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Il faut donc renoncer aux tourbillons, quelque agréable que le spectacle en paroisse. Il y a plus; on est presque forcé de convenir que les planetes ne se meuvent point en vertu de l'action d'un fluide: car de quelque maniere qu'on suppose que ce fluide agisse, on se trouve exposé de tous côtés à des difficultés insurmontables: le seul moyen de s'en tirer, seroit de supposer un fluide qui fût capable de pousser dans un sens, & qui ne résistât pas dans un autre: mais le remede, comme on voit, seroit pire que le mal. On est donc réduit à dire, que la force qui fait tendre les planetes vers le soleil vient d'un principe inconnu, & si l'on veut d'une qualité occulte; pourvû qu'on n'attache point à ce mot d'autre idée que celle qu'il présente naturellement, c'est - à - dire d'une cause qui nous est cachée. C'est vraissemblablement le sens qu'Aristote y attachoit, en quoi il a été plus sage que ses sectateurs, & que bien des philosophes modernes.
Nous ne dirons donc point si l'on veut que l'attraction est une propriété primordiale de la matiere, mais
nous nous garderons bien aussi d'affirmer, que l'impulsion
soit le principe nécessaire des mouyemens des
planetes. Nous avoüons même que si nous étions forcés
de prendre un parti, nous pencherions bien plûtôt
pour le premier que pour le second; puisqu'il n'a
pas encore été possible d'expliquer par le principe de
l'impulsion les phénomenes célestes; & que l'impossibilité
même de les expliquer par ce principe, est
appuyée sur des preuves très - fortes, pour ne pas
dire sur des démonstrations. Si M. Newton paroît indécis
en quelques endroits de ses ouvrages sur la nature
de la force attractive; s'il avoue même qu'elle
peut venir d'une impulsion, il y a lieu de croire que
c'étoit une espece de tribut qu'il vouloit bien payer
au préjugé, ou, si l'on veut, à l'opinion générale de
fon siecle; & on peut croire qu'il avoit pour l'autre
sentiment une sorte de prédilection; puisqu'il a souffert
que M. Côtes son disciple adoptât ce sentiment
sans aucune réserve, dans la préface qu'il a mise à
la tête de la seconde édition des Principes; préface
faite sous les yeux de l'auteur, & qu'il paroît avoir
approuvée. D'ailleurs M. Newton admet entre les
corps célestes une attraction réciproque; & cette opinion
semble supposer que l'attraction est une vertu inhérente
aux corps. Quoi qu'il en soit, la force attractive, selon M. Newton, décroît en raison inverse des
quarrés des distances: ce grand philosophe a expliqué
par ce seul principe une grande partie des phénomenes
célestes; & tous ceux qu'on a tenté d'expliquer
depuis par ce même principe, l'ont été avec une facilité
& une exactitude qui tiennent du prodige. Le seul
mouvement des apsides de la lune a paru durant
quelque tems se refuser à ce système: mais ce point
n'est pas encore décidé au moment que nous écrivons ceci; & je crois pouvoir assûrer que le système
Newtonien en sortira à son honneur. Voyez
Tous les phénomenes nous démontrent donc qu'il y a une force qui fait tendre les planetes les unes vers les autres. Ainsi nous ne pouvons nous dispenser de l'admettre; & quand nous serions forcés de la reconnoître comme primordiale & inhérente à la matiere, j'ose dire que la difficulté de concevoir une pareille cause seroit un argument bien foible contre son existence. Personne ne doute qu'un corps qui en rencontre un autre ne lui communique du mouvement: mais avons - nous une idée de la vertu par laquelle se fait cette communication? Les Philosophes ont avec le vulgaire bien plus de ressemblance qu'ils ne s'imaginent. Le peuple ne s'étonne point de voir une pierre tomber, parce qu'il l'a toûjours vû; de même les Philosophes, parce qu'ils ont vû dès l'enfance les effets de l'impulsion, n'ont aucune inquiétude sur la cause qui les produit. Cependant si tous les corps qui en rencontrent un autre s'arrêtoient sans leur communiquer du mouvement, un philosophe qui verroit pour la premiere fois un corps en pousser un autre seroit aussi surpris qu'un homme qui verroit un corps pesant se soûtenir en l'air sans retomber. Quand nous saurions en quoi consiste l'impénétrabilité des corps, nous n'en serions peut - être guere plus éclairés sut la nature de la force impulsive. Nous voyons seulement, qu'en conséquence de cette impénétrabilité, le choc d'un corps contre un autre doit être suivi de quelque changement, ou dans l'état des deux corps, ou dans l'état de l'un des deux: mais nous ignorons, & apparemment nous ignorerons toûjours, par quelle vertu ce changement s'exécute, & pourquoi par exemple un corps qui en choque un autrè ne reste pas toûjours en repos après le choc, sans communiquer une partie de son mouvement au corps choqué. Nous croyons que l'attraction répugne à l'idée que nous avons de la matiere: mais approfondissons cette idée, nous serons effrayés de voir combien peu elle est distincte, & combien nous devons être réservés dans les conséquences que nous en tirons. L'univers est caché pour nous derriere un espece de voile à travers lequel nous entrevoyons confusément quelques points. Si ce voile se déchiroit tout - à - coup, peut - être serions nous bien surpris de ce qui se passe derriere. D'ailleurs la prétendue incompatibilité de l'attraction avec la matiere n'a plus lieu dès qu'on admet un être intelligent & ordonnateur de tout, à qui il a été aussi libre de vouloir que les corps agissent les uns sur les autres à distance que dans le contact.
Mais autant que nous devons être portés à croire l'existence de la force d'attraction dans les corps célestes, autant, ce me semble, nous devons être réservés à aller plus avant. 1°. Nous ne dirons point que l'attraction est une propriété essentielle de la matiere, c'est beaucoup de la regarder comme une propriété primordiale; & il y a une grande différence entre une propriété primordiale & une propriété essentielle. L'impénétrabilité, la divisibilité, la mobilité, sont du dernier genre; la vertu impulsive est du second. Dès que nous concevons un corps, nous le concevons nécessairement divisible, étendu, impénétrable: mais nous ne concevons pas nécessairement qu'il mette en mouvement un autre corps. 2°. Si on croit que l'attraction soit une propriété inhérente à la matiere, on pourroit en conclurre que la loi du quarré s'observe dans toutes ses parties. Peut - être néanmoins seroit - il plus sage de n'admettre l'attraction qu'entre les parties des planetes, sans prendre notre parti sur la nature ni sur la cause de cette force, jusqu'à ce que de nouveaux phénomenes nous éclairent sur ce sujet. Mais du - moins faut - il bien nous garder d'assûrer que quelques parties de la matiere s'attirent suivant d'autres lois que celles du quarré. Cette proposition ne [p. 855]
Après ces refléxions, je crois qu'on pourroit se
dispenser de prendre aucun parti sur la dispute qui
a partagé deux académiciens célebres, savoir si la
loi d'attraction doit nécessairement être comme une
puissance de la distance, ou si elle peut être en géné>al comme une fonction de cette même distance,
voyez
Nous ne voyons pas d'ailleurs quel avantage il y auroit à exprimer l'attraction par une fonction. On prétend qu'on pourroit expliquer par - là, comment l'attraction à de grandes distances est en raison inverse du quarré, & suit une autre loi à de petites distances: mais il n'est pas encore bien certain que cette loi d'attraction à de petites distances, soit aussi générale qu'on veut le supposer. D'ailleurs, si on veut saire de cette fonction une loi générale qui devienne sort différente du quarré à de très - petites distances, & qui puisse servir à rendre raison des attractions qu'on observe ou qu'on suppose dans les corps terrestres, il nous paroît difficile d'expliquer dans cette hypothese comment la pesanteur des corps qui sont immédiatement contigus à la terre, est à la pesanteur de la lune à peu près en raison inverse du quarré de la distance. Ajoûtons qu'on devroit être fort circonspect à changer la loi du quarré des distances, quand même, ce qui n'est pas encore arrivé, on trouveroit quelque phénomene céleste, pour l'explication duquel cette loi du quarré ne suffiroit pas. Les différens points du système du monde, au moins ceux que nous avons examinés jusqu'ici, s'accordent avec la loi du quarré des distances: cependant comme cet accord n'est qu'un à peu près, il est clair qu'ils s'accorderoient de même avec une loi qui seroit un peu
Reste donc à savoir si un seul phénomene qui ne s'accorderoit point avec la loi du quarré, seroit une raison suffisante pour nous obliger à changer cette loi dans tous les autres; & s'il ne seroit pas plus sage d'attribuer ce phénomene à quelque cause ou loi particuliere. M. Newton a reconnu lui - même d'autres forces que celle - là, puisqu'il paroît supposer que la force magnétique de la terre agit sur la lune, & on sait combien cette force est différente de la force générale d'attraction, tant par son intensité, que par les lois suivant lesquelles elle agit.
M. de Maupertuis, un des plus célebres partisans
du Newtonianisme, a donné dans son discours sur les
figures des astres une idée du systeme de l'attraction
& des refléxions sur ce système, auxquelles nous
croyons devoir renvoyer nos lecteurs, comme au
m>illeur précis que nous connoissions de tout ce
qu'on peut dire sur cett> matiere. Le même auteur
observe dans les Mém. acad. 1734, que M
Attraction des montagnes (Page 1:855)
Il peut donc arriver que quand on observe la hauteur d'un astre au pié d'une fort grosse montagné, le fil à plomb, dont la direction sert à faire connoître cette hauteur, ne soit point vertical; & si l'on faisoit un jour cette observation, elle fourniroit, ce semble, une preuve considérable en faveur du système de l'attraction. Mais comment s'assûrer qu'un fil à plomb n'est pas exactement vertical, puisque la direction même de ce fil est le seul moyen qu'on puisse employer pour déterminer la situation verticale? Voici le moyen de résoudre cette difficulté.
Imaginons une étoile au nord de la montagne, & que l'observateur soit placé au sud. Si l'attraction de la montagne agit sensiblement sur le fil à plomb, il sera écarté de la situation verticale vers le nord, & par conséquent le zénith apparent reculera, pour ainsi dire, d'autant vers le sud: ainsi la distance observée de l'étoile au zénith, doit être plus grande que s'il n'y avoit point d'attraction.
Donc si après avoir observé au pié de la montagne
la distance de cette étoile au zénith, on se transporte
loin de la montagne sur la même ligne à l'est
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