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AURORE (Page 1:886)
AURORE, s. f. (Astron. physiq.) est le crépuscule
du matin, cette lumiere foible qui commence à paroître
quand le soleil est à 18 degrés de l'horison, &
qui continue en augmentant jusqu'au lever du soleil.
Voyez
Nicod fait venir ce mot du verbe auresco, derivé d'aurum, quia ab oriente sole aer aurescit, parce que le soleil levant dore, pour ainsi dire, l'atmosphere.
Les poëtes ont personnifié l'aurore. Voyez plus bas
Aurore boréale (Page 1:886)
On en trouve la description dans Aristote, Météorol. L. I. ch. iv. 5. Pline, hist. nat. L. II. c. xxvj. Seneque, Quoest. nat. l. I. c. xv. & d'autres qui sont venus après eux. M. de Mairan nous a donné une liste exacte de ces auteurs, dans son traité de l'aurore boréale, ouvrage plein de recherches curieuses, tant historiques que physiques & géométriques, & le plus complet que nous connoissions sur cette matiere.
Mais les anciens ont en quelque sorte multiplié ce phénomene en lui donnant différens noms. On croyoit autrefois qu'il y avoit un grand mérite à savoir inventer des noms pour chaque chose. Ce talent s'est exercé sur le phénomene en question. On donne le nom de poutre à une lumiere oblongue, qui paroît dans l'air, & qui est parallele à l'horison. Cette même sorte de lumiere s'appelle fleche, lorsqu'une de ses extrémités forme une pointe en maniere de fleche. La torche est une lumiere qui se tient suspendue en l'air de toutes sortes de manieres, mais qui a une de ses extrémités plus large que l'autre. On appelle chevre dansante une lumiere à laquelle le vent fait prendre diverses figures, & qui paroît tantôt rompue & tantôt en son entier. Ce qu'on nomme bothy - [p. 887]
Ces phénomenes ne paroissent pas souvent dans les pays de l'Europe qui sont un peu éloignés du pole feptentrional: mais ils sont à présent fort ordinaires dans les pays du nord. Il est certain, par les observations de MM. Burman & Celsius, que les aurores boréales fort éclatantes n'avoient jamais été si fréquentes en Suede, qu'elles l'ont été depuis l'an 1716. On ne doit pourtant pas croire qu'il n'y en ait point eu avant ce tems - là, puisque M. Léopold rapporte dans son voyage de Suede, fait en 1707, qu'il avoit vû une de ces aurores dont la clarté étoit fort grande. Cet auteur, après nous avoir donné la description de cette lumiere, cite un passage tiré du xij. chap. de la Description de l'ancien Groenland par Thormodus Torfaeus, qui prouve que l'aurore boréale étoit alors connue; & on en trouve même dans cet ouvrage une figure tout - à - fait curieuse. Comme ce phénomene étoit assez peu connu & assez rare avant l'an 1716, M. Celsius, habile Astronome, prit alors la résolunon de l'observer exactement, & de marquer le nombre de fois qu'il paroîtroit. Quoique cet auteur n'ait commencé à faire ses observations qu'après l'an 1716, il n'a pas laissé de trouver que cette lumiere avoit déjà paru 316 sois en Suede, & il a fait un livre où ces observations sont rassemblées: on a aussi vû plusieurs fois ces sortes d'aurores boréales en Angleterre & en Allemagne: elles ont été moins fréquentes en France, & encore moins en ltalie; de sorte qu'elles n'avoient été vûes de presque personne avant l'an 1722, & qu'apres ce tems - là, on ne les avoit encore vûes que 2 ou 3 fois à Bologne. Celle qui a paru en 1726, a été la premiere qui ait été observée avec quelque soin en ltalie. Comment. Bonon. p. 285. On a commencé à les voir fréquemment en Hollande depuis l'an 1716, de sorte que depuis ce tems - là jusqu'à présent, on a pû les y observer peut - être autant qu'on l'avoit fait, en remontant de cette époque au deluge.
On peut distinguer les aurores boréales en deux especes; savoir en celles qui ont une lumiere douce & tranquille, & celles dont la lumiere est resplendissante: elles ne sont pas toûjours accompagnées des mêmes phénomenes.
On y peut observer plusieurs variations. Voici les principales. Dans la région de l'air qui est directement vers le nord, ou qui s'étend du nord vers l'orient, ou vers l'occident, paroît d'abord une nuée horisontale qui s'éleve de quelques degrés, mais rarement de plus de 40 au - desius de l'horison. Cette nuée est quelquefois séparée de l'horison, & alors on voit entre - deux le ciel bleu & fort clair. La nuée occupe en longueur une partie de l'horison, quelquefois depuis 5 jusqu'à 100 degrés, & même davantage. La nuée est blanche & brillante; elle est aussi souvent noire & épaisse. Son bord supérieur est parallele à l'horison, & forme comme une longue traînée éclairée, qui est plus haute en certains endroits, & plus basse en d'autres: elle paroît aussi recourbée en maniere d'arc, ressemblant à un disque orbiculaire qui s'éleve un peu au - dessus de l'horison, & qui a son centre au - dessus. On voit quelquefois une large bande blanche ou luisante qui tient au bord supérieur de la nuée noire. La partie sombre de la nuée se change aussi en une nuée blanche & lumineuse, lorsque l'aurore boréale a brillé pendant quelque tems, & qu'elle a dardé plusieurs verges ardentes & éclatantes. Il part
Ce phénomene dure quelquefois toute la nuit; on le voit même souvent deux ou trois jours de suite. M. Musschenbroek l'observa plus de dix jours & dix nuits de suite en 1734, & depuis le 22 jusqu'au 31 Mars 1735. La nuée qui sert de matiere à l'aurore boréale, dure souvent plusieurs heures de suite sans qu'on y remarque le moindre changement; car on ne voit pas alors qu'elle s'éleve au - dessus de l'horison, ou qu'elle descende au - dessous. Quelquefois elle se meut un peu du nord à l'est ou à l'ouest; quelquefois aussi elle s'étend beaucoup plus loin de chaque côté, c'est - à - dire vers l'est & l'ouest en même tems, & il arrive alors qu'elle darde plusieurs de ces colonnes lumineuses dont nous avons parlé. On l'a aussi vû s'élever au - dessus de l'horison, & se changer entierement en une nuée blanche & lumineuse. Enfin la lumiere naît & disparoît quelquefois en peu de minutes.
Plusieurs philosophes croyent que la matiere de l'aurore boréale est dans notre atmosphere. Ils s'appuient, 1°. sur ce qu'elle paroît le soir sous la forme d'un nuage, qui ne differe pas des autres nuages que nous voyons communément: & ce n'est en effet qu'un nuage placé à la même hauteur que les autres, autant que la vûe en peut juger. On peut l'observer même pendant le jour: il ressemble alors aux nuages à tonnerre, excepté qu'il est moins épais, d'un bleu tirant sur le cendré, & flottant doucement dans l'air. Lorsqu'on voit un pareil nuage au nord, au nord - est, ou au nord - ouest, il paroît sûrement une aurore boréale. 2°. Comme la nuée lumineuse se tient plusieurs heures de suite à la même hauteur au - dessus de l'horison, elle doit nécessairement se mouvoir en même tems que notre atmosphere; car puisque la terre tourne chaque jour autour de son axe, cette nuée lumineuse devroit paroître s'élever au - dessus de l'horison, & descendre au - dessous, si elle étoit supérieure à l'atmosphere. Cette nuée étant donc emportée en même tems que notre atmosphere, il y a tout lieu de croire qu'elle s'y trouve effectivement. 3°. Il y a plusieurs aurores boréales que l'on ne sauroit voir en même tems de deux endroits peu éloignés l'un de l'autre, ce qui prouve qu'elles ne sont pas toûjours à une hauteur considérable, & qu'elles sont sûrement dans notre atmosphere. Quelques grands Mathématiciens ont [p. 888]
La matiere de l'aurore boréale est de telle nature qu'elle peut s'enflammer, & répandre ensuite une lumiere foible. Cette matiere est alors si raréfiée, qu'on peut toûjours voir les étoiles à - travers; de sorte que non - seulement les colonnes, mais aussi la nuée blanche, & même la nuée noire, transmettent la lumiere de ces astres. On ne sauroit déterminer avec certitude la nature de cette matiere. La Chimie nous fournit aujourd'hui plusieurs matieres qui peuvent s'enflammer, brûler par la fermentation, & jetter de la lumiere comme le phosphore. Qu'on mêle du tartre avec le régule d'antimoine martial, & qu'on fasse rougir long - tems ce mêlange dans un creuset, on en retire une poudre qui s'enflamme, lorsqu'on l'expose à un air humide; & si elle vieillit un peu, elle devient fort brûlante. L'aurore boréale n'est pas une flamme comme celle de notre feu ordinaire: mais elle ressemble au phosphore, qui ne luit pas d'abord, & qui jette ensuite une lumiere foible. Les colonnes que darde la nuée lumineuse, sont comme la poudre du phosphore que l'on souffle dans l'air, ou qu'on y répand en la faisant sortir du cou d'une bouteille; de sorte que chaque parcelle jette à la vérité une lueur, mais elle ne donne pas de flamme ou de feu rassemblé; & la lumiere est si foible, qu'on ne peut la voir pendant le jour, ni lorsque nous avons en été le crépuscule du soir qui répand une trop grande clarté. Cette matiere approche donc de la nature du phosphore: mais quoique nous en connoissions peut - être plus de cinquante especes, nous n'oserions cependant assûrer que la nature ne renferme pas dans son sein un plus grand nombre d'especes de matieres semblables, puisque l'art nous en fait tous les jours découvrir de nouvelles. Mussch.
Il est vraissemblable, selon quelques physiciens, que cette matiere tire son origine de quelque région septentrionale de la terre, d'où elle s'éleve & s'évapore dans l'air. Il s'en est évaporé de nos jours une plus grande abondance qu'auparavant, parce que, disent - ils, cette matiere renfermée dans les entrailles de la terre, s'est détachée & s'est élevée après avoir été mise en mouvement; de sorte qu'elle peut à présent s'échapper librement par les pores de la terre, au lieu qu'elle étoit auparavant empêchée par les rochers, les voûtes pierreuses, ou par des croûtes de terres compactes & durcies, ou bien parce qu'elle étoit trop profondément enfoncée dans la terre. Ainsi nous ne manquerons point de voir des aurores boréales aussi long - tems que cette matiere se rassemblera, & qu'elle pourra s'élever dans l'air: mais dès qu'elle sera dissipée, ou qu'elle viendra à se recouvrir par quelque nouveau tremblement de terre, on ne verra plus ces aurores, & peut - être cesseront - elles même de paroître entierement pendant plusieurs siecles. On peut expliquer par - là pourquoi l'on n'avoit pas apperçû cette matiere avant l'an 1716, tems auquel on fut tout surpris de la voir subitement se manifester, comme si elle sortoit de la terre en grande quantité. Cette matiere se trouve peut - être répandue en plusieurs endroits de notre globe; & il y a tout lieu de croire que ces lumieres, dont les anciens Grecs & Romains font mention, & dont ils nous donnent eux<cb->
Comme les nuées qui forment l'aurore boréale paroissent au nord, il n'est pas difficile de comprendre qu'elles peuvent être poussées par un vent dans notre atmosphere vers l'est, le sud ou l'ouest, où nous pourrons les voir, de sorte que nous devrons alors leur donner le nom d'aurores méridionales. M. Musschenbroek croit avoir apperçû deux de ces lumieres méridionales en 1738. Le savant M. Weidler nous. a aussi donné la description d'une semblable lumiere qu'il avoit vûe lui - même entre l'ouest & le sud - ouest le soir du 9 Octobre de l'année 1730, entre 8 1/2 & 9 heu. 47'. Elle paroissoit comme un arc blanc & lumineux, élevé de onze degrés au - dessus de l'horison, & dont le diametre étoit de trois degrés. On trouve aussi deux semblables lumieres méridionales dans les Mémoires de l'Académie royale des sciences. Le phénomene que vit le pere Laval à Marseille en 1704, étoit apparemment une lumiere de cette nature; car il parut dans l'air une poutre lumineuse, poussée de l'est à l'ouest assez lentement: le vent étoit à l'est. > Montpellier on vit le même soir dans l'air deux poutres lumineuses poussées de la même maniere. Concluons toutes ces observations par celle - ci: c'est que cette lumiere ne produit dans notre atmosphere aucun changement dont on puisse être assuré, & qu'elle n'est cause d'aucune maladie, ni du froid qui survient, ni d'un rude hyver, comme quelques savans l'ont crû, puisqu'on a eu des hyvers doux après qu'elle avoit paru. Mussch.
La figure premiere
M. de Maupertuis, dans la relation de son voyage
au nord, décrit en cette sorte les aurores boréales qui
paroissent l'hyver en Laponie.
Le Même savant dont nous venons de citer ce passage, a donné dans les Mémoires de l'Académie de 1733, la solution très - élégante d'un problème géométrique sur l'aurore boréale.
M. le Monnier, dans ses Institutions astronomiques,
croit que la formation des aurores boréales est dûe à
une matiere qui s'exhale de notre terre, & qui s'éleve
dans l'atmosphere à une hauteur prodigieuse.
Il observe, comme M. de Maupertuis, que dans la
Suede il n'y a aucune nuir d'hyver où l'on n'apperçoive
parmi les constellations ces aurores, & cela,
dans toutes les regions du ciel; circonstance bien essentielle
pour apprétier les explications qu'on peut donner
de ce phénomene. Il croit que la matiere des aurores boréales est assez analogue à celle qui forme la
queue des cometes. Voyez
Presque tout cet article est de M. Formey. (O)
Aurore (Page 1:889)
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