ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"53"> Barthelemi à Henri VII. roi d'Angleterre. Ce prince lui avoit tout accordé, mais Colomb ne le sut qu'après avoir fait sa découverte; & il n'étoit plus tems pour les Anglois d'en profiter; cependant le penchant que le roi avoit montré pour encourager les entreprises de cette nature ne fut pas tout - à - fait sans effet. Jean Cabot, venitien & habile marin, qui avoit demeuré pendant quelques années à Londres, saisit cette occasion. Il offrit ses services pour la découverte d'un passage aux Indes du côté du nordouest. Il obtint des lettres - patentes datées de la onzieme année du regne d'Henri VII. qui l'autorisoient à découvrir des pays inconnus, à les conquérir & à s'y établir, sans parler de plusieurs autres privileges qui lui furent accordés, à cette condition seule qu'il reviendroit avec son vaisseau dans le port de Bristol.

Il fit voile de ce portau printems de l'année suivante 1497 avec un vaisseau de guerre & trois ou quatre petits navires frettés par des marchands de cette ville, & chargés de toutes sortes d'habillemens, en cas de quelque découverte. Le 24 Juin, à 5 heures du matin, il apperçut la terre, qu'il appella par cette raison Prinia Vista, ce qui faisoit partie de Terre - neuve. Il trouva en arriere une île plus petite, à laquelle il donna le nom de S. Jean; & il ramena avec lui trois sauvages, & une cargaison qui rendit un bon profit. Il fut fait chevalier & largement récompensé. Comme il monta en ce voyage jusqu'à la hauteur du cap Floride, on lui attribue la premiere découverte de l'Amérique septentrionale; c'est du - moins sur ce fait que les rois de la grande Bretagne fondent leur prétention sur la souveraineté de ce pays, qu'ils ont depuis soutenue si efficacement pour leur gloire & pour les intérêts de la nation. C'est ainsi qu'il paroît que les Anglois doivent l'origine de leurs plantations & de leur commerce en Amérique à un simple plan de la découverte du passage du nord - ouest aux Indes.

Mais il faut parler de quelques - uns de leurs propres navigateurs. Il y en a quatre sur - tout, qui sont célebres, Drake, Rawleigh, Forbisher & le lord Anson.

Drake (François), l'un des plus grands hommes de mer de son siecle, né proche de Tavistock en Devonshire, fut mis par son pere en apprentissage auprès d'un maître de navire, qui lui laissa son vaisseau en mourant. Drake le vendit en 1567 pour servir sur la flotte du capitaine Hawkins en Amérique. Il partit en 1577 pour faire le tour du monde qu'il acheva en trois ans, & ramena plusieurs vaisseaux espagnols richement chargés. Il se signala par un grand nombre d'autres belles actions, fut fait chevalier, vice - amiral d'Angleterre, prit sur l'Espagne plusieurs villes en Amérique, & mourut sur mer en allant à Porto - Bello le 28 Janvier 1596.

Forbisher (Martin), natif de Yorkshire, n'est guere moins fameux. Il fut chargé en 1576, par la reine Elisabeth, d'aller à la découverte d'un détroit qu'on croyoit être entre les mers du nord & del Zur, & qui devoit servir à passer par le nord de l'occident en orient; il trouva en effet un détroit dans le 63 degré de latitude, & on appella ce détroit Forbisher Streight. Les habitans de ce lieu avoient la couleur basanée, des cheveux noirs, le visage applati, le nez écrasé, & pour vêtement des peaux de veaux marins. Le froid ayant empêché Forbisher d'aller plus avant, il revint en Angleterre rendre compte de sa découverte. Il tenta deux ans après le même voyage, & éprouva les mêmes obstacles des montagnes de glace & de neige: mais sa valeur intrépide en différens combats contre les Espagnols le fit créer chevalier en 1588. Il mourut à Plimouth d'un coup de mousquet qu'il reçut en 1594 au siege du fort de Grodon en Bretagne, que les Espagnols occupoient alors.

Rawleigh (Walter) naquit en Devonshire d'une famille ancienne, & devint par son mérite amiral d'Angleterre; ses actions, ses ouvrages & sa mort tragique ont immortalisé son nom dans l'histoire.

Doué des graces de la figure, du talent de la parole, d'un esprit supérieur, & d'un courage intrépide, il eut la plus grande part aux expéditions de mer du regne de la reine Elisabeth. Il introduisit la premiere colonie angloise dans Mocosa en Amérique, & donna à ce pays le nom de Virginie en l'honneur de la reine sa souveraine. Elle le choisit en 1592 pour commander une flotte de quinze vaisseaux de guerre, afin d'agir contre les Espagnols en Amérique, & il leur enleva une caraque estimée deux millions de livres sterlings. En 1595, il fit une descente dans l'île de la Trinité, emmena prisonnier le gouverneur du pays, brûla Comona dans la nouvelle Andalousie, & rapporta de son voyage quelques statues d'or, dont il fit présent à sa souveraine. En 1597, il partit avec la flotte commandée par le comte d'Essex pour enlever les galions d'Espagne; mais le comte d'Essex, jaloux de Rawleigh, lui ordonna de l'attendre à l'île de Fayal; il le fit & s'en empara.

Après le couronnement de Jacques I. en 1603, il fut envoyé à la tour de Londres sur des accusations qu'on lui intenta d'avoir eu dessein d'établir sur le trône Arbelle Stuard, dame issue du sang royal. Il composa pendant sa prison, qui dura treize ans, son histoire du monde, dont la premiere partie parut en 1614. Ayant obtenu sa liberté en 1616, il se mit en mer avec douze vaisseaux pour attaquer les Espagnols sur les côtes de la Guyane; mais son entreprise n'ayant pas réussi, il fut condamné à mort à la poursuite de l'ambassadeur d'Espagne, qui pouvoit tout sur l'esprit foible de Jacques I. Rawleigh eut la tête tranchée dans la place de Westminster le 29 Octobre 1718, âgé de 76 ans.

Anson (George), aujourd'hui le lord Anson, fut en 1739 déclaré commodore ou chef d'escadre, pour faire avec cinq vaisseaux une irruption dans le Pérou par la mer du sud; il cotoya le pays inculte des Patagons, entra dans le détroit de le Maire, & franchit plus de cent degrés de latitude en moins de cinq mois. Sa petite frégate de huit canons, nommée le Triat, l'épreuve, fut le premier navire de cette espece qui osa doubler le cap Horn: elle s'empara depuis dans la mer du sud d'un bâtiment espagnol de 600 tonneaux, dont l'équipage ne pouvoit comprendre comment il avoit été pris par une barque venue de Londres dans l'Océan pacifique.

En doublant le cap Horn, des tempêtes extraordinaires disperserent les vaisseaux de George Anson, & le scorbut fit périr la moitié de l'équipage. Cependant s'étant reposé dans l'île deserte de Fernandez, il avança jusque vers la ligne équinoxiale, & prit la ville de Paita; mais n'ayant plus que deux vaisseaux, il réduisit ses entreprises à tâcher de se saisir du galion immense, que le Méxique envoie tous les ans dans les mers de la Chine à l'île de Manille.

Pour cet effet, George Anson traversa l'Océan pacifique & tous les climats opposés à l'Afrique entre notre tropique & l'équateur. Le scorbut n'abandonna point l'équipage sur ces mers, & l'un des vaisseaux du commodore faisant eau de tous côtés, il se vit obligé de le brûler au milieu de la mer; n'ayant plus de toute son escadre qu'un seul vaisseau délabré, nommé le Centurion, & ne portant que des malades, il relâche dans l'île de Tinian, à Macao, pour radouber ce seul vaisseau qui lui reste.

A peine l'eut - il mis en état, qu'il découvre le 9 [p. 54] Juin 1743 le vaisseau espagnol tant desiré; alors il l'attaque avec des forces plus que de moitié inférieures, mais ses manoeuvres savantes lui donnerent la victoire. Il entre vainqueur dans Canton avec cette riche proie, refusant en même tems de payer à l'empereur de la Chine des impôts que doivent tous les navires étrangers; il prétendoit qu'un vaisseau de guerre n'en devoit pas: sa conduite ferme en imposa: le gouverneur de Canton lui donna une audience, à laquelle il fut conduit à travers deux haies de soldats au nombre de dix mille. Au sortir de cette audience, il mit à la voile pour retourner dans sa patrie par les îles de la Sonde & par le cap de Bonne - Espérance. Ayant ainsi fait le tour du monde en victorieux, il aborde en Angleterre le 4 Juin 1744, après un voyage de trois ans & demi.

Arrivé dans sa patrie, il fit porter à Londres en triomphe sur 32 chariots, au son des tambours & des trompettes, & aux acclamations de la multitude, les richesses qu'il avoit conquises. Ses différentes prises se montoient en or & en argent à dix millions monnoie de France, qui furent le prix du commodore, de ses officiers, des matelots & des soldats, sans que le roi entrât en partage du fruit de leurs fatigues & de leur valeur. Il fit plus, il créa Georges Anson pair de la grande Bretagne, & dans la nouvelle guerre contre la France il l'a nommé chef de l'amirauté. C'est dans ce haut poste, récompense de son mérite, qu'il dirige encore les expéditions, la gloire & les succès des forces navales d'Angleterre. (Le Chevalier de Jaucourt)

NAVIGATION (Page 11:54)

NAVIGATION, s. f. (Hydrographie.) c'est l'art ou l'action de naviguer ou de conduire un navire d'un lieu dans un autre par le chemin le plus sûr, le plus court & le plus commode. Voyez Navire, &c.

Cet art, dans le sens le plus étendu qu'on puisse donner au mot qui l'exprime, comprend trois parties; 1°. l'art de construire, de bâtir les vaisseaux, voyez Construction; 2°. l'art de les charger, voyez Lest & Arrimage; 3°. l'art de les conduire sur la mer, qui est l'art de la Navigation proprement dit.

Dans ce dernier sens limité, la Navigation est commune ou propre.

La Navigation commune, autrement appellée Navigation le long des côtes, est celle qui se fait d'un port dans un autre su ué sur la même côte ou sur une côte voisine, pourvu que le vaisseau s'éloigne presqu'entierement de la vûe des côtes & ne trouve plus de fond. Voyez Cabotage.

Dans cette navigation il suffit d'avoir un peu de connoissance des terres, du compas, & de la ligne avec laquelle les marins sondent. Voyez Compas, Sonde, &c.

Navigation propre se dit quand le voyage est long & se fait en plein Océan.

Dans ces voyages, outre les choses qui sont nécessaires dans la Navigation commune, il faut encore des cartes réduites de Mercator, des compas d'azimuth & d'amplitude, un lock, & d'autres instrumens nécessaires pour les observations astronomiques, comme quart de cercle, quartier anglois. Voyez chacun de ces instrumens en son lieu, Carte, Quart de cercle , &c.

Tout l'art de la Navigation roule sur quatre choses, dont deux étant connues, les deux autres sont connues aisément par les tables, les échelles & les cartes.

Ces quatre choses sont la différence en latitude, la différence en longitude, la distance ou le chemin parcouru, & le rhumb de vent sous lequel on court.

Les latitudes se peuvent aisément déterminer, & avec une exactitude suffisante. Voyez Latitude.

Le chemin parcouru s'estime par le moyen du lock. Voyez Lock.

Ce qui manque le plus à la perfection de la Navigation, c'est de savoir déterminer la longitude. Les Géometres se sont appliqués de tous les tems à résoudre ce grand problème, mais jusqu'à - présent leurs efforts n'ont pas eu beaucoup de succès, malgré les magnifiques récompenses promises par divers princes & par divers états à celui qui le résoudroit.

Si on veut connoître les différentes méthodes dont on se sert aujourd'hui en mer pour trouver la longitude, on les trouvera au mot Longitude. Chambers. (O)

Les Poëtes attribuent à Neptune l'invention de l'art de naviguer; d'autres l'attribuent à Bacchus, d'autres à Hercule, d'autres à Jason, d'autres à Janus, qu'on dit avoir eu le premier un vaisseau. Les Historiens attribuent cet art aux Eginetes, aux Phéniciens, aux Tyriens, & aux anciens habitans de la Grande - Bretagne. L'Ecriture attribue l'origine d'une si utile invention à Dieu même, qui en donna le premier modele dans l'arche qu'il fit bâtir par Noé. En effet, ce patriarche paroît dans l'Ecriture avoir construit l'arche sur les conseils de Dieu même: les hommes étoient alors non - seulement ignorans dans l'art de naviguer, mais même persuadés que cet art étoit impossible. Voyez Arche.

Cependant les Historiens nous représentent les Phéniciens, & particulierement les habitans de Tyr, comme les premiers navigateurs; ils furent, dit - on, obliges d'avoir recours au commerce avec les étrangers, parce qu'ils ne possédoient le long des côtes qu'un terrein stérile & de peu d'étendue; de plus, ils y furent engagés, parce qu'ils avoient deux ou trois excellens ports; enfin ils y furent poussés par leur génie, qui étoit naturellement tourné au commerce.

Le mont Liban & d'autres montagnes voisines leur fournissoient d'excellens bois pour la construction des vaisseaux; en peu de tems ils se virent maîtres d'une flotte nombreuse, en état de soutenir des voyages réitérés; augmentant par ce moyen leur commerce de jour en jour, leur pays devint en peu de tems extraordinairement riche & peuplé, au point qu'ils furent obligés d'envoyer des colonies en différens endroits, principalement à Carthage. Cette derniere ville conservant le goût des Phéniciens pour le commerce, devient bientôt non seulement égale, mais supérieure à Tyr. Elle envoyoit ses flottes par les colonnes d'Hercule ( aujourd'hui le détroit de Gibraltar) le long des côtes occidentales de l'Europe & de l'Afrique; & même, si on en croit quelques auteurs, jusque dans l'Amérique même, dont la découverte a fait tant d'honneur à l'Espagne plusieurs siecles après.

La ville de Tyr, dont les richesses & le pouvoir immense sont tant célébrés dans les auteurs sacrés & prophanes, ayant été détruite par Alexandre le Grand, sa navigation & son commerce furent transférés par le vainqueur à Alexandrie, ville que ce prince avoit bâtie, admirablement située pour le commerce maritime, & dont Alexandre vouloit faire la capitale de l'empire de l'Asie qu'il méditoit. C'est ce qui donna naissance à la navigation des Egyptiens, rendue si florissante par les Polemées; elle a fait oublier celle de Tyr & même celle de Carthage. Cette derniere ville fut détruite après avoir longtems disputé l'empire avec les Romains.

L'Egypte ayant été réduite en province romaine après la bataille d'Actium, son commerce & sa navigation commença à dépendre d'Auguste; Alexandrie fut pour lors inférieure à Rome seulement: les

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