ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"319"> de M. de Maupertuis où il en est question, a été aussi imprimée à Erlang en 1751 sous ce titre.

Pour faire une bonne physiologie, il saudroit d'abord l'histoire exacte & bien détaillée de toutes les fonctions du corps humain, de la maniere apparente extérieure dont elles s'exécutent, c'est - à - dire des phénomenes qui en sont le produit, & enfin des changemens qu'operent sur l'ordre successif de ces fonctions les causes naturelles de la durée de la vie. Voyez OEconomie animale & Physiologie. On ne peut obtenir cela que par une observation assidue, désintéressée & judicieuse de l'homme; ce plan a été suivi par l'illustre auteur du specimen medicinoe conspectus, de l'idée de l'homme physique & moral &c. qui n'a donné dans ces ouvrages un système très - naturel & très - ingénieux d'économie animale qu'après s'être long tems étudié & observé lui même & les autres, nous l'exposerons à l'article OEconomie animale. Ce fameux médecin pense que pour tirer un plus grand parti de l'observation, il faut déja avoir une espece de théorie, un point de vûe général qui serve de point de ralliement pour tous les faits que l'observation vient d'offrir; mais il est à craindre que cette théorie antérieure dont l'esprit est préoccupé, ne lui déguise les objets qui se présentent; elle ne peut être indifférente ou même utile qu'entre les mains d'un homme de génie, qui ne sait pas se prévenir, qui voit du même oeil les objets contraires à son système que ceux qui lui sont favorables, & qui est assez grand pour savoir sacrifier quand il le faut les idées les plus spécieuses à la simple vérité.

Nous rapportons aux observations physiologiques la séméiotique de la santé, ou la science des signes qui caractérisent cet état si désirable, & qui peuvent faire promettre qu'il sera constant & durable; pour déterminer exactement la valeur, la signification & la certitude de ces signes, il faut avoir fait un grand nombre d'observations: la séméiotique n'en est qu'un extrait digéré & rapproché.

Les observations hygiétiques trouvent aussi natutellement leur place ici, parce qu'elles nous apprennent ce que peut, pour maintenir la santé, l'usage réglé des six choses non naturelles. Cette connoissance, fruit d'une observation suivie, est proprement la Médecine, & ce n'est qu'en l'exerçant qu'on peut l'obtenir. Hippocrate la recommande beaucoup; il faut principalement, dit ce divin vieillard, s'appliquer à connoître l'homme dans ses rapports avec ce qu'il boit & ce qu'il mange, & les effets qui en résultent dans chaque individu: omni studio annitatur ut percipiat quid sit homo, collatione factà ad ea quoe eduntur & bibuntur, & quid à singulis cuique eventurum sit, lib. de veter. medicin. Ce n'est qu'après avoir rassemblé beaucoup d'observations qu'on a pu établir les différentes regles d'hygiéne, dont la principale, la plus fûre & la plus avantageuse est pour les personnes qui ont un tempérament assez robuste de n'en point observer. Voyez Diete, Hygiene, Régime . On trouvera des observations & des regles d'hygiene dans les ouvrages d'Hippocrate, de Galien & de Celse, dans l'école de Salerne: on peut consulter aussi deux traités du docteur Arbuthnot, l'un intitulé: an essay concerning the nature of aliments and the choice of them, according to the different constitutions of human bodies in which, &c. London. 1731; & l'autre a pour titre: practical rules of diet in the various constitutions and diseases of human bodies. London. 1732, &c.

Observations pathologiques ou pratiques. Ce sont les observations qui se font au lit des malades, & qui ont, ou doivent avoir pour objet, les causes de la maladie, les symptomes qui la caractérisent, la marche qu'elle fait, les bons ou mauvais effets qui re<cb-> sultent de l'administration des remedes, & ses différentes terminaisons; c'est cette espece d'observation, cultivée dans les tems les plus reculés, si bien & si utilement suivie par le grand Hippocrate, qui a été le fondement de la médecine chimique. Nous ne repéterons pas ce que nous avons dit plus haut sur les avantages de cette observation, & sur les qualités nécessaires à un bon observateur, voyez ce mot. Il ne nous reste plus qu'à donner un exposé des détails que doit embrasser une observation; nous l'extrairons encore des ouvrages d'Hippocrate, que nous ne pouvons nous lasser de citer, & de proposer pour modele sur - tout dans cette partie: ce n'est point une prévention ridicule pour les anciens, un mépris outré des modernes, ou un enthousiasme aveugle pour cet auteur qui nous conduit, c'est la simple vérité, c'est l'attrait puissant qui en est inseparable, & que sentent très - bien ceux qui ont lu & relu ses ecrits. On peut se former un plan très - instructif d'observations, en lisant celles qu'il rapporte dans ses épidémies, & sur - tout dans le premier & le troisieme livres qui ne sont point altérés, & que personne ne lui conteste. Mais il a soin d'avertir lui - même, avant d'entrer dans le récit circonstancié de ses observations, de la maniere dont il faut s'y prendre pour parvenir à la connoissance des maladies, & des points sur lesquels doit rouler l'observation: voici comme il s'exprime.

« Nous connoissons les maladies par leur nature commune, particuliere & individuelle; par la maladie présente; par le malade; par les cheses qui lui sont offertes, & même par celui qui offre (ce qui n'est pas toujours indifférent), par la constitution partiale ou totale des corps célestes, TWN RANIWN (& non pas simplement de l'air, comme l'a traduit le D. Freind), & du pays qu'il habite; par la coutume, le genre de vie, par les études; par l'âge de chacun; par les discours que tient le malade, ses moeurs, son silence, ses méditations, ses pensées, son sommeil, ses veilles, ses songes; par les inquiétudes, les démangeaisons, les larmes, les redoublemens, les déjections, les urines, les crachats, les vomissemens. Il faut aussi voir, continue cet illustre observateur, quelles sont les excrétions, & par quoi elles sont déterminées, KAI/ OSAI EK OIWN; quelles sont les vicissitudes des maladies, en quoi elles dégénerent; quels sont les abscès ou métastases nuisibles, quels sont les favorables; la sueur, les frissons, lè refroidissement, la toux, l'éternuement, le hoquet, l'haleine, les renvois, les vents chassés sans bruit, ou avec bruit: les hémorragies, les hémorhoïdes, doivent encore être mûrement examinées; il est enfin nécessaire de s'instruire de ce qui arrive de toutes ces choses, & de ce qui en est l'effet ». Morbor. vulgar. l. I. sect. iij. n°. 20. Telle est la table des objets que l'observateur doit recueillir aupres d'un malade. Il nous seroit facile de démontrer combien chaque article est important; mais ce détail nous meneroit trop loin: il n'est d'ailleurs point de médecins, qui ayant vu des malades & des maiadies, n'en sentent toute l'utilité. Les observations qui regardent les corps célestes, l'air, le pays, qui ont paru absolument indifférentes à plusieurs, ne laissent pas d'avoir beaucoup d'utilité, l'influence des astres n'étant plus regardée comme chimérique lorsqu'elle est restrainte dans des justes bornes, suffit pour constater les avantages des observations de la constitution des corps célestes, voyez Influence des astres, & plus bas, Observations météorologiques. On pourroit ajouter à l'exposition d'Hippocrate, les observations qui se font sur le pouls, & qu'on a de nos jours beaucoup cultivées, rendues plus justes & plus propres à éclairer la marche des maladies, que tous les autres signes, voyez Pouls. Parmi les observations [p. 320] de cette espece, celles qui sont les plus utiles, sont celles qu'on fait sur des maladies épidémiques, dans lesquelles, malgré quelque variété accidentelle, on voit toujours un caractere général; on observe le génie épidémique, même marche dans les symptomes, même succès des remedes, même terminaison, &c. Mais il faut sur - tout dans ces observations, bannir toute conjecture, tout raisonnement, tout fait étranger; il n'est pas même nécessaire de rapprocher les faits, de faire voir leur liaison; il suffit, après avoir exposé la constitution du tems, les saisons, les causes générales, de donner une liste & une notice des maladies qui ont regné, & d'entrer après cela dans le détail. Voyez les épidémies d'Hippocrate, de Baillou, de Sydenham. Les recherches des causes prochaines ne doivent jamais entrer dans les observations. Celse voudroit qu'on les bannît de l'art; il ne devroit pas permettre qu'on les laissât dans l'esprit des médecins: causis, dit - il, non ab artificis mente, sed ab arte rejectis. Elles sont toujours obscures, incertaines, & plus ou moins systématiques. Si un auteur a fait sur ses observations quelques remarques qu'il juge utiles, il peut en faire part à la fin & en peu de mots; ces petits corollaires, sans jetter de la confusion dans le cours d'une observation, font quelquefois naître des vûes avantageuses. Quoique les observations dénuées de raisonnement & d'application, paroissent stériles, sans sel & sans usage, elles sont, suivant l'expression de Baglivi, comme les lettres de l'alphabet qui, prises séparément, sont inutiles, & qui dès qu'elles sont rassemblées & diversement rapprochées, forment le vrai langage de la nature. Un avantage bien précieux qu'on peut & qu'on doit tirer des observations recueillies en grande quantité, c'est d'en extraire tout ce qu'on voit d'exactement semblable, de noter les particularités qui ont eu les mêmes signes, les excrétions qui ont eu les mêmes avant - coureurs: on peut former par ce moyen un code extrèmement in téressant, de sentences ou d'aphorismes vérifiés par une observation constante. C'est en suivant ce plan qu'Hippocrate a formé, par un travail immense & avec une sagacité infinie, tous ces ouvrages aphoristiques qui sont la base de la séméiotique, & qui font tant d'honneur au médecin qui en sait profiter: c'est en marchant sur ses traces qu'on peut procurer à l'art des richesses inaltérables & des fondemens assurés. Hippocrate apres avoir vu mourir plusieurs phrénétiques qui avoient eu des urines pâles, limpides, &c. il fit cet aphorisme: quibus phreneticis urina alba, limpida, mala, l. IV. aphor lxxij. L'observation de plusieurs fievres, qui ont été bientôt terminées lorsqu'il est survenu des convulsions, & qu'elles ont cessé le même jour, lui a fait dire: convulsio in febre orta, & eâdem die desinens, bona est, coac. proe. not. l. I. ch. iij. n°. 52. & ainsi des autres, par où l'on voit que chaque aphorisme, chaque prédiction est le résultat de plusieurs observations. Quelle quantité n'a - t - il pas été obligé d'en rassembler! Quand on lit ses ouvrages, & qu'on voit le génie & la travail qu'ils exigent, on a de la peine à croire qu'un seul homme y ait pu suffire.

La table que M. Cliffon a proposée, peut servir de modele à ceux qui s'appliquent à l'observation. Une société illustre qui travaille avec fruit aux progrès de notre art l'a adoptée; elle renferme six colonnes. Il met dans la premiere le sexe, l'âge, le tempérament, les occupations & le genre de vie du malade; dans la seconde, les jours de la maladie; dans la troisieme, les symptomes; dans la quatrieme, les jours du mois; dans la cinquieme, les remedes administrés; & dans la sixieme, la terminaison de la maladie. Il y auroit bien des remarques à faire sur la maniere dont il faut remplir chaque colonne; mais chaque observateur doit consulter là - dessus ses propres lumieres, & ce que nous avons dit dans le courant de cet article, que plus d'une raison nous force d'abréger: je remarquerai seulement qu'il me paroît qu'on devroit ajouter à la tête une colonne qui renfermât les observations météorologiques, l'état de l'air & du ciel pendant que cette maladie a eu son cours, & avant qu'elle se décidât: cette attention est sur tout nécessaire lorsqu'on décrit les maladies épidémiques. La seconde colonne dans la façon de vivre, comprendroit les causes éloignées, ou un détail des erreurs commises dans les six choses non - naturelles, s'il y en a eu. Enfin on pourroit y joindre une derniere colonne qui contînt les observations cadavériques; quoique nous ayons dit que ces observations n'avoient pas jetté jasqu'ici beaucoup de lumieres sur le diagnostic des maladies, je n'ai point pretendu décider une absolue inutilité; j'ai encore moins pensé qu'on ne pourioit jamais perfectionner ce genre d'observations, & le rendre plus utile: je serois bien volontiers de l'avis de ceux qui regardent comme très - avantageuse une loi qui ordonneroit que les cadavres ne sussent remis entre les mains des prêtres, qu'au sortir de celles des Anatomistes; la connoissance des maladies ne seroit même pas le seul bien qui en resulteroit. Les observations seroient infiniment plus utiles si chaque médecin s'appliquoit à suivre avec candeur, le plan que nous venons d'exposer, ou tel autre semblable; le lecteur se mettroit d'un coup d'oeil au fait des maladies. Et qu'on ne dise pas qu'il n'y a plus rien de nouveau à observer, & que les sujers d'observations sont épuisés; car 1°. il y a des maladies qui ne sont pas encore assez bien connues, telles que les maladies de la peau, du nez, des yeux, de la bouche, des oreilles, de l'estomac, du foie, des nerfs, &c. la goutte, la migraine, beaucoup de fievies, &c. Des observations bien suivies sur ces maladies seroient neuves, curieuses & importantes. Il nous manque encore des distinctions bien constatées des maladies nerveuses d'avec les humorales, des maladies meurables d'avec celles où l'art n'est pas absolument inutile; nous aurions aussi besoin des signes assurés, qui nous fissent connoître ces maladies dès le commencement. Nous ne sommes que tres - peu éclaires sur la valeur des signes qu'on tire des urines & des selles, & ce n'est que depuis peu de tems que de nouvelles observations ont perfectionné ceux que le pouls fournit; elles méritent & ont encore besoin d'être confirmées: nous ne finirions pas si nous voulions suivre tous les sujets nouveaux d'observations. Baglivi en indique quelques - uns, voyez les ouvrages excellens que nous avons de lui, Praxeos medic. l. II. ch. vij. Mais en second lieu, quand les observations qu'on feroit ne serviroient qu'a vérifier celles qui sont dejà faites, à leur donner plus de force, de poids & de célébrité, ne seroit - ce pas un grand avantage, & j'ose même dire plus grand que celui qu'on procureroit par des découvertes qui, quelqu'intéressantes qu'elles soient, ont toujours des contradicteurs dans les commencemens, & ensuite, qui pis est, des enthousiastes outrés? Quoique nous n'ayons pas beaucoup de médecins qui méritent le titre glorieux d'observateur, il y a cependant une assez grande quantité d'observations. Plusieurs médecins ont pris la peine d'en former des recueils, & nous leur avons obligation de nous avoir conservé & rassemblé des faits quelquefois intéressans, qui sans cette précaution, se seroient perdus, ou seroient restés épars çà & là, & par conséquent ignorés. La plûpart des auteurs de ces recueils se sont principalement attachés aux observations des faits merveilleux, qui nous montrent plutôt les écarts peu fréquens de la nature, que sa marche uniforme, & qui par - là sont bien moins uti<pb->

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