ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"288"> l'effort qui se fait à la surface extérieure de ces petits vaisseaux qui forme l'intérieur des grands, que l'on doit regarder comme étant la cause qui tend continuellement à détruire toute la consistance des solides, la lenteur du mouvement des humeurs dans les vaisseaux simples, concourt à opérer l'intus - susception des particules nourricieres qui s'oppose à cette destruction, en tant que la force d'attraction & de cohésion dont elles sont susceptibles d'éprouver les effets de la part des parois des serobicules ou cavités for ées par l'enlevement des particules élémentaires, l'emporte sur le peu de force d'impulsion qui leur reste pour être portées plus avant dans leurs propres vaisseaux, ou même la simple force de suction, semblable à celle des tubes capillaires ou des racines des plantes, peut suffire vraissemblablement pour conserver le cours des fluides contenus tant qu'ils restent sous cette forme.

Il n'y a d'ailleurs que les parties surabondantes du suc nourricier qui ne sont pas employées à leur destination, qui arrivent à l'extrémité des arteres nevro - lymphatiques, qui sont les véritables vaisseaux nourriciers, pour être reportées dans la masse des humeurs par les veines correspondantes, tandis que les particules enlevées des parois des grands vaisseaux sont entraînées dans le torrent de la circulation, où elles se mêlent au sang & aux autres humeurs, comme parties redevenues susceptibles d'entrer dans la composition des fluides du corps animal; mais d'une maniere qui les rend impropres à former de bonnes humeurs. La chaleur & le trottement qui la produit, dont elles ont éprouvé les effets, les ayant fait dégénérer, en leur faisant contracter une qualité lixivielle, qui ne les dispose qu'à se méler à la partie excrémenticielle de la masie des humeurs, avec laquelle elles ont le plus d'analogie, à être séparées de cette masse par les vaisseaux propres, à les attirer, à les recevoir, pour être rejettées hors du corps par les organes destinés à cet effet.

D'où il suit que les alimens ou les corps destinés à fournir la nourriture de l'animal, étant la plûpart sous forme solide, ne contribuent à leur destination, qu'après avoir passé sous forme fluide dans la masse des humeurs, par l'extrait qui se fait de la matiere alimentaire dans les premieres voies sous le nom de chyle, lequel est encore un assemblage grossier de parties hérérogenes, parmi lesquelles se trouvent la véritable matiere de la nutrition, qui ne se développe & n'est suffisamment préparée, atténuée, qu'après avoir souffert différentes élaborations, d'abord sous la forme de sang, ensuite sous celle de lymphe, qui se subtilise & s'evapore de plus en plus, en passant par différentes filieres de vaisseaux toujours plus petits & toujours moins composés, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à la derniere division des vaisseaux, qui sont ceux dans la composition desquels il n'entre que des fibres simples, élementaires, formèes par conséquent de particules plastîques, de la même nature que le fluide qu'ils contiennent, qui a toutes les qualités requises pour entrer dans la composition des fibres simples, dont sont formées toutes les parties solides, tous les organes, qui n'en sont que des aggrégés.

Ainsi l'extrait des alimens devenu un fluide, qui conserve cette forme pour passer en masse par différentes élaborations, redevient solide en détail, en parvenant à sa destination principale, qui est de nourrir le corps, en formant ou réparant ses parties solides, pour reprendre ensuite de nouveau sa fluidité, lorsqu'il ne forme plus que les débris de ces mêmes solides, dans la composition desquels il étoit entré par l'action de la vie, & dont il a été tiré par l'effet de cette même action: ensorte que par une admirable disposition de la machine humaine, le principe de la vie, qui est en même tems inevitablement un principe de destruction, prépare aussi & opere en même tems ce qui est nécessane pour corriger ce mauvais effet, & devient par ce moyen un principe de conservation, tant que l'état de santé se soutiont & entretient les d spositions necessaires pour ce principe, parce que ce n'est que du concours de toutes les tonctions, dont l'exercice est bien réglé & se fait bien naturellement, que résultent les conditions pour une bonne nutrition.

Voilà ce qui paroît pouvoir être dit de plus vraissemblable & de plus contorme, à ce que l'on connoît des opérations de loeconomie animale, relativement à l'organ sme & au mechanisme de la nutrition, qui, au reste, a toujours été regardée comme un des plus grands mysteres de la nature, & qui a conséquemment fourni matiere, ou au moins donné lieu aux hypotheles (en trop grand nombre, & dont l'exposition seroit trop longue, même en précis, pour ouver place ici), que les physiologistes ont proposées pour tenter de deviner le secret que la nature semble jusqu'à ptesent s'être réservé à cet égard: ensorte que les moyens dont elle se sert pour la conservation des individus, ne sont pas moins cachés, que ceux qu'elle emploie pour la conservation dé l'espece. Voyez Génération.

Les lumieres de la théorie ne peuvent donc qu'être extrèmement bornées, lorsqu'on est réduit à conjecturer sur les causes & les effets physiques qui se dérobent à nos sens, comme il en est de l'opération dont il s'agit: mais il est presqu'aussi avantageux d'avouer simplement notre ignorance à cet égard, & la difficulté de la dissiper, comme à l'égard de toutes les autres premieres causes physiques, telles que la gravitation, l'attraction, l'elasticité, &c. pour épargner des recherches, qui, après tout, sont fort inutiles, puisque les principes de ces objets étant bien co nus, n'en seroient pas plus susceptibles de modification de notre part, & que d'ailleurs il reste toujours impossible de porter jusqu'à la démonstration l'explication de pareils essets.

Tout ce qu'il y a de plus certain sur la nature de la matiere de la nutrition, & qu'il importe de savoir, c'est que toutes les parties solides des animaux, les os même comme les chairs, dont on fait la décoction dans la machine de Papin, se dissolvent entierement & se réduisent en un sue qui paroîr homogene, gélatineux & diaphane; d'où on peut conclure, que ce qui forme principalement le corps de l'animal, est ce qui résulte constamment & également de toures ses parties; que c'est par contéquent un fluide mucide qui fournit les élémens des fibres & les matériaux de tous les organes.

On observe que les premiers rudimens des animaux sont formés d'un suc lymphatique de la nature du blanc d'oeuf, & que les embryons mis dans de l'eau tiede, se liquéfient & se changent entierement en une matiere visqueuse, diaphane, d'où on peut infé er avec fondement que la matiere dont les animaux sont engendrés, sont formés originairement, doit aussi être conséquemment celle de leur nutrition.

Ainsi il paroît que l'on peut assurer que la partie mucilagineuse la plus fine des matieres destinées à notre nourriture, qui sont portées dans la masse des humeurs & qui y éprouvent différentes élaborations, est le véruable suc nourricier: c'est pour quoi l'on observe que dans les animaux robustes, vigoureux, le sang est fort chargé de partiés gélatineuses, & qu'au contraire il ne se trouve presque point de parties concrescibles dans le sang des animaux [p. 289] qui périssent par le défaut d'alimens ou par le marasme, qui provient de ce que le sang n'est pas propre à fournir le suc nourricier.

Ce n'est cependant pas la partie rouge du sang qui sert à la nutrition non plus que le chyle, dans lesquels il ne se trouve point de parties gélatineuses bien travaillées, bien développées. Ces fluides operent la réplétion des vaisseaux, réparent par conséquent la perte des fluides, qui se dissipent continuellement. Ils fournissent aussi plus ou moins les sucs huileux qui forment la graisse, qui contribuent par conséquent à augmenter le volume du corps; mais ils n'ont pas les qualités nécessaires pour nourrir immédiatement les parties qui les contiennent, pour entrer dans leur composition intime, & être changées en la propre substance de l'animal, en ce qui fait la matiere de ses parties solides, des fibres qui forment toute son organisation: ils sont trop grossiers pour pouvoir pénétrer dans les différentes divisions de filieres, par lesquelles cette matiere doit être filtrée, subtilisée avant d'être propre à remplir sa destination.

Il suit donc que puisque la véritable matiere de la nutrition est un suc gélatineux, les alimens qui contiennent le plus de matiere mucide, de cette matiere qui est regardée par un des plus ardens scrutateurs de la nature, le célebre Néedham, & par le savant auteur de l'histoire naturelle moderne, M. de Buffon, comme un composé de molécules organiques, sont les plus propres à réparer les pertes du corps animal, & à servir à sa conservation individuelle; au lieu que les matieres que l'on prend pour se nourrir, qui contiennent peu de suc gélatineux, ne fournissent que très - peu de suc nourricier, & sont par conséquent très - peu propres pour la nourriture: ainsi les chairs des jeunes animaux, comme les poulets, les agneaux, les veaux, celles des boeufs, des moutons, de la volaille; les oeufs, le lait, les extraits de ces différentes matieres alimentaires faits par décoction ou de toute autre maniere qui peut séparer en plus grande abondance les sucs gélatineux mucides des parties fibreuses terreuses qui les contiennent, comme une éponge chargée d'eau, & forment la partie inutile, inerte, non alimentaire; en un mot des corps dans la nature destinés à fournir la matiere de la nutrition, sont les substances les plus propres à fournir une bonne nourriture, à réparer le sang & les autres humeurs d'où se tire le suc nourricier; lorsqu'il s'est fait une grande déperdition de ces différentes humeurs par maladie ou par toute autre cause; c'est par le défaut de matiere mucide, gélatineuse, c'est - à - dire, par le peu qu'en contiennent les substances végétales, qu'elles sont très peu propres en général, excepté leurs semences, à fournir une bonne nourriture. Ce sont les plantes succulentes, à fleurs cruciformes, dont la partie mucide est la plus analogue à celle des animaux & abonde le plus, qui, de tous les végétaux sont employés avec le plus d'avantage pour fournir la matiere de la nutrition.

En recherchant plus particulierement la nature de cette matiere, il paroît qu'on doit la regarder comme homogene, & d'une qualité égale, similaire dans toutes les parties où elle est distribuée & mise en oeuvre pour sa destination; ensorte qu'elle ne differe dans ses effets, que par la figure, l'organisation même de la partie, à la nutrition de laquelle elle est employée. Cette qualité de la matiere nourriciere, Galien l'appelloit douce; ce qui ne signifie autre chose dans le sens d'Hippocrate, qu'une qualite tempérée, dans laquelle rien ne domine, rien n'est irritant, & pour ainsi dire, altérant. Cependant il paroît, selon les observations d'un savant physicien chimiste, M. Venel, professeur à Montpellier, que la plus grande partie des alimens, & les meilleurs, renferment dans leur substance nourriciere, une sorte de sel qu'il appelle microcosmique, c'est - à - dire, animal, qui venant à se développer à force d'élaborations dans les différens vaisseaux par où elle est filtrée, sert à aiguiser le suc nourricier parvenu dans les dernieres filieres de ses propres vaisseaux, & à donner de l'activité aux fibres élémentaires de l'organisation: ce qui peut contribuer beaucoup à différens phénomenes de l'économie animale. Voyez Sel, Animal, Irritabilité

Ne pourroit - on pas ajouter en passant, à l'occasion du sel animal dont il vient d'être fait mention comme propre à favoriser la faculté irritable des solides, que ce peut être aussi ce mixte qui, étant trop développé ou trop abondant, excite avec excès cette propriété des solides dans plusieurs maladies inflammatoires, dans les fievres lentes, hectiques, dans les cacochimies chaudes, rhumatismales, arthritiques, cause une crispation dans les vaisseaux nevro lymphatiques, qui ne permet plus la distribution du suc nourricier, le fait refluer dans la masse du sang où il fournit la matiere plastique, concrescible, qui forme la coëne que l'on voit souvent dans les maladies se former sur la surface du sang qui est tiré par la saignée, où il est si dominant dans la masse des humeurs, qu'il détruit la consistence, la viscosité nécessaire au suc nourricier, qui revient par - là trop fluxile & susceptible de se dissiper, en se mêlant à la sérosité excrémenticielle, qui for me la matiere de la transpiration & des urines, ou qui prend son cours quelquefois par la voie des selles, ou qui se répand sur la masse dans quelques cavités sans issue, d'où s'en suivent la maigreu, le desséchement, qui résultent presque toujours de ces évacuations ou de ces hydropisies colliquatives.

Ne peut - on pas dire encore que, comme la qualité mucilagineuse balsamique des humeurs dans les premiers tems de la vie (d'où par conséquent celle du suc nourricier) favorise l'accroissement, la qualité saline ammoniacale que contractent de plus en plus les humeurs à mesure qu'on avance en âge, érablissent peu à peu l'espece de cacochimie naturelle qui opere tous les mauvais effets de la vieillesse, pareils à ceux qui produisent la plûpart de° maladies dont on vient de parler, dont le principal effet est aussi de procurer, pour ainsi dire, une vieillesse anticipée?

Quoi qu'il en soit, de ces conjectures qui ne paroissent pas sans utilité, ni déplacées dans cet article, il reste au moins certain que le suc nourricier est de toutes les humeurs du corps humain, celle qui est la plus animale, puisqu'elle est la seule qui puisse se changer en la propre substance de l'animal, par l'analogie qu'elle a acquise avec les élémens qui le composent, par la qualité plastique que lui ont donnée les plus grandes élaborations qui puissent s'operer dans le corps animal, qui la font passer par le dernier degré d'atténuation, de coction possibles dans cette machine vivante, poûr la séparer de tout ce qui lui est étranger; mais de façon qu'à mesure u'elle acquiert la plus grande fluidité pour pénétrer dans les filieres les plus fines que l'on puisse concevoir, elle devient par sa nature mucilagineuse & par la lenteur de son mouvement de plus en plus disposée à la concrétion.

On a cru que le fluide des nerfs se mêle au suc nourricier, parce que toutes les grandes évacuations qui sont suivies de la maigreur, de l'exténuation, sont aussi accompagnées de beaucoup de foiblesse; mais 1°, la qualité des fluides dont il s'a<pb->

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