RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"196">
Les noms substantifs sont ceux qui désignent des
êtres qui ont ou qui peuvent avoir une existence
propre & indépendante de tout sujet, & que les Philosophes appellent des substances, comme Dieu, ange,
ame, animal, homme, César, plante, arbre, cerisier,
maison, ville, eau, riviere, mer, sable, pierre,
montagne, terre, &c. Voyez
Les noms abstraclifs sont ceux qui désignent des
êtres dont l'existence est dépendante de celle d'un
sujet en qui ils existent, & que l'esprit n'envisage en
soi, & comme jouissant d'une existence propre, qu'au
moyen de l'abstraction; ce qui fait que les Philosophes les appellent des êtres abstraits; comme tems,
éternité, mort, vertu, prudence, courage, combat, victoire,
couleur, figure, pensée, &c. Voyez
La premiere & la plus ordinaire division des noms
est celle des substantifs & des adjectifs. Mais j'ai déja
dit un mot (art.
II. Par rapport à la maniere dont l'esprit envisage la nature des êtres, on distingue les noms en appellatifs & en propres.
Les noms appellatifs sont ceux qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée d'une nature commune à plusieurs: tels sont homme, brute, animal, dont le premier convient à chacun des individus de l'espece humaine; le second, à chacun des individus de l'espece des brutes; & le troisieme, à chacun des individus de ces deux especes.
Les noms propres sont ceux qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée d'une nature individuelle: tels sont Louis, Paris, Meuse, dont le premier désigne la nature individuelle d'un seul homme; le second, celle d'une seule ville; & le troisieme, celle d'une seule riviere.
§. I. Il est essentiel de remarquer deux choses dans les noms appellatifs; je veux dire la compréhension de l'idée, & l'étendue de la signification.
Par la compréhension de l'idée, il faut entendre la totalité des idées partielles, qui constituent l'idée entiere de la nature commune indiquée par les noms appellatifs: par exemple, l'idée entiere de la nature humaine, qui est indiquée par le nom appeliatif homme, comprend les idées partielles de corps vivant & d'ame raisonnable; celles ci en renferment d'autres qui leur sont subordonnées, par exemple, l'idée d'ame raisonnable suppose les idées de substance, d'unité, d'intelligence, de volonté, &c. La totalité de ces idées partielles, paralleles ou subordonnées les unes aux autres, est la compréhension de l'idée de la nature commune exprimée par le nom appellatif homme.
Par l'étendue de la signification, on entend la totalité des individus en qui se trouve la nature commune indiquée par les noms appellatifs: par exemple, l'étendue de la signification du nom appellatif homme, comprend tous & chacun des individus de l'espece humaine, possibles ou réels, nés ou à naître; Adam, Eve, Assuérus, Esther, César, Calpurnie, Louis, Therese, Daphnis, Chloé, &c.
Sur quoi il faut observer qu'il n'existe réellement dans l'univers que des individus; que chaque individu a sa nature propre & incommunicable; & conséquemment qu'il n'existe point en effet de nature commune, telle qu'on l'envisage dans les noms appellatifs. C'est une idée factice que l'esprit humain compose en quelque sorte de toutes les idées des at<cb->
Ici se présente bien naturellement une objection, dont la solution peut répandre un grand jour sur la matiere dont il s'agit. Comme il n'existe que des êtres individuels & singuliers, & que les noms doivent présenter à l'esprit des êtres déterminés par l'idée de leur nature; il semble qu'il ne devroit y avoir dans les langues que des noms propres, pour déterminer les êtres par l'idée de leur nature individuelle: & nous voyons cependant qu'il y a au contraire plus de noms appellatifs que de propres. D'où vient cette contradiction? Est - elle réelle? N'est - elle qu'apparente?
1°. S'il falloit un nom propre à chacun des individus
réels ou abstraits qui composent l'univers physique
ou intellectuel; aucune intelligence créée ne
seroit capable, je ne dirai pas d'imaginer, mais seulement
de retenir la totalité des noms qui entreroient
dans cette nomenclature. Il ne faut qu'ouvrir les
yeux pour concevoir qu'il s'agit d'une infinité réelle,
qui ne peut être connue en detail que par celui
qui numerat multitudinem stellarum, & omnibus eis
2°. L'usage des noms propres suppose déja une connoissance des individus, sinon détaillée & approfondie, du moins très - positive, très - précise, & à la portée de ceux qui parlent, & de ceux à qui l'on parle. C'est pour cela que les individus que la société a intérêt de connoître, & qu'elle connoît plus particulierement, y sont communément désignés par des noms propres, comme les empires, les royaumes, les provinces, les régions, certaines montagnes, les rivieres, les hommes, &c. Si la distinction précise des individus est indifférente, on se contente de les désigner par des noms appellatifs; ainsi chaque grain de sable est un grain de sable, chaque perdrix [p. 197]
3°. Quoique nos véritables connoissances soient
essentiellement fondées sur des idées particulieres
& individuelles, elles supposent pourtant essentiellement
des vûes générales. Qu'est - ce que généraliser
une idée C'est la séparer par la pensée de toutes
les autres avec lesquelles elle se trouve associée
dans tel & tel individu, pour la considérer à part &
l'approfondir mieux (voyez
Or il y a deux moyens généraux de déterminer ainsi l'étendue de la signification des noms appellatifs.
Le premier de ces moyens porte sur ce qui a été dit plus haut, que la compréhension & l'étendue sont en raison inverse l'une de l'autre, & que l'étendue individuelle, la plus restrainte de toutes, suppose la compréhension la plus grande & la plus complexe. Il consiste donc à joindre avec l'idée générale du nom appellatif, une ou plusieurs autres idées, qui devenant avec celle - là parties élémentaires
Cette addition peut se faire, 1°. par un adjectif physique, comme, un homme savant, des hommes pieux, où l'on voit un sens plus restraint que si l'on disoit simplement un homme, des hommes: 2°. par une proposition incidente qui énonce un attribut sociable avec la nature commune énoncée par le nom appellatif; par exemple, un homme que l'ambition dévore, ou dévoré par l'ambition, des hommes que la patrie doit chérir.
Le second moyen ne regarde aucunement la compréhension de l'idée genérale, il consiste seulement à restraindre l'étendue de la signification du nom appellatif, par l'indication de quelque point de vûe qui ne peut convenir qu'à une partie des individus.
Cette indication peut se faire, 1°. par un adjectif métaphysique partitif qui désigneroit une partie indéterminée des individus, quelques hommes, certains hommes, plusieurs hommes: 2°. par un adjectif numérique qui désigneroit une quotité précise d'individus, un homme, deux hommes, mille hommes: 3°. par un adjectif possessif qui caractériseroit les individus par un rapport de dependance, meus ensis, tuus ensis, Evandrius ensis: 4°. par un adjectif démonstratif qui fixeroit les individus par un rapport d'indication précise, ce livre, cette semme, ces hommes: 5°. par un adjectif ordinal qui spécifieroit les individus par un rapport d'ordre, le second tome, chaque troisieme année: 6°. par l'addition d'un autre nom ou d'un pronom qui seroit le terme de quelque rapport, & qui seroit annoncé comme tel par les signes autorisés dans la syntaxe de chaque langue, la loi de Moïse en françois, lex Mosis en latin, thorath Mosché en hébreu, comme si l'on disoit en latin legis Moïses; chaque langue a ses idiotismes: 7°. par une proposition incidente, qui sous une forme plus développée rendroit quelqu'un de ces points de vûe, l'homme ou les hommes dont je vous ai parlé, l'épée que vous avez reçue du roi, le volume qui m'appartient, &c.
On peut même, pour déterminer entierement un
nom appellatif, réunir plusieurs des moyens que l'ou
vient d'indiquer. Que l'on dise, par exemple, j'ai
lû deux excellens ouvrages de Grammaire composés par
M. du Marsais; le nom appellatif ouvrages est déterminé
par l'adjectif numérique deux, par l'adjectif
physique excellens, par la relation objective que désignent
ces deux mots, de Grammaire, & par la relation
causative indiquée par ces autres mots, compoposés par M. du Marsais. C'est qu'il est possible qu'une
premiere idée déterminante. en restraignant la
signification du nom appellatif, la laisse encore dans
un état de généralité, quoique l'étendue n'en soit
plus fi grande. Ainsi excellens ouvrages, cette expression
présente une idée moins générale qu'ouvrages,
puisque les médiocres & les mauvais sont exclus;
mais cette idée est encore dans un état de généralité
susceptible de restriction: excellens ouvrages de
Grammaire, voilà une idée plus restrainte, puisque
l'exclusion est donnée aux ouvrages de Théologie,
de Jurisprudence, de Morale, de Mathématique,
&c. deux excellens ouvrages de Grammaire; cette idée
totale est encore plus déterminée, mais elle est encore
générale, malgré la précision numérique, qui
ne fixe que la quantité des individus sans en fixer le
choix; deux excellens ouvrages de Grammaire composés
par M. du Marsais, voici une plus grande détermination,
qui exclut ceux de Lancelot, de Sanctius, de
Scioppius, de Vossius, de l'abbé Girard, de l'abbé
d'Olivet, &c. La détermination pourroit devenir
plus grande, & même individuelle, en ajoutant
quelque autre idée à la compréhension, ou en restraignant
l'idée à quelque autre point de vûe.
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.