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AUTORITÉ (Page 1:898)
* AUTORITÉ, pouvoir, puissance, empire, (Gram.) L'autorité, dit M. l'abbé Girard dans ses Synonymes, laisse plus de liberté dans le choix; le pouvoir a plus de force; l'empire est plus absolu. On tient l'autorité de la supériorité du rang & de la raison; le pouvoir, de l'attachement que les personnes ont pour nous; l'empire, de l'art qu'on a de saisir le foible. L'autorité persuade; le pouvoir entraîne; l'empire subjugue. L'autorité suppose du mérite dans celui qui l'a; le pouvoir, des liaisons; l'empire, de l'ascendant. Il faut se soûmettre à l'autorité d'un homme sage; on doit accorder sur soi du pouvoir à ses amis; il ne faut laisser prendre de l'empire à personne. L'autorité est communiquée par les lois; le pouvoir par ceux qui en sont dépositaires; la puissance par le consentement des hommes ou la force des armes. On est heureux de vivre sous l'autorité d'un prince qui aime la justice; dont les ministres ne s'arrogent pas un pouvoir au - delà de celui qu'il leur donne, & qui regarde le zele & l'amour de ses sujets comme les fondemens de sa puissance. Il n'y a point d'autorité sans loi; il n'y a point de loi qui donne une autorité sans bornes. Tout pouvoir a ses limites. Il n'y a point de puissance qui ne doive être soûmise à celle de Dieu. L'autorité foible attire le mépris; le pouvoir aveugle choque l'équité; la puissance jalouse est formidable. L'autorité est relative au droit; la puissance aux moyens d'en user; le pouvoir à l'usage. L'autorité réveille une idée de respect; la puissance une idée de grandeur; le pouvoir une idée de crainte. L'autorité de Dieu est sans bornes; sa puissance éternelle; & son pouvoir absolu. Les peres ont de l'autorité sur leurs enfans; les rois sont puissans entre leurs semblables; les hommes riches & titrés sont puissans dans la société; les magistrats y ont du pouvoir.
Autorité politique (Page 1:898)
La puissance qui s'acquiert par la violence, n'est qu'une usurpation, & ne dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de ceux qui obéissent; ensorte que si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts, & qu'ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit & de justice que l'autre qui le leur avoit imposé. La même loi qui a fait l'autorité, la défait alors: c'est la loi du plus fort.
Quelquefois l'autorité qui s'établit par la violence change de nature; c'est lorsqu'elle continue & se maintient du consentement exprès de ceux qu'on a soûmis: mais elle rentre par là dans la seconde espece dont je vais parler; & celui qui se l'étoit arrogée devenant alors prince, cesse d'être tyran.
La puissance qui vient du consentement des peuples, suppose nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime, utile à la société, avantageux à la république, & qui la fixent & la restraignent entre des limites: car l'homme ne doit ni ne peut se donner entierement & sans reserve à un autre homme; parce qu'il a un maître supérieur au - des<cb->
La vraie & légitime puissance a donc nécessairement
des bornes. Aussi l'Ecriture nous dit - elle:
Le prince tient de ses sujets mêmes l'autorité qu'il a sur eux; & cette autorité est bornée par les lois de la nature & de l'état. Les lois de la nature & de l'état sont les conditions sous lesquelles ils se sont soûmis, ou sont censés s'être soûmis à son gouvernement. L'une de ces conditions est que n'ayant de pouvoir & d'autorité sur eux que par leur choix & de leur consentement, il ne peut jamais employer cette autorité pour casser l'acte ou le contrat par lequel elle lui a été déférée: il agiroit dès - lors contre lui - même, puisque son autorité ne peut subsister que par le titre qui l'a établie. Qui annulle l'un détruit l'autre. Le prince ne peut donc pas disposer de son pouvoir & de ses [p. 899]
D'ailleurs le gouvernement, quoique héréditaire dans une famille, & mis entre les mains d'un seul, n'est pas un bien particulier, mais un bien public, qui par conséquent ne peutjamais être enlevé au peuple, à qui seul il appartient essentiellement & en pl>ine propriété. Aussi est - ce toûjours lui qui en fait le bail: il intervient toûjours dans le contrat qui en adjuge l'exercice. Ce n'est pas l'état qui appartient au prince, c'est le prince qui appartient à l'état: mais il appartient au prince de gouverner dans l'état, parce que l'état l'a choisi pour cela; qu'il s'est engagé envers les peuples à l'administration des affaires, & que ceux - ci de leur côté se sont engagés à lui obéir conformément aux lois. Celui qui porte la couronne peut bien s'en décharger absolument s'il le veut: mais il ne peut la remettre sur la tête d'un autre sans le consentement de la nation qui l'a mise sur la sienne. En un mot, la couronne, le gouvernement, & l'autorité publique, sont des biens dont le corps de la nation est propriétaire, & dont les princes sont les usufruitiers, les ministres & les dépositaires. Quoique chefs de l'état, ils n'en sont pas moins membres, à la vérité les premiers, les plus vénérables & les plus puissans, pouvant tout pour gouverner, mais ne pouvan> rien légitimement pour changer le gouvernement établi, ni pour mettre un autre chef à leur place. Le sceptre de Louis XV. passe nécessairement à son fils aîné, & il n'y a aucune puissance qui puisse s'y opposer: ni celle de la nation, parce que c'est la condition du contrat; ni celle de son pere par la même raison.
Le dépôt de l'autorité n'est quelquefois que pour un tems limité, comme dans la république Romaine. Il est quelquefois pour la vie d'un seul homme, comme en Pologne; quelquefois pour tout le tems que subsistera une famille, comme en Angleterre; quelquefois pour le tems que subsistera une famille par les mâles seulement, comme en France.
Ce dépôt est quelquefois confié à un certain ordre dans la société; quelquefois à plusieurs choisis de tous les ordres, & quelquefois à un seul.
Les conditions de ce pacte sont différentes dans les différens états. Mais par - tout, la nation est en droit de maintenir envers & contre tous le contract qu'elle a fait; aucune puissance ne peut le changer; & quand il n'a plus lieu, elle rentre dans le droit & dans la pleine liberté, d'en passer un nouveau avec qui, & comme il lui plaît. C'est ce qui arriveroit en France, si par le plus grand des malheurs la famille entiere régnante venoit à s'éteindre jusque dans ses moindres rejettons; alors le sceptre & la couronne retourneroient à la nation.
Il semble qu'il n'y ait que des esclaves dont l'esprit seroit aussi borné que le coeut seroit bas, qui pussent penser autrement. Ces sortes de gens ne sont nés ni pour la gloire du prince, ni pour l'avantage de la société: ils n'ont ni vertu, ni grandeur d'ame. La crainte & l'intérêt sont les ressorts de leur conduite. La nature ne les produit que pour servir de lustre aux hommes vertueux; & la Providence s'en sert pour former les puissances tyranniques, dont clle châtie pour l'ordinaire les peuples & les souverains qui offensent Dieu; ceux - ci en usurpant, ceux - là en accordant trop à l'homme de ce pouvoir
L'observation des lois, la conservation de la liberté & l'amour de la patrie, sont les sources fécondes de toutes grandes choses & de toutes belles actions. Là se trouvent le bonheur des peuples, & la véritable illustration des princes qui les gouvernent. Là l'obéissance est glorieuse, & le commandement auguste. Au contraire, la flatterie, l'intérêt particulier, & l'esprit de servitude sont l'origine de tous les maux qui accablent un état, & de toutes les lâchetés qui le deshonorent. Là les sujets sont misérables, & les princes haïs; là le monarque ne s'est jamais entendu proclamer le bien - aimé; la soûmission y est honteuse, & la domination cruelle. Si je rassemble sous un même point de vûe la France & la Turquie, j'apperçois d'un côté une société d'hommes que la raison unit, que la vertu fait agir, & qu'un chef également sage & glorieux gouverne selon les lois de la justice; de l'autre, un troupeau d'animaux que l'habitude assemble, que la loi de la verge fait marcher, & qu'un maître absolu mene selon son caprice.
Mais pour donner aux principes répandus dans
cet article, toute l'autorité qu'ils peuvent recevoir,
appuyons - les du témoignage d'un de nos plus grands
rois. Le discours qu'il tint à l'ouverture de l'assemblée
des notables de 1596, plein d'une sincérité que
les souverains ne connoissent guere, étoit bien digne
des sentimens qu'il y porta.
Ce discours achevé, Henri se leva & sortit, ne
laissant que M. de Sully dans l'assemblée, pour y
communiquer les états, les mémoires & les papiers
dont on pouvoit avoir besoin.»
On n'ose proposer cette conduite pour modele, parce qu'il y a des occasions où les princes peuvent avoir moins de déférence, sans toutefois s'écarter des sentimens qui font que le souverain dans la société se regarde comme le pere de famille, & ses sujets comme ses enfans. Le grand Monarque que nous venons de citer, nous fournira encore l'exemple de cette sorte de douceur mêlée de fermeté, si requise dans les occasions, où la raison est si visiblement du côté du souverain, qu'il a droit d'ôter à ses sujets la liberté du choix, & de ne leur laisser que le parti de l'obéissance. L'Edit de Nantes ayant été vérifié, après bien des difficultés du Parlement, du Clergé & de l'Université, Henri IV. dit aux évêques: Vous m'avez exhorté de mon devoir; je vous exhorte du vôtre. Faisons bien à l'envi les uns des autres. Mes prédécesseurs vous ont donné de belles paroles; mais moi avec ma jaquette, je vous donnerai de bons effets: je verrai vos cahiers, & j'y répondrai le plus favorablement qu'il me sera possible. Et il répondit au Parlement qui étoit venu lui faire des remontrances: Vous me voyez en mon cabinet où je viens vous parler, non pas en habit royal, ni avec l'épée & la cappe, comme mes prédécesseurs; mais vêtu comme un pere de famille, en pourpoint, pour parler familierement à ses enfans. Ce que j'ai à >ous dire, est que je vous prie de vérifier l'édit que j'ai accordé à ceux de la religion. Ce que j'en ai fait, est pour le bien de la paix. Je l'ai faite au - dehors; je la veux faire au - dedans de mon royaume. Après leur avoir exposé les raisons qu'il avoit eues de faire l'édit, il ajoûta: Ceux qui empéchent que mon édit ne passe, veulent la guerre; je la déclarerai demain à ceux de la religion; mais je ne la serai pas; je les y enverrai. J'ai fait l'édit; je veux qu'il s'observe. Ma volonté devroit servir de raison; on ne la demande jamais au prince, dans un état obéissant. Je suis roi. Je vous parle en roi. Je veux être obéi. Mém. de Sully, in - 4°. p. 594. tom. I.
Voilà comment il convient à un Monarque de parler à ses sujets, quand il a évidemment la justice de son côté; & pourquoi ne pourroit - il pas ce que peut tout homme qui a l'équité de son côté? Quant aux sujets, la premiere loi que la religion, la raison & la nature leur imposent, est de respecter eux - mêmes les conditions du contrat qu'ils ont fait, de ne jamais perdre de vûe la nature de leur gouvernement; en France de ne point oublier que tant que la famil<cb->
Autorité (Page 1:900)
L'autorité n'a de force & n'est de mise, à mon sens, que dans les faits, dans les matieres de religion, & dans l'histoire. Ailleurs elle est inutile & hors d'oeuvre. Qu'importe que d'autres ayent pensé de même, ou autrement que nous, pourvû que nous pensions juste, selon les regles du bon sens, & conformément à la vérité? Il est assez indifférent que votre opinion soit celle d'Aristote, pourvû qu'elle soit selon les lois du syllogisme. A quoi bon ces fréquentes citations, lorsqu'il s'agit de choses qui dépendent uniquement du témoignage de la raison & des sens? A quoi bon m'assûrer qu'il est jour, quand j'ai les yeux ouverts, & que le soleil luit? Les grands noms ne sont bons qu'à ébloüir le peuple, à tromper les petits esprits, & à fournir du babil aux demi - savans. Le peuple qui admire tout ce qu'il n'entend pas, croit toûjours que celui qui parle le plus & le moins naturellement est le plus habile. Ceux à qui il manque assez d'étendue dans l'esprit pour penser eux - mêmes, se contentent des pensées d'autrui, & comptent les suffrages. Les demi - savans qui ne sauroient se taire, & qui prennent le silence & la modestie [p. 901]
Je ne prétens pas néanmoins que l'autorité ne soit absolument d'aucun usage dans les sciences. Je veux seulement faire entendre qu'elle doit servir à nous appuyer & non pas à nous conduire; & qu'autrement, elle entreprendroit sur les droits de la raison: celle - ci est un flambeau allumé par la nature, & destiné à nous éclairer; l'autre n'est tout au plus qu'un bâton fait de la main des hommes, & bon pour nous soûtenir en cas de foiblesse, dans le chemin que la raison nous montre.
Ceux qui se conduisent dans leurs études par l'autorité seule, ressemblent assez à des aveugles qui marchent sous la conduite d'autrui. Si leur guide est mauvais, il les jette dans des routes égarées, où il les laisse las & fatigués, avant que d'avoir fait un pas dans le vrai chemin du savoir. S'il est habile, il leur fait à la vérité parcourir un grand espace en peu de tems; mais ils n'ont point eu le plaisir de remarquer ni le but où ils alloient, ni les objets qui ornoient le rivage, & le rendoient agréable.
Je me représente ces esprits qui ne veulent rien devoir à leurs propres réflexions, & qui se guident sans cesse d'après les idées des autres, comme des enfans dont les jambes ne s'affermissent point, ou des malades qui ne sortent point de l'état de convalescence, & ne feront jamais un pas sans un bras étranger.
Autorité (Page 1:901)
Les passages tirés d'Aristote sont d'une grande autorité dans les écoles; les textes de l'Ecriture ont une
autorité décisive. Les autorités sont une espece d'argument
que les rhétoriciens appellent naturels & sans
art ou extrinseques. Voyez
Quant à l'usage & à l'effet des autorités, voy.
En Droit, les autorités sont les lois, les ordonnances, coûtumes, édits, déclarations, arrèts, sentimens des jurisconsultes favorables à l'espece dans laquelle on les cite.
Autorité (Page 1:901)
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