ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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La nouvelle Paphos ayant beaucoup souffert d'un tremblement de terre, Auguste la répara, & la nomma de son nom Augusta. Il n'est pas sûr qu'elle ait conservé long - tems ce nom, du - moins aucun ancien monument n'en fait foi. Paphos étoit la patrie de Sopater de Paphos, poëte comique, qui vivoit sous Alexandre, & sous ses deux successeurs, les Ptolomées.

Cette ville étoit plus particulierement consacrée à Vénus que le reste de l'île. Le temple qui y étoit bâti en son honneur, étoit de la plus grande magnificence. La vénération qui y étoit attachée s'étendoit même jusqu'au prêtre, qui en faisoit les fonctions. Plutarque rapporte que Caton fit offrir au roi Ptolomée la grande prêtrise du temple de Vénus à Paphos, s'il vouloit céder Cypre aux Romains, regardant cette dignité comme le dédommagement d'un royaume.

Les ministres des temples de Vénus n'immoloient jamais de victimes, le sang ne couloit jamais sur leurs autels; on n'y brûloit que de l'encens, & la déesse n'y respiroit que l'odeur des parfums. Elle y étoit représentée sur un char conduit par des amours, & tiré par des cygnes & des colombes. L'or & l'azur brilloient en vain dans le temple de Paphos, leur éclat y cédoit à l'éclat des arts. Les chef - d'oeuvres que des mains immortelles y avoient tracés, attiroient seuls toute l'attention. Ici le ciseau délicat d'un artiste supérieur représentoit la déesse qui vivifie tous les êtres, & qui féconde la nature; là le pinceau voluptueux inspiroit les feux de l'amour.

La délicieuse situation & les charmes du climat, avoient sans doute contribué à établir l'opinion de ceux qui y avoient fixé l'empire de Vénus, & le séjour des plaisirs.

« On y jouissoit d'un printems éternel; la terre heureusement fertile y prévenoit tous les souhaits; les troupeaux y paissoient sans nombre; les vents sembloient ni regner que pour répandre par - tout l'esprit des fleurs; les oiseaux y chantoient sans cesse; les bois y sembloient harmonieux; les ruisseaux murmuroient dans les plaines; une chaleur douce faisoit tout éclore; l'air ne s'y respiroit qu'avec la volupté ». (D. J.)

PAPIER (Page 11:846)

PAPIER, s. m. (Arts.) merveilleuse invention, qui est d'un si grand usage dans la vie, qui fixe la mémoire des faits, & immortalise les hommes! Cependant ce papier admirable par son utilité, est le simple produit d'une substance végétable, inutile d'ailleurs, pourrie par l'art, broyée, réduite en pâte dans de l'eau, ensuite moulée en feuilles quarrées de différentes grandeurs, minces, flexibles, collées, séchées, mises à la presse, & servant dans cet état à écrire ses pensées, & à les faire passer à la postérité. Voyez l'article Papeterie.

Ce mot papier vient du grec W=AW=URO/S2, papyrus, nom de cette plante célébre d'Egypte, dont les anciens ont fait un si grand usage pour l'écriture; nous décrirons cette plante au mot Papyrus.

Il seroit trop long de spécisier ici toutes les différentes matieres sur lesquelles les hommes, en divers tems & en divers lieux, ont imaginé d'écrire leurs pensées; c'est assez de dire que l'écriture une fois trouvée, a été pratiquée sur tout ce qui pouvoit la recevoir; on l'a mise en usage sur les pierres, les briques, les feuilles, les pellicules, l'écorce, le liber des arbres; on l'a employé sur des plaques de plomb, des tablettes de bois, de cire, & d'ivoire; enfin on inventa le papier égyptien, le parchemin, le papier de coton, le papier d'écorce, & dans ces derniers siecles le papier qui est fait de vieux linge ou de chiffons. Voyez Maffei, Hist. diplom. liv. II. Bibl. ital. tom. II. Leonis Allati, Antiq. etrusc. Hug. de Scripturoe origine, Alexand. ab Alexand. l. II. c. xxx. Barthol. Dissert. de libris legendis.

Dans certains siecles barbares, & dans certains. lieux, on a écrit sur des peaux de poissons, sur des boyaux d'animaux, sur des écailles de tortues. Voyez Mabillon de re diplom. l. I. c. viij. Fabricii Biblioth. nat. c. xxj. &c.

Mais ce sont principalement les plantes dont on s'est servi pour écrire; c'est de - là que sont venus les différens termes de biblos, liber, folium, filura, scheda, &c. A Ceylan on écrivoit sur des feuilles de talipot, avant que les Hollandois se fussent rendus maîtres de cette île. Le manuscrit bramin en langue tulingienne envoyé à Oxford du fort saint Georges, est écrit sur des feuilles d'un palmier de Malabar. Herman parle d'un autre palmier des montagnes de ce pays - là, qui porte des feuilles pliées, & larges de quelques piés; les habitans écrivent entre les plis de ces feuilles en enlevant la superficie de la peau. Voyez Kuox, Hist. de Ceylan, l. III. Philosoph. Trans. n°. 155. & 246. Hort. ind. Malab. &c.

Aux îles Maldives, les habitans écrivent aussi sur les feuilles d'un arbre appellé macaraquean, qui sont longues de trois piés, & larges d'un demi - pié. Dans differentes contrées des Indes orientales, les feuilles du musa ou ban anier servoient à l'écriture, avant que les nations commerçantes de l'Europe leur eussent enseigné l'usage du papier.

Ray, Hist. plant. tom. II. lib. XXXII. nomme quelques arbres des Indes & d'Amérique, dont les feuilles sont très - propres à l'écriture: de la substance intérieure de ces feuilles on tire une membrane blanchâtre, large & fine comme la pellicule d'un oeus, & sur laquelle on écrit passablement; cependant le papier fait par art, même le papier grossier, est beaucoup plus commode.

Les Siamois, par exemple, font de l'écorce d'un arbre qu'ils nomment pliokkloi, deux sortes de papiers, l'un noir, & l'autre blanc, tous deux rudes & mal fabriqués, mais qu'ils plient en livre, à - peu - près comme on plie les éventails; ils écrivent des deux côtés sur ces papiers, avec un poinçon de terre grasse.

Les nations qui sont au - delà du Gange, font leur papier de l'écorce de plusieurs arbres. Les autres peuples asiatiques de - deçà le Gange, hormis les noirs qui habitent le plus au midi, le font de vieux haillons d'étoffe de coton, mais faute d'intelligence, de méthode, & d'instrumens, leur papier est fort lourd & fort grossier. Je ne tiendrai pas le même langage des papiers de la Chine & du Japon, car ils méritent tous nos regards par leur finesse, leur beauté, & leur variété.

On garde encore dans de vieux cloîtres quelques sortes de papiers irréguliers manuscrits, dont les critiques sont fort embarrassés de déterminer la matiere; tel est celui de deux bulles des antipapes, Romanus & Formose, de l'an 891 & 895, qui sont dans les archives de l'église de Gironne. Ces bulles ont près de deux aunes de long, sur environ une aune de large; elles paroissent composées de feuilles ou pellicules collées ensemble transversalement, & l'écriture se lit encore en beaucoup d'endroits. Les savans de France ont hasardé plusieurs conjectures sur la nature de ce papier, dont l'abbé Hiraut de Belmont a fait un traité exprès. Les uns prétendent que c'est du papier fait d'algue marine, d'autres de feuilles d'un jonc appellé la bogua, qui croît dans les marais du Roussillon, d'autres de papyrus, d'autres de coton, & d'autres d'écorce. Voyez les Mém. de Trévoux, Septembre 1711.

Enfin l'Europe en se civilisant, a trouvé l'art ingénieux de faire du papier avec du vieux linge de chanvre ou de lin; & depuis le tems de cette découverte, on a tellement perfectionné cette fabrique du papier [p. 847] de chiffons, qu'il ne reste plus rien à desirer à cet égard.

De - là vient que depuis peu, quelques physiciens ont tâché d'étendre les vûes que l'on pouvoit avoir sur le papier, en examinant si avec l'écorce de certains arbres de nos climats, ou même avec du bois, qui auroit acquis un certain degré de pourriture, on ne pourroit pas parvenir à faire du papier, & c'est ce dont quelques tentatives ont confirmé l'espérance. Il étoit assez naturel de soupçonner cette possibilité, puisque long - tems avant l'invention du papier européen, on en faisoit en Egypte avec le papyrus, espece de souchet du Nil, en orient avec le chiffon de toile de coton, & avec le liber de plusieurs plantes. Les Japonnois fabriquent aussi différentes especes de papiers, avec l'écorce, & autres parties de leurs arbres; les Chinois avec leur bombou, avec du chanvre, de la laine blanche, du coton, & de la soie, &c. Busbec nous apprend encore qu'on en fait au Cathay avec des coques de vers à soie. Voyez la lettre iv. de son ambassade en Turquie.

Le chiffon de toile de chanvre ou de lin, n'est qu'un tissu de fibres ligneuses de l'écorce de ces deux plantes, que les lessives & les blanchissages ont débarrassées de plus - en - plus de la partie spongieuse, que les Botanistes appellent parenchyme. M. Guettard a d'abord examiné si ces fibres ligneuses, n'étant encore que dans l'état où elles portent le nom de filasse, ne donneroient pas du papier; car par - là on rendroit utiles les chenevottes mêmes, ou le tuyau de la plante dont la filasse a été séparée, & il est plus que probable que les filasses d'aloès, d'ananas, de palmiers, d'orties, & d'une infinité d'autres arbres ou plantes, seroient susceptibles de la même préparation. La silasse de chanvre, simplement battue, a produit une pâte dont on a formé un papier assez fin, & qui pourroit se perfectionner.

Mais il faut avouer que nous ne sommes pas aussi riches en arbres & en plantes, dont on puisse aisément détacher les fibres ligneuses, que le font les Indiens de l'un & de l'autre hémisphere. Nous avons cependant l'aloès sur certaines côtes: en Espagne on a une espece de sparte ou de genêt qu'on fait rouir pour en tirer la filasse, & dont on fabrique ces cordages que les Romains appellent sparton; on en pourroit donc tirer du papier. M. Guettard en a fait avec nos orties & nos guimauves des bords de la mer, & il ne desespere pas qu'on n'en puisse faire avec plusieurs autres de nos plantes, ou de nos arbres mêmes, sans les réduire en filasse.

Le raisonnement qui l'avoit conduit à fabriquer du papier immédiatement avec la filasse, lui a fait essayer d'en tirer de même du coton, & il y a réussi. Il vouloit s'assurer par - là si le duvet des plantes étrangeres pouvoit donner par lui - même une pâte bien conditionnée, pour travailler avec plus de sureté sur les duvets de celles qui croissent chez nous, telles par exemple, que les chardons; ou sur celles qui quoiqu'étrangeres, viennent fort bien dans notre climat, comme l'apocyn de Syrte, &c.

La soie de nos vers à soie, est d'un usage trop précieux, & n'est pas à beaucoup près assez abondante chez nous pour être employée immédiatement à la fabrique du papier; mais nous avons une espece de chenille qu'on nomme commune, & qui ne mérite que trop ce nom, qui file une très - grande quantité de soie. C'est sur cette soie, tout au moins inutile jusqu'à ce jour, que M. Guettard a fait ses expériences, & avec plus de succès qu'il n'eût osé l'espérer: le papier qu'elle lui a donné a de la force, & manque seulement de blancheur.

On a fait en Angleterre du papier avec des orties, des navets, des panais, des feuilles de choux, de lin en herbe, & de plusieurs autres végétaux fibreux; on en a fait aussi avec de la laine blanche; ce papier de laine n'est pas propre à écrire, parce qu'il est cotonneux, mais il pourroit être d'usage dans le commerce. Voyez Houghton, Collections, n°. 360. t. II. pag. 418. & suivantes.

En un mot, on est parvenu à faire du papier de toutes sortes de matieres végétables, & d'une infinité de substances que nous rejettons comme inutiles; je ne doute pas qu'on n'en pût faire encore de boyaux & de tripes d'animaux, même de matieres minérales cotonneuses, puisqu'on en fait de l'amianthe ou de l'asbeste; mais l'important seroit d'en faire qui coûtât moins que le papier de chiffons, sans quoi toutes les recherches en ce genre ne sont que de pure curiosité.

On peut lire sur le papier Leonis Allatii, antiquitates etruscoe; nigrisoli de chartâ ejusque usu apud antiquos, piece qui est dans la galeria di Minerva; Mabillon, de re diplomaticâ; Montfaucon, Paloeographia groeca; Maffei, Historia diplomatica, ou Biblioth. italiq. t. II. Harduinus, in Plinium; Reimm. Idoea system. antiq. litter. Bartholinus, Dissertatio de libris legendis; Polydorus Virgilius, de rer. invent. Vossius, de arte Gram. lib. I. Alexand. ab Alexand. liv. II. ch. 30. Salmuth ad Pancirol. l. II. tit. cclij. Grew, Mus. reg. societ. Prideaux, Connections; Pitisci, Lexicon antiq. rom. tom. I. voce charta; enfin le Dictionnaire de Chambers, où l'article du papier est presque complet; Fabricius indiquera les autres auteurs sur ce sujet dans sa Bibliotheca antiqua.

Les principaux papiers qui méritent notre examen se peuvent réduire au papier égyptien, chinois, japonois, européen, papier de coton, papier d'écorce, papier d'asbeste; nous nous proposons de traiter de chacun de ces papiers en particulier.

Pour le faire méthodiquement nous parlerons,

1°. Du papier d'Egypte le plus célebre de tous.

2°. Du papier de coton qui lui a succédé.

3°. Du papier d'écorce interne des arbres.

4°. Du papier de la Chine.

5°. Du papier du Japon.

6°. Du papier européen, c'est - à - dire du papier de linge.

7°. De la fabrique du papier marbré en particulier.

8°. Du commerce du papier de linge en général.

9°. Du papier d'asbeste, nommé papier incombustible.

10°. Enfin nous traiterons du papyrus & du parchemin sous leurs lettres particulieres. (Le chevalier de Jaucourt).

Papier d'Egypte (Page 11:847)

Papier d'Egypte, (Arts anciens.) c'est ce papier fameux dont les anciens se servoient, & qui étoit fait par art d'une espece de jonc nommé papyrus, qui croissoit en Egypte sur les bords du Nil. Selon Isidore, Memphis a la gloire d'avoir la premiere su faire le papier du papyrus; & Lucain semble appuyer cette idée: quand il dit:

Nondum flumineas Memphis contexere biblos Noverat. Pharsal, liv. III. v. 222.

Ce qu'il y a de bien sûr, c'est que de toutes les matieres sur lesquelles les anciens ont écrit; il n'en est point qui présente autant d'avantages que le papier, soit par rapport à sa légereté, soit par rapport à la facilité de la fabrique; c'étoit un présent simple de la nature, & le produit d'une plante qui n'exigeoit ni soins, ni culture. Aussi toutes ces raisons le rendirent d'un usage presque général dans le monde civilisé. Quoiqu'on ait varié les matieres qui peuvent recevoir l'écriture, cependant l'on a toujours préféré pour une chose si nécessaire ce qu'il y avoit de plus commun & de plus facile à transporter; ainsi, le parchemin, le papier, & les tablettes de cire ont été d'un usage plus

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