ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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OPOBALSAMUM (Page 11:510)

OPOBALSAMUM, s. m. (Hist. des drog.) O)POBA/LSAMON, résine liquide, précieuse, blanchâtre & légerement jaunâtre, d'une odeur pénétrante qui approche de celle du citron, d'un goût âcre & aromatique: on estime celui qui a toutes ces qualités, & non celui qui est ténace, vieux & falsifié.

La plante qui fournit cette liqueur résineuse est nommée par Bélon dans ses observations, balsamum lentisci folio, oegyptiacum, & par Prosper Alpin, 48. balsamum; car l'arbre & la résine portent le même nom. Cet arbrisseau s'éleve à la hauteur du troëne & du cytise, & est toujours verd, garni de peu de feuilles, semblables à celles de la rue, ou plutôt à celles du lentisque: elles sont attachées à la même queue, au nombre de trois, de cinq ou de sept, y ayant une feuille impaire qui la termine. Ses branches sont odorantes, resineuses & pliantes: leur substance ligneuse est blanche, sans odeur, couverte de deux écorces minces ou membraneuses; l'extérieure est rougeâtre en dehors, l'intérieure verdâtre, odorante & d'une saveur aromatique. Ses fleurs sont purpurines, semblables à celles de l'acacia, & fort odorantes. Ses semences sont jaunes, odorantes, âcres, ameres, & donnent une liqueur jaune, semblable au miel: elles sont renfermées dans des follicules noires, rougeâtres.

Théophraste, Dioscoride, Pline, Joseph & autres, croient que la patrie de l'opobalsamum est la Judée, ou l'Egypte; mais il est constant que ni la Judée, ni l'Egypte ne sont les pays où ce baume vient de lui - même: on ne trouve aucun arbre qui porte ce baume dans la Judée; & du tems de Bélon on n'en trouvoit pas non plus. Strabon a eu raison de dire qu'on le trouvoit dans l'Arabie heureuse, qui est effectivement la seule patrie de ce baume.

Prosper Alpin nous apprend qu'il est blanc lorsqu'on vient de le tirer, ayant une odeur excellente & très - pénétrante, qui approche de celle de la térébenthine, mais plus suave & plus vive; d'un goût amer, âcre & astringent. Ce baume est d'abord trouble & épais comme l'huile d'olive nouvellement exprimée; il devient ensuite très - subtil, très - limpide, très - léger, & prend une couleur verdâtre, ensuite une couleur d'or; enfin lorsqu'il est vieux, il devient comme du miel: alors il s'épaissit comme la térébenthine, il coule très - difficilement, & il perd beaucoup de son odeur.

Quand ce baume est récent, si l'on en verse goutte - à - goutte dans de l'eau, il ne va pas au fond à cause de sa grande légereté; mais étant versé de haut, il s'y plonge un peu, & remonte continuellement, il s'étend sur toute la surface de l'eau, & se mêle avec elle, de sorte qu'il est très - difficile de l'en séparer: peu de tems après il s'y fige & se coagule, & on le retire tout entier avec un stilet: il est alors laiteux, ou blanc comme le lait. Voilà les véritables caracteres du baume naturel & récent.

Les anciens ne recueilloient uniquement que le baume qui découloit de l'écorce de l'arbre, auquel ils faisoient une incision, & ils en retiroient une très petite quantité. Aujourd'hui il y a deux especes de ce baume, selon Augustin Lippi. La premiere peut être appellée le véritable baume, & c'est celui qui coule de lui - même, ou par l'incision que l'on fait à l'écorce; mais on en retire une si petite quantité, qu'à peine suffit - elle pour les habitans, & pour les grands du pays, & il est très - rare que l'on en porte [p. 511] ailleurs. L'autre espece est le baume de la Mecque & de Constantinople, qui est encore précieux, & qui parvient rarement jusqu'à nous, si ce n'est par le moyen des grands qui en font des présens. Voici comment on le retire. On remplit une chaudiere de feuilles & de rameau du baumier, & l'on verse de l'eau par - dessus jusqu'à ce qu'elle les surpasse. Lorsqu'elle commence à bouillir, il nage au - dessus une huile limpide que l'on recueille avec soin, & que l'on reserve pour l'usage des dames; car elles s'en servent pour se polir le visage & pour en oindre leurs cheveux. Tandis que l'ébullition continue, il s'éleve à la superficie de l'eau une huile un peu plus épaisse & moins odorante, que l'on envoie comme moins précieuse, par des caravanes, au Kaire & aux autres pays; c'est le plus commun en Europe.

Comme les vertus de l'opobalsamum dépendent de son huile subtile & volatile, il est certain que celui qui est récent a plus de vertu que celui qui est vieux. On l'emploie dans l'asthme & dans la phthisie avec quelque succès, pour rétablir le ton des poumons, adoucir l'acrimonie de la lymphe qui se répand dans leurs cavités, & en inciser les humeurs visqueuses. On abuse souvent de ce remede, en le prescrivant dans les ulceres des reins & de la vessie; car comme ces arbres sont d'ordinaire érésipélateux, tous les balsamiques & les résineux y nuisent beaucoup, en augmentant l'inflammation, & en arrêtant l'excrétion du pus.

Ce baume est encore célebre pour guérir les plaies, étant appsiqué extérieurement. Il est vrai qu'il convient très - bien aux plaies simples, ou à celles qui consistent dans une simple solution de continuité, soit pour couvrir la plaie, & pour empêcher le contact de l'air, soit pour procurer plutôt la réunion des levres; car alors ces plaies qui se guériroient facilement par elles - mêmes, se cicatrisent bien plus promptement: mais s'il y a quelque contusion, ou quelque froissement des fibres charnues, ou autres qui entraînent toujours la suppuration, ce seroit en vain que l'on employeroit les balsamiques pour en faire la réunion; car ces parties qui se pourrissent, & dont on empêche la séparation, étant retenues trop longtems, irritent & enflamment par leur acrimonie la partie malade: c'est ce qui fait que la guérison de telle plaie est plus longue, & souvent très - difficile.

Les dames de Constantinople, & celles d'Asie & d'Egypte, font usage de l'opobalsamum pour se rendre la peau douce & polie. Voici la maniere dont en usent les Egyptiennes. Elles se tiennent dans un bain jusqu'à ce qu'elles ayent bien chaud; alors elles se frottent la peau du visage & de la gorge avec ce baume à différentes fois, & sans l'épargner; ensuite elles demeurent une heure & davantage dans ce bain chaud, jusqu'à ce que la peau soit imbibée de ce baume & bien seche; alors elles en sortent: elles demeurent ainsi pendant trois jours le visage & la gorge imbibées de baume; le troisieme jour elles se remettent au bain, & se frottent encore comme on vient de le dire, avec le même baume. Elles recommencent l'opération plusieurs fois, ce qui dure au moins trente jours, pendant lesquels elles ne s'essuient point la peau. Enfin lorsque le baume est bien sec, elles se frottent d'un peu d'huile d'amandes ameres, & ensuite elles se lavent pendant plusieurs jours dans l'eau de feves distillée.

Les dames qui se servent de ce baume parmi nous, en qualité de cosmétique, en font par art le lait virginal, qui est avec raison fort estimé pour l'embellissement de la peau. Il ne se fait aucune précipitation dans ce lait, & le baume ne se sépare point. Voyez - en la composition au mot Lait virginal.

L'opobalsamum est, comme on sait, nommé dans les ordonnances des Médecins, sous le nom de bau - me blanc de Constantinople, baume de Judée, d'Egypte, du grand Kaire & de la Mecque. Chez les Apothicaires, on le nomme aussi baume de Galaad, balsamum galaldense ou gileadense, parce qu'on s'est imaginé que le baume de Galaad de l'Ecriture étoit la même chose que celui qui nous vient aujourd'hui de la Mecque directement par la mer Rouge, ou autrement.

Mais le mot hébreu que nous avons rendu baume, est zori, qui, suivant la remarque des rabbins, signifie toutes sortes de gommes résineuses. Dans Jérémie, viij. 22. & xlvj. 2. il en est parlé comme d'une drogue que les Médecins employoient; & dans la Génese, xxxvij. 25. & xliij. comme d'une des choses les plus précieuses que produit le pays de Canaan; & dans l'un & dans l'autre endroit il est marqué qu'il venoit de Galaad. Si le zori du texte signifie du baume, tel que celui de la Mecque, il faut qu'il y en ait eu en Galaad long tems avant qu'on eût planté l'arbre dans les jardins de Jérico, & avant que la reine de Saba eût apporté à Salomon la plante dont parle Joseph: car c'étoit une des marchandises que les Ismaélites portoient de Galaad en Egypte, quand Joseph leur fut vendu par ses freres; Jacob en envoya en présent à Joseph en Egypte, comme une chose qui croissoit dans le pays de Canaan, quand il dépêcha ses autres fils pour acheter du blé dans ce payslà. Pour moi je croirois que ce zori de Galaad, que nous rendons baume dans nos traductions modernes, n'étoit pas la même chose que le baume de la Mecque, & que ce n'étoit qu'une espece d'excellente térébenthine dont on se servoit alors pour les blessures & pour quelques autres maux.

Le mot opobalsamum veut dire suc ou gomme de baume; car proprement balsamum signifie l'arbre, & opobalsamum, le suc qui est distillé; O)W=O/S2 en grec signifie le suc, la gomme, ou la liqueur qui distille de quelqu'arbre que ce soit, ou même de plusieurs autres choses.

L'opobalsamum entre dans la thériaque & le mithridate, de nom sans doute plus qu'en réalité, comme on en peut juger par la quantité de ces deux compositions qui se fait chaque année dans toute l'Europe, & en même - tems par la rareté du vrai baume d'Arabie, dont le prix sur les lieux vaut environ une pistole l'once. (D. J.)

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