ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"852"> rapport à la qualité, il cede la primauté au papier fait de l'arbrisseau qui porte le coton, qui est le plus blanc & le plus fin, & en même tems le moins sujet aux inconvéniens dont nous venons de parler, car il se conserve aussi - bien, & dure aussi long - tems que le papier d'Europe. Le docteur Grew croit qu'on trouveroit en Angleterre beaucoup de plantes qui renferment un duvet, lequel très - probablement feroit du papier aussi fin que celui que les Chinois font avec le coton: ce discours fait voir que Grew s'est imaginé mal - à - propos que le papier chinois est fait non pas de l'écorce de l'arbrisseau de coton, mais du duvet ou du coton même. Voyez Grew, mus. reg. soc. part. II.

Le papier dont on se sert le plus communément à la Chine, est celui que l'on fait d'un arbre appellé chu - ku ou ku - chu, que le pere Duhalde compare tantôt au mûrier, tantôt au figuier, tantôt au sycomore, & enfin pour augmenter l'embarras, d'autres fois au fraisier, ensorte que nous connoissons moins cet arbre que s'il n'en avoit rien dit du - tout: cette façon d'écrire est familiere à cet auteur, qui est souvent d'une sécheresse extraordinaire au milieu de la plus grande prolixité, & qui n'est jamais plus diffus & moins méthodique, que quand il se propose de mettre de l'exactitude & de l'ordre dans ses écrits. Mais, pour revenir au ku - chu, voici la maniere de le préparer pour en faire le papier: on ratisse d'abord légérement l'écorce extérieure de cet arbre, qui est verdâtre, ensuite on en leve la peau intérieure en longs filets minces, qu'on fait blanchir à l'eau & au soleil, après quoi on la prépare de la même maniere que le bambou.

Il ne faut pas oublier d'observer que dans les autres arbres, ce n'est que l'intérieur de l'écorce qui sert à faire le papier; mais le bambou, aussi - bien que l'arbre de coton, ont cela de particulier, que non seulement on emploie leur écorce, mais même toute leur substance, par le moyen des préparations suivantes.

Outre les bois des plus larges bambous, on choisit les rejettons d'une année, qui sont à - peu - près de la grosseur du gras de la jambe d'un homme; on les dépouille de leur premiere écorce verte, & on les fend en petites baguettes de six ou sept piés de long; on trempe ces baguettes ainsi fendues, dans un réservoir d'eau bourbeuse, jusqu'à ce qu'elles soient corrompues & attendries à force d'avoir trempé. Au bout de quinze jours on les retire, on les lave dans de l'eau nette, on les étend dans un grand fossé sec, & on les couvre de chaux pendant quelques jours. On les retire ensuite, & apres les avoir lavé une seconde fois, on les partage en filamens, qu'on expose au soleil pour les sécher & les blanchir. Alors on les jette dans de grandes chaudieres, où on les fait bouillir tout - à - fait; enfin on les réduit en une pâte liquide par l'action de plusieurs grands marteaux.

Ensuite on prend quelques rejettons d'une plante nommée koteng, on les trempe quatre ou cinq jours dans l'eau jusqu'à ce qu'ils soient en une espece de suc onctueux & gluant, qu'on mêle avec la pâte dont on veut faire le papier, à - peu - pres de la même maniere que les Peintres délay ent leurs couleurs, ayant bien soin de n'en mettre ni trop, ni trop peu, parce que la bonté du papier en dépend.

Quand on a mêlé le jus du koteng avec le bambou, broyé & battu le tout, jusqu'à ce qu'il paroisse semblable à de l'eau épaisse & visqueuse, on jette le tout dans un grand réservoir, fait de quatre murs élevés jusqu'à hauteur d'appui, & dont les côtés & le fond sont si bien cimentés, que la liqueur ne peut pas en sortir, ni s'imbiber dedans.

Ensuite les ouvriers étant placés aux côtés du réservoir, ils trempent dedans leurs moules, & enle<cb-> vent la superficie de la liqueur qui dans l'instant devient papier, parce que le jus gluant & visqueux du koteng lie les parties, & rend le papier compact, doux & luisant, qualité que le papier européen n'a pas sitôt qu'il est fait.

Pour rendre les feuilles fermes, & les mettre en état de supporter l'encre, on les trempe dans de l'eau d'alun: cette opération s'appelle faner, du mot chinois fan qui signifie alun. Voici quelle en est la préparation.

On met dans différentes écuelles pleines d'eau, six onces de colle de poisson, coupée bien menue; on les fait bouillir en les remuant de tems en tems pour empêcher qu'il ne s'y forme des grumeaux: quand le tout est converti en une substance liquide, on y jette trois quarterons d'alun calciné, que l'on mêle & qu'on incorpore avec.

On verse ensuite cette composition dans un grand bassin, à - travers lequel est attaché un petit bàton rond: alors on serre l'extrémité de chaque feuille avec un bâton fendu d'un bout à l'autre, & dans cet état on trempe la feuille, en la tirant promptement aussi - tôt qu'elle est humectée, & la glissant par - dessus le petit bâton rond; quand toute la feuille a passé à - travers la liqueur, le long bâton qui tient la feuille par l'extrémité, est attaché dans un trou à la muraille, & la feuille suspendue pour sécher.

A l'égard du moule avec lequel on fait la feuille, c'est une forme inventée de façon qu'on peut la hausser & baisser à volonté; le fond n'en est pas fait de fil de laiton comme les nôtres, mais de petits filets menus de bambou, passés de distance en distance à - travers des trous pratiqués dans une plaque d'acier; ce qui les rend aussi fins que s'ils étoient de laiton. On les fait ensuite bouillir dans l'huile, jusqu'à ce qu'ils en soient imprégnés, afin que le moule entre plus légérement dans l'eau, & n'enfonce pas plus avant qu'il ne faut pour prendre de la matiere suffisamment pour une feuille.

Pour faire des feuilles d'une grandeur considérable, ils ont soin d'avoir un réservoir & un moule proportionnés. Ce moule est soutenu par des cordons qui glissent sur une poulie. Au moment que le moule est élevé, les ouvriers placés à côté du réservoir sont prêts à en ôter la feuille, travaillant ensemble, & chacun ayant ses fonctions réglées. Pour sécher les feuilles qui sont tirées du moule, ils ont une muraille creusée, dont les côtés sont bien blanchis; à un côté de ce mur est une ouverture par où, au moyen d'un tuyau, se communique la chaleur d'un fourneau qui est auprès; & à l'extrémité opposée, est un petit vent qui chasse la fumée. Avec le secours de cette espece d'étuve, ils séchent leur papier, presque aussi vîte qu'ils le font.

La maniere d'argenter le papier, est un autre secret qu'ont les Chinois, dont la pratique est de peu de frais, & pour laquelle ils ne se servent pas d'argent, mais ils prennent deux scrupules de glu faite de cuir de boeuf, un scrupule d'alun, & une pinte d'eau claire; ils mettent le tout sur un feu lent, jusqu'à ce que l'eau soit consumée, c'est - à - dire, qu'il n'en sorte plus d'exhalaisons: alors ils étendent quelques feuilles de papier sur une table bien unie, & appliquent dessus avec un pinceau deux ou trois couches de cette glue; ensuite ils prennent une poudre faite d'une certaine quantité de talc bouilli, & mêlé avec le tiers de cette quantité d'alun: ces deux drogues sont broyées ensemble, passées au tamis, & mises sur le feu dans de l'eau où on les fait bouillir derechef, ensuite on les fait sécher au soleil, & enfin on les broie. Cette poudre etant passée par un tamis fin, on l'étend également sur les feuilles de papier préparées comme devant; ensuite on les étend à l'ombre pour les faire sécher: cela fait, on les remet encore sur la table, & [p. 853] on les lisse promptement avec un morceau de coton net, pour enlever le superflu du talc, qui sert une seconde fois au même usage; avec cette poudre délayée dans l'eau, & mêlée avec la glu & l'alun, ils tracent toutes sortes de figures de fantaisie sur le papier. Voyez le P. Duhalde, descript. de la Chine, tom. I.

Anciennement les Chinois écrivoient avec un pinceau de fer sur des tablettes de bambou; ensuite ils se servirent du pinceau pour écrire sur du satin; enfin, sous la dynastie des Hans, ils trouverent l'invention du papier 160 ans environ avant Jesus - Christ, suivant le P. Martini. Cette invention se perfectionna insensiblement, & leur procura différentes sortes de papier.

En général, le meilleur dont on se sert pour écrire, ne peut guere se conserver long - tems dans les provinces du sud; & même nos livres d'Europe, selon le P. Parennin, ne tiennent guere à Canton contre la pourriture, les vers, & les fourmis blanches, qui dans quelques nuits en dévorent jusqu'aux couvertures: mais le même pere assure que dans les parties du nord, sur - tout dans la province de Pékin, le papier quoique mince, se conserve très - long - tems.

Les Coréens eurent bien - tôt connoissance de la fabrique du papier des Chinois, & ils réussirent à le fabriquer d'une maniere plus solide & plus durable; car leur papier passe pour être aussi fort que de la toile, on écrit dessus avec le pinceau chinois. Si l'on vouloit user des plumes d'Europe, il faudroit auparavant y passer de l'eau d'alun, sans quoi l'écriture seroit baveuse.

C'est en partie de ce papier que les Coréens paient leurs tributs à l'empereur; ils en fournissent chaque année le palais; ils en apportent en même tems une grande quantité qu'ils vendent aux particuliers; ceux - ci ne l'achetent pas pour écrire, mais pour faire les chassis de leurs fenêtres, parce qu'il résiste mieux au vent & à la pluie que le leur. Ils huilent ce papier, & en font de grosses enveloppes. Il est aussi d'usage pour les Tailleurs d'habits; ils le manient, & le froissent entre leurs mains, jusqu'à ce qu'il soit aussi maniable & aussi doux que la toile la plus fine, & ils s'en servent en guise de coton pour fourrer les habits. Il est même meilleur que le coton, lequel, lorsqu'il n'est pas bien piqué, se ramasse, & se met en une espece de peloton. (D. J.)

Papier du Japon (Page 11:853)

Papier du Japon, (Arts.) Le papier est fait au Japon de l'écorce du morus papifera sativa, ou véritable arbre à papier, de la maniere suivante, selon Kaempfer à qui seul on en doit la connoissance.

Chaque année, après la chûte des feuilles qui arrive au dixieme mois des Japonnois, ce qui répond communément à notre mois de Décembre, les jeunes rejettons qui sont fort gros, sont coupés de la longueur de trois piés au - moins, & joints ensemble en paquets, pour être ensuite bouillis dans de l'eau avec des cendres. S'ils séchent avant qu'ils bouillent, on les laisse tremper vingt - quatre heures durant dans l'eau commune, & ensuite on les fait bouillir: ces paquets ou fagots sont liés fortement ensemble, & mis debout dans une grande chaudiere qui doit être bien couverte: on les fait bouillir, jusqu'à ce que l'écorce se retire si fort, qu'elle laisse voir à nud un bon demi - pouce du bois à l'extrémité: lorsque les bâtons ont bouilli suffisamment, on les tire de l'eau, & on les expose à l'air, jusqu'à ce qu'ils se refroidissent; alors on les fend sur la longueur pour en tirer l'écorce, & l'on jette le bois comme inutile.

L'ecorce séchée est la matiere dont ensuite on doit faire le papier; en lui donnant une autre préparation qui consiste à la nettoyer de nouveau, & à trier la bonne de la mauvaise: pour cet effet, on la fait tremper dans l'eau pendant trois ou quatre heures; étant ainsi ramollie, la peau noirâtre est ra<cb-> clée avec la surface verte qui reste, ce qui se fait avec un couteau qu'ils appellent kaadsi kusaggi, c'est - à - dire, le rasoir de kaadsi, qui est le nom de l'arbre; en même tems aussi l'écorce forte qui est d'une année de crûe, est séparée de la mince qui a couvert les jeunes branches. Les premieres donnent le meilleur papier & le plus blanc; les dernieres produisent un papier noirâtre d'une bonté passable; s'il y a de l'écorce de plus d'une année mêlée avec le reste, on la trie de même, & on la met à part, parce qu'elle rend le papier le plus grossier & le plus mauvais de tous: tout ce qu'il y a de grossier, les parties noueuses, & ce qui paroît défectueux & d'une vilaine couleur, est trié en même tems pour être gardé avec l'autre matiere grossiere.

Après que l'écorce a été suffisamment nettoyée, préparée & rangée, selon ses différens degrés de bonté, on doit la faire bouillir dans une lessive claire; dès qu'elle vient à bouillir & tout le tems qu'elle est sur le feu, on est perpétuellement à la remuer avec un gros roseau, & l'on verse de tems en tems autant de lessive claire qu'il en faut pour abattre l'évaporation qui se fait, & pour suppléer à ce qui se perd parlà: cela doit continuer à bouillir, jusqu'à ce que la matiere devienne si mince, qu'étant touchée légérement du bout du doigt, elle se dissolve & se sépare en maniere de bourre & comme un amas de fibres. La lessive claire est faite d'une espece de cendres, en la maniere suivante: on met deux pieces de bois en croix sur une cuve; on les couvre de paille, sur quoi ils mettent des cendres mouillées, ils y versent de l'eau bouillante, qui à mesure qu'elle passe au - travers de la paille, pour tomber dans la cuve, s'imbibe des particulines salines des cendres, & fait ce qu'ils appellent lessive claire.

Après que l'écorce a bouilli de la maniere qu'on vient de dire, on la lave; c'est une affaire qui n'est pas d'une petite conséquence en faisant du papier, & doit être ménagée avec beaucoup de prudence & d'attention. Si l'écorce n'a pas été assez lavée, le papier sera fort à la vérité, & aura du corps, mais il sera grossier & de peu de valeur; si au contraire on l'a lavé trop long - tems, elle donnera du papier plus blanc, mais plus sujet à boire, & mal propre pour écrire: ainsi cet article de la manufacture doit être conduit avec beaucoup de soin & de jugement, pour tâcher d'éviter les deux extrémités que nous venons de marquer. On lave dans la riviere, & l'on met l'écorce dans une espece de van ou de crible au - travers duquel l'eau coule, & on la remue continuellement avec les mains & les bras jusqu'à ce qu'elle soit délayée à la consistance d'une laine, ou d'un duvet doux & délicat. On la lave encore une fois pour faire le papier le plus fin: mais l'écorce est mise dans un linge au lieu d'un crible, à cause que plus on lave, plus l'écorce est divisée, & seroit enfin réduite en des parties si menues qu'elles passeroient au - travers des trous du crible & se dissiperoient. On a soin dans le même tems d'ôter les noeuds ou la bourre, & les autres parties hété: ogenes grossieres & inutiles, que l'on met à part avec l'écorce la plus grossiere pour le mauvais papier. L'écorce étant suffisamment & entierement lavée, est posée sur une table de bois uni & épais pour être battue avec des bâtons du bois dur kusnoki, ce qui est fait ordinairement par deux ou trois personnes jusqu'à ce qu'on l'ait rendu aussi fine qu'il le faut: elle devient avec cela si déliée qu'elle ressemble à du papier qui, à force de tremper dans l'eau, est réduit comme en bouillie, & n'a quasi plus de consistance.

L'écorce ainsi préparée est mise dans une cuve étroite avec l'infusion glaireuse & gluante du ris, & celle de la racine oreni qui est aussi fort glaireuse & gluante. Ces trois choses mises ensemble doivent être

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