ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"552"> leurs pensées pour des révélations, & ce qui leur arrivoit pour des miracles.

Ces directeurs étant nourris de la méthode & des subtilités de la scholastique qui régnoit alors, ne manquerent pas de l'appliquer à l'oraison mentale, dont ils firent un art long & pénible, prétendant distinguer exactement les divers états d'oraison & les degrés du progrès dans la perfection chrétienne. Et comme c'étoit la mode depuis long tems de tourner toute l'Ecriture à des sens figurés, faute d'en entendre la lettre, ces docteurs y trouverent tout ce qu'ils voulurent; ainsi se forma la Théologie my stique que nous voyons dans les écrits de Rusbroc, de Taulere, & des auteurs semblables. A force de subtiliser, ils employoient souvent des expressions outrées, & avançoient des paradoxes auxquels il étoit difficile de donner un sens raisonnable. Ces excès produisirent les erreurs des faux Gnostiques, celles des Béguarres & des Béguines, & dans le dernier siecle, celle de Molinos & des Quiétistes. L'autre effet de la spiritualité outrée est le fanatisme, tel que celui de Grégoire Palamas & des moines grecs du mont Athos dans le quatorzieme siecle. La vraie oraison mentale doit être simple, solide, courte, & tendant directement à nous rendre meilleurs. (D. J.)

ORAL (Page 11:552)

ORAL, adj. (Gramm.) Dans l'usage ordinaire, oral veut dire qui s'expose de bouche ou de vive voix; & on l'emploie principalement pour marquer quelque chose de différent de ce qui est écrit: la tradition orale, la tradition écrite.

En Grammaire, c'est un adjectif qui sert à distinguer certains sons ou certaines articulations des autres élémens semblables.

Un son est oral, lorsque l'air qui en est la matiere sort entierement par l'ouverture de la bouche, sans qu'il en reflue rien par le nez: une articulation est orale, quand elle ne fait refluer par le nez aucune partie de l'air dont elle modifie le son. Tout son qui n'est point nasal est oral; c'est la même chose des articulations.

On appelle aussi voyelle ou consonne orale, toute lettre qui représente ou un son oral ou une articulation orale. Voyez Lettre, Voyelle, Nasal (B. E. R. M.)

Oral (Page 11:552)

Oral, s. m. terme de Liturgie; c'étoit un voile ou une coëffe que portoient autrefois les femmes religieuses. Le concile d'Arles de 1234 nomme oral, le voile qu'il ordonne aux Juives de porter quand elles vont par la ville; enfin aujourd'hui on appelle de ce nom une espece de grand voile que le pape met sur sa tête, qui se replie sur ses épaules & sur sa poitrine quand il dit la messe. (D. J.)

Orale, loi (Page 11:552)

Orale, loi, (Théolog. judaïq.) c'est la loi traditionnelle des Juifs, qui leur est parvenue, à ce qu'ils prétendent, de bouche en bouche jusqu'au rabbi Judas Haccadosh, c'est - à - dire le saint, qui vivoit quelque tems après Adrien, & qui écrivit cette loi dans le livre nommé la Misna. Voyez Misna.

On sait que les Juifs reconnoissent deux sortes de lois: la loi écrite, qui est celle que nous avons dans l'Ecriture; & la loi orale ou traditionnelle. Ils pensent que ces deux lois ont été données à Moïse sur le mont Sinaï, l'une par écrit, & l'autre de bouche; & que cette derniere a passé de main en main d'une génération à l'autre par le moyen de leurs anciens. Ils se croient obligés d'observer l'une & l'autre loi, mais sur tout la loi orale, qui, disent - ils, est une explication complette de la loi écrite, supplée tout ce qui y manque, & en leve toutes les difficultés. Mais ces traditions que les Juifs estiment tant, n'ont aucun fondement solide, aucune authenticité pour les garantir; elles ne sont en effet que la production de la fertile invention des Talmudistes, & n'offrent à l'esprit qu'un amas de miseres, de fables & d'inepties. Voyez Talmud. (D. J.)

ORAN (Page 11:552)

ORAN, (Géog.) forte & importante ville d'Afrique, sur la côte de Barbarie, au royaume de Trémécen, avec plusieurs forts & un excellent port. Le cardinal Ximenès prit cette ville au commencement du seizieme siecle. Les Algériens la reprirent en 1708. Le comte de Montemar s'en empara en 1732 pour l'Espagne. Elle est à un jet de pierre de la mer, partie dans une plaine, partie sur la pente d'une montagne fort escarpée, vis - à - vis de Carthagène, à une lieue de Marsalquivir, vingt de Trémécen, cinquante d'Alger. Long. 17. 40. lat. 37. 40. (D. J.)

ORANCAIES (Page 11:552)

ORANCAIES, (Hist. mod.) c'est le titre que l'on donne à la cour du roi d'Achem, dans l'île de Sumatra, à des gouverneurs que ce prince charge des départemens des provinces. Leur conduite est continuellement éclairée par ces souverains despotiques & soupçonneux, de peur qu'ils n'entreprennent quelque chose contre leurs intérêts. Ces seigneurs tiennent à grand honneur d'être chargés du soin des coqs du monarque qui, ainsi que ses sujets, s'amuse beaucoup des combats de ces sortes d'animaux.

ORANGE (Page 11:552)

ORANGE, (Diete, Médecine, &c.) c'est le fruit de l'oranger: voyez l'article Oranger. Les meilleures oranges, ou, pour parler avec les Poëtes, les pommes d'or du jardin des Hespérides, nous sont apportées des pays chauds, des îles d'Hières en Provence, de Nice, de la Cioutat, d'Italie, d'Espagne, de Portugal, de l'Amérique même, & de la Chine. On distingue deux especes générales de ce beau fruit: l'orange douce, & l'orange amere. Le suc, l'écorce, le sirop, l'essence, la teinture, la conserve, & l'eau distillée des fleurs, sont d'usage en Médecine.

Le suc d'orange humecte, rafraîchit, convient dans toutes sortes de fievres, sur - tout dans les fievres ardentes & putrides, dans toutes les maladies inflammatoires & bilieuses; c'est un vrai spécifique dans le scorbut alkalin & muriatique. Les autres préparations d'orange comme l'écorce, la teinture, la conserve, la fleur confite, &c. sont recommandables à toutes sortes d'âges aux personnes d'un tempérament flegmatique, dans les maladies des visceres lâches, dans celles qui naissent d'un suc visqueux ou de l'inertie des fibres musculaires.

L'écorce d'orange contient beaucoup d'huile essentielle & grossiere, mêlée avec un sel essentiel, tartareux & austere. L'écorce d'orange aigre est préférable à l'écorce d'orange douce. On donne l'huile essentielle de cette écorce distillée avec du sucre, ou sous la forme d'eleosaccharum. On tire aussi de cette même écorce seche ou fraîche, une teinture avec l'esprit - de - vin tartarisé que l'on recommande pour diviser les humeurs épaisses, exciter les regles, & fortifier l'estomac. On confit avec le sucre ces mêmes écorces, & c'est une confiture des plus délicates.

Le suc exprimé d'orange, délayé dans de l'eau & adouci avec le sucre, fait une boisson que l'on appelle communément orangeade. Elle est très - agréable en santé, propre dans les grandes chaleurs, & très utile dans la fievre & le scorbut.

La fleur d'orange contient un sel essentiel ammoniacal, un peu austere, uni à beaucoup d'huile aromatique, soit subtile soit grossiere. Cette fleur à cause de son odeur agréable est fort en usage, soit dans les parfums, soit dans les assaisonnemens. C'est presque cette seule odeur qui a pris le dessus parmi nous, sur celle de l'ambre & du musc.

On tire des fleurs d'orange, par la distillation, une eau pénétrante, suave, & utile par sa douce & agréable amertume. Elle calme pour le moment les mouvemens spasmodiques de l'hystérisme; si elle sent l'empyreume, elle perd cette odeur par la ge<pb-> [p. 553] lée & en prend une très - agréable. On fait encore avec ces fleurs des conserves différentes, soit solides soit molles, & des especes de tablettes qu'on peut mêler dans les médicamens, pour corriger leur goût desagréable.

On distille une eau des feuilles vertes d'orange qui est très - amere, & que quelques médecins recommandent aux personnes flegmatiques, & qui sont attaquées du scorbut acide.

L'huile essentielle de fleur d'orange est très - précieuse; celle que l'on vend ordinairement n'est guere autre chose que de l'huile de ben ou d'amandes ameres, à qui l'on a fait prendre l'odeur de la fleur d'orange.

La gourmandise n'a pas manqué d'adopter toutes les préparations agréables qu'on tire de l'orange. Les Confiseurs, les Distillateurs, les maîtres - d'hôtel des gens riches, les couvens même de religieuses, se sont emparés du soin de les faire, pour ne laisser à la Pharmacie que les préparations des drogues rebutantes à l'odeur & au goût. (D. J.)

Orange (Page 11:553)

Orange, (Géog.) ancienne ville de France, capitale d'une province de même nom, qui est éteinte, de sorte que la ville est unie au Dauphiné, avec un évêché suffragant d'Arles; elle a une espece d'université & plusieurs restes d'antiquité.

Elle a eu long - tems ses princes particuliers de la maison de Nassau; mais étant passée à Fréderic, roi de Prusse, après la mort du prince Guillaume qui fut couronné roi d'Angleterre en 1689, son fils Fréderic - Gaillaume la céda en 1713 à Louis XIV. avec tous ses droits sur la principauté: ce qui fut confirmé par le traité d'Utrecht.

Il s'y est tenu plusieurs conciles. Le plus sameux est celui de 527. Elle est dans une grande plaine, arrosée de petites rivieres, celle d'Argent & d'Eigues, à 5 lieues N. d'Avignon, 22 N. E. de Montpellier, 20 N. O. d'Aix, 41 S. de Lyon, 141 de Paris. Long. 22d. 25'. 53". lat. 44. 9. 17.

Orange nommée en latin arausio Cavarum, & par Pline colonia Secundanorum, est très - ancienne, car, au rapport de Ptolomée, c'étoit l'une des quatre villes des peuples Cavares. Elle a toûjours reconnu Arles pour sa métropole ecclésiastique. Elle a essuyé les mêmes révolutions que les autres villes qui en sont voisines, puisqu'après la chûte de l'empire romain en occident, elle tomba sous la domination des Bourguignons & des Goths, d'où elle vint au pouvoir des Francs Mérovingiens & Carlovingiens. Enfin elle obéit depuis le neuvieme siecle au roi de Bourgogne & d'Arles, dont le dernier fut Rodolphe le Lâche, qui mourut l'an 1032, & après lui ce royaume fut soumis aux empereurs allemands.

Elle a éprouvé sous Charles IX. par les mains de Serbellon, général des troupes du pape, toutes les cruautés des saccagemens les plus horribles; voyez ce qu'en rapporte Varillas, tom. I. p. 202. de Thou, l. XXXI. Beze, Hist. ecclésiastiq. l. XII. & vous frémirez d'horreur.

Il faut parler à - présent de l'arc de triomphe d'Orange, parce que de tous les monumens élevés par les Romains dans les Gaules, c'est un des plus dignes de l'attention des curieux, quoiqu'il soit impossible d'en donner une explication qui s'accorde bien avec l'Histoire. Nous n'avons point même de bon dessein de ce monument.

On en connoît trois dont l'un est très - peu exact & fort imparfait, c'est celui que Joseph de la Pise en a donné dans son histoire d'Orange; l'autre que nous avons dans le voyage de Spon, est encore plus imparfait, car ce n'en est qu'une très - légere esquisse; le troisieme est beaucoup meilleur & plus exact. On le trouve, dans la collection de dom Bernard de Montfaucon, gravé d'après celui qui avoit été fait sur les lieux par le sieur Mignard, parent du célebre peintre de ce nom; mais ce n'est qu'une partie du monument, car il n'en représente que la façade méridionale.

Ce monument, qui étoit autrefois renfermé dans l'ancienne enceinte d'Orange, se trouve aujourd'hui à cinq cens pas des murs de la ville, sur le grand chemin qui conduit à Saint - Paul - trois - Châteaux. Il forme trois arcs ou passages dont celui du milieu est le plus grand, & les deux des côtés sont égaux entre eux. L'édifice est d'ordre corinthien, & bâti de gros quartiers de pierre de taille. On y voit des colonnes très élevées, dont les chapiteaux sont d'un bon goût. La sculpture des archivoltes, des piédroits & des voûtes, est aussi très bien travaillée; il a dix toises d'élévation, & soixante piés dans sa longueur. Il forme quatre faces, sur chacune desquelles sont sculptées diverses figures en bas - reliefs; mais on n'y voit nulle part aucune inscription qui puisse nous en apprendre la dédicace.

Sur la façade septentrionale qui est la plus ancienne & la plus riche, on voit au - dessus des deux petits arcs des monceaux d'armes des anciens, tels que des épées, des boacliers dont quelques - uns sont de forme ovale, & les autres de forme hexagone, & sur plusieurs desquels on voit gravés en lettres capitales quelques noms romains; des enseignes militaires, les unes surmontées d'un dragon, & les autres d'un pourceau ou sanglier. Au - dessus de ces mêmes arcs, après les frises & les corniches, sont représentés des navires brisés, des ancres, des proues, des mâts, des cordages, des rames, des tridents, des bannieres ou ornemens de vaisseaux, connus sous le nom d'aplustra ou aplustria. Plus haut encore on voit au - dessus d'un de ces petits arcs, sculptés dans un quarré ou tableau, un aspergile, un préféricule ou vase de sacrifice, une patere, & enfin un lituus ou bâton augural. Au - dessus de l'autre petit arc paroît la figure d'un homme à cheval, armé de toutes pieces, sculptée de même dans un grand quarré. Entre ces deux tableaux est représentée une bataille, où sont très - bien marquées des figures de combattans à cheval, dont les uns combattent avec l'épée, & les autres avec la lance, de soldats morts ou mourans étendus sur le champ de bataille, des chevaux échappés ou abattus.

La façade méridionale est à - peu - près chargée des mêmes figures & ornemens qui sont placés dans les mêmes endroits; mais toute cette partie est aujourd'hui extrèmement dégradée.

Sur la façade orientale sont représentés des captifs, les mains attachées derriere le dos, placés deux à deux entre les colonnes & surmontés de trophées; au - dessus desquels est la figure d'un pourceau, ou d'un sanglier avec le labarum des Romains, élevé sur une haste & garni de franges autour. Sur la frise sont sculptés divers gladiateurs qui combattent; au - dessus de cette frise est un buste dont la tête est rayonnante, environnée d'étoiles; & de plus accompagnée d'une corne d'abondance de chaque côté. Les deux extrémités du timpan sous lequel est ce buste, soutiennent chacune une sirène.

La façade occidentale n'est chargée que de semblables figures de captifs & de trophées.

Quant à l'intérieur de ce monument, qui est surmonté d'une haute tour, ce qui l'a fait vulgairement appeller dans le pays la tour de l'arc, il est composé jusqu'au sommet de voûtes de pierre de taille les unes sur les autres, ornées de sculpture d'un travail admirable; on voit dans toutes des roses, & plusieurs autres fleurs en compartiment. Les murs sont ornés de colonnes. Tel est cet édifice, sur l'explication duquel on n'a formé que des conjectures; mais il faut voir dans le Recueil des Belles - Lettres le mémoire de M. Menard, tome XXVI. dont j'ai tiré

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