ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"361"> certitude d'une vraie théorie de l'homme; tout le monde convient de l'insuffisance d'un aveugle empipirisme; & quoiqu'on ne puisse pas se dissimuler combien les lois de l'economie animale mal interprétée, ont introduit d'erreurs dans la Médecine chim que, il reste encore un probleme, dont je ne hasarderai pas la décision; savoir, si une pratique réglée sur une mauvaise théorie est plus incertaine & plus pernicieuse que celle qu'aucune théorie ne dirige. Quoi qu'il en soit, les écueils qui se reneontrent en foule dans l'un & l'autre cas, les fautes également dangereuses, inévitables des deux côtés, font seulement sentir l'influence nécessaire de la théorie sur la pratique, & le besoin pressant qu'on a d'avoir sur ce point des principes bien constatés, & des régles dont l'application soit simple & invariable. Mais plus le système dès fonctions humaines est intéressant, plus il est compliqué, & plus il est difficile de le saisir; il semble que l'obscurité & l'incertitude soient l'apanage constant des connoissances les plus précieuses & les plus intéressantes: il se présente une raison fort naturelle de cet inconvénient dans le vif intérêt que nous prenons à de semblables questions, & qui nous porte à les examiner plus séverement, à les envisager de plusieurs côtés, plus les faces sous lesquelles on les apperçoit augmentent, & plus il est difficile d'en saisir exactement & d'en combiner comme il faut les différens rapports; & l'on observe communément que les écueils se multiplient à mesure qu'on fait des progrès dans les sciences, chaque découverte fait éclore de nouvelles difficultés; & ce n'est souvent qu'après des siecles entiers qu'on parvient à quelque chose de certain, lorsqu'il se trouve de ces hommes rares nés avec un génie vif & pénétrant, aux yeux per@ans desquels la nature est comme forcée de se dévoiler, & qui savent démêler le vrai du sein de l'erreur.

La connoissance exacte, sans être minutieuse, de la structure & de la situation des principaux viséeres, de la distribution des nerfs & des différens vaisseaux, le détail assez circonstancié, mais sur - tout la juste évaluation des phénomenes qui résultent de leur action & de leur mouvement; & enfin l'observation refléchie des changemens que produit dans ces effets l'action des causes mobifiques, sont les fon demens solides sur lesquels on doit établir la seience théorique de l'homme pour la conduire au plus haut point de certitude dont elle soit suseeptible; ce sont en même tems les différens points d'où doivent partir & auxquels doivent se rapporter les lois qu'on se propose d'établir. Ces notions préliminaires forment le sil nécessaire au médecin qui veut pénétrer dans le labvrinthe de l'oeconomie animale, & c'est en le suivant qu'il peut éviter de se perdre dans les routes détournées, remarquables par les égaremens des plus grands hommes. Il ne lui est pas moins essentiel & avantageux de connoître la source des erreurs de ceux qui l'ont précédé dans la recherche de l'oeconomie animale, c'est le moyen le plus assuré pour s'en garantir; on ne peut que louer le zèle de ceux qui ont entrepris un ouvrage si pénible, applaudir à leurs efforts, & leur avoir obligation du bien réel qu'ils ont apporté, en marquant par leur naufrage les écueils qu'il faut éviter; on parvient assez souvent à travers les erreurs, & après les avoir pour ainsi dire épuisées au sanctuaire de la vérité. Nous n'entrerons ici dans aucun détail anatomique, nous soupçonnons tous ces faits déja connus; ils sont d'ailleurs exposés aux articles particuliers d'Anatomie.

Il nous suffira de remarquer en général, que le corps humain est une machine de l'espece de celles qu'on appelle statico hydraulique, composée de solides & de fluides, dont les premiers élemens com<cb-> muns aux plantes & aux animaux sont des atomes vivans, ou molecules organiques: représentons nous l'assemblage merveilleux de ces molécules, tels que les observations anatomiques nous les font voir dans le corps de l'homme adulte, lorsque les solides ont quitté l'état muqueux pour prendre successivement une consistance plus ferme & plus proportionnée à l'usage de chaque partie: représentons nous tous les visceres bien disposés, les vaisseaux libres, ouverts, remplis d'une humeur appropriée, les nerfs distribués par tout le corps, & se communiquant de mille manieres; enfin toutes les parties dans l'etat le plus sain, mais sans vie; cette machine ainsi rormée ne differe de l'homme vivant que par le mouvement & le sentiment, phénomenes principaux de la vie vraissemblablement réductibles à un seul primitif; on y observe même avant que la vie commence, ou peu de tems après qu'elle a cessé, une propriété singuliere, la source du mouvement & du sentiment attachée à la nature organique des principes qui composent le corps, ou plutôt dépendante d'une union telle de ces molécules que Glisson a le premier découverte, & appellée irritabilité, & qui n'est, dans le vrai, qu'un mode de sensibilité. Voyez Sensibilité.

Dès que le souffle vivisiant de la divinité a animé cette machine, mis en jeu la sensibilité des différens organes, répandu le mouvement & le sentiment dans toutes les parties, ces deux propriétés diversement modifiées dans chaque viscere, se réproduisent sous un grand nombre de formes différentès, & donnent autant de vies particulieres dont l'ensemble, le concours, l'appui mutuel forment la vie générale de tout le corps; chaque partie annonce cet heureux changement par l'exercice de la fonction particuliere à laquelle elle est destinée; le coeur, les arteres & les veines, par une action singuliere, constante, jusqu'ici mal déterminée, produisent ce qu'on appelle la circulation du sang, entretiennent le mouvement progressif des humeurs, les présentent successivement à toutes les parties du corps; de - là suivent 1°. la natrition de ces parties par l'intus - susception des molécules analogues qui se moulent à leur type intérieur; 2°. la formation de la semence, extrait précieux du superflu des parties nutritives; 3°, les sécrétions des différentes humeurs que les organes appropriés sucent, extraient du sang, & per fectionnent dans les follicules par une action propre ou un simple sejour; 4°. de l'action spéciale, & encore inexpliquée de ces vaisseaux, mais constatée par bien des faits, viennent les circulations particulieres faites dans le foie, les voies hémorroïdales, la matrice dans certain tems, le poumon & le cerveau, & peut - être dans tous les autres visceres. Le mouvement alternatif de la poitrine & du poumon, attirant l'air dans les vésicules bronchiques, & l'en chassant successivement, fait la respiration, & contribue beaucoup au mouvement du cerveau suivant les observations de l'illustre de Lamure (mém. de l'acad. royale des Sc. annce 1739); l'action des nerfs appliquée aux museles de l'habitude du corps, donne lieu aux mouvemens nommés volontaires; les nerfs agissans aussi dans les organes des sens externes, l'oeil, l'oreille, le nez, la langue, la peau, excitent les sensations qu'on appelle vue, ouïe, odorat, goût, & toucher; le mouvement des fibres du cerveau (de concert avec l'opération de l'ame, & conséquemment aux loix de son union avec le corps), déterminent les sensations internes, les idées, l'imagination, le jugement & la mémoiie. Enfin, le sentiment produit dans chaque partie des appétits differens, plus ou moins marqués; l'estomac appete les alimens; le gosier, la boisson; les parties génitales, l'éjaculation de la semence; & enfin tous les vaisseaux sé<pb-> [p. 362] crétoires, l'excrétion de l'humeur séparée, &c. &c. &c. toutes ces fonctions se prêtent un appui mutuel; elles influent réciproquement les unes sur les autres, de façon que la lesion de l'une entraîne le dérangement de toutes les autres, plus ou moins promptement, suivant que sa symoathie est plus ou moins forte, avec telle ou telle partie; le désaccord d'un viscere fait une impression très - marquée sur les autres; le pouls, suivant les nouvelles observations de M Bordeu (recherch. sur le pouls par rapport aux crises), manifeste cette impression sur les organes de la circulation. L'exercice quelconque de ces fonctions, établit simplement la vie; la santé est formée par le même exercice, poussé au plus haut point de perfection & d'universalité; la maladie naît du moindre dérangement, morbus ex quocumque defectu. La mort n'est autre chose que son entiere cessation. Six causes principales essentielles à la durée de la vie, connues dans les écoles sous le nom des six choses non naturelles, savoir, l'air, le boire & le manger, le mouvement & le repos, le sommeil & la veille, les excrétions, & enfin les passions d'ames entretiennent par leur juste proportion cet accord réciproque, cette uniformité parfaite dans les fonctions qui fait la santé; elles deviennent aussi lorsqu'elles perdent cet équilibre les causes générales de maladie. L'action de ces causes est détaillee aux articles particuliers non naturelles (choses), air, mouvement, repos, boire, &c. Voyez ces mots.

On a divisé en trois classes toutes les fonctions du corps humain: la premiere classe comprend les fonctions appellées vitales, dont la nécessité, pour perpétuer la vie, paroît telle, que la vie ne peut subsister après leur cessation; elles en sont la cause la plus évidente, & le signe le plus assure. De ce nombre sont la circulation du sang, ou plutôt le mouvement du coeur & des arteres, la respiration; &, suivant quelques - uns, l'action inconnue & inapparente du cerveau. Les fonctions de la seconde classe sont connues sous le nom de naturelles; leur principal effet est la réparation des pertes que le corps a faites; on y range la digestion, la sanguification, la nutrition & les sécrétions, leur influence sur la vie est moins sensible que celle des fonctions vitales; la mort suit moins promptement la cessation de leur exercice. Elle est précédée d'un état pathologique plus ou moins long. Enfin, les fonctions animales forment la troisieme classe; elles sont ainsi appellées, parce qu'elles sont censées résulter du commerce de l'ame avec le corps; elles ne peuvent pas s'opérer (dans l'homme) sans l'opération commune de ces deux agens; tels sont les mouvemens nommés volontaires, les sensations externes & internes; le dérangement & la cessation même entiere de toutes les fonctions ne fait qu'altérer la santé, sans affecter la vie. On peut ajouter à ces fonctions celles qui sont particulieres à chaque sexe, & qui ne sont pas plus essentielles à la vie, dont la privation même n'est quelquefois pas contraire à la santé: dans cette classe sont comprises l'excrétion de la semencc, la génération, l'évacuation menstruelle, la grossesse, l'accouchement, &c. Toutes ces fonctions ne sont, comme nous l'avons dit, que des modifications particulieres, que le mouvement & le sentiment répandus dans toute la machine, ont éprouvées dans chaque organe, par rapport à sa structure, ses attaches & sa situation. L'ordre, le méchanisme, les loix & les phénomenes de chaque fonction en particulier, forment dans ce dictionnaire autant d'ar ticles séparés. Voyez les mots Circulation, Digestion, Nutrition, Respiration , &c. Tous ces détails ne sauroient entrer dans le plan général d'economie animale, qui ne doit rouler que sur les causes premieres du mouvement, considéré en grand & avant toute application (le sentiment n'est vraissemblablement que l'irritabilité animée par le mouvement); il y a tout lieu de croire qu'il en est du corps humain comme de toutes les autres machines dont l'art peut assembler, désunir, & appercevoir les plus petits ressorts; c'est un fait connu des moindres artistes, que dans les machines, même les plus composées, tout le mouvement roule & porte sur une piece principale par laquelle le mouvement a commencé, d'où il se distribue dans le reste de la machine, & produit différens effets dans chaque ressort particulier. Ce n'est que par la découverte d'un semblable ressort dans l'homme qu'on peut parvenir à connoître au juste & à déterminer exactement la maniere d'agir des causes générales de la vie, de la santé, de la maladie, & de la mort. Pour se former une idée juste de l'oeconomie animale, il faut nécessairoment remonter à une fonction primitive qui ait précédé toutes les autres, & qui les ait déterminées. La priorité de cette fonction a échappé aux lumieres de presque tous les observateurs; ils n'ont examiné qu'une fonction après l'autre, faisan: sans cesse un cercle vicieux, & oblique à tout moment, dans cette prétendue chaîne de fonctions, de transformer les causes en effets, & les effets en causes. Le defaut de cette connoissance est la principale source de leurs erreurs, & la vraie cause pour laquelle il n'y a eu pendant très - long - tems aucun ouvrage sur l'oeconomie animale dont le titre fût rempli, avant le fameux traité intitule, specimen novi medicinoe conspectûs, qui parut pour la premiere fois en 1749, & qui fut, bien - tôt après, réimprimé avec des angmentations très considérables en 1751.

En remontant aux premiers siecles de la Médecine, tems où cette science encore dans son berceau, étoit réduite à un aveugle empirisme, mêlé d'une bisarre superstition, produit trop ordinaire de l'ignorance; on ne voit aucune connoissance anatomique, pas une observation constatée, rédigée, réfléchie, aucune idée théorique sur l'homme; ce ne fut qu'environ la quarantieme olympiade, c'est - à - dire, vers le commencement du trente cinquieme siecle; que les Philosophes s'étant appliqués à la Médecine, ils y introduisirent le raisonnement, & établirent cette partie qu'on appelle physiologie, qui traite particulierement du corps humain dans l'état de santé, qui cherche à en expliquer les fonctions, d'après les faits anatomiques & par les principes de la Physique; mais ces deux sciences alors peu cultivées, mal connues, ne purent produire que des connoissances & des idées très - imparfaites & peu exactes: aussi ne voit on dans tous les écrits de ces anciens philosophes Médecins, que quelques idées vagues, isolées, qui avoient pris naissance de quelques faits particuliers mal évalués, mais qui n'avoient d'ailleurs aucune liaison ensemble & avec les découvertes anatomiques: Pythagore est, suivant Celse, le plus ancien philosophe qui se soit adonné à la théorie de la Médecine, dont il a en même tems négligé la pratique; il appliqua au corps humain les lois fameuses & obscures de l'harmonie, suivant lesquelles il croyoit tout l'univers dirigé; il prétendoit que la santé de même que la vettu, Dieu même, & en général tout bien, consistoit dans l'harmonie, mot qu'il a souvent employé & qu'il n'a jamais expliqué; peut être n'entendoit il autre chose par là qu'un rapport exact ou une juste proportion que toutes les parties & toutes les fonctions doivent avoir ensemble; idée très - belle, très juste, dont la vérité est aujourd'hui généralement reconnue; il est cependant plus vrassemblable que ce mot avoit une origine plus mystérieuse & fort analogue à sa doctrine sur la vertu des différens nombres. La maladie étoit, suivant lui, une suite naturelle d'un dé<pb->

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