ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"830"> des attaques, afin d'avoir toute l'étendue nécessaire pour placer les batteries sur le prolongement des faces des pieces attaquées.

X. Eviter avec soin d'attaquer par des lieux serrés, comme aussi par des angles rentrans, qui donneroient lieu à l'ennemi de croiser ses feux sur les attaques.

On attaque ordinairement les places du côté le plus foible: mais il n'est pas toûjours aisé de le remarquer. On a beau reconnoître une place de jour & de nuit, on ne voit pas ce qu'elle renferme: il faut donc tâcher d'en être instruit par quelqu'un à qui elle soit parfaitement connue. Il ne faut rien négliger pour prendre à cet égard tous les éclaircissemens possibles.

Il n'y a point de place qui n'ait son fort & son foible; à moins qu'elle ne soit réguliere & située au milieu d'une plaine, qui n'avantage en rien une partie plus que l'autre; telle qu'est le Neuf - Brisach. En ce cas il n'est plus question d'en résoudre les attaques que par rapport aux commodités; c'est - à - dire, par le côté le plus à portée du quartier du roi, du parc d'artillerie, & des lieux les plus propres à tirer des fascines, des gabions, &c. Comme il se trouve peu de places fortifiées régulierement, la diversité de leur fortification & du terrein sur lequel elles sont situées demande autant de différentes observations particulieres pour leur attaque.

Si la fortification d'une place a quelque côté sur un rocher de 25, 30, 40, 50, ou 60 piés de haut, que ce rocher soit sain & bien escarpé, nous la dirons inaccessible par ce côté; si ce rocher bat auprès d'une riviere d'eau courante ou dormante, ce sera encore pis: si quelque côté en plein terrein est bordé par une riviere qui ne soit pas guéable, & qui ne puisse être détournée; que cette riviere soit bordée du côté de la place d'une bonne fortification capable d'en défendre le passage; on pourra la dire inattaquable par ce côté: si son cours est accompagné de prairies basses & marécageuses en tout tems, elle le sera encore davantage.

Si la place est environnée en partie d'eau & de marais, qui ne se puissent déssecher, & en partie accessible par des terreins secs qui bordent ces marais; que ces avenues soient bien fortifiées, & qu'il y ait des pieces dans le marais qui ne soient pas abordables, & qui puissent voir de revers les attaques du terrein ferme qui les joint; ce ne doit pas être un lieu avantageux aux attaques, à cause de ces pieces inaccessibles, parce qu'il faut pouvoir embrasser ce que l'on attaque. Si la place est toute environnée de terres basses & de marais, comme il s'en trouve aux Pays - bas, & qu'elle ne soit abordable que par des chaussées; il faut, 1°. considérer si on ne peut point dessécher les marais, s'il n'y a point de tems dans l'année où ils se dessechent d'eux - mêmes, & en quelle saison; en un mot, si on ne peut pas les faire écouler & les mettre à sec.

2°. Si les chaussées sont droites ou tortues, enfilées en tout ou en partie de la place, & de quelle étendue est la partie qui ne l'est pas, & à quelle distance de la place; quelle en est la largeur, & si l'on peut y tournoyer une tranchée en la défilant.

3°. Si on peut asseoir des batteries au - dessus ou à côté sur quelque terrein moins bas que les autres, qui puissent croiser sur les parties attaquées de la place.

4°. Voir si les chaussées sont si fort enfilées qu'il n'y ait point de transversales un peu considérables, qui fassent front à la place d'assez près; & s'il n'y a point quelqu'endroit qui puisse faire un couvert considérable contre elle, en relevant une partie de leur épaisseur sur l'autre, & à quelle distance de la place elles se trouvent.

5°. Si des chaussées voisines l'une de l'autre aboutissent à la place, se joignent, & en quel endroit; & si étant occupées par les attaques, elles se peuvent entre - secourir par des vûes de canon croisées, ou de revers sur les pieces attaquées.

6°. De quelle nature est le rempart de la place & de ses dehors: si elle a des chemins couverts, si les chaussées qui les abordent y sont jointes; & s'il n'y a point quelqu'avant - fossé plein d'eau courante ou dormante qui les sépare. Où cela se rencontre, nous concluons qu'il ne faut jamais attaquer par - là, pour peu qu'il y ait d'apparence d'approcher de la place par ailleurs, parce qu'on est presque toujours enfilé & continuellement écharpé du canon, sans moyen de s'en pouvoir défendre, ni de s'en rendre maître, ni embrasser les parties attaquées de la place.

A l'égard de la plaine; il faut 1°. examiner par où on peut embrasser les fronts de l'attaque; parce que ceux - là sont toûjours à préférer aux autres.

2°. La quantité de pieces à prendre avant de pouvoir attirer au corps de la place, leur qualité, & celle du terrein sur lequel elles sont situées.

3°. Si la place est bastionnée & revêtue.

4°. Si la fortification est réguliere ou à peu près équivalente.

5°. Si elle est couverte par quantité de dehors, quels & combien; parce qu'il faut s'attendre à autant d'affaires qu'il y aura de pieces à prendre.

6°. Si les chemins couverts sont bien faits, contreminés & pallissadés; si les glacis en sont roides, & non commandés des pieces supérieures de la place.

7°. S'il y a des avant - fossés, & de quelle nature.

8°. Si les fossés sont revêtus & profonds, secs ou pleins d'eau, & de quelle profondeur: si elle est dormante ou courante, & s'il y a des écluses, & la pente qu'il y peut avoir de l'entrée de l'eau à leur sortie.

9°. S'ils sont secs & quelle en est la profondeur, & si les bords en sont bas & non revêtus; au reste on doit compter que les plus mauvais de tous sont les fossés pleins d'eau quand elle est dormante.

Les fossés qui sont secs, profonds & revêtus sont bons: mais les meilleurs sont ceux qui étant secs, peuvent être inondés, quand on le veut d'une grosse eau courante ou dormante: par ce qu'on peut les défendre secs, & ensuite les inonder, & y exciter des torrens qui en rendent le trajet impossible. Tels sont les fossés de Valenciennes du côté du Quesnoy, qui sont secs, mais dans lesquels on peut mettre telle quantité d'eau dormante ou courante qu'on voudra, sans qu'on le puisse empêcher. Tels sont encore les fossés de Landau, place moderne, dont le mérite n'est pas encore bien connu.

Les places qui ont de tels fossés avec des réservoirs d'eau qu'on ne peut ôter, sont très - difficiles à forcer, quand ceux qui les défendent, savent en faire usage.

Les fossés revêtus, dès qu'ils ont 10, 12, 15, 20 & 25 piés de profondeur, sont aussi fort bons; par ce que les bombes ni le canon ne peuvent rien contre ces revêtemens, & que l'on n'y peut entrer que par les descentes, c'est - à - dire, en défilant un à un, ou deux à deux au plus: ce qui est sujet à bien des inconvéniens; car on vous chicane par différentes sorties sur votre passage & vos logemens de mineurs: ce qui cause beaucoup de retardement & de perte, outre que quand il s'agit d'une attaque, on ne la peut soûtenir que foiblement; parce qu'il faut que tout passe par un trou ou deux, & toûjours en défilant avec beaucoup d'incommodité.

Il faut encore examiner si les fossés sont taillés dans le roc, si ce roc est continué & dur; car s'il est dur & mal aisé à miner, vous serez obligé de combler ces fossés jusqu'au rez du chemin couvert pour faire votre passage; ce qui est un long travail & difficile, sur - tout si le fossé est profond: car ces manoeuvres demandent beaucoup d'ordre & de tems, pendant le<pb-> [p. 831] quel l'ennemi qui songe à se défendre, vous fait beaucoup souffrir par ses chicanes. Il détourne les matériaux, arrache les fascines, y met le feu, vous inquiee par ses sorties, & par le feu de son canon, de ses bombes & de sa mousqueterie, contre lequel vous êtes obligé de prendre de grandes précautions; par ce qu'un grand feu de près est fort dangereux: c'est pourquoi il faut de nécessité l'éteindre par un plus grand, & bien disposé.

Après s'être instruit de la qualité des fortifications de la place que l'on doit attaquer, il en faut examiner les accès, & voir si quelque rideau, chemin creux ou inégalité du terrein, peut favoriser vos approches & vous épargner quelque bout de tranchée; s'il n'y a point de commandement qui puisse vous servir; si le terrein par où se doivent conduire les attaques est doux & aisé à renverser; s'il est dur & mêlé de pierres, cailloux & roquailles, ou de roches pelées, dans lequel on ne puisse que peu ou point s'enfoncer.

Toutes ces différences sont considérables; car si c'est un terrein aisé à manier, il sera facile d'y faire de bonnes tranchées en peu de tems, & on y court bien moins de risque. S'il est mêlé de pierres & de cailloux, il sera beaucoup plus difficile, & les éclats de canon y seront dangereux.

Si c'est un roc dur & pelé, dans lequel on ne puisse s'enfoncer, il faut compter d'y apporter toutes les terres & matériaux dont on aura besoin; de faire les trois quarts de la tranchée de fascines & de gabions, même de ballots de bourre & de laine, ce qui produit un long & mauvais travail, qui n'est jamais à l'épreuve du canon, & rarement du mousquet, & dont on ne vient à bout qu'avec du tems, du péril & beaucoup de dépense; c'est pourquoi il faut éviter tant que l'on peut, d'attaquer par de telles avenues.

Choix d'un front de place en terrein égal le plus favorable pour l'attaque. Il faut examiner & compter le nombre des pieces à prendre; car celui qui en aura le moins ou de plus mauvaises, doit être considéré comme le plus foible, si la qualité des fosiés ne s'y oppose point.

Il y a beaucoup de places situées sur des rivieres qui n'en occupent que l'un des côtés, ou si elles occupent l'autre, ce n'est que par des petits forts, ou des dehors peu considérables, avec lesquels on communique par un pont, ou par des bateaux au défaut de pont. Tel étoit autrefois Stenay, & tels sont encore Sedan, Mézieres, Charlemont, & Namur, sur la Meuse; Mets & Thionville, sur la Moselle; Huningue, Strasbourg & Philisbourg, sur le Rhin, & plusieurs autres.

Où cela se rencontre, il est plus avantageux d'attaquer le long des rivieres, au - dessus ou au - dessous, appuyant la droite ou la gauche sur un de leurs bords, & poussant une autre tranchée vis - à - vis, le long de l'autre bord, tendant à se rendre maître de ce dehors; ou bien on peut occuper une situation propre à placer des batteries de revers, sur le côté opposé aux grandes attaques.

Comme les batteries de cette petite attaque peuvent aussi voir le pont servant de communication de la place à ce dehors, les grandes attaques de leur côté en pourroient faire autant; moyennant quoi il seroit difficile que la place y pût communiquer longtems; d'où s'ensuivroit que pour peu que ce dehors fût pressé, l'ennemi l'abandonneroit, ou n'y feroit pas grande résistance, principalement s'il est petit, & peu contenant: mais ce ne seroit pas la même chose, si c'étoit une partie de la ville, ou quelque grand dehors, à peu près de la capacité de Wick, qui fait partie de la ville de Mastrick: tout cela mérite bien d'être démêlé, & qu'on y fasse de bonnes & sérieuses réflexions; car il est certain qu'on en peut tirer de grands avantages.

Après cela il faut encore avoir égard aux rivieres & ruisseaux qui traversent la ville, & aux marais & prairies qui accompagnent leur cours; car quand les terreins propres aux attaques aboutissent contre, ou les avoisinent de près, soit par la droite ou par la gauche, cela donne moyen, en prolongeant les places d'armes jusque sur les bords, de barrer les sorties de ce côté - là, & de mettre toute la cavalerie ensemble sur le côté des attaques qui n'est point favorisé de cet avantage; ce qui est un avantage considérable, parce que la cavalerie se trouvant en état de se pouvoir porter tout ensemble à l'action, elle doit produire un plus grand effet que quand elle est séparée en deux parties l'une de l'autre.

Outre ce que l'on vient de dire, il est bon encore de commander journellement un piquet de cavalerie & de dragons, dans les quartiers plus voisins des attaques, pour les pousser de ce côté - là, s'il arrivoit quelque sortie extraordinaire qui bouleversât la tranchée.

Pour conclusion, on doit toûjours chercher le foible des places, & les attaquer par - là par préférence aux autres endroits, à moins que quelque considération extraordinaire n'oblige d'en user autrement. Quand on a bien reconnu la place, on doit faire un petit recueil de ces remarques avec un plan, & le proposer au général & à celui qui commande l'artillerie, avec qui on doit agir de concert, & convenir après cela du nombre des attaques qu'on peut faire: cela dépend de la force de l'armée & de l'abondance des munitions.

Je ne crois pas qu'il soit avantageux de faire de fausses attaques, parce que l'ennemi s'appercevant de la fausseté des le troisieme ou quatrieme tour de la tranchée, il n'en fait plus de cas, & les méprise; ainsi c'est de la fatigue & de la dépense inutile.

L'on ne doit point faire non plus d'attaques séparées, à moins que la garnison ne soit très - foible, ou l'armée très - forte, parce qu'elles vous obligent à monter aussi fort à une seule qu à toutes les deux, & que la séparation les rend plus foibles & plus difficiles à servir.

Mais les attaques les meilleures & les plus faciles, sont les attaques doubles qui sont liées, parce qu'elles peuvent s'entre - secourir: elles sont plus aisées à servir, se concertent mieux & plus facilement pour tout ce qu'elles entreprennent, & ne laissent pas de faire diversion des forces de la garnison.

Il n'y a donc que dans certains cas extraordinaires & nécessités, pour lesquels je pourrois être d'avis de n'en faire qu'une, qui sont quand les fronts attaqués sont si étroits qu'il n'y a pas assez d'espace pour pouvoir développer deux attaques.

Il faut encore faire entrer dans la reconnoissance des places, celle des couverts pour l'établissement du petit parc, d'un petit hôpital, & d'un champ de bataille pour l'assemblée des troupes qui doivent monter à la tranchée, & des endroits les plus propres à placer les gardes de cavalerie.

Le petit parc se place en quelque lieu couvert, à la queue des tranchées de chaque attaque: il doit être garni d'une certaine quantité de poudre, de balles, grenades, meches, pierres - à - fusil, serpes, haches, blindes, martelets, outils, &c. pour les cas survenans & pressans, afin qu'on n'ait pas la peine de les aller chercher au grand pare quand on en a besoin.

Près de lui se range le petit hôpital, c'est - à - dire, les Chirurgiens & Aumôniers, avec des tentes, paillasses, matelats, & des remedes pour les premiers appareils des blessures. Outre cela, chaque bataillon mene avec soi ses Aumôniers, Chirurgiens majors, les Fraters, qui ne doivent point quitter la queue de leurs troupes.

A l'égard du champ de bataille pour l'assemblée

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