ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"854"> remuées avec un roseau propre & délié jusqu'à ce qu'elles soient parfaitement mêlées, & qu'elles forment une substance liquide de la même consistance; cela se fait mieux dans une cuve étroite, mais ensuite cette composition est mise dans une cuve plus grande, qu'ils appellent en leur langage fine: elle ne ressemble pas mal à celle dont on se sert dans nos manufactures de papier. On tire de cette cuve les feuilles une à une dans leurs moules qu'on fait de jonc, au lieu de fil d'archal, on les appelle miis.

Il ne reste plus qu'à les faire sécher à propos: pour cet effet, on met les feuilles en piles sur une table couverte d'une double natte, & l'on met une petite piece de roseau, qu'ils appellent kamakura, c'est - à - dire coussin entre chaque feuille; cette piece qui avance un peu sert ensuite à soulever les feuilles, & à les tirer une à une; chaque pile est couverte d'une planche ou d'un ais mince de la grandeur & de la figure des feuilles de papier, sur laquelle on met des poids légers au commencement, de peur que les feuilles encore humides & fraîches ne se pressent si fort l'une contre l'autre, qu'elles fassent une seule masse; on surcharge donc la planche par degrés, & l'on met des poids plus pesans pour presser & exprimer toute l'eau; le jour suivant, on ôte les poids: les feuilles sont alors levées une à une avec le petit bâton kamakura, dont on vient de parler; & avec la paume de la main, on les jette sur des planches longues & raboteuses, faites exprès pour cela, les feuilles s'y tiennent aisément, à cause d'un peu d'humidité qui leur reste encore après cette préparation, elles sont exposées au soleil; & lorsqu'elles sont entierement seches, on les prend pour les mettre en monceaux, on les rogne tout - autour, & on les garde pour s'en servir ou pour les vendre.

J'ai dit que l'infusion de ris, avec un léger frottement, est nécessaire pour cet ouvrage, à cause de sa couleur blanche, & d'une certaine graisse visqueuse, qui donne au papier une bonne consistance & une blancheur agréable. La simple infusion de la fleur de ris n'auroit pas le même effet, à cause qu'elle manque de cette viscosité qui est une qualité fort nécessaire. L'infusion, dont je parle, se fait dans un pot de terre non vernissé, où les grains de ris sont trempés dans l'eau; ensuite le pot est agité doucement d'abord, mais plus fortement par degrés: à la fin, on y verse de l'eau fraîche, & le tout est passé au - travers d'un linge; ce qui demeure, doit être remis dans le pot, & subir la même opération en y mettant de l'eau fraîche; & cela est répété tant qu'il reste quelque viscosité dans le ris. Le ris du Japon est le plus excellent pour cela, étant le plus gras & le plus gras qui croisse en Asie.

L'infusion de la racine oreni se fait de la maniere suivante: la racine pilée ou coupée en petits morceaux est mise dans de l'eau fraîche; elle devient glaireuse dans la nuit, & propre à l'usage destiné après qu'on l'a passée au - travers d'un linge. Les différentes saisons de l'année demandent une quantité différente de cette infusion mêlée avec le reste. Ils disent que tout l'art dépend entierement de cela; en été, lorsque la chaleur de l'air dissout cette colle & la rend plus fluide, il en faut davantage, & moins à proportion en hiver & dans le tems froid. Une trop grande quantité de cette infusion mêlée avec les autres ingrédiens rendroit le papier plus mince à proportion, & trop peu au contraire le rendroit épais, inégal & sec. Une quantité médiocre de cette racine est nécessaire pour rendre le papier bon & d'une égale consistance. Pour peu qu'on leve de feuilles, on peut s'appercevoir aisément si l'on en a mis trop ou trop peu. Au lieu de la racine oreni qui quelquefois, surtout au commencement de l'été, devient fort rare, les papetiers se servent d'un arbrisseau rampant, nom<cb->sane kadsura, dont les feuilles rendent une gelée ou glu, semblable à celle de la racine oreni, mais qui n'est pas tout - à - fait bonne.

On a remarqué ci - dessus que les feuilles de papier, lorsquelles sont fraîchement levées de leurs moules, sont mises en pile sur une table couverte de deux nattes: ces deux nattes doivent être faites différemment; celle de dessous est plus grossiere, & celle qui est au - dessus est plus claire, faite de joncs plus fins qui ne sont pas entrelacés trop près l'un de l'autre, afin de laisser un passage libre à l'eau, & ils sont déliés pour ne point laisser d'impression sur le papier. Le papier grossier, destiné à servir d'enveloppe & à d'autres usages, est fait de l'écorce de l'arbrisseau kadse kadsura avec la même méthode que nous venons de décrire. Le papier du Japon est très - fort, on pourroit en faire des cordes. On vend une espece de papier fort épais à Syriga (c'est une espece des plus grandes villes du Japon, & la capitale d'une province de même nom). Ce papier est peint fort proprement, & plié en si grandes feuilles, qu'elles suffiroient à faire un habit; il ressemble si fort à des étoffes de laine ou de soie qu'on pourroit s'y méprendre.

Pour rendre complette l'histoire des manufactures de papier du Japon, Kaempfer y joint la description suivante des quatre arbres & des plantes dont on le fait.

1°. L'arbre à papier, en japonnois kaadsi, est le principal. Kaempfer le caractérise ainsi: Papyrus fructu mori celsa, sive morus sativa, foliis urticoe, mortuoe, cortice papifera.

D'une racine forte, branchue & ligneuse s'éleve un tronc droit, épais & uni, fort rameux, couvert d'une écorce couleur de châtaigne, grosse dedans, où elle tient au bois qui est mou & cassant, plein d'une moëlle grande & humide. Les branches & les rejettons sont fort gros, couverts d'un petit duvet ou laine verte, dont la couleur tire vers le poupre brun; ils sont cannelés jusqu'à ce que la moëlle croisse, & sechent d'abord qu'on les a coupés. Les rejettons sont entourés irrégulierement de feuilles à cinq ou six pouces de distance l'une de l'autre, quelquefois davantage: elles tiennent à des pédicules minces & velus de deux pouces de longueur, de la grosseur d'une paille, & d'une couleur tirant sur le pourpre brun. Les feuilles different beaucoup en figure & en grandeur; elles sont divisées quelquefois en trois, d'autres fois en cinq lobes dentés comme une scie, étroits, d'une profondeur inégale & inégalement divisés. Ces feuilles ressemblent en substance, figure & grandeur, à celles de l'urtica mortua, étant plates, minces, un peu raboteuses, d'un verd obscur d'un côté, & d'un verd blanchâtre de l'autre. Elles se sechent vîte dès qu'elles sont arrachées, comme font toutes les autres parties de l'arbre. Un nerf unique qui laisse un grand sillon du côté opposé, s'étend depuis la base de la feuille jusqu'à la pointe, d'où partent plusieurs petites veines quasi paralleles qui en poussent d'autres plus petites tournées vers le bord des feuilles, & se recourbant vers elles - mêmes. Les fruits viennent en Juin & en Juillet, des aisselles des feuilles aux extrémités des rejettons: ils tiennent à des queues courtes & rondes, & sont de la grosseur d'un pois & un peu plus, entourés de pois pourprés: ils sont composés de pepins qui sont verdâtres au commencement, & tournent ensuite sur le pourpre brun lorsqu'ils mûrissent. Le fruit est plein d'un jus douçâtre: je n'ai pas observé si ces fruits sont précédés par des fleurs.

Cet arbre est cultivé sur les collines & les montagnes, & sert aux manufactures de papier. Les jeunes rejettons de deux piés de long sont coupés & plantés à terre à une médiocre distance environ le dixieme mois; ils prennent d'abord racine, & leur extrémité [p. 855] sùpérieure qui est hors de terre séchant d'abord, ils poussent plusieurs jeunes jets qui deviennent propres à être coupés vers la fin de l'année, lorsqu'ils sont parvenus à la longueur d'une brasse & demie, & à la grosseur du bras d'un homme médiocre. Il y a aussi une sorte de kaadsi ou arbre de papier sauvage, qui vient sur les montagnes désertes & incultes; mais outre qu'il est rare, il n'est pas propre à faire du papier; c'est pourquoi on ne s'en sert jamais.

2°. Le faux arbre à papier, que les Japonnois nomment katsi kadsira, est appellé par Kaempfer en latin, papyrus procumbens, lactescens, folio longo lanceato, cortice chartaceo.

Cet arbrisseau a une racine épaisse, unique, longue, d'un blanc jaunâtre, étroite & forte, couverte d'une écorce grasse, unie, charnue & douçâtre, entremêlée de fibres étroites. Les branches sont nombreuses & rampantes, assez longues, simples, nues, étendues & flexibles, avec une fort grande moëlle entourée de peu de bois. Des rejettons fort déliés, simples, bruns & velus aux extrémités sortent des branches; les feuilles y sont attachées à un pouce de distance plus ou moins l'une de l'autre alternativement: elles tiennent à des pédicules petits & minces, & leur figure ne ressemble pas mal au fer d'une lance s'élargissant sur une base étroite, & finissant en pointe, longue, étroite & aiguë. Elles sont de différente grandeur, les plus basses étant quelquefois longues d'un empan, larges de deux pouces; tandls que celles du haut de l'arbrisseau sont à peine un quart si grandes. Elles ressemblent aux feuilles du véritable arbre à papier en substance, couleur & superficie, sont profondément & également dentées, avec des veines déliées au dos, dont les plus grandes s'étendent depuis la base de la feuille jusqu'à la pointe, partageant la feuille en deux parties égales. Elles produisent plusieurs veines traversieres, qui sont croisées encore par de plus petites veines. Je ne puis rien dire des fleurs ni des fruits, n'ayant pu les voir.

3°. La plante que les Japonnois appellent l'oreni, est nommée par Kaempfer alua, radice viscosa, flore ephemero, magno, punico.

D'une racine blanche, grasse, charnue & fort fibreuse, pleine d'un jus visqueux, transparent comme le crystal, sort une tige de la hauteur d'une brasse ou environ, qui est ordinairement simple & ne dure qu'un an. Les nouveaux jets, s'il en vient, après un an sortent des aisselles des feuilles; la moëlle en est molle, spongieuse & blanche, pleine d'un jus visqueux. La tige est entourée à distance irrégulieres de feuilles qui ont quatre à cinq pouces de longueur, cambrée, d'un pourpre détrempé: les pédicules en sont ordinairement creux, charnus & pleins d'humeur.

Les feuilles ressemblent assez à l'alua de Mathiole, tirant sur le rond, d'environ un empan de diametre, composées de sept lobes divisés par des anses profondes, mais inégalement dentées aux bords, excepté entre les anscs: les creneaux ou dents sont grands, en petit nombre, & à une moyenne distance l'une de l'autre. Les feuilles sont d'une substance charnue, pleines de jus; elles paroissent raboteuses à l'oeil, & sont rudes au toucher, d'un verd obscur. Elles ont des nerfs forts qui partagent chaque lobe également, courant jusqu'aux extrémités en plusieurs veines traversieres, roides & cassantes, recourbées en arriere vers le bord de la feuille.

Les fleurs sont à l'extrémité de la tige & des rejettons, & sont d'un pouce & demi de longueur, portées par des pédicules velus & épais, dont la largeur augmente à mesure qu'ils finissent en calice. Les fleurs sont posées sur un calice composé de cinq pétales ou feuilles verdâtres, avec des lignes d'un pourpre brun & velues d'un bord: les fleurs sont aussi composées de cinq pétales ou feuilles d'un pourpré clair, tirant sur le blanc; elles sont grandes comme la main, & souvent plus grandes: le fond en est fort grand, d'un poupre plus chargé & plus rouge. Les feuilles des fleurs sont, comme on l'a dit, grandes, rondes & rayées: elles sont étroites & courtes au fond du calice qui est étroit, court & charnu; le pistil est long d'un pouce, gras, uni & doux, couvert d'une poussiere couleur de chair, jaunâtre, couché sur le pistil comme si c'étoit de petites bossettes; le pistil finit par cinq caroncules couvertes d'un duvet rouge, & arrondies en forme de globe.

Les feuilles ne durent qu'un jour, & se sanent à la nuit; elles sont remplacées peu de jours après par cinq capsules séminaires pentagones, faisant ensemble la forme d'une toupie, qui ont deux pouces de longueur, un pouce & demi de largeur, membraneuses, épaisses, tirant sur le noir au tems de leur maturité, que l'on distingue les cinq capsules où sont contenues un nombre incertain de graines, dix ou quinze dans chacune, d'un brun fort obscur, raboteuses, plus petites que des grains de poivre, un peu comprimées & se détachant aisément.

4°. Le futo - kadsura des Japonnois est nommée par Kaempfer, frutex viscosus, procumbens, folio telephii vulgaris oemulo, fructu racemoso.

C'est un petit arbrisseau garni irrégulierement de plusieurs branches de la grosseur du doigt, d'où sortent des rejettons sans ordre, raboteux, pleins de verrues, gersés & d'une couleur brune. L'arbrisseau est couvert d'une écorce épaisse, charnue & visqueuse, composée d'un petit nombre de fibres déliées qui s'étendent en longueur. Si peu qu'on mâche de cette écorce, elle remplit la bouche d'une substance mucilagineuse. Les feuilles sont épaisses, & attachées une à une à des pédicules minces, cambrés, de couleur de pourpre, elles sont placées sans ordre, & ressemblent aux feuilles du telephium vulgare: étroites au fond, elles s'élargissent, finissent en pointe, & sont de deux, trois ou quatre pouces de longueur, un pouce de largeur au milieu au plus; un peu roides, quoique grasses; quelquefois pliées vers le dos, ondées, douces au toucher, d'un verd pâle, avec un petit nombre de pointes, en forme de dents de scie à leur bord; coupées sur la longueur par un nerf traversé de beaucoup d'autres d'une petitesse presque imperceptibles.

Les fruits pendent à des qüeues d'un pouce & demi de longueur, vertes & déliées: ils sont en forme de grappe, composée de plusieurs baies (quelquefois trente ou quarante) disposées en rond, sur un corps tirant sur le rond qui leur sert de base. Les baies ressemblent parfaitement aux grains de raisin, tirant sur le pourpre en hiver lorsqu'elles sont mûres. Leur membrane qui est mince contient un jus épais, quasi sans goût & insipide; dans chaque baie on trouve deux graines, dont la figure ressemble à un oignon, un peu comprimées là où elles se touchent réciproquement. Elles sont de la grosseur des pepins des raisins ordinaires, couverte d'une membrane mince & grisâtre; leur substance est dure, blanchâtre, d'un goût âpre & pourri, très - désagréable au palais. Les baies sont disposées autour d'une base, tirant sur le rond ou ovale, d'une substance charnue, spongieuse & molle, d'environ un pouce de diametre, ressemblant assez à une fraise, rougeâtre, d'une rayure, relevée en forme de retre, dont les niches paroissent moyennement profondes quand les baies en font détachées. (D. J.)

Papier de linge (Page 11:855)

Papier de linge, c'est là le papier européen, il est nommé papier de linge, parce qu'il se fabrique avec de vieux linge qu'on a porté, qu'on ramasse même dans les rues, & que par cette raison les Françoisappellent vulgairement chiffons; les manufactu<pb->

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