ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"742"> rendoient à la Religion, même dans les cas où leur travail étoit heureux, ne pouvoit jamais compenser le danger du mauvais exemple qu'ils donnoient. Si l'on en étoit plus disposé à croire le petit nombre de vérités sur lesquelles l'histoire sainte se concilioit avec les phénomenes naturels, ne prenoit - on pas une pente toute contraire dans le grand nombre de cas où l'expérience & la révélation sembloient parler diversement? C'est - là en effet tout le fruit qui résulte des ouvrages dé Severlin, d'Alstedius, de Glassius, de Zusold, de Valois, de Bochart, de Maius, d'Ursin, de Scheuchzer, de Grabovius, & d'une infinité d'autres qui se sont efforcés de trouver dans les saintes Ecritures tout ce que les Philosophes ont écrit de la Logique, de la Morale, de la Métaphysique, de la Physique, de la Chimie, de l'Histoire Naturelle, de la Politique. Il me semble qu'ils auroient dû imiter les Philosophes dans leur précaution. Ceuxci n'ont point publié de systèmes, sans prouver d'abord qu'ils n'avoient rien de contraire à la Religion: ceux - là n'auroient jamais dû rapporter les systèmes des Philosophes à l'Ecriture - sainte, sans s'être bien assurés auparavant qu'ils ne contenoient rien de contraire à la vérité. Négligerce préalable, n'étoit - ce pas s'exposer à faire dire beaucoup de sottises à l'esprit saint? Les réveries de Robert Fulde n'honoroient - elles pas beaucoup Moïse? Et quelle satyre plus indécente & plus cruelle pourroit on faire de cet auteur sublime, que d'établir une concorde exacte entre ses idées & celles de plusieurs physiciens que je pourrois citer?

Laissons donc là les ouvrages de Bigot, de Fromond, de Casmann, de Pfesfer, de Bayer, d'Aslach, de Danée, de Dickenson, & lisons Moïse, sans chercher dans sa Genèse des découvertes qui n'étoient pas de son tems, & dont il ne se proposa jamais de nous instruire.

Alstedius, Glassius & Zuzold ont cherché à concilier la Logique des Philosophes avec celle des Théologiens; belle entreprise!

Valois, Bochard, Maius, Ursin, Scheuchzer ont vû dans Moïse tout ce que nos philosophes, nos naturalistes, nos mathématiciens même ont découvert.

Buddée vous donnera le catalogue de ceux qui ont démontré que la dialectique & la métaphysique d'Aristore est la même que celle de Jesus - Christ.

Parcourez Rudiger, Wucherer & Wolf, & vous les verrez se tourmentant pour attribuer aux auteurs révélés tout ce que nos philosophes ont écrit de la nature, & tout ce qu'ils ont révé de ses causes & de sa sin.

Je ne sais ce que Bigot a prétendu, mais Fromond veut absolument que la terre soit immobile. On a de cet auteur deux traités sur l'ame & sur les météores, moitié philosophiques, moitié chrétiens.

Casmann a publié une biographie naturelle, morale & économique, d'où il déduit une moralè & une politique théosophique: celui ci pourtant n'asser vissoit pas tellement la Philosophie à la révélation, ni la révélation à la Philosophie, qu'il ne prononçât très - nettement qu'il ne valût mieux s'en tenir aux saintes Ecritures sur les préceptes de la vie, qu'à Aristote & aux philosophes anciens; & à Aristote & aux philosophes anciens sur les choses naturelles, qu'à la Bible & à l'ancien Testament. Cependant il défend l'ame du monde d'Aristote contre Platon; & il promet une grammaire, une rhétorique, une logique, une arithmétique, une géométrie, une optique & une musique chrétienne. Voità les extravagances où l'on est conduit par un zele aveugle de tout christianiser.

Alstedius, malgré son savoir, prétendit aussi qu'il falloit conformer la Philosophie aux saintes Ecritu<cb-> res, & il en sit un essai sur la Jurisprudence & la Medecine, où l'on a bien de la peine à retrouver le jugement de cet auteur.

Bayer encouragé par les tentatives du chancelier Bacon, publia l'ouvrage intitulé, le sil du labyrinthe; ce ne sont pas des spéculations frivoles; plusieurs auteurs ont suivi le fil de Bayer, & sont arrivés à des découvertes importantes sur la nature, mais cet homme n'est pas exempt de la folie de son tems.

Aslach auroit un nom bien mérité parmi les Philosophes, si le même défaut n'eût défiguré ses écrits; il avoit étudié, il avoit vû, il avoit voyagé; il savoit, mais il étoit philosophe & théologien; & il n'a jaciais pu se résoudre à séparer ces deux caracteres. Sa religion est philosophique, & sa physique est chrétienne.

Il faut porter le même jugement de Lambert Danée.

Dickenson n'a pas été plus sage. Si vous en croyez celui - ci, Moïse a donné en six pages tout ce qu'on a dit & tout ce qu'on dira de bonne cosmologie.

Il y a deux mondes, le supérieur immatériel, l'inférieur ou le matériel. Dieu, les anges & les esprits bienheureux, habitent le premier; le second est le nôtre, dont il explique la formation par le concours des atomes que le Tout - puissant a mus & dirigés. Adam a tout sû. Les connoissances du premier homme ont passé à Abraham, & d'Abraham à Moile. Les théogonies des anciens ne sont que la viaie cosmogonie défigurée par des symboles. Dieu crea des particules de toute especè. Dans le commencement elles étoient immobiles: de petits vuides les séparoient. Dieu leur communiqua deux mouvemens, l'un doux & oblique, l'autre circulaire: celui - ci fut commun à la masse entiere, celui - là propre à chaque molécule. De - là des collisions, des séparations, des unions, des combinaisons; le feu, l'air, l'eau, la terre, le ciel, la lune, le soleil, les astres, & tout cela comme Moise l'a entendu & l'a écrit. Il y a des caux supérieures, des eaux inférieures, un jour sans soleil, de la lumiere sans corps lumineux; des germes, des plantes, des ames, les unes matérielles & qui sentent; des ames spirituelles ou immatérielles; des forces plastiques, des sexes, des générations; que sais - je encore? Dickinson appelle à son secours toures les vérités & toutes les solies anciennes & modernes; & quand il en a fait une fable qui satisfait aux premiers chapitres de la Genèse, il croit avoir expliqué la nature & concilié Moïse avec Aristote, Epicure, Démocrite, & les Philosophes.

Thomas Burnet parut sur la scène après Dickinson. Il naquit de bonne maison en 1632, dans le village de Richemond. Il continua dans l'université de Cambridge les études qu'il avoit commencées au sein de sa famille. Il eut pour maîtres Cudworth, Widdringhton, Sharp & d'autres qui professoient le platonisme qu'ils avoient ressuscité. Il s'instruisit profondement de la philosophie des anciens. Ses défauts & ses qualités n'échapperent point à un homme qui ne s'en laissoit pas imposer, & qui avoit un jugement à lui. Platon lui plut comme moraliste, & lui déplut comme cosmologue. Personne n'exerça mieux la liberté ecclésiastique; il ne s'en départit pas même dans l'examen de la religion chrétienne. Après avoir épuisé la lecture des auteurs de réputation, il voyagea. Il vit la France, l'Italie & l'Allemagne. Chemin faisant, il recueilloit sur la terre nouvelle tout ce qui pouvoit le conduire à la connoissance de l'ancienne. De retour, il publia la premiere partie de la Théorie sacrée de la terre, ouvrage où il se propose de concilier Moïse avec les phénomenes. Jamais tant de recherches, tant d'érudition, tant de connoissances, d'esprit & de talens ne furent plus mal employés. Il obtint la faveur de Charles II. [p. 743] Guillaume III. accepta la dédicace de la seconde partie de sa théorie, & lui accorda le titre de son chapelain, à la sollicitation du célebre Tillotson. Mais notre philosophe ne tarda pas à se dégoûter de la cour, & à revenir à la solitude & aux livres. Il ajouta à sa théorie ses archéologues philosophiques, ou les preuves que presque toutes les nations avoient connu la cosmogonie de Moïse comme il l'avoit conçue; & il faut avouer que Burnet apperçut dans les anciens beaucoup de singularités qu'on n'y avoit pas remarquées: mais ses idées sur la naissance & la fin du monde, la création, nos premiers parens, le serpent, le déluge & autres points de notre foi, ne furent pas accueillies des théologiens avec la même indulgence que des philosophes. Son christianisme fut suspect. On le persécuta; & cet homme paisible se trouva embarrassé dans des disputes, & suivi par des inimitiés qui ne le quitterent qu'au bord du tombeau. Il mourut âgé de 86 ans. Il avoit écrit deux ouvrages, l'un de l'état des morts & des ressuscités, l'autre de la foi & des devoirs du chrétien, dont il laissa des copies à quelques amis. Il en brûla d'autres par humeur. Voici l'analyse de son systeme.

Entre le commencement & la fin du monde, on peut concevoir des périodes, des intermédiaires, ou des révolutions générales qui changeront la face de la terre.

Le commencement de chaque période fut comme un nouvel ordre de choses.

Il viendra un dernier periode qui sera la consommation de tout.

C'est sur - tout à ces grandes catastrophes qu'il faut diriger ses observations. Notre terre en a souffert phsieurs dont l'histoire sacrée nous instruit, qui nous sont confirmées par l'histoire profane, & qu'il faut reconnoître toutes les sois qu'on regarde à ses piés.

Le déluge universel en est une.

La terre, au sortir du chaos, n'avoit ni la forme, ni la contexture que nous lui remarquons.

Elle étoit composée de maniere qu'il devoit s'ensuivre une dissolution, & de cette dissolution un déluge.

Il ne faut que regarder les montagnes, les vallées, les mers, les entrailles de la terre, sa surface, pour s'assurer qu'il y a eu bouleversement & rupture.

Puisqu'elle a été submergée par le passé, rien n'empêche qu'elle ne soit un jour brûlée.

Les parties solides se sont précipitées au fond des eaux; les eaux ont surnagé; l'air s'est élevé au - dessus des eaux.

Le séjour des eaux & leur poids agissant sur la surface de la terre, en ont censolidé l'intérieur.

Des poussieres séparées de l'air, & se répandant sur les eaux qui couvroien: la terre, s'y sont assemblées, durcies, & ont formé une croûte.

Voilà donc des eaux contenues entre un noyau & une enveloppe dure.

C'est de - là qu'il déduit la cause du déluge, la fertilité de la premiere terre & l'état de la nôtre.

Le soleil & l'air continuant d'échauffer & de durcir cette croûte, elle s'entrouvrit, se brisa, & ses masses séparées se précipiterent au fond de l'abysme qui les soutenoit.

De - là la submersion d'une partie du globe, les gouffres, les vallées, les montagnes, les mers, les fleuves, les rivieres, les continences, leurs séparations, les îles & l'aspect général de notre globe.

Il part de - là pour expliquer avec assez de facilité plusieurs grands phénomenes.

Avant la rupture de la croûte, la sphere étoit droite; après cet événement, elle s'inclina. De - là cette diversité de phénomenes naturels dont il est parlé dans les mémoires quinous restent des premiers tems, qui ont eu lieu, & qui ont cessé; les âges d'or & de fer, &c.

Ce petit nombre de suppositions lui suffit pour justifier la cosmogomie de Moïse avec toutes ses circonstances.

Il passe de - là à la conflagration générale & à ses suites; & si l'on veut oublier quelques observations qui ne s'accordent point avec l'hypothese de Burnet, on conviendra qu'il étoit difficile d'imaginer rien de mieux. C'est une fable qui fait beaucoup d'honneur à l'esprit de l'auteur.

D'autres abandonnerent la physique, & tournerent leurs vues du côté de la morale, & s'occuperent à la conformer à la loi de l'Evangile; on nomme parmi ceux - ci Seckendorf, Boëcler, Paschius, Geuslengius, Becman, Wesenfeld, &c. Les uns se tirerent de ce travail avec succès; d'autres brouillerent le christianisme avec différens systemes d'éthique tant anciens que modernes, & ne se montrerent ni philosophes, ni chrétiens, Voyez la morale chrétienne de Crellius, & celle de Danée; il regne une telle confusion dans ces ouvrages, que l'homme pieux & l'homme ne savent ni ce qu'ils doivent faire, ni ce qu'ils doivent s'interdire.

On tenta aussi d'allier la politique avec la morale du Christ, au hasard d'établir pour la société en général des principes qui, suivis à la lettre, la réduiroient en un monastere. Voyez là - dessus Buddée, Fabricius & Pfaffius.

Valentin Alberti prétend qu'on n'a rien de mieux à faire pour poser les vrais fondemens du droit naturel, que de partir de l'état de perfection, tel que l'Ecriture - sainte nous le représente, & de passer ensuite aux changemens qui se sont introduits dans le caractere des hommes sous l'état de corruption. Voyez son Compendium juris naturalis orthodoxioe Theologioe conformatum.

Voici un homme qui s'est fait un nom au tems où les esprits vouloient ramener tout à la révélation. C'est Jean Amos Comenius. Il nâquit en Moravie l'an 1592. Il étudia à Herborn. Sa patrie étoit alors le théâtre de la guerre. Il perdit ses biens, ses ouvrages & presque sa liberté. Il alla chercher un asyle en Pologne. Ce fut - là qu'il publia son Janua linguarum reserata, qui fut traduit dans toutes les langues. Cette premiere production fut suivie du Synopsis physicoe ad lumen divinum reformatoe. On l'appella en Suisse & en Angleterre. Il fit ces deux voyages. Le comte d'Oxenstiern le protegea, ce qui ne l'empêcha pas de mener une vie errante & malheureuse. Allant de province en province & de ville en ville, & rencontrant la peine par - tout, il arriva à Amsterdam. Il auroit pû y demeurer tranquille; mais il se mit à faire le prophete, & l'on sait bien que ce métier ne s'accorde guere avec le repos. Il annonçoit des pertes, des guerres, des malheurs de toute espece, la fin du monde, qui duroit encore, à son grand étonnement, lorsqu'il mourut en 1671. Ce fut un des plus ardens défenseurs de la physique de Moïse. Il ne pouvoit souffrir qu'on la décriât, sur - tout en public & dans les écoles. Cependant il n'étoit pas ennemi de la liberté de penser. Il disoit du chancelier Bacon, qu'il avoit trouvé la clef du sanctuaire de la nature; mais qu'il avoit laissé à d'autres le soin d'ouvrir. Il regardoit la doctrine d'Aristote comme pernicieuse; & il n'auroit pas tenu à lui qu'on ne brûlât tous les livres de ce philosophe, parce qu'il n'avoit été ni circoncis ni baptisé.

Bayer n'étoit pas plus favorable à Aristote; il prétendoit que sa maniere de philosopher ne conduisoit à rien, & qu'en s'y assujettissant on disputoit à l'infini, sans trouver un point où l'on pût s'arrêter. On peut regarder Bayer comme le disciple de Come<pb->

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