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ATHEISME, s. m. (Métaphysiq.) c'est l'opinion de ceux qui nient l'existence d'un Dieu auteur du monde. Ainsi la simple ignorance de Dieu ne feroit pas l'athéisme. Pour être chargé du titre odieux d'atheisme, il faut avoir la notion de Dieu, & la rejetter. L'état de doute n'est pas non plus l'athéisme formel: mais il s'en approche ou s'en éloigne, à proportion du nombre des doutes, ou de la maniere de les envisager. On n'est donc fondé à traiter d'athées que ceux qui déclaront ouvertement qu'ils ont pris parti sur le dogme de l'existence de Dieu, & qu'ils soutiennent la négative. Cette remarque est très - importante, parce que quantité de grands hommes, tant anciens que modernes, ont fort legerement été taxés d'athéisme, soit pour avoir attaqué les faux dieux, soit pour avoir rejetté certains argumens foibles, qui ne concluent point pour l'existence du vrai Dieu. D'ailleurs il y a peu de gens, qui pensent toûjours conséquemment, surtout quand il s'agit d'un sujet aussi abstrait & aussi composé que l'est l'idée de la cause de toutes choses, ou le gonvernement du monde. On ne peut regarder comme véritable athée que celui qui rejette l'idée d'une intelligence qui gouverne avec un certain dessein. Quelque idée qu'il se fasse de cette intelligence; la supposât - il matérielle, limitée à certains égards, &c. tout cela n'est point encore l'athéisme. L'athéisme ne se borne pas à défigurer l'idée de Dieu, mais il la detruit entierement.
J'ai ajoûté ces mots, auteur du monde, parce qu'il ne suffit pas d'adopter dans son système le mot de Dieu, pour n'être pas athée. Les Epicuriens parloient des dieux, ils en reconnoissoient un grand nombre; & cependant ils étoient vraiement athées, parce qu'ils ne donnoient à ces dieux aucune part à l'origine & à la conservation du monde, & qu'ils les reléguoient dans une mollesse de vie oisive & indolente. Il en est de même du Spinosisme, dans lequel l'usage du mot de Dieu n'empêche point que ce système n'en exclue la notion.
L'athéisme est fort ancien; selon les apparences, il
y a eu des athées avant Démocrite & Leucippe, puisque
Platon (de Legib. pag. 888. edit. Serr.) dit en parlant
aux athées de son tems.
L'on trouve diverses especes d'athéismes chez les
anciens. Les principales sont l'éternité du monde, l'atomisine ou le concours sortuit, l'hylopathianisme, &
l'hylozoisme, qu'il faut ch>rcher sous leurs titres particuliers
dans ce Dictionnaire. Il faut remarquer que
l'éternité du monde n'est une espece d'athéisme que
dans le sens auquel Aristote & ses sectateurs l'établissoient,
car ce n'est pas être athée que de croire le
monde co - éternel à Dieu, & de le regarder comme
un effet inséparable de sa cause. Pour l'éternité de la
matiere, je n'ai garde de la ranger parmi les systèmes
des athées. Ils l'ont tous soutem>e à la vérité;
mais des Philosophes théistes l'ont pareillement admise,
& l'époque du dogme de la création n'est pas
bien assurée. Voyez
1°. C'est à l'athée à prouver que la notion de Dieu
est contradictoire, & qu'il est impossible qu'un tel
être existe; quand même nous ne pourrions pas démontrer
la possibilité de l'être souverainement parfait,
nous serions en droit de demander à l'athée les
preuves du contraire; car étant persuadés avec raison
que cette idée ne renferme point de contradiction,
c'est à lui à nous montrer le contraire; c'est le
devoir de celui qui nie d'alléguer ses raisons. Ainsi
tout le poids du travail retombe sur l'athée; & celui
qui admet un Dieu, peut tranquillement y acquiescer,
laissant à son antagoniste le soin d'en démontrer
la contradiction. Or, ajoûtons - nous, c'est ce dont il
ne viendra jamais à bout. En effet, l'assemblage de
toutes les réalités, de toutes les perfections dans un
seul être, >e renferme point de contradiction, il est
donc possible; & dès - là qu'il est possible, ce> être
doit nécessairement exister, l'existence étant comprise
parmi ces réalités: mais il faut renvoyer à l'article
2°. Bien loin d'éviter les difficultés, en rejettant la notion d'un Dieu, l'athée s'engage dans des hypotheses mille fois plus difficiles à recevoir. Voici en peu de mots ce que l'athée est obligé d'admettre. Suivant son hypothese, le monde existe par lui - même, il est indépendant de tout autre être; & il n'y a rien dans ce monde visible qui ait sa raison hors du monde. Les parties de ce tout & le tout lui - même ren<pb-> [p. 816]
3°. L'athée ne sauroit éviter les absurdités du progrès à l'infini. Il y a un progrès qu'on appelle rectiligne, & un progrès qu'on appelle circulaire. Suivant le premier, en remontant de l'effet à la cause, & de cette cause à une autre, comme de l'oeuf à la poule, & de la poule à l'oeuf, on ne trouve jamais le bout; & cette chaîne d'êtres visiblement contingens, forme un tout nécessaire, éternel, infini. L'impossibilité d'une telle supposition est si manifeste, que les philosophes payens l'avoient abandonnée, pour se retrancher dans le progrès circulaire. Celui - ci consiste dans certaines révolutions périodiques extrèmement longues, au bout desquelles les mêmes choses se retrouvent à la même place; & l'état de l'univers est précisément tel qu'il étoit au même moment de la période précédente. J'ai déja écrit une infinité de fois ce que j'écris à présent, & je l'écrirai encore une infinité de fois dans la suite des révolutions éternelles de l'univers. Mais la même absurdité qui détruit le progrès rectiligne, revient ici contre le progrès circulaire. Comme dans le premier cas on cherche inutilement, tantôt dans l'oeuf, tantôt dans la poule, sans jamais s'arrêter, la raison suffisante de cette chaîne d'êtres; de même dans celui - ci une révolution est liée à l'autre: mais on ne voit point comment une révolution produit l'autre, & quel est le principe de cette succession infinie. Que l'on mette des millions d'années pour les révolutions universelles, ou desjours, des heures, des minutes, pour l'existence de petits insectes éphémeres, dont l'un produit l'autre sans fin, c'est la même chose; ce sont toûjours des effets enchaînés les uns aux autres, sans qu'on puisse assigner une cause, un principe, une raison suffisante qui les explique.
4°. On peut aussi attaquer l'athéisme par ses conséquences, qui, en sappant la religion, renversent
Je conviens que les idées de l'honnête & du deshonnête subsistent avec l'athéisme. Ces idées étant dans le fonds & dans l'essence de la nature humaine, l'athee ne sauroit les rejetter. Il ne peut méconnoître la différence morale des actions; parce que quand même il n'y auroit point de divinité, les actions qui tendent à détériorer notre corps & notre ame seroient toûjours également contraires aux obligations naturelles. La vertu purement philosophique, qu'on ne sauroit lui refuser, en tant qu'il peut se conformer aux obligations naturelles, dont il trouve l'empreinte dans sa nature; cette vertu, dis - je, a très - peu de force, & ne sauroit guere tenir contre les motifs de la crainte, de l'intéret & des passions. Pour résister, sur - tout lorsqu'il en coûte d'être vertueux, il faut être rempli de l'idee d'un Dieu, qui voit tout, & qui conduit tout. L'athéisme ne sournit rien, & se trouve sans ressource; dès que la vertu est malheureuse, il est réduit à l'exclamation de Brutus: Vertu, stérile vertu, de quoi m'as - tu servi? Au contraire, celui qui croit fortement qu'il y a un Dieu, que ce Dieu est bon, & que tout ce qu'il a fait & qu'il permet, aboutira enfin au bien de ses créatures; un tel homme peut conserver sa vertu & son intégrité même dans la condition la plus dure. Il est vrai qu'il faut pour cet effet admettre l'idée des récompenses & des peines à venir.
Il résulte de - là que l'athéisme publiquement professé est punissable suivant le droit naturel. On ne peut que desapprouver hautement quantité de procédures barbares & d'exécutions inhumaines, que le simple soupçon ou le prétexte d'athéisine ont occasionnées. Mais d'un autre côté l'homme le plus tolérant ne disconviendra pas, que le magistrat n'a>t droit de réprimer ceux qui osent professer l'athéisme, & de les faire périr même, s'il ne peut autrement en délivrer la société. Personne ne révoque en doute, que le magistrat ne soit pleinement autorisé à punir ce qui est mauvais & vicieux, & à récompenser ce qui est bon & vertueux. S'il peut punir ceux qui font du tort à une seule personne, il a sans doute autant de droit de punir ceux qui en font à toute une société, en niant qu'il y ait un Dieu, ou qu'il se mêle de la conduite du genre humain, pour récompenser ceux qui travaillent au bien commun, & pour châtier ceux qui l'attaquent. On peut regarder un homme de cette sorte comme l'ennemi de tous les autres, puisqu'il renverse tous les fondemens sur lesquels leur conservation & leur félicité sont prin<pb-> [p. 817]
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