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Attaques de bastions (Page 1:825)
Les batteries établies sur le haut du glacis pour
battre en breche les faces des bastions, tirent sur la
partie des faces où doit être la breche, & elles tirent
toutes ensemble & en sappe, comme on le
pratique dans l'attaque de la demi - lune: & lorsqu'elles ont fait une breche suffisante pour qu'on
puisse monter à l'assaut sur un grand front, on conserve
une partie des pieces pour battre le haut de
la breche, & on en recule quelques - unes sur le derriere
de la platte - forme, qu'on dispose de maniere
qu'elles puissent battre l'ennemi lorsqu'il se présente
vers le haut de la breche. Tout cela se fait pendant
le travail des descentes du fossé & de son passage.
On se sert aussi des mines pour augmenter la breche,
même quelquefois pour la faire, & pour cet
effet on y attache le mineur.
Pour attacher le mineur lorsque le fossé est sec,
il faut qu'il y ait un logement d'établi proche l'ouverture
de la descente, pour le soûtenir en cas que
l'assiégé fasse quelque sortie sur le mineur. On lui
fait une entrée dans le revêtement avec le canon,
le plus près que l'on peut du fond du fossé, afin d'avoir
le dessous du terrein que l'ennemi occupe, &
des galeries qu'il peut avoir pratiquées dans l'intérieur
des terres du bastion. On peut avec le canon
faire un enfoncement de 5 ou 6 piés, pour que le
mineur y soit bientôt à couvert. Il s'occupe d'abord
à tirer les décombres du trou, pour pouvoir y placer
un ou deux de ses camarades, qui doivent lui
aider à déblayer les terres de la galerie.
Lorsque le fossé est sec, & que le terrein le permet,
le mineur le passe quelquefois par une galerie
soûterraine qui le conduit au pié du revêtement;
lorsque le fossé est plein d'eau, on n'attend pas toûjours
que le passage du fossé soit entierement achevé
pour attacher le mineur à la face du bastion. On
lui fait un enfoncement avec le canon, ainsi qu'on
vient de le dire, mais un peu au - dessus de la superficie
de l'eau du fossé, afin qu'il n'en soit pas incommodé
dans sa galerie, & on le fait passer avec un
petit bateau dans cet enfoncement. L'ennemi ne
néglige rien pour l'étouffer dans sa galerie. Lorsque le fossé est sec, il jette une quantité de différentes
compositions d'artifice vis - à - vis l'oeil de la mine;
cet artifice est ordinairement accompagné d'une
grêle de pierres, de bombes, de grenades, &c.
qui empêche qu'on n'aille au secours du mineur.
M. de Vauban dans son traité de la conduite des siéges,
propose de se servir de pompes pour éteindre ce
feu. On en a aujourd'hui de plus parfaites & de
plus aisées à servir, que de son tems, pour jetter
de l'eau dans l'endroit que l'on veut: mais il ne paroît
pas que l'on puisse toûjours avoir assez d'eau
dans les fossés secs pour faire joüer des pompes, &
que d'ailleurs il soit aisé de s'en servir sans trop se
découvrir à l'ennemi. Quoi qu'il en soit, lorsque
Le mineur ayant percé le revêtement, il fait
derriere de part & d'autre deux petites galeries de
12 à 14 piés, au bout desquelles il pratique de part
& d'autre deux fourneaux; savoir, l'un dans l'épaisseur
du revêtement, & l'autre enfoncé de 15
piés dans les terres du rempart. On donne un foyer
commun à ces quatre fourneaux, lesquels prennent
feu ensemble, & font une breche tres - large & très spacieuse.
Lorsqu'il y a des contre - mines pratiquées dans
les terres du rempart, & le long de son revêtement,
on fait ensorte de s'en emparer & d'en chasser les
mineurs. M. Goulon propose pour cela de faire sauter
deux fougaces dans les environs pour tâcher
de la crever; après quoi si l'on y est parvenu, il
veut qu'on y entre avec dix ou douze grenadiers,
& autant de soldats commandés par deux sergens;
qu'une partie de ces grenadiers ayent chacun 4 grenades,
& que les autres soient chargés de 4 ou 5
bombes, dont il n'y en ait que 3 de chargées, les
deux autres ayant néanmoins la fusée chargée comme
les trois premieres. Les deux sergens se doivent
jetter les premiers l'épée ou le pistolet à la main dans
la contre - mine, & être suivis des grenadiers. Si les
assiégés n'y paroissent pas pour défendre leur contre - mine, on y fait promptement un logement avec
des sacs à terre. Ce logement ne consiste qu'en
une bonne traverse qui bouche entierement la galerie
de la contre - mine du côté que l'ennemi y peut
venir. Si l'ennemi vient pour s'opposer à ce travail,
les grenadiers doivent leur jetter leurs trois
bombes chargées & se retirer promptement, de même
que leurs camarades, pour n'être point incommodés
de l'effet de ces bombes. La fumée qu'elles
font en crevant, & leur éclat, ne peuvent manquer
d'obliger l'ennemi d'abandonner la galerie pour
quelque tems: mais dès qu'elles ont fait tout leur
effet, les deux sergens & les grenadiers avec les
soldats dont ils sont accompagnés, rentrent promptement
dans la galerie, & ils travaillent avec diligençe
à leur traverse pour boucher la galerie. Si
l'ennemi veut encore interrompre leur ouvrage, ils
lui jettent les deux bombes non chargées, qui l'obligent
de se retirer bien promptement; & comme
l'effet n'en est point à craindre, ce que l'ennemi
ignore, on continue de travailler à perfectionner
la traverse: on y pratique même des ouvertures ou
creneaux pour tirer sur l'ennemi, en cas qu'il paroisse
dans la partie de la galerie opposée à la traverse.
Lorsqu'il n'y a point de galerie ou de contremine
derriere le revêtement du rempart, ou lorsqu'il y en a une, & qu'on ne peut y parvenir aisément,
le mineur ne doit rien négliger pour tâcher
de la découvrir, & il doit en même tems veiller
avec beaucoup d'attention, pour ne se point laisser
surprendre par les mineurs ennemis, qui viennent
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On peut aussi crever la galerie de l'ennemi,
lorsque l'on n'en est pas fort éloigné, avec plusieurs
bombes que l'on introduit dans les terres du mineur
ennemi, & que l'on arrange de maniere qu'elles
fassent leur effet vers son côté. Les mineurs en
travaillant de part & d'autre pour aller à la découverte,
& se prévenir réciproquement, ont de grandes
sondes avec lesquelles ils sondent l'épaisseur
des terres, pour juger de la distance à laquelle ils
peuvent se trouver les uns des autres. Il faut être
alerte là - dessus, & lorsque le bout de la sonde paroît,
se disposer à remplir le trou qu'elle aura
sait, aussi - tôt qu'elle sera retirée, par le bout d'un
pistolet, qui étant introduit bien directement dans
ce trou, & tiré par un homme assûré, dit M. de
Vauban, ne peut guere manquer de tuer le mineur
ennemi. On doit faire suivre le premier coup
de pistolet de trois ou quatre autres; & ensuite nettoyer
le trou avec la sonde, pour empêcher que
le mineur ennemi ne le bouche de son côté. Il est
important de l'en empêcher, pour qu'il ne puisse
pas continuer son travail dans cet endroit, & qu'il
soit totalement obligé de l'abandonner.
Toutes ces chicanes & plusieurs autres qu'on
peut voir dans les mémoires de M. de Vauban, font
connoître que l'emploi de mineur demande non seulement
de l'adresse & de l'intelligence, mais
aussi beaucoup de courage pour parer & remédier
à tous les obstacles qu'il rencontre dans la conduite
des travaux dont il est chargé: il s'en pare assez ai<cb->
Pour s'assurer si l'on travaille dans la galerie,
le mineur se sert ordinairement d'un tambour sur
lequel on met quelque chose; l'ébranlement de la
terre y cause un certain trémoussement qui avertir
du travail qu'on fait dessous. Il prête aussi l'oreille
attentivement sur la terre: mais le trémoussement
du tambour est plus sûr. C'est un des avantages des
plus considérables des assiégés de pouvoir être maîtres
du dessous de leur terrein: ils peuvent arrêter
par - là les mineurs des assiégeans à chaque pas, &
leur faire payer chérement le terrein, qu'ils se trouvent
à la fin obligés de leur abandonner: je dis de
leur abandonner; parce que les assiégeans qui ont
beaucoup plus de monde que les assiégés, beaucoup
plus de poudre, & qui sont en état de pouvoir
réparer les pertes qu'ils font, soit en hommes
soit en munitions, doivent à la fin forcer les assiégés,
qui n'ont pas les mêmes avantages, de se rendre,
faute de pouvoir, pour ainsi dire, se renouveller
de la même maniere.
Pendant que le mineur travaille à la construction
de sa galerie, on agit pour ruiner entierement
toutes les défenses de l'ennemi, & pour le mettre
hors d'état de défendre sa breche & de la réparer:
pour cela on fait un feu continuel sur les breches,
qui empêche l'ennemi de s'y montrer, & de pouvoir
s'avancer pour regarder les travaux qui peuvent
se faire dans le sossé ou au pié des breches.
S'il y a une tenaille, on place des batteries dans les
places d'armes rentrantes du chemin couvert de
la demi - lune, qui couvrent la courtine du front attaqué,
qui puissent plonger dans la tenaille, & empêcher
que l'ennemi ne s'en serve pour incommoder
le passage du fossé. On peut aussi, pour lui imposer,
établir une batterie de pierriers dans le logement
le plus avancé de la gorge de la demi - lune:
cette batterie étant bien servie, rend le séjour de
la tenaille trop dangereux & trop incommode, pour
que l'ennemi y reste tranquillement, & qu'il y donne
toute l'attention nécessaire pour incommoder le
passage du fossé.
Quelquefois l'ennemi pratique des embrasures
biaisées dans la courtine, d'où il peut aussi tirer du
canon sur les logemens du chemin couvert, ce qui
incommode & ces logemens, & le commencement
de la descente du fossé. Les assiégés, au dernier
siége de Philisbourg, en avoient pratiqué de
semblables dans les deux courtines de l'attaque, ce
qui auroit fait perdre bien du monde, s'il avoit
fallu établir des batteries sur leur contrescarpe, &
faire le passage du fossé de la place.
Le moyen d'empêcher l'effet de ces batteries, est
de tâcher de les ruiner avec les bombes, & de faire
en sorte, lorsque le terrein le permet, d'enfiler la
courtine par le ricochet. On peut aussi placer une
batterie de quatre ou cinq pieces de canon sur le
haut de l'angle flanqué de la demi - lune: dans cette
position elle peut tirer directement sur la courtine,
& plonger vers la tenaille, & la poterne de
communication, par où l'ennemi communique dans
le fosse lorsqu'il est sec. Enfin on se sert de tous les
expédiens, & de tous les moyens que l'intelligence,
l'expérience & le génie peuvent donner, pour
se rendre supérieur à tout le feu de l'ennemi, pour
le faire taire, ou du moins pour que l'ennemi ne
puisse se montrer à aucunes de ses défenses, sans
y être exposé au feu des batteries & des logemens.
Nous n'avons point parlé jusqu'ici des flancs concaves
& à orillons: on sait que l'avantage de ces
flancs est principalement de conserver un canon
proche le revers de l'orillon, qui ne pouvant être
vû du chemin couvert opposé, ne peut être dé<pb->
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Supposons présentement que les passages des fossés
soient dans l'état de perfection nécessaire pour
qu'on puisse passer dessus; que le canon ou les mines
ayent donné aux breches toute la largeur qu'elles
doivent avoir, pour qu'on puisse y déboucher
sur un grand front: que les rampes soient adoucies,
& qu'on puisse y monter facilement pour parvenir
au haut de la breche. On peut s'y établir en
suivant l'un des deux moyens dont on parlera dans
l'article de la demi lune; savoir, en y faisant monter
quelques sappeurs, qui à la faveur du feu des
batteries & des logemens du chemin couvert, commencent
l'établissement du logement; ou en y montant
en corps de troupes, pour s'y établir de vive
force; ou ce qui est la même chose, en donnant
l'assaut au bastion.
Si l'ennemi n'a point pratiqué de retranchement
dans l'intérieur du bastion, il ne prendra guere le
parti de soûtenir un assaut qui l'exposeroit à être
emporté de vive force, à être pris prisonnier de
guerre, & qui exposeroit aussi la ville au pillage
du soldat.
Tout étant prêt pour lui donner l'assaut, il battra
la chamade, c'est à - dire, qu'il demandera à se
rendre à de certaines conditions: mais si les assiégeans
présument qu'ils se rendront maîtres de la
place par un assaut sans une grande perte, ils ne
voudront accorder que des conditions assez dures.
Plus les assiégés sont en état de se défendre, & plus
ils obtiennent des conditions avantageuses, mais
moins honorables pour eux. Le devoir des officiers
renfermés dans une place, est de la défendre autant
qu'il est possible, & de ne songer à se rendre
que lorsqu'il est absolument démontré qu'il y a impossibilité
de résister plus long - tems sans exposer
la place & la garnison à la discrétion de l'assiégeant.
Une défense vigoureuse se fait respecter
d'un ennemi généreux, & elle l'engage souvent à
accorder au gouverneur les honneurs de la guerre,
dûs à sa bravoure & à son intelligence.
Nous supposons ici que de bons retranchemens
pratiqués long - tems avant le siége, ou du moins
des son commencement, dans le centre ou à la
gorge des bastions, mettent l'assiégé en état de soûtenir
un assaut au corps de sa place, & qu'il se réserve
de capituler derriere ses retranchemens. Il
faut dans ce cas se résoudre d'emporter la breche
de vive force, & d'y faire un logement sur le haut,
apres en avoir chassé l'ennemi.
Lorsqu'on se propose de donner l'assaut aux bastions, on fait pendant le tems qu'on construit &
qu'on charge les mines, un amas considérable de
Lorsqu'on est préparé pour mettre le feu aux
mines, on commande tous les grenadiers de l'armée
pour monter l'assaut: on les fait soûtenir de
détachemens & de bataillons en assez grand nombre,
pour que l'ennemi ne puisse pas résister à leur
attaque. Ces troupes étant en état de donner, on
fait joüer les mines; & lorsque la poussiere est un
peu tombée, les grenadiers commandés pour marcher,
& pour monter les premiers, s'ébranlent
pour gagner le pié de la breche, où étant parvenus,
ils y montent la bayonnette au bout du fusil,
suivis de toutes les troupes qui doivent les soûtenir.
L'ennemi qui peut avoir conservé des fourneaux,
ne manquera pas de les faire sauter. Il fera
aussi tomber sur les assaillans tous les feux d'artifice
qu'il pourra imaginer, & il leur fera payer le
plus cher qu'il pourra, le terrein qu'il leur abandonnera
sur le haut de la breche: mais enfin il faudra
qu'il le leur abandonne; la supériorité des assiégeans
doit vaincre à la fin tous les obstacles des
assiégés. S'ils sont assez heureux pour résister à un
premier assaut, ils ne le seront pas pour résister à
un second, ou à un troisieme: ainsi il faudra qu'ils
prennent le parti de se retirer dans leurs retranchemens.
Aussi - tôt qu'ils auront été repoussés, & qu'ils
auront abandonné le haut de la breche, on fera
travailler en diligence au logement. Il consistera
d'abord en une espece d'arc de cercle, dont la convexité
sera tournée vers l'ennemi, s'il y a une breche
aux deux faces des deux bastions; autrement
on s'établira simplement au haut de la breche. On
donne l'assaut à toutes les breches ensemble; parlà
on partage la résistance de l'ennemi, & on la
rend moins considérable. Pendant toute la durée
de cette action, les batteries & les logemens font
le plus grand feu sur toutes les défenses de l'ennemi,
& dans tous les lieux où il est placé, & sur
lesquels on ne peut tirer sans incommoder les
troupes qui donnent sur les breches.
Le logement sur la breche étant bien établi, on
poussera des sappes à droite & à gauche vers le
centre du bastion. On fera monter du canon sur la
breche, pour battre le retranchement intérieur;
on passera son fossé, & on s'établira sur sa breche,
en pratiquant tout ce qu'on vient de dire pour les
bastions. Si ce premier retranchement étoit suivi
d'un second, l'ennemi apres avoir été forcé de l'abandonner,
se retireroit dans celui - ci pour capituler.
On l'attaqueroit encore comme dans le premier,
& enfin on le forceroit de se rendre. Il est
assez rare de voir des défenses poussées aussi loin
que nous avons supposé celle - ci: mais ce long détail
étoit nécessaire, pour donner une idée de ce
qu'il y auroit à faire, si l'ennemi vouloit pousser
la résistance jusqu'à la derniere extrémité.
Dans l'attaque des retranchemens intérieurs, outre
le canon, il faut y employer les bombes & les
pierriers. Les bombes y causent de grands ravages,
parce que les assiégés sont obligés de se tenir en
gros corps dans ces retranchemens, qui sont toûjours
assez petits; & par cette raison les pierriers
y sont d'un usage excellent par la grêle de pierres
qu'ils font tomber dans ces ouvrages, qui tuent &
estropient beaucoup de monde.»
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