

Les feuilles rompues se mettent ordinairement ensemble, & on met deux mains à chaque côté de la rame: cela fait, on les enveloppe avec le papier fait de l'écume de la chaudiere, & dans cet état il est propre à être vendu.

Avec cette pâte dont nous venons de parler, on fait aussi le carton de la même maniere que le papier, excepté qu'il est plus épais. Voyez Carton.

Avec une certaine sorte fine de ce carton, on fait des cartes pour jouer. Voyez Cartes.

Avec de l'eau, où l'on a jetté différentes couleurs détrempées avec de l'huile & du fiel de boeuf, on fait le papier marbré. Voyez Papier marbré.

Les manufactures de papier se sont multipliées dans presque toute l'Europe; cependant la France, la Hollande, Gènes & l'Angleterre sont les pays où on le fait le mieux. En général il dépend beaucoup de la qualité du linge dont on se sert dans les lieux où on fabrique le papier: car selon que l'on porte le lin fin, grossier, ou peu blanc, &c. les morceaux ou chiffons, & consé quemment le papier qui en résulte, doivent avoir les mêmes qualités. C'est pour cela que les papiers de Hollande & de Flandres sont plus blancs que ceux d'Italie & de France, & beaucoup plus que celui d'Allemagne.

La Grande - Bretagne, dans le dernier siecle, tiroit presque tout son papier de l'étranger. Elle ne date son premier moulin de papier, bâti à Dartfort, que de l'an 1588. Un poëte de ce tems - là le consacra par des vers à son honneur: présentement l'Angleterre a compris que la vraie consécration des choses utiles consistoit à les multiplier; aussi tire - t - elle aujourd'hui peu de papier de l'étranger. Cependant elle pourroit encore perfectionner beaucoup ses papeteries, & les étendre davantage dans les trois royaumes, à l'imitation de la Hollande qui fait le plus beau papier du monde, & en plus grande quantité. (Le chevalier de Jaucourt.)

Papier (Page 11:858)

Papier, (Chimie, Mat. med.) on en retire à la distillation à la violence du feu un esprit qui n'est autre chose qu'un alkali volatill, résous, très - foible & très délayé, & gras ou huileux, provenu en partie du linge & en partie de la colle employée à la préparation du papier, & une huile empyreumatique provenue des mêmes sources. On a érigé en remede particulier cet esprit & cette huile, auxquels c'est assurément faire assez d'honneur que d'attribuer les propriétés les plus communes des esprits alkalils volatils, & des huiles [p. 859] empyreumatiques. Voyez Sel volatil & Huile empyreumatique.

Tout le monde connoît aussi l'usage de la fumée du papier brûlant, principalement sans flamme, contre les vapeurs hystériques, l'espece de vertige que certaines odeurs causent à beaucoup de sujets, les évanouissemens, &c. Ce secours populaire est souvent très efficace dans ces cas, & un des meilleurs qu'on puisse employer. (b)

Papier marbré (Page 11:859)

Papier marbré, (Arts.) le papier marbré est un papier peint de diverses nuances, ou de différentes couleurs. Il se fait en appliquant une feuille de papier sur de l'eau où on a détrempé diverses couleurs avec de l'huile & du fiel de boeuf, qui empêche le mélange: selon la disposition qu'on leur donne avec un peigne, on forme les ondes & les panaches. Voici de quelle maniere se fait le papier marbré en Angleterre.

On prépare un auget de la forme & de la grandeur du papier qu'on veut marbrer, & de 4 doigts de profondeur, fait de plomb ou de bois, bien joint & enduit de façon qu'il puisse contenir la liqueur. Pour la liqueur, on fait tremper un quarteron de gomme adracanthe pendant 4 ou 5 jours dans de l'eau claire: on la remue de tems en tems, & on y ajoute tous les jours de l'eau nouvelle, jusqu'à ce qu'elle ait un peu moins de consistance que l'huile, alors on la jette dans le petit auget.

Les couleurs qu'on doit appliquer par - dessus sont, pour le bleu, de l'indigo broyé avec du blanc de plomb: pour le verd, l'indigo & l'orpiment, l'un broyé & l'autre détrempé, mêlés & qui ont bouilli ensemble dans l'eau commune: pour le jaune, l'orpiment broyé & détrempé: pour le rouge, la laque la plus fine broyée avec des raclures de bois de Brésil, qui ont été préparées en bouillant une demi - journée. Dans toutes ces couleurs on mêle un peu de fiel de boeuf, ou de poisson, qui a vieilli 2 ou 3 jours. Si les couleurs ne s'étendent pas bien d'elles - mêmes, on y ajoute un peu plus de fiel; au contraire si elles s'étendent trop, il faut surcharger le fiel & le corriger, en y ajoutant de la couleur sans fiel.

Voici l'opération de marbrer: quand la gomme est bien reposée dans l'auget, on déploie une feuille de papier que l'on détrempe sur la superficie de la liqueur, & on la retire aussitôt afin de l'agiter & de faire monter le sédiment de la gomme vers la surface, & que la liqueur en soit plus universellement impregnée. Cela fait, & toutes les couleurs étant rangées dans des pots de fayance, sur une table où est aussi placé l'auget, on commence par tremper un pinceau de soies de cochon dans chaque couleur, ordinairement le bleu le premier, & on en répand sur la surface de la liqueur. Si la couleur est bien préparée, elle se dilatera d'elle - même. Ensuite on applique le rouge de la même maniere, mais avec un autre pinceau; ensuite le jaune, & enfin le verd: pour le blanc, il se fait en répandant par - dessus la liqueur un peu d'eau claire, mêlée avec du fiel de boeuf.

Lorsque les couleurs flottent ainsi sur la liqueur, pour leur donner ces nuances agréables que nous admirons dans le papier marbré, on se sert d'un bâton pointu qu'on enfonce dans la liqueur, en tirant d'un bout à l'autre de l'auget avec adresse, & en faisant que ce bâton agite la liqueur & les couleurs qui surnagent: alors avec un peigne qu'on tient avec les deux mains par la tête, on peigne la surface de la liqueur dans l'auget d'un bout à l'autre, observant seulement de n'enfoncer que les dents. Si cette opération est faite avec un mouvement prompt & uniforme, elle produit ces nuages & ces ondulations, d'où dépend beaucoup la beauté de ce papier.

Si on aime mieux que les couleurs représentent des figures de fantaisie, comme des serpens & autres semblables, cela se fait par le moyen du bâton pointu dont nous avons parlé ci - dessus, en traçant ces figures par - dessus ce qui a déjà été peigné; il faut pour cet effet avoir la main adroite, & agiter la superficie de la liqueur en rond, comme si on vouloit tracer quelque fleur, ou figurer des lettres.

Enfin les couleurs étant dans cet état, l'ouvrier déploie & applique par - dessus une feuille de papier blanc mouillé: cela demande dans l'ouvrier une adresse que l'usage seul peut donner, car il faut que le papier & la surface de la liqueur se rencontrent par - tout. Ensuite avant que les couleurs aient le tems de pénétrer, ce qui arriveroit bientôt, à moins que le papier ne fût fort épais, ils enlevent ce papier avec agilité & d'une même main, & ensuite l'étendant quelque tems sur une planche, ils le suspendent après sur une corde pour le faire sécher. Quand il est suffisamment sec, on le polit avec une pierre de marbre, ou un morceau d'yvoire.

Il faut observer qu'on doit renouveller les couleurs de l'auget, & toutes les autres formalités avec le bâton pointu & le peigne, chaque fois qu'on veut appliquer un nouveau papier, parce que chaque feuille de papier emporte toute la couleur qui flote sur la liqueur. Voyez Kirch, de luce & umbra, lib. X. Merret sur Nery, de arte vitr. ch. xlij. Hought, collect. t. II. p. 419. & seq.

On a essayé quelquefois de rendre le papier marbré plus riche, en mêlant l'or & l'argent avec les couleurs, ce qui a bien réussi principalement pour la bibliothéque des rois de France: cependant la grande dépense a empêché que cette manufacture n'ait eu lieu.

Toute cette opération est tirée de Chambers. Il est surprennant qu'on ne trouve dans Savari aucun détail sur l'art de marbrer le papier. Voyez l'article Marbreur de papier, où cet article est décrit plus au long. (D. J.)

Papier, Commerce du (Page 11:859)

Papier, Commerce du (Commerce.) le papier est un objet d'un grand commerce; il y en a différentes sortes; eu égard à la couleur, on le divise en blanc, brun & bleu, &c. Par rapport à la qualité, on le divise en fin, second, bâtard, superfin, &c. Par rapport à l'usage, on le distingue en papier à écrire, à imprimer, à estampes, à cartouches, à patron, de chancellerie, &c. Par rapport aux dimensions, on le divise en moyen, à la couronne, au bonnet, au pot, royal, surroyal, impérial, éléphant, atlas. Par rapport aux pays où on le fabrique, on le divise en Allemand, Lombard, papier d'Hollande, de France, d'Angleterre, de Gènes, &c.

Il paroît que par - tout le papier se vend par rames, excepté dans les manufactures d'Auvergne, où il se vend au poids sur le pié de quatorze onces la livre: chaque rame selon son espece devant être d'un certain poids, suivant les réglemens.

Le papier de France, se divise en grand, moyen & petit. Les petites sortes sont la petite romaine, le petit raisin ou bâton royal, le petit nom de jésus, le petit à la main, &c. qui prennent leur nom de la marque qu'on y empreint en les faisant; le cartier propre à couvrir par - derriere les cartes à jouer. Le pot dont on se sert pour le côté de la figure: la couronne qui porte ordinairement les armes du controlleurgénéral des finances: celui à la telliere qui porte les armes de M. le chancelier. Le tellier est un double T; le champy ou papier à chassis; & la serpente ainsi nommé, à cause d'un serpent dont il est marqué; comme ce dernier est extrèmement fin, il sert aux éventaillistes.

Les moyennes sortes sont, le grand raisin simple, le quarré simple, le cavalier & le lombard, dont les trois derniers servent pour l'impression; l'écu ou de compte simple, le quarré double, l'écu double, le

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