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ATTRACTION (Page 1:846)
ATTRACTION, s. f. attractio ou tractio, composé
de ad, & de traho, je tire; signifie, en Méchanique,
l'action d'une force motrice, par laquelle un mobile
est tiré ou rapproché de la puissance qui le meut. V.
Comme la réaction est toûjours égale & contraire
à l'action, il s'ensuit que dans toute attraction le moteur
est attiré vers le mobile autant que le mobile
vers le moteur. Voyez
Dans l'usage ordinaire on dit qu'un corps A est attiré vers un autre corps B, lorsque A est lié ou attaché avec B par le moyen d'une corde, d'une courroie, ou d'un bâton; c'est de cette maniere qu'un cheval tire un charriot ou une barque: & en général on
De plus, lorsqu'on voit deux corps libres éloignés
l'un de l'autre s'approcher mutuellement sans que
l'on apperçoive de cause, on donne encore à ce phénomene
le nom d'attraction; & c'est principalement
dans ce dernier sens qu'il a été employé par les philosophes
anciens & modernes. L'attraction prise dans
le premier sens, se nomme plus communément traction. Voyez
Attraction ou force attractive, dans l'ancienne Physique, signifie une force naturelle qu'on suppose inhérente
à certains corps, & en vertu de laquelle ils
agissent sur d'autres corps éloignés, & les tirent à
eux. Voyez
Le mouvement que ces prétendues forces produisent,
est appellé par les Péripatéticiens mouvement
d'attraction, & en plusieurs occasions, suction; & ils
rapportent différens exemples où, selon eux, ce mouvement
se remarque: ainsi nous respirons l'air, disent-ils,
par attraction ou suction; de même nous suçons par
attraction une pipe de tabac: c'est encore par attraction qu'un enfant tete: c'est par attraction que le sang
monte dans les ventouses, que l'eau s'éleve dans les
pompes, & la fumée dans les cheminées; les vapeurs
& les exhalaisons sont attirées par le soleil, le fer par
l'aimant, les pailles & la poussiere par l'ambre & les
autres corps électriques. Voyez
Si ces philosophes avoient fait un plus grand nombre
d'expériences, ils auroient bientôt reconnu que
ces différens phénomenes venoient de l'impulsion
d'un fluide invisible. Aussi la plûpart des effets que
les anciens attribuoient à l'attraction, sont aujourd'hui attribués à des causes plus naturelles & plus
sensibles, principalement à la pression de l'air. Voyez
C'est la pression de l'air, par exemple, qui produit
les phénomenes de l'inspiration des ventouses,
de la suction des pompes, des vapeurs, des exhalaisons,
&c. Voyez
Sur les phénomenes de l'attraction électrique &
magnétique, voyez
La puissance opposée à l'attraction est appellée répulsion; & on observe que la répulsion a lieu dans
quelques effets naturels. Voyez
Attraction ou puissance attractive, se dit plus particulierement,
dans la philosophie Newtonienne, d'une
puissance ou principe, en vertu duquel toutes les
parties, soit d'un même corps, soit de corps différens,
tendent les unes vers les autres; ou pour parler
plus exactement, l'attraction est l'effet d'une puissance,
par laquelle chaque particule de matiere tend
vers une autre particule. Voyez
Quoique ce grand philosophe se serve du mot d'attraction, comme les philosophes de l'école, cependant, selon la plûpart de ses disciples, il y attache une idée bien différente. Nous disons selon la plûpart de ses disciples, car nous ne faisons que détailler ici ce qui a été dit sur l'attraction, nous réservant à exposer à la fin de cet article notre sentiment particulier.
L'attraction dans la Philosophie ancienne étoit, selon
eux, une espece de qualité inhérente à certains
corps, & qui résultoit de leurs formes particulieres
& spécifiques; & l'idée que les anciens philosophes
attachoient à ce mot de forme, étoit fort obscure.
Voyez
L'attraction Newtonienne, au contraire, est un principe indéfini, c'est - à - dire, par lequel on ne veut désigner ni aucune espece ou maniere d'action particuliere, ni aucune cause physique d'une pareille action, mais seulement une tendance en général, un conatus accedendi, ou effort pour s'approcher, quelle qu'en soit la cause physique ou métaphysique; c'est - à - dire, soit que la puissance qui le produit soit inhérente aux corps mêmes, soit qu'elle consiste dans l'impulsion d'un agent extérieur.
Aussi Newton dit - il expressément dans ses principes, qu'il se sert indifféremment des mots d'attraction, d'impulsion, & de propension; & avertit le lecteur de ne pas croire que par le mot d'attraction il veuille désigner une maniere d'action ou sa cause efficiente, & supposer qu'il y a réellement une force attractive dans des centres, qui ne sont que des points mathématiques. L. I. p. 5. Et dans un autre endroit il dit: qu'il considere les forces centripetes comme des attractions, quoique peut - être elles ne soient, physiquement parlant, que de véritables impulsions. Ib. pag. 147. Il dit aussi dans son optique, p. 322. que ce qu'il appelle attraction, est peut - être l'effet de quelque impulsion qui agit suivant des lois différentes de l'impulsion ordinaire; ou peut - être aussi l'effet de quelque cause qui nous est inconnue.
Si on considere l'attraction, continuent les Newtoniens, comme une qualité qui résulte des formes
particulieres de certains corps, on doit la proscrire
avec les sympathies, antipathies, & qualités occultes.
Voyez
D'ailleurs, les observations nous ont appris qu'il y a divers cas où les corps s'approchent les uns des autres, quoiqu'on ne puisse découvrir en aucune maniere qu'il y ait quelque cause extérieure qui agisse pour les mettre en mouvement. Quiconque attribue ce mouvement à une impulsion extérieure, suppose donc un peu trop legerement cette cause. Ainsiquand on voit que deux corps éloign>s s'approchent l'un de l'autre, on ne doit pas se presser de conclurre que ces corps sont poussés l'un vers l'autre par l'action d'un fluide ou d'un autre corps invisible, insqu'à ce que l'expérience l'ait démontré; comme il est arrivé dans les phénomenes que les anciens attribuoient à l'horreur du vuide, & qu'on a reconnu être l'effet de la pression de l'air. Encore moins doit - on attribuer ces phénomenes à l'impulsion, lorsqu'il paroît impossible, ou au moins très - difficile, de les expliquer par ce principe, comme il est prouvé à l'égard de la pesanteur. Mussch. Essay de Phys.
Le principe inconnu de l'attraction, c'est - à - dire inconnu par la cause (car les effets sont sous les yeux de tout le monde) est ce que l'on appelle attraction; & sous ce nom général, on comprend toutes les tendances mutuelles dans lesquelles l'impulsion ne se manifeste pas, & qui par conséquent ne peuvent s'expliquer par le secours d'aucunes lois connues de la nature.
C'est de là que sont venues les différentes sortes d'attractions; savoir la pesanteur, l'ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires, la rondeur des gouttes de fluide, &c. qui sont l'offet d'autant de dif<cb->
L'attraction peut se diviser, eu égard aux lois qu'elle
observe, en deux especes. La premiere s'étend à une
distance sensible: telles sont l'attraction de la pesanteur
qui s'observe dans tous les corps, & l'attraction
du magnétisme, de l'électricité, &c. qui n'a lieu que
dans certains corps particuliers. Voyez les lois de chacune
de ces attractions aux mots
L'attraction de la gravité, que les Mathématiciens
appellent aussi force centripete, est un des plus grands
principes & des plus universels de la nature. Nous la
voyons & nous la sentons dans les corps qui sont proche
de la surface de la terre, (Voyez
C'est donc de l'attraction, suivant M. Newton, que
proviennent la plûpart des mouvemens, & par conséquent
des changemens qui se font dans l'univers:
c'est par elle que les corps pesans descendent, &
que les corps légers montent; c'est par elle que les
projectiles sont dirigés dans leur course, que les vapeurs
montent, & que la pluie tombe; c'est par elle
que les fleuves coulent, que l'air presse, que l'Océan
a un flux & reflux. V.
La seconde espece d'attraction est celle qui ne s'étend
qu'à des distances insensibles. Telle est l'attraction mutuelle qu'on remarque dans les petites parties
dont les corps sont composés; car ces parties s'attirent
les unes les autres au point de contact, ou extrèmement
près de ce point, avec une force très supérieure
à celle de la pesanteur, mais qui décroît
ensuite à une très - petite distance, jusqu'à devenir
beaucoup moindre que la pesanteur. Un auteur moderne
a appellé cette force, attraction de cohésion, supposant
que c'est elle qui unit les particules élémentaires des corps pour en faire des masses sensibles. Voyez
Toutes les parties des fluides s'attirent mutuellement, comme il paroît par la ténacité & par la rondeur de leurs gouttes, si on en excepte l'air, le feu & la lumiere, qu'on n'a jamais vûs sous la forme de gouttes. Ces mêmes fluides se forment en gouttes dans le vuide comme dans l'air, ils attirent les corps solides, & en sont réciproquement attirés; d'où il paroît que la vertu attractive se trouve répandue partout. Qu'on mette l'une sur l'autre deux glaces de miroir bien unies, bien nettes & bien seches, on trouvera alors qu'elles tiennent ensemble avec beaucoup de force, de sorte qu'on ne peut les séparer l'une de l'autre qu'avec peine. La même chose arrive dans le vuide, lorsqu'on retranche une petite portion de deux balles de plomb, ensorte que leurs surfaces deviennent unies à l'endroit de la section, & qu'on les presse ensuite l'une contre l'autre avec la main, en leur faisant faire en même tems la quatrieme partie d'un tour; on remarque que ces balles tiennent ensemble avec une force de 40 ou 50 livres. En général tous les corps dont les surfaces sont unies, seches & nettes, principalement les métaux, se collent & s'attachent mutuellement l'un à l'autre quand on les approche; de sorte qu'il faut quelque force pour les séparer. Mussch. Essay de Phys.
Les corps s'attirent réciproquement, non - seulement lorsqu'ils se touchent, mais aussi lorsqu'ils sont à une certaine distance les uns des autres: car mettez entre les deux glaces de miroir dont nous venons de parler, un fil de soie fort fin, alors ces deux glaces ne pourront pas se toucher, puisqu'elles seront éloignées l'une de l'autre de toute l'épaisseur du fil; cependant on ne laissera pas de voir que ces deux glaces s'attirent mutuellement, quoiqu'avec moins de force que lorsqu'il n'y avoit rien entre elles. Mettez entre les glaces deux fils que vous aurez tors ensemble, ensuite trois fils tors de même, & vous verrez que l'attraction diminuera à mesure que les glaces s'éloigneront l'une de l'autre. Mussch. ibid.
On peut encore faire voir d'une maniere bien sensible cette vertu attractive par une expérience curieuse. Prenez un corps solide & opaque, qui finisse en pointe, soit de métal, soit de pierre, ou même de verre; si des rayons de lumiere paralleles passent tout près de la pointe ou du tranchant de ce corps dans une chambre obscure, alors le rayon qui se trouvera tout près de la pointe, sera attiré avec beaucoup de force vers le corps; & après s'être détourné de son chemin, il en prendra un autre, étant brisé par l'attraction que ce corps exerce sur lui. Le rayon un peu plus éloigné de la pointe est aussi attiré, mais moins que le précédent; & ainsi il sera moins rompu, & s'écartera moins de son chemin. Le rayon suivant qui est encore plus éloigné, sera aussi moin>tiré & moins détourné de sa premiere route. Enfin, à une certaine distance sort petite, il y aura un rayon qui ne sera plus attiré du tout, ou du moins sensiblement, & qui conservera sans se rompre sa direction primitive. Mussch. ibid.
C'est à M. Newton que nous devons la découverte
de cette derniere espece d'attraction, qui n'agit qu'à
de très - petites distances; comme c'est à lui que nous
devons la connoissance plus parfaite de l'autre, qui
agit à des distances considérables. En effet, les lois
du mouvement & de la percussion des corps sensibles
dans les différentes circonstances où nous pouvons
les supposer, ne paroissent pas suffisantes pour expliquer
les mouvemens intestins des particules des
corps, d'où dépendent les différens changemens qu'ils
subissent dans leurs contextures, leurs couleurs, leurs
propriétés; ainsi notre Philosophie seroit nécessairement
en défaut, si elle étoit fondée sur le principe
seul de la gravitation, porté même aussi loin qu'il est
possible. Voyez
Mais outre les lois ordinaires du mouvement dans
les corps sensibles, les particules dont ces corps sont
composés, en observent d'autres, qu'on n'a commencé
à remarquer que depuis peu de tems, & dont
on n'a encore qu'une connoissance fort imparfaite.
M. Newton, à la pénétration duquel nous en devons
la premiere idée, s'est presque contenté d'en établir
l'existence; & après avoir prouvé qu'il y a des mouvemens
dans les petites parties des corps, il ajoûte
que ces mouvemens proviennent de certaines puissances
ou forces, qui paroissent différentes de toutes
les forces que nous connoissons.
Cet illustre auteur confirme cette opinion par un grand nombre de phénomenes & d'expériences, qui prouvent clairement, selon lui, qu'il y a une puissance & une action attractive entre les particules, par exemple, du sel & de l'eau; entre celles du vitriol & de l'eau, du fer & de l'eau - forte, de l'esprit de vitriol & du salpetre. Il ajoûte que cette puissance n'est pas d'une égale force dans tous les corps; qu'elle est plus forte, par exemple, entre les particules du sel de tartre & celles de l'eau - forte, qu'entre les particules du sel de tartre & celles de l'argent: entre l'eauforte & la pierre calaminaire, qu'entre l'eau - force & le fer: entre l'eau - forte & le fer, qu'entre l'eauforte & le cuivre; encore moindre entre l'eau - forte & l'argent, ou entre l'eau forte & le mercure. De mêmême l'esprit de vitriol agit sur l'eau, mais il agit encore davantage sur le fer ou sur le cuivre.
Il est facile d'expliquer par l'attraction mutuelle la rondeur que les gouttes d'eau affectent; car comme ces parties doivent s'attirer toutes également. & en tous sens, elles doivent tendre à former un corps, dont tous les points de la surface soient à distance égale de son centre. Ce corps seroit parfaitement sphérique, si les parties qui le composent étoient sans pesanteur: mais cette force qui les fait descendre en embas, oblige la goutte de s'allonger un peu, & c'est pour cette raison, que les gouttes de fluide attachées à la surface inférieure des corps, dont le grand axe est vertical, prennent une figure un peu ovale. On remarque aussi cette même figure dans les gouttes d'eau qui sont placées sur la surface supérieure d'un plan horisontal; mais alors le petit axe de cette figuré est vertical, & sa surface inférieure, c'est - à - dire, celle qui touche le plan, est plane; ce qui vient tant de la pesanteur des particules de l'eau, que de l'attraction du corps sur lequel elles sont placées, & qui altere l'effet de leur attraction mutuelle. Aussi, moins la surface sur laquelle la goutte est placée, a de force pour attirer ses parties, plus la goutte reste ronde: c'est pour cette raison, que les gouttes d'eau qu'on voit sur quelques feuilles de plantes, sont parfaitement rondes; au lieu que celles qui se trouvent sur du verre, sur des métaux, ou sur des pierres, ne sont qu'à demi rondes, ou quelquefois encore moins. Il en est de même du mercure, qui se partage sur le papier en petites boules parfaitement rondes, au [p. 849]
On peut s'assûrer encore de la force avec laquelle les particules d'eau s'attirent, en prenant une phiole, dont le cou soit fort étroit, & n'ait pas plus de deux lignes de diametre, & en renversant cette phiole, après l'avoir remplie d'eau: car on remarquera alors qu'il n'en sort pas une seule goutte.
Comme dans une goutte d'eau, les parties qui s'attirent réciproquement, ne restent pas en repos avant que d'avoir formé une petite boule, de même aussi deux gouttes d'eau situées l'une proche de l'autre, & légerement attirées par la surface sur laquelle elles se trouvent, se précipiteront l'une vers l'autre par leur attraction mutuelle; & dans l'ins>nt même de leur premier contact, elles se réuniront & formeront une boule, comme on l'observe en effet; la même chose arrive à deux gouttes de mercure.
Lorsqu'on verse ensemble les parties de divers liquides, elles s'attirent mutuellement; celles qui se touchent alors, tiennent l'une à l'autre par la force avec laquelle elles agissent; c'est pourquoi les liquides pourront en ce cas se changer en un corps solide, qui sera d'autant plus dur, que l'attraction aura été plus forte; ainsi ces liquides se coaguleront. Mussch.
Lorsqu'on a fait dissoudre des parties de sel dans une grande quantité d'eau, elles sont attirées par l'eau avec plus de force qu'elles ne peuvent s'attirer mutuellement, & elles restent séparées assez loin les unes des autres: mais lorsqu'on fait évaporer une grande quantité de cette même eau, soit par la chaleur du soleil, soit par celle du feu, soit parle moyen du vent, il s'éleve sur la surface de l'eau une pellicule fort mince, formée par les particules de sel qui se tiennent en haut, & dont l'eau s'est évaporée. Cette pellicule, qui n'est composée que des parties de sel, peut alors attirer & séparer de l'eau qui est au - dessous, différentes particules salines, avec plus de force, que ne pouvoit faire auparavant cette même cau déjà diminuée de volume; car par l'évaporation d'une grande quantité d'eau, les parties salines se rapprochent davantage, & s'unissent beaucoup plus qu'auparavant; & l'eau se trouvant en moindre quantité, elle a aussi moins de force pour pouvoir agir sur les parties salines qui sont alors attirées enhaut vers la pellicule de sel à laquelle elles se joignent. Cette petite peau devient par conséquent plus épaisse & plus pesante que le liquide qui est au - dessous, puisque la pesanteur spécifique des parties salines est beaucoup plus grande que celle de l'eau; ainsi dès que cette peau est devenue fort pesante, elle se brise en pieces; ces morceaux tombent au fond, & continuent d'attirer d'autres parties salines; d'où il arrive qu'augmentant encore de volume, ils se forment en grosses masses de différentes grandeurs appellées crystaux. Mussch.
L'air, quoiqu'il doive surnager tous les liquides que nous connoissons, & qui sont beaucoup moins pesans que lui, ne laisse pas d'en être attiré, & de se mêler avec eux; & M. Petit a fait voir par plusieurs expériences, de quelle maniere il est adhérent aux corps fluides, & se colle, pour ainsi - dire, aux corps solides. Mém. Acad. 1731.
Les effervescences qui arrivent lorsqu'on mêle ensemble différens liquides, nous donnent un exemple remarquable de ces sortes d'attractions entre les peti<cb->
Il n'est pas non plus fort difficile de prouver que les liquides sont attirés par les corps solides. En effet, qu'on verse de l'eau dans un verre bien net, on remarquera qu'elle est attirée sur les côtés contre lesquels elle monte & auxquels elle s'attache, de sorte que la surface de la liqueur est plus basse au milieu que celle qui touche les parois du verre, & qui devient concave: au contraire, lorsqu'on verse du mercure dans un verre, sa surface devient convexe étant plus haute au milieu que proche les parois du verre, ce qui vient de ce que les parties du mercure s'attirent réciproquement avec plus de force, qu'elles ne sont attirées par le verre.
Si on prend un corps solide bien net, & qui ne soit pas gras, & qu'on le plonge dans un liquide, & qu'ensuite on le leve fort doucement & qu'on l'en retire, la liqueur y restera attachée, même quelquefois à une hauteur assez considérable; en sorte qu'il reste entre le corps & la surface du liquide, une petite colonne qui y demeure suspendue; cette colonne se détache, & retombe lorsqu'on a élevé le corps assez haut, pour que la pesanteur de la colonne l'emporte sur la force attractive. Mussch.
La force avec laquelle le verre attire les fluides,
se manifeste principalement dans les expériences
sur les tuyaux capillaires. Voyez
Il y a une infinité d'autres expériences qui constatent
l'existence de ce principe d'attraction entre les
particules des corps. Voyez les articles
Toutes ces actions en vertu desquelles les particules
des corps tendent les unes vers les autres, sont appellées
en général par Newton du nom indéfini d'attraction, qui est également applicable à toutes les actions
par lesquelles les corps sensibles agissent les uns
sur les autres, soit par impulsion, ou par quelqu'autre
force moins connue: & par - là cet auteur explique
une infinité de phénomenes, qui seroient inexplicables
par le seul principe de la gravité: tels sont
la cohésion, la dissolution, la coagulation, la crystallisation,
l'ascension des fluides dans les tuyaux capillaires,
les secrétions animales, la fluidité, la fixité,
la fermentation, &c. Voyez les articles
Il est facile de juger après cela combien sont injustes ceux des philosophes modernes qui se déclarent hautement contre le principe de l'attraction, sans en apporter d'autre raison, sinon, qu'ils ne conçoivent pas comment un corps peut agir sur un autre qui en est éloigné. Il est certain que dans un grand nombre de phénomenes, les philosophes ne reconnoissent point autre d'action, que celle qui est produite par l'impulsion & le contact immédiat: mais nous voyons dans la nature plusieurs effets, sans y [p. 850]
Dans la philosophie Newtonienne, la recherche
de la cause est le dernier objet qu'on a en vûe; jamais
on ne pense à la trouver que quand les lois de
l'effet & les phénomenes sont bien établis; parce que
c'est par les effets seuls qu'on peut remonter jusqu'à
la cause: les actions mêmes les plus palpables & les
plus sensibles n'ont point une cause entierement
connue: les plus profonds philosophes ne sauroient
concevoir comment l'impulsion produit le mouvement,
c'est - à - dire, comment le mouvement d'un
corps passe dans un autre par le choc: cependant la
communication du mouvement par l'impulsion est un
principe admis, non - seulement en Philosophie, mais
encore en Mathématique; & même une grande
partie de la Méchanique élémentaire a pour objet les
lois & les effets de cette communication. Voyez
Concluons donc que quand les phénomenes sont suffisamment établis, les autres especes d'effets, où on ne remarque point d'impulsion, ont le même droit de passer de la Physique dans les Mathématiques, sans qu'on s'embarrasse d'en approsondir les causes qui sont peut - être au - dessus de notre portée: il est permis de les regarder comme causes occultes, (car toutes les causes le sont, à parler exactement) & de s'en tenir aux effets, qui sont la seule choseimmédiatement à notre portée.
Newton a donc éloigné avec raison de sa philosophie cette discussion étrangere & métaphysique; & malgré tous les reproches qu'on a cherché à lui faire là - dessus, il a la gloire d'avoir découvert dans la méchanique, un nouveau principe, qui étant bien approfondi, doit être infiniment plus étendu que ceux de la méchanique ordinaire: c'est de ce principe seulement que nous pouvons attendre l'explication d'un grand nombre de changemens qui arrivent dans les corps, comme productions, générations, corruptions, &c. en un mot, de toutes les opérations sur<cb->
Quelques Philosophes Anglois ont approfondi les principes de l'attraction. M. Keil en particulier a tâché de déterminer quelques - unes des lois de cette nouvelle cause, & d'expliquer par ce moyen plusieurs phénomenes généraux de la nature, comme la cohésion, la fluidité, l'élasticité, la fermentation, la mollesse, la coagulation. M. Friend, marchant sur ses traces, a encore fait une application plus étendue de ces mêmes principes aux phénomenes de la Chimie. Aussi quelques philosophes ont été tentés de regarder cette nouvelle méchanique comme une science complete, & de penser qu'il n'y a presque aucun effet physique dont la force attractive ne fournisse une explication immédiate.
Cependant en tirant cette conséquence, il y auroit lieu de craindre qu'on ne se hâtât un peu trop: un principe si fécond a besoin d'être examiné encore plus à fond; & il semble qu'avant d'en faire l'application générale à tous les phénomenes, il faudroit examiner plus exactement ses lois & ses limites. L'attraction en général est un principe si complexe, qu'on peut par son moyen expliquer une infinité de phénomenes différens les uns des autres: mais jusqu'à ce que nous en connoissions mieux les propriétés, il seroit peut - être bon de l'appliquer à moins d'effets, & de l'approfondir davantage. Il se peut faire que toutes les attractions ne se ressemblent pas, & que quelques - unes dépendent de certaines causes particulieres, dont nous n'avons pû nous former jusqu'à présent aucune idée, parce que nous n'avons pas assez d'observations exactes, ou parce que les phénomenes sont si peu sensibles qu'ils échappent à nos sens. Ceux qui viendront après nous, découvriront peut - être ces diverses sortes de phénomenes: c'est pourquoi nous devons rencontrer un grand nombre de phénomenes qu'il nous est impossible de bien expliquer, ou de démontrer, avant que ces causes ayent été découvertes. Quant au mot d'attraction, on peut se servir de ce terme jusqu'à ce que la cause soit mieux connue.
Pour donner un essai du principe d'attraction, & de la maniere dont quelques Philosophes l'ont appliqué, nous joindrons ici les principales lois qui ont été données par M. Newton, M. Keill, M. Friend, &c.
Théor (Page 1:850)
Ce théoreme, comme nous l'avons déja remarqué, peut se démontrer par un grand nombre de phénomenes. Nous ne rappellerons ici que les plus simples & les plus communs: par exemple, la figure sphérique que les gouttes d'eau prennent, ne peut provenir que d'une pareille force: c'est par la même raison que deux boules de mercure s'unissent & s'incorporent en une seule dès qu'elles viennent à se toucher, ou qu'elles sont fort près l'une de l'autre; c'est encore en vertu de cette force que l'eau s'éleve dans les tuyaux capillaires, &c.
A l'égard de la loi précise de cette attraction, on ne l'a point encore déterminée: tout ce que l'on sait certainement, c'est qu'en s'éloignant du point de contact, elle décroît plus que dans la raison inverse du quarré de la distance, & que par conséquent elle suit une autre loi que la gravité. En effet, si cette force suivoit la loi de la raison inverse du quarré de la distance, elle ne seroit guere plus grande au point de contact que fort proche de ce point: car M. Newton a démontré dans ses Principes mathématiques, que si l'attraction d'un corps est en raison inverse du quarré de la distance, cette attraction est finie au point de contact, & qu'ainsi elle n'est guere plus grande au [p. 851]
II. La quantité de l'attraction dans tous les corps très - petits, est proportionnelle, toutes choses d'ailleurs égales, à la quantité de matiere du corps attirant, parce qu'elle est en effet, ou du moins à très peu près, la somme ou le résultat des attractions de toutes les parties dont le corps est composé; ou, ce qui revient au même, l'attraction dans tous les corps fort petits, est comme leurs solidités, toutes choses d'ailleurs égales.
Donc 1°. à distances égales, les attractions de deux corps très - petits seront comme leurs masses, quelque différence qu'il y ait d'ailleurs entre leur figure & leur volume.
2°. A quelque distance que ce soit, l'attraction d'un corps très - petit est comme sa masse divisée par le quarré de la distance.
Il faut observer que cette loi prise rigoureusement, n'a lieu qu'à l'égard des atomes, ou des plus petites parties composantes des corps, que quelques - uns appellent particules de la derniere composition, & non pas à l'égard des corpuscules faits de ces atomes.
Car lorsqu'un corps est d'une grandeur finie, l'attraction qu'il exerce sur un point placé à une certaine distance, n'est autre chose que le résultat des attractions, que toutes les parties du corps attirant exercent sur ce point, & qui en se combinant toutes ensemble, produisent sur ce point une force ou une tendance unique dans une certaine direction. Or comme toutes les particules dont le corps attirant est composé, sont différemment situées par rapport au point qu'elles attirent; toutes les forces que ces particules exercent, ont chacune une valeur & une direction différente; & ce n'est que par le calcul qu'on peut savoir si la force unique qui en résulte est comme la masse totale du corps attirant divisée par le quarré de la distance. Aussi cette propriété n'a - t - elle lieu que dans un très - petit nombre de corps; par exemple dans les spheres, de quelque grandeur qu'elles puissent être. M. Newton a démontré que l'attraction qu'elles exercent sur un point placé à une distance quelconque, est la même que si toute la matiere étoit concentrée & réunie au centre de la sphere; d'où il s'ensuit que l'attraction d'une sphere est en général comme sa >asse divisée par le quarré de la distance qu'il y a du point attiré au centre de la sphere. Lorsque le corps attirant est fort petit, toutes ses parties sont censées être à la même distance du point attiré, & sont censées agir à peu près dans le même sens: c'est pour cela que dans les petits corps l'attraction est censée proportionnelle à la masse divisée par le quarré de la distance.
Au reste c'est toûjours à la masse, & non à la grosseur ou au volume, que l'attraction est proportionnelle; car l'attraction totale est la somme des attractions particulieres des atomes dont un corps est com<cb->
III. Si un corps est composé de particules, dont chacune ait une force attractive décroissante en raison triplée ou plus que triplée des distances, la force avec laquelle une particule de matiere sera attirée par ce corps au point de contact, sera infiniment plus grande, que si cette particule étoit placée à une distance donnée du corps. M. Newton a démontré cette proposition dans ses principes, comme nous l'avons déjà remarqué. Voyez Princ. math. sect. xiij. liv. I. proposition premiere.
IV. Dans la même supposition, si la force attractive qui agit à une distance assignable, a un rapport fini avec la gravité, la force attractive au point de contact, ou infiniment près de ce point, sera infiniment plus grande que la force de la gravité.
V. Mais si dans le point de contact la force attractive a un rapport fini à la gravité, la force à une distance assignable sera infiniment moindre que la force de la gravité, & par conséquent sera nulle.
VI. La force attractive de chaque particule de matiere au point de contact, surpasse presque infiniment la force de la gravité, mais cependant n'est pas infiniment plus grande. De ce théorème & du précédent, il s'ensuit que la force attractive qui agit à une distance donnée quelconque, sera presque égale à zéro.
Par conséquent cette force attractive des corps terrestres ne s'étend que dans un espace extrèmement petit, & s'évanoüit à une grande distance. C'est ce qui fait qu'elle ne peut rien déranger dans le mouvement des corps célestes qui en sont fort éloignés, & que toutes les planetes continuent sensiblement leur cours, comme s'il n'y avoit point de force attractive dans les corps terrestres.
Où la force attractive cesse, la force répulsive commence,
selon M. Newton, ou plûtôt la force attractive se change en force répulsive. Voyez
VII. Supposons un corpuscule qui touche un corps: la force par laquelle le corpuscule est poussé, c'est - à - dire, la force avec laquelle il est adhérent au corps qu'il touche, sera proportionnelle à la quantité du contact; car les parties un peu éloignées du point de contact ne contribuent en rien à la cohésion.
Il y a donc différens degrés de cohésion, selon la différence qui peut se trouver dans le contact des particules: la force de la cohésion est la plus grande qu'il est possible, lorsque la surface touchante est plane: en ce cas, toutes choses d'ailleurs égales, la force par laquelle le corpuscule est adhérent, sera comme les parties des surfaces touchantes.
C'est pour cette raison que deux marbres parfaitement polis, qui se touchent par leurs surfaces planes, sont si difficiles à séparer, & ne peuvent l'être que par un poids fort supérieur à celui de l'air qui les presse.
VIII. La force de l'attraction croît dans les petites particules, à mesure que le poids & la grosseur de ces particules diminue; ou pour s'expliquer plus clairement, la force de l'attraction décroît moins à proportion que la masse, toutes choses d'ailleurs égales.
Car comme la force attractive n'agit qu'au point de contact, ou fort pres de ce point, le moment de cette force doit être comme la quantité de contact, c'est - à - dire, comme la densité des parties, & la grandeur de leurs surfaces: or les surfaces des corps croissent ou décroissent comme les quarrés des diametres, & les solidités comme les cubes de ces mêmes dia<pb-> [p. 852]
On peut tirer de ce principe la cause de la fluidité;
car regardant les parties des fluides comme
de petites spheres ou globules très - polis, on voit que
leur attraction & cohésion mutuelle doit être très - peu
considérable, & qu'elles doivent être fort faciles à
séparer & à glisser les unes sur les autres; ce qui
constitue la fluidité. Voyez
IX. La force par laquelle un corpuscule est attiré par un autre corps qui en est proche, ne reçoit aucun changement dans sa quantité, soit que la matiere du corps attirant croisse ou diminue, pourvû que le corps attirant conserve toûjours la même densité, & que le corpuscule demeure toûjours à la meme distance.
Car puisque la puissance attractive n'est répandue que dans un fort petit espace, il s'ensuit que les corpuscules qui sont éloignés d'un autre, ne contribuent en rien pour attirer celui - ci: par conséquent le corpuscule sera attiré vers celui qui en est proche avec la même force, soit que les autres corpuscules y soient ou n'y soient pas; & par conséquent aussi, soit qu'on en ajoûte d'autres ou non.
Donc les particules auront différentes forces attractives, selon la différence de leur structure: par exemple, une particule percée dans sa longueur n'attirera pas si fort qu'une particule qui seroit entiere: de même aussi la différence dans la figure en produira une dans la force attractive. Ainsi une sphere attirera plus qu'un cone, qu'un cylindre, &c.
X. Supposons que la contexture d'un corps soit telle, que les dernieres particules élémentaires dont il est composé soient un peu éloignées de leur premier contact par l'action de quelque force extérieure, comme par le poids ou l'impulsion d'un autre corps, mais sans acquérir en vertu de cette force un nouveau contact; dès que l'action de cette force aura cessé, ces particules tendant les unes vers les autres par leur force attractive, retourneront aussi - tôt à leur premier contact. Or quand les parties d'un corps, après avoir été déplacées, retournent dans leur premiere situation, la figure du corps, qui avoit été changée par le dérangement des parties, se rétablit aussi dans son premier état: donc les corps qui ont perdu leur figure primitive, peuvent la recouvrer par l'attraction.
Par - là on peut expliquer la cause de l'élasticité;
car quand les particules d'un corps ont été un peu
dérangées de leur situation, par l'action de quelque
force extérieure; si - tôt que cette force cesse d'agir,
les parties séparées doivent retourner à leur premiere
place; & par conséquent le corps doit reprendre
sa figure, &c. Voyez
XI. Mais si la contexture d'un corps est telle que ses parties, lorsqu'elles perdent leur contact par l'action de quelque cause extérieure, en reçoivent un autre du même degré de force; ce corps ne pourra reprendre sa premiere figure.
Par - là on peut expliquer en quoi consiste la mollesse des corps.
XII. Un corps plus pesant que l'eau, peut diminuer de grosseur à un tel point, que ce corps demeure suspendu dans l'eau, sans descendre, comme il le devroit faire, par sa propre pesanteur.
Par - là on peut expliquer pourquoi les particules
salines, métalliques, & les autres petits corps semblables,
demeurent suspendus dans les fluides qui
les dissolvent. Voyez
XIII. Les grands corps s'approchent l'un de l'autre
avec moins de vîtesse que les petits corps. En effet
la force avec laquelle deux corps A, B, s'attirent
(
C'est pour cela que la vîtesse avec laquelle deux petits corpuscules tendent à s'approcher l'un de l'autre, est en raison inverse de leurs masses; c'est aussi pour cette même raison que le mouvement des grands corps est naturellemen si lent, que le fluide environnant & les autres corps adjacens le retardent & le diminuent considérablement; au lieu que les petits corps sont capables d'un mouvement beaucoup plus grand, & sont en état par ce moyen de produire un très - grand nombre d'effets; tant il est vrai que la force ou l'énergie de l'attraction est beaucoup plus considérable dans les petits corps que dans les grands. On peut aussi déduire du même principe la raison de cet axiome de Chimie: les sels n'agissent que quand ils sont dissous.
XIV. Si un corpuscule placé dans un fluide est également attiré en tout sens par les particules environnantes, il ne doit recevoir aucun mouvement: mais s'il est attiré par quelques particules plus fortement que par d'autres, il doit se mouvoir vers le côté où l'attraction est la plus grande; & le mouvement qu'il aura sera proportionné à l'inégalité d'attraction; c'est - à - dire, que plus cette inégalité sera grande, plus aussi le mouvement sera grand, & au contraire.
XV. Si des corpuscules nagent dans un fluide, & qu'ils s'attirent les uns les autres avec plus de force qu'ils n'attirent les particules intermédiaires du fluide, & qu'ils n'en sont attirés, ces corpuscules doivent s'ouvrir un passage à travers les particules du fluide, & s'approcher les uns des autres avec une force égale à l'excès de leur force attractive sur celle des parties du fluide.
XVI. Si un corps est plongé dans un fluide dont
les particules soient attirées plus fortement par les
parties du corps, que les parties de ce corps ne s'attirent
mutuellement, & qu'il y ait dans ce corps un
nombre considérable de pores ou d'interstices à travers
lesquels les particules du fluide puissent passer;
le fluide traversera ces pores. De plus, si la cohésion
des parties du corps n'est pas assez forte pour
résister à l'effort que le fluide fera pour les séparer,
ce corps se dissoudra. Voyez
Donc pour qu'un menstrue soit capable de dissoudre
un corps donné, il faut trois conditions: 1°. que
les parties du corps attirent les particules du menstrue
plus fortement qu'elles ne s'attirent elles - mêmes
les unes les autres: 2°. que les pores du corps soient
perméables aux particules du menstrue: 3°. que la
cohésion des parties du corps ne soit pas assez forte
pour résister à l'effort & à l'irruption des particules
du menstrue. Voyez
XVII. Les sels ont une grande force attractive, même lorsqu'ils sont séparés par beaucoup d'interstices qui laissent un libre passage à l'eau: par conséquent les particules de l'eau sont fortement attirées [p. 853]
XVIII. Si les corpuscules sont plus attirés par les parties du fluide qu'ils ne s'attirent les uns les autres, ces corpuscules doivent s'éloigner les uns des autres, & se répandre çà & là dans le fluide.
Par exemple, si on dissout un peu de sel dans une grande quantité d'eau, les particules du sel, quoique d'une pesanteur spécifique plus grande que celle de l'eau, se répandront & se disperseront dans toute la masse de l'eau, de maniere que l'eau sera aussi salée au fond, qu'à sa partie supérieure. Cela ne prouve - t - il pas que les parties du sel ont une force centrifuge ou répulsive, par laquelle elles tendent à s'éloigner les unes des autres; ou plûtôt qu'elles sont attirées par l'eau plus fortement qu'elles ne s'attirent les unes les autres? En effet, comme tout corps monte dans l'eau, lorsqu'il est moins attiré par la gravité terrestre que les parties de l'eau, de même toutes les parties de sel qui flottent dans l'eau, & qui sont moins attirées par une partie quelconque de sel que les parties de l'eau ne le sont; toutes ces parties, dis - je, doivent s'éloigner de la partie de sel dont il s'agit, & laisser leur place à l'eau qui en est plus attirée. Newton, Opt. p. 363.
XIX. Si des corpuscules qui nagent dans un fluide
tendent les uns vers les autres, & que ces corpuscules
soient élastiques, ils doivent après s'être rencontrés
s'éloigner de nouveau, jusqu'à ce qu'ils rencontrent
d'autres corpuscules qui les réfléchissent; ce
qui doit produire une grande quantité d'impulsions,
de répercussions, & pour ainsi dire de conflits entre
ces corpuscules. Or en vertu de la force attractive,
la vîtesse de ces corps augmentera continuellement;
de maniere que le mouvement intestin des particules
deviendra enfin sensible aux yeux. V.
De plus, ces mouvemens seront différens, & seront plus ou moins sensibles & plus ou moins prompts, selon que les corpuscules s'at>ireront l'un l'autre avec plus ou moins de force, & que leur élasticité sera plus ou moins grande.
XX. Si des corpuscules qui s'attirent l'un l'autre viennent à se toucher mutuellement, ils n'auront plus de mouvement, parce qu'ils ne peuvent s'approcher de plus près. S'ils sont placés à une très - petite distance l'un de l'autre, ils se mouvront: mais si on les place à une distance plus grande, de maniere que la force avec laquelle ils s'attirent l'un l'autre, ne surpasse point la force avec laquelle ils attirent les particules intermédiaires du fluide; alors ils n'auront plus de mouvement.
De ce principe dépend l'explication de tous les
phénomenes de la fermentation & de l'ébullition. V.
Ainsi on peut expliquer par - là pourquoi l'huile de
vitriol fermente & s'échauffe quand on verse un peu
d'eau dessus; car les particules salines qui se touchoient
sont un peu desunies par l'effusion de l'eau:
or comme ces particules s'attirent l'une l'autre plus
fortement qu'elles n'attirent les particules de l'eau,
& qu'elles ne sont pas également attirées en tout sens,
elles doivent nécessairement se mouvoir & fermenter.
Voyez
C'est aussi pour cette raison qu'il se fait une si violente ébullition, lorsqu'on ajoûte à ce mélange, de la limaille d'acier; car les particules de l'acier sont fort élastiques, & par conséquent sont réfléchies avec beaucoup de force.
On voit aussi pourquoi certains menstrues agissent plus fortement, & dissolvent plus promptement le corps lorsque ces menstrues ont été mêlés avec l'eau. Cela s'observe lorsqu'on verse sur le plomb ou sur
XXI. Si les corpuscules qui s'attirent mutuellement l'un l'autre n'ont point de force élastique, ils ne seront point réfléchis: mais ils se joindront en petites masses, d'où naîtra la coagulation.
Si la pesanteur des particules ainsi réunies surpasse
la pesanteur du fluide, la précipitation s'en suivra.
Voyez
XXII. Si des corpuscules nageant dans un fluide
s'attirent mutuellement, & si la figure de ces corpuscules
est telle, que quelques - unes de leurs parties
ayent plus de force attractive que les autres, & que
le contact soit aussi plus fort dans certaines parties
que dans d'autres, ces corpuscules s'uniront en prenant
de certaines figures; ce qui produira la crystallisation.
Voyez
Des corpuscules qui sont plongés dans un fluide dont les parties ont un mouvement progressif égal & uniforme, s'attirent mutuellement de la même maniere que si le fluide étoit en repos: mais si toutes les parties du fluide ne se meuvent point également, l'attraction des corpuscules ne sera plus la même.
C'est pour cette raison que les sels ne se crystallisent point, à moins que l'eau où on les met ne soit froide.
XXIII. Si entre deux particules de fluide se trouve
placé un corpuscule, dont les deux côtés opposés
ayent une grande force attractive, ce corpuscule forcera
les particules du fluide de s'unir & de se conglutiner
avec lui; & s'il y a plusieurs corpuscules de cette
sorte répandus dans le fluide, ils fixeront toutes les
particules du fluide, & en feront un corps solide, & le
fluide sera gelé ou changé en glace. Voyez
XXIV. Si un corps envoye hors de lui une grande
quantité de corpuscules dont l'attraction soit très forte,
ces corpuscules lorsqu'ils approcheront d'un
corps fort léger, surmonteront par leur attraction la
pesanteur de ce corps, & l'attireront à eux; & comme
les corpuscules sont en plus grande abondance à
de petites distances du corps, qu'à de plus grandes,
le corps léger sera continuellement tiré vers l'endroit
où l'émanation est la plus dense; jusqu'à ce qu'enfin
il vienne s'attacher au corps même d'où les émanations partent. Voyez
Par - là on peut expliquer plusieurs phénomenes de
l'électricité. Voyez
Nous (Page 1:853)
Voici donc, pour satisfaire à ce que nous avons promis au commencement de cet article, ce qu'il nous semble qu'on doit penser sur l'attraction.
Tous les Philosophes conviennent qu'il y a une force qui fait tendre les planetes premieres vers le soleil, & les planetes secondaires vers leurs planetes principales. Comme il ne faut point multiplier les principes sans nécessité, & que l'impulsion est le prin<pb-> [p. 854]
Il faut donc renoncer aux tourbillons, quelque agréable que le spectacle en paroisse. Il y a plus; on est presque forcé de convenir que les planetes ne se meuvent point en vertu de l'action d'un fluide: car de quelque maniere qu'on suppose que ce fluide agisse, on se trouve exposé de tous côtés à des difficultés insurmontables: le seul moyen de s'en tirer, seroit de supposer un fluide qui fût capable de pousser dans un sens, & qui ne résistât pas dans un autre: mais le remede, comme on voit, seroit pire que le mal. On est donc réduit à dire, que la force qui fait tendre les planetes vers le soleil vient d'un principe inconnu, & si l'on veut d'une qualité occulte; pourvû qu'on n'attache point à ce mot d'autre idée que celle qu'il présente naturellement, c'est - à - dire d'une cause qui nous est cachée. C'est vraissemblablement le sens qu'Aristote y attachoit, en quoi il a été plus sage que ses sectateurs, & que bien des philosophes modernes.
Nous ne dirons donc point si l'on veut que l'attraction est une propriété primordiale de la matiere, mais
nous nous garderons bien aussi d'affirmer, que l'impulsion
soit le principe nécessaire des mouyemens des
planetes. Nous avoüons même que si nous étions forcés
de prendre un parti, nous pencherions bien plûtôt
pour le premier que pour le second; puisqu'il n'a
pas encore été possible d'expliquer par le principe de
l'impulsion les phénomenes célestes; & que l'impossibilité
même de les expliquer par ce principe, est
appuyée sur des preuves très - fortes, pour ne pas
dire sur des démonstrations. Si M. Newton paroît indécis
en quelques endroits de ses ouvrages sur la nature
de la force attractive; s'il avoue même qu'elle
peut venir d'une impulsion, il y a lieu de croire que
c'étoit une espece de tribut qu'il vouloit bien payer
au préjugé, ou, si l'on veut, à l'opinion générale de
fon siecle; & on peut croire qu'il avoit pour l'autre
sentiment une sorte de prédilection; puisqu'il a souffert
que M. Côtes son disciple adoptât ce sentiment
sans aucune réserve, dans la préface qu'il a mise à
la tête de la seconde édition des Principes; préface
faite sous les yeux de l'auteur, & qu'il paroît avoir
approuvée. D'ailleurs M. Newton admet entre les
corps célestes une attraction réciproque; & cette opinion
semble supposer que l'attraction est une vertu inhérente
aux corps. Quoi qu'il en soit, la force attractive, selon M. Newton, décroît en raison inverse des
quarrés des distances: ce grand philosophe a expliqué
par ce seul principe une grande partie des phénomenes
célestes; & tous ceux qu'on a tenté d'expliquer
depuis par ce même principe, l'ont été avec une facilité
& une exactitude qui tiennent du prodige. Le seul
mouvement des apsides de la lune a paru durant
quelque tems se refuser à ce système: mais ce point
n'est pas encore décidé au moment que nous écrivons ceci; & je crois pouvoir assûrer que le système
Newtonien en sortira à son honneur. Voyez
Tous les phénomenes nous démontrent donc qu'il y a une force qui fait tendre les planetes les unes vers les autres. Ainsi nous ne pouvons nous dispenser de l'admettre; & quand nous serions forcés de la reconnoître comme primordiale & inhérente à la matiere, j'ose dire que la difficulté de concevoir une pareille cause seroit un argument bien foible contre son existence. Personne ne doute qu'un corps qui en rencontre un autre ne lui communique du mouvement: mais avons - nous une idée de la vertu par laquelle se fait cette communication? Les Philosophes ont avec le vulgaire bien plus de ressemblance qu'ils ne s'imaginent. Le peuple ne s'étonne point de voir une pierre tomber, parce qu'il l'a toûjours vû; de même les Philosophes, parce qu'ils ont vû dès l'enfance les effets de l'impulsion, n'ont aucune inquiétude sur la cause qui les produit. Cependant si tous les corps qui en rencontrent un autre s'arrêtoient sans leur communiquer du mouvement, un philosophe qui verroit pour la premiere fois un corps en pousser un autre seroit aussi surpris qu'un homme qui verroit un corps pesant se soûtenir en l'air sans retomber. Quand nous saurions en quoi consiste l'impénétrabilité des corps, nous n'en serions peut - être guere plus éclairés sut la nature de la force impulsive. Nous voyons seulement, qu'en conséquence de cette impénétrabilité, le choc d'un corps contre un autre doit être suivi de quelque changement, ou dans l'état des deux corps, ou dans l'état de l'un des deux: mais nous ignorons, & apparemment nous ignorerons toûjours, par quelle vertu ce changement s'exécute, & pourquoi par exemple un corps qui en choque un autrè ne reste pas toûjours en repos après le choc, sans communiquer une partie de son mouvement au corps choqué. Nous croyons que l'attraction répugne à l'idée que nous avons de la matiere: mais approfondissons cette idée, nous serons effrayés de voir combien peu elle est distincte, & combien nous devons être réservés dans les conséquences que nous en tirons. L'univers est caché pour nous derriere un espece de voile à travers lequel nous entrevoyons confusément quelques points. Si ce voile se déchiroit tout - à - coup, peut - être serions nous bien surpris de ce qui se passe derriere. D'ailleurs la prétendue incompatibilité de l'attraction avec la matiere n'a plus lieu dès qu'on admet un être intelligent & ordonnateur de tout, à qui il a été aussi libre de vouloir que les corps agissent les uns sur les autres à distance que dans le contact.
Mais autant que nous devons être portés à croire l'existence de la force d'attraction dans les corps célestes, autant, ce me semble, nous devons être réservés à aller plus avant. 1°. Nous ne dirons point que l'attraction est une propriété essentielle de la matiere, c'est beaucoup de la regarder comme une propriété primordiale; & il y a une grande différence entre une propriété primordiale & une propriété essentielle. L'impénétrabilité, la divisibilité, la mobilité, sont du dernier genre; la vertu impulsive est du second. Dès que nous concevons un corps, nous le concevons nécessairement divisible, étendu, impénétrable: mais nous ne concevons pas nécessairement qu'il mette en mouvement un autre corps. 2°. Si on croit que l'attraction soit une propriété inhérente à la matiere, on pourroit en conclurre que la loi du quarré s'observe dans toutes ses parties. Peut - être néanmoins seroit - il plus sage de n'admettre l'attraction qu'entre les parties des planetes, sans prendre notre parti sur la nature ni sur la cause de cette force, jusqu'à ce que de nouveaux phénomenes nous éclairent sur ce sujet. Mais du - moins faut - il bien nous garder d'assûrer que quelques parties de la matiere s'attirent suivant d'autres lois que celles du quarré. Cette proposition ne [p. 855]
Après ces refléxions, je crois qu'on pourroit se
dispenser de prendre aucun parti sur la dispute qui
a partagé deux académiciens célebres, savoir si la
loi d'attraction doit nécessairement être comme une
puissance de la distance, ou si elle peut être en géné>al comme une fonction de cette même distance,
voyez
Nous ne voyons pas d'ailleurs quel avantage il y auroit à exprimer l'attraction par une fonction. On prétend qu'on pourroit expliquer par - là, comment l'attraction à de grandes distances est en raison inverse du quarré, & suit une autre loi à de petites distances: mais il n'est pas encore bien certain que cette loi d'attraction à de petites distances, soit aussi générale qu'on veut le supposer. D'ailleurs, si on veut saire de cette fonction une loi générale qui devienne sort différente du quarré à de très - petites distances, & qui puisse servir à rendre raison des attractions qu'on observe ou qu'on suppose dans les corps terrestres, il nous paroît difficile d'expliquer dans cette hypothese comment la pesanteur des corps qui sont immédiatement contigus à la terre, est à la pesanteur de la lune à peu près en raison inverse du quarré de la distance. Ajoûtons qu'on devroit être fort circonspect à changer la loi du quarré des distances, quand même, ce qui n'est pas encore arrivé, on trouveroit quelque phénomene céleste, pour l'explication duquel cette loi du quarré ne suffiroit pas. Les différens points du système du monde, au moins ceux que nous avons examinés jusqu'ici, s'accordent avec la loi du quarré des distances: cependant comme cet accord n'est qu'un à peu près, il est clair qu'ils s'accorderoient de même avec une loi qui seroit un peu
Reste donc à savoir si un seul phénomene qui ne s'accorderoit point avec la loi du quarré, seroit une raison suffisante pour nous obliger à changer cette loi dans tous les autres; & s'il ne seroit pas plus sage d'attribuer ce phénomene à quelque cause ou loi particuliere. M. Newton a reconnu lui - même d'autres forces que celle - là, puisqu'il paroît supposer que la force magnétique de la terre agit sur la lune, & on sait combien cette force est différente de la force générale d'attraction, tant par son intensité, que par les lois suivant lesquelles elle agit.
M. de Maupertuis, un des plus célebres partisans
du Newtonianisme, a donné dans son discours sur les
figures des astres une idée du systeme de l'attraction
& des refléxions sur ce système, auxquelles nous
croyons devoir renvoyer nos lecteurs, comme au
m>illeur précis que nous connoissions de tout ce
qu'on peut dire sur cett> matiere. Le même auteur
observe dans les Mém. acad. 1734, que M
Attraction des montagnes (Page 1:855)
Il peut donc arriver que quand on observe la hauteur d'un astre au pié d'une fort grosse montagné, le fil à plomb, dont la direction sert à faire connoître cette hauteur, ne soit point vertical; & si l'on faisoit un jour cette observation, elle fourniroit, ce semble, une preuve considérable en faveur du système de l'attraction. Mais comment s'assûrer qu'un fil à plomb n'est pas exactement vertical, puisque la direction même de ce fil est le seul moyen qu'on puisse employer pour déterminer la situation verticale? Voici le moyen de résoudre cette difficulté.
Imaginons une étoile au nord de la montagne, & que l'observateur soit placé au sud. Si l'attraction de la montagne agit sensiblement sur le fil à plomb, il sera écarté de la situation verticale vers le nord, & par conséquent le zénith apparent reculera, pour ainsi dire, d'autant vers le sud: ainsi la distance observée de l'étoile au zénith, doit être plus grande que s'il n'y avoit point d'attraction.
Donc si après avoir observé au pié de la montagne la distance de cette étoile au zénith, on se transporte loin de la montagne sur la même ligne à l'est [p. 856]
On peut aussi se servir du moyen suivant, qui est encore meilleur. Il est visible que si le fil à plomb au sud de la montagne est écarté vers le nord, ce même fil à plomb au nord de la montagne sera écarté vers le sud; ainsi le zénith, qui dans le premier cas étoit pour ainsi dire reculé en arriere vers le sud, sera dans le second cas rapproché en avant vers le nord; donc dans le second cas la distance de l'étoile au zénith sera moindre que s'il n'y avoit point d'attraction, au lieu que dans le premier cas elle étoit plus grande. Prenant donc la différence de ces deux distances & la divisant par la moitié, on aura la quantité dont le pendule est écarté de la situation verticale par l'attraction de la montagne.
On peut voir toute cette théorie fort clairement exposée avec plusieurs remarques qui y ont rapport, dans un excellent mémoire de M. Bouguer, imprimé en 1749, à la fin de son livre de la figure de la terre. Il donne dans ce mémoire le détail des observations qu'il fit, conjointement avec M. de la Condamine, au sud & au nord d'une grosse montagne du Pérou appellée - Chimboraco; il résulte de ces observations, que l'attraction de cette grosse montagne écarte le fil à plomb d'environ 7" & demie de la situation verticale.
Au reste, M. Bouguer fait à cette occasion cette remarque judicieuse, que la plus grosse montagne pourroit avoir très - peu de densité par rapport au globe terrestre, tant par la nature de la matiere qu'elle peut contenir, que par les vuides qui peuvent s'y rencontrer, &c. qu'ainsi cent observations où on ne trouveroit point d'attraction sensible, ne prouveroient rien contre le système Newtonien; au lieu qu'une seule qui lui seroit favorable, comme celle de Chimboraco, mériteroit de la part des philosophes la plus grande attention. (O)
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