ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"155"> l'extrait, & le corps doux. Voyez Extrait, Chimie, & Doux, Chimie.

2°. Etre assurés qu'il existe évidemment deux especes de nitre naturel; savoir, le nitre parfait à base alcaline - tartareuse, ou salpêtre proprement dit, & le nitre à base terreuse, qui se retrouve dans l'eau mere des salpêtreries, sans compter le nitre cubique qui existe aussi naturellement dans quelques plantes. Tirer de cette verité, comme un corollaire manifeste, l'anéantissement de cette belle théorie, reçue de tous les chimistes modernes sur l'usage des cendres qu'ils supposent sournir une base saline, sans laquelle nul nitre parfait, & qui auroient bien dû, au moins, être employées en assez grande quantité, pour qu'il ne restât point d'eau - mere: car, pour rapprocher de cette conséquence les vérités d'où nous la déduisons, puisque les plantes dont les sucs, les matieres solubles par l'eau, putrescibles, soit par elles - mêmes, soit par le secours du ferment animal, & abondamment répandues dans les matrices communes du nitre; puisque ces plantes, dis - je, contiennent un nitre parfait, puisque le nitre de Houssage est un nitre parfait; enfin, puisque dans tout le bas Languedoc, & peut - être ailleurs, & peut - être à Paris même, (car la cendre du bois neuf qu'on brûle à Paris pourroit bien être peu alkaline) on fait du salpêtre parfait tout étant d'ailleurs égal, sans employer dans la fabrique un atome d'alkali; il se trouve que les Chimistes qui ont admis de la chaux dans le nitre, parce qu'on employoit la chaux à sa préparation dans les fabriques qu'ils connoissoient; & que ceux qui y admettroient du blanc d'oeuf, d'apres la manoeuvre de l'arsenal de Paris, où on en emploie à la clarification d'une des lessives; que les uns & les autres, dis je, diroient une chose aussi raisonnable que ceux qui connoissant les faits allégués, soutiendroient encore la prétendue imperfection du nitre crud, & son changement de base dans la fabrique. Ce n'est pas qu'il ne puisse y avoir du nitre crud, qui, en passant à - travers des cendres alkalines soit précipité, & prenne une base saline; mais il n'est pas prouvé que cela soit; il n'est pas sur que les Salpétriers de Mont pellier aient plus d'eau - mere que les Salpétriers de Paris.

3°. On peut encore conclure de tout cec, & lorsqu'on saura que indépendamment des Chimistes qui ont tiré le nitre de l'air, & de ceux qui l'ont regardé comme une substance propre au regne minéral, & de premiere création; de célebres Chimistes, un Sthal, se sont livrés à des spéculations embarrassées pour composer le nitre dans les matieres pourrifsantes par la combinaison de l'acide universel soit répandu dans la terre, soit attiré de l'air avec les matieres phlogistiques, sulphureo - pingues, existant en abondance dans les matieres putrescibles & dévelopées, attenuées, evolutoe, tenerius subactoe, par l'action même de la putréfaction, actu ipso putrefactorio, Stahl, opusculum. fragmenta quoedam ad. hist. nat. nitri, cap. iij. on pourra, dis - je, conclure des faits ci - dessus exposés, & de cet énoncé de la théorie de de Stahl, qui est la dominante aujourd'hui, que c'est véritablement ici où ces hommes, d'ailleurs tres habiles, se sont embarrassés dans les entraves qu'ils se sont eux - mêmes forgées. Et quand on saura encore que Glauber, antérieur à cette théorie imaginaire, a écrit clairement & positivement, contre son ordinaire, tout ce qui est vrai, tout ce qui est démontrable sur cette matiere, ou du moins qu'il ne reste, d'après la doctrine de cet auteur sur le nitre, qu'à étendre & perfectionner, on sera très - étonné que l'endroit saillant, le morceau le plus sublime, le plus philosophique de Glauber chimiste, en général très célebre, ait été si parfaitement oublié, que lorsque les chimistes les plus instruits, M. Baron, par exem<cb-> ple, parlent de la préexistence d'un nitre tout formé dans les plantes, ils appellent ce dogme le système de M. Lemery le fils, au - lieu de la doctrine de Glaubert; & qu'au contraire la partie honteuse de la chimie de Stahl, sa doctrine sur l'origine du nitre, & celle sur l'origine de l'alkali fixe, qui dans la bonne doctrine est essentiellement liée à la précédente, (Voyez Tartre, sel de , & Sel fixe), aient été généralement accueillies: car on peut assurer que ce très - grand Stalh a vraiment sommeillé sur ces deux objets, lui qui en a dévelopé avec tant de sagacité & de génie de bien plus cachés; & son autorité d'ailleurs si respectable, a tellement arrêté les progrès de la vétité, & masqué même celle que Glauber, dé Ressons, Lemery le fils, M. Bourdelin, &c. Voyez Mém. de l'ac. des Scienc. avoient dévoilée, que les dogmes des chimistes modernes sur l'origine du nitre sont devenus depuis quelque tems de plus en plus superficiels, vains, gratuits, &c. que sans contredit ce qui est contenu à ce sujet dans les nouvelles vérités de M. Justi, est marqué à ce coin, & plus encore la dissertation de M. le D. Pietsch, qui a remporté le prix de l'académie de Berlin, en 1749, & les pensées du même auteur sur la multiplication du nitre. J'ose assurer au contraire qu'un très - grand nombre d'expériences que j'ai faites dans le laboratoire de feu M. le duc d'Orléans, la plupart d'après les vues de Glauber, ont toutes concouru à établir la doctrine de ce chimiste; & promettre avec confiance d'après ce travail, que j'acheverai peut - être un jour, un systême complet & démontré sur toutes les sources du nitre, sur sa formation ou son abord, accessus, advencus, dans ses matrices ordinaires, & enfin sur les diverses manoeuvres employées dans sa fabrication. sur le prétendu amendement ou réanimation des terres déja lessivées, &c. protestant hautement que toutes ces manoeuvres sont la plupart vaines, mal entendues, ou au moins imparfaites; & que de touts les arts chimiques nul ne peut recevoir plus immédiarement que la fabrique du salpetre. des corrections & des perfectionemens prompts & utiles de la science.

4°. Enfin, il doit paroître singulier que les chimistes qui ont méconnu l'origine du nitre, & qui ont enfanté des hypothèses pour expliquer sa génération dans l'atmosphere, ou dans la terre, aient parfaitement négligé de s'occuper en même tems de la formation du sel commun, qui accompagne le nitre presque toujours. Cette soctété est toute simple dans le vrai systeme; les végétaux contiennent ces deux sels à peu - près dans la même proportion que celle dans laquelle on les retrouve dans les cuites.

Le salpetre le plus rafiné, le salpetre de la troisieme cuite, le salpetre le plus pur que fournissent les atteliers, n'est encore assez pur ni pour pouvoir en faire une analyse exacte, ni pour les travaux chimiques réguliers, ou pour les usages pharmaceutiques. On le purifie donc dans les laboratoires des chimistes, & dans les boutiques des apoticaires, dans la vue d'en séparer un peu de sel marin, & un reste d'eaumere, qu'on y trouve toujours mêlés. Pour cet effet, on dissout le nitre dans de l'eau commune, ou dans de l'eau distillée, si, pour certaines expériences très délicates on se propose l'exactitude la plus sévere; mais ordinairement dans de l'eau de riviere, ou de fontaine; on filtre la dissolution, & on la fait crystalliser, selon l'art, voyez Crystallisation. Par cette opération, le salpetre se sépare exactement du sel marin, parce que ces deux sels ne crystallisent pas dans le même tems; le nitre se présente seul dans les premieres crystallisations, parce qu'il est très dominant. On peut, lorsqu'après avoir séparé beaucoup de nitre, le sel marin & le nitre restant sont dans une proportion bien différente, faire bouillir [p. 156] la liqueur restante des premieres crystallisations, alors le sel marin, par la propriété qu'il a de crystalliser même dans l'eau bouillante, dès que la juste proportion de son eau de dissolution commence à lui manquer; le sel marin, dis - je, crystallise & abandonne la liqueur; & le nitre qui, par une propriété contraire, demeure suspendu dans une quantité d'eau beaucoup moins considérable que celle dont il a besoin pour être dissout à froid, pourvu que cette eau soit suffisamment chaude, le nitre, dis - je, reste suspendu, dissout par le moyen de l'ébullition. Il n'y a donc lorsqu'on estime que la plus grande partie du sel marin a crystallisé, qu'à retirer le vaisseau du feu, le laisser reposer un instant pour donner lieu à un peu de sel marin, qui pouvoit être balloté par le bouillonnement, de se déposer; & ensuite décanter la lessive dans un vaisseau convenable, dans lequel, pour empêcher la lessive de se figer en une seule masse, & la disposer à crystalliser régulierement, on versera en même tems une quantité convenable d'eau bouillante. La premiere partie de cette opération est absolument analogue à la manoeuvre, par laquelle on sépare le sel commun du salpetre dans le raffinage. Voyez ci - dessus.

Les crystaux de nitre sont des prismes qui paroissent hexaedres, lorsqu'on ne les considere que superficiellement; mais qu'on trouve octoedres, lorsqu'on les examine avec plus d'attention, attendu que deux des angles ne sont qu'apparens, sont coupés ou abattus en effet, & forment ainsi deux vrais côtés, mais beaucoup moins grands que les six autres. Ces crystaux adherent communément par une de leurs extrémités au corps sur lequel ils se sont formés, ou à un autre crystal, rarement sont - ils couchés sur l'un des côtés; l'extrémité de ces crystaux opposée à la base, ou le sommet, est tronqué obliquement; ils sont transparens, mais non pas parfaitement, ils paroissent formés intérieurement par une opposition peu exacte de couches ou lames; ils blanchissent d'ailleurs, quoique très peu à leur surface en séchant; ils sont quelquefois aussi gros, & plus longs que le petit doigt. Voyez les planches de Chimie.

Les autres caracteres extérieurs, ou qualités sensibles du nitre parfait, sont les suivantes: ce sel imprime à la langue une saveur légerement amere, accompagnée d'un sentiment de fraîcheur, ou froid très - remarquable; il fuse par le contact d'un charbon ardent; il détonne avec la plupart des matieres phlogistiques embrasées, ou en s'enflammant avec ces matieres, étant exposé à un feu léger dans un vaisseau convenable, il y prend la liquidité que Becher a appellée aqueuse, ou coule comme de l'eau, & à la faveur de son eau de crystallisation. Voyez Liquidité, Chimie.

De ces propriétés, la principale, celle qui est véritablement chimique, qui a exercé & qui a mérité d'exercer les Chimistes - physiciens, c'est la propriété de fuser ou de détonner par le contact de certaines matieres phlogistiques embrasées. Ce phénomene est composé de deux événemens distincts; savoir, l'inflammation & l'explosion, ou fulmination. Le premier dépend évidemment de la très - grande facilité avec laquelle l'acide nitreux se combine avec le phlogistique, & forme avec lui une matiere analogue au soufre vulgaire, ou, si l'on veut, une espece particuliere de soufre si éminemment inflammable, qu'il prend feu dès l'instant de sa formation, & même dans les vaisseaux fermés. C'est cette derniere circonstance qui rend le soufre nitreux incoercible, inramassable, tandis que les deux autres especes, le soufre vitriolique ou vulgaire, & le soufre marin ou microcosmique, c'est - à - dire, le phosphore, qui ne brûlent point sans le concours de l'air, se retiennent facilement lorsqu'on les compose dans les vaisseaux fermés. Voyez Soufre. L'analogie est d'ailleurs parfaite, absolue entre les produits respectifs de la combinaison du phlogistique avec chacun des trois acides minéraux, en admettant l'identité supposée à cet égard, entre l'acide marin, & l'acide microcosmique. Quant à l'explosion, elle se déduit d'une maniere démontrable de l'expansion soudaine & violente de l'eau de crystallisation du nitre. La prodigieuse force explosive de la poudre à canon ne dépend que de ce principe. L'action de fuser n'est qu'un moindre degré de détonnation.

Le nitre détonne avec toutes les substances phlogistiques embrasées. qui laissent échaper du phlogistique, lorsqu'elles sont dans l'état d'embrasement; telles que toutes les matieres végétales, animales & minérales, réductibles & actuellement réduites en état de charbon, avec le soufre commun, & apparemment avec le phosphore, avec toutes les substances métalliques, excepté les métaux parfaits & le mercure; car ces dernieres ne laissent pas leur phlogistique dans l'état d'embrasement. Il y a ici encore une singularité remarquable, c'est que le cuivre & le plomb étant mis avec le nitre dans l'état d'ignition, lâchent leur phlogistique, ou se calcinent; voyez Calcination; & que le nitre perd son acide, ce qui est l'effet propre de la détonnation du nitre, avec les substances métalliques; mais dans les deux cas dont nous parlons, cet effet a lieu sans détonnation, & sans déflagration ou flamme sensible. Si quelque chimiste se propose jamais de retenir du soufre artificiel nitreux, il paroît raisonnable d'employer à sa préparation le cuivre ou le plomb.

D'ailleurs, dans cette opération, le nitre perd donc, comme nous l'avons déja insinué, un de ses principes, son acide. Son autre principe plus fixe & inaltéré reste. Les Chimistes l'appellent nitre fixe ou fixé. Il y a une seule substance, le soufre, qui en même tems qu'elle donne du phlogistique au principe acide du nitre, agit aussi par son propre acide sur la base du nitre. Dans cette détonnation, l'acide du nitre est en partie dissipé sous la forme de soufre nitreux enflammé, & détruit par cette inflammation, & en partie chassé sous la forme de vapeur acide nitreuse, simplement dégagée par l'action précipitante, ou le plus grand rapport de l'acide du soufre, avec la base alkaline du nitre. Il résulte de cette nouvelle combinaison un nouveau sel neutre, qui est un vrai tartre vitriolé, & qui est connu dans l'art, sous le nom de sel polychreste de Glaser, & sous les noms très - impropres de nitre soufré, sulfuratum, & de nitre fixé par le soufre. Si c'est de l'antimoine crud qu'on emploie au lieu du soufre, le résidu ou le produit fixe de cette opération est encore le même sel, parce que c'est principalement par son soufre que l'antimoine agit alors, mais ce produit a un autre nom; il est appellé, & encore très - improprement, nitre antimonié. Voyez Tartre vitriolé, & Sel.

Il est encore à observer que la base du nitre détonné avec des substances métalliques, s'anime ou devient caustique, comme quand les alkalis fixes quelconques sont convenablement traités dans cette vûe avec la chaux vive. Voyez Chaux, Pierre a cautere, Savon .

Si on exécute toutes ces détonnations dans les vaisseaux fermés, au moyen d'une cornue de fer tubulée, au bec de laquelle on a adapté une file de balons, voyez les Planches de Chimie, on retient divers produits volatils, connus dans l'art sous le nom de clissi. Voyez Clissus.

Les flux simples & ordinaires, employés dans les travaux de la Docimastique, sont principalement formés de la base du nitre, fixé ou décomposé par sa détonnation avec le tartre. Voyez Flux & Tartre.

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