ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"738"> cosité; ajoutez à cela que dans l'inflammation le sang abonde dans la partie enflammée, & fournit plus de matiere aux secrétions.

2°. Dans la morve commençante, l'écoulement est de couleur naturelle, transparente comme le blanc d'oeuf, parce qu'il n'y a qu'une simple inflammation, sans ulcere.

3°. Dans la morve confirmée, l'écoulement est purulent, parce que l'ulcere est formé, le plus qui en découle se mêle avec la morve.

4°. Dans la morve invétérée, l'écoulement est noirâtre & sanieux, parce que le pus ayant rompu quelques vaisseaux sanguins, le sang s'extravase & se mêle avec le pus.

5°. L'écoulement diminue & cesse même quelquefois, parce que le pus tombe dans quelque grande cavité, comme le sinus zygomatique & maxillaire, d'où il ne peut sortir que lorsque la cavité est pleine.

6°. La morve affecte tantôt les sinus frontaux, tantôt les sinus ehtmoïdaux, tantôt les sinus zygomatiques & maxillaires, tantôt la cloison du nez, tantôt les cornets, tantôt toute l'étendue des fosses nasales, tantôt une portion seulement, tantôt une de ces parties seulement, tantôt deux, tantôt trois, souvent plusieurs, quelquefois toutes à - la - sois, suivant que la membrane pituitaire est enflammée dans un endroit plutôt que dans un autre, ou que l'inflammation a plus ou moins d'étendue. Le plus ordinairement cependant elle n'affecte pas du tout les sinus zygomatiques, maxillaires & frontaux; parce que dans ces cavités la membrane pituitaire est extremement mince, qu'il n'y a point de vaisseaux sanguins visibles, ni de glandes: on a observé 1° qu'il n'y a jamais de chancres dans ces cavités, parce que les chancres ne se forment que dans les glandes de la membrane pituitaire; 2°. que les chancres sont plus abondans & plus ordinaires dans l'étendue de la cloison, parce que c'est l'endroit où la membrane est la plus épaisse & la plus parsemée de glandes: les chancres sont aussi fort ordinaires sur les cornets du nez.

L'engorgement de dessous la ganache étoit un symptome embarrassant. On ne - concevoit guere pourquoi ces glandes ne manquoient jamais de s'engorger dans la morve proprement dite; mais on en a enfin trouvé la cause.

Assuré que ces glandes sont, non des glandes salivaires, puisqu'elles n'ont point de tuyau qui aille porter la salive dans la bouche, mais des glandes lymphatiques, puisqu'elles ont chacune un tuyau considérable qui part de leur substance pour aller se rendre dans un plus gros tuyau lymphatique qui descend le long de la trachée - artere, & va enfin verser la lymphe dans la veine souclaviere; on a remonté à la circulation de la lymphe, & à la structure des glandes & des veines lymphatiques.

Les veines lymphatiques sont des tuyaux cylindriques qui rapportent la lymphe nourriciere des parties du corps daus le réservoir commun nommé dans l'homme le réservoir de Pecquet, ou dans la veine souclaviere: ces veines sont coupées d'intervalle en intervalle par des glandes qui servent comme d'entrepôt à la lymphe. Chaque glande a deux tuyaux; l'un qui vient à la glande apporter la lymphe; l'autre qui en sort pour porter la lymphe plus loin. Les glandes lymphatiques de dessous la ganache ont de même deux tuyaux, ou, ce qui est la même chose, deux veines lymphatiques; l'une qui apporte la lymphe de la membrane pituitaire dans ces glandes; l'autre qui reçoit la lymphe de ces glandes pour la porter dans la veine sousclaviere. Par cette théorie, il est facile d'expliquer l'engorgement des glandes de dessous la ganache: c'est le propre de l'inflammation d'épaissir toutes les humeurs qui se filtrent dans les parties voisines de l'in lammation; la lymphe de la membrane pituitaire dans la morve, doit donc contracter un caractere d'epaississement; elle se rend avec cette qualité dans les glandes de dessous la ganache, qui en sont comme les rendez - vous, par plusieurs petits vaisseaux lymphatiques, qui après s'être réunis forment un canal commun qui pénetre dans la substance de la glande. Comme les glandes lymphatiques sont composées de petits vaisseaux repliés sur eux - mêmes, qui sont mille contours, la lymphe déja épaissie doit y circuler difficilement, s'y arrêter enfin, & les engorger.

Il n'est pas difficile d'expliquer par la même théorie, pourquoi dans la gourme, dans la morfondure, & dans la pulmonie, les glandes de dessous la ganache sont quelquefois engorgées, quelquefois ne le sont pas; ou, ce qui est la même chose, pourquoi le cheval est quelquefois glandé, quelquefois ne l'est pas.

Dans la morfondure, les glandes de dessous la ganache ne sont pas engorgées, lorsque l'écoulement vient d'un simple reflux de l'humeur de la transpiration dans l'intérieur du nez, sans inflammation de la membrane pituitaire; mais elles sont engorgees lorsque l'inflammation gagne cette membrane.

Dans la gourme bénigne, le cheval n'est pas glandé, parce que la membrane pituitaire n'est pas affectée; mais dans la gourme maligne, lorsqu'il se forme un abcès dans l'ariiere - bouche, le pus en passant par les naseaux, corrode quelquefois la membrane pituitaire par son acreté ou son séjour, l'enflamme, & le cheval devient glandé.

Dans la pulmonie, le cheval n'est pas glandé, lorsque le pus qui vient du poumon est d'un bon caractere, & n'est pas assez acre pour ulcérer la membrane pituitaire; mais à la longue, en sejournant dans le nez, il acquiert de l'acreté, il irrite les fibres de cette membrane, l'enflamme, & alors les glandes de la ganache s'engorgent.

Dans toutes ces maladies, le cheval n'est glandé que d'un côté, lorsque la membrane pituitaire n'est affectée que d'un côté; au - lieu qu'il est glandé des deux côtés, lorsque la membrane est affectée des deux côtés: ainsi dans la pulmonie & la gourme maligne, lorsque le cheval est glandé, il l'est ordinairement des deux côtés, parce que l'écoulement venant de l'arriere - bouche ou du poumon, il monte par - dessus le voile du palais, entre dans le nez également des deux côtés, & affecte également la membrane pituitaire. Cependant dans ces deux cas mêmes, il ne seroit pas impossible que le cheval fut glandé d'un côté, & non de l'autre; soit parce que le pus en séjournant plus d'un côté que de l'autre, affecte plus la membrane pituitaire de ce côté - là, soit parce que la membrane pituitaire est plus disposée à s'enflammer d'un côté que de l'autre, par quelque vice local, comme par quelque coup.

Diagnostic. Rien n'est plus important & rien en même tems plus difficile, que de bien distinguer chaque écoulement qui se fait par les naseaux. Il faut pour cela un grand usage & une longue étude de ces maladies. Pour décider avec sûreté, il faut être familier avec ces écoulemens; autrement on est exposé à porter des jugemens faux, & à donner à tout moment des décisions qui ne sont pas justes. L'oeil & le tact sont d'un grand secours pour prononcer avec justesse sur ces maladies.

La morve proprement dite, étant un écoulement qui se fait par les naseaux, elle est aisement confondue avec les différens écoulemens qui se sont par le même endroit; aussi il n'y a jamais eu de maladie sur laquelle il y ait tant en d'opinions différentes & tant de disputes, & sur laquelle on ait tant débité de fables: sur la moindre observation chacun a bâti un systeme, de - là est venu cette foule de charlatans qui [p. 739] crient, tant à la cour qu'à l'armée, qu'ils ont un secret pour la morve, qui sont toûjours sûrs de guérir, & qui ne guérissent jamais.

La distinction de la morve n'est pas une chose aisée, ce n'est pas l'affaire d'un jour; la couleur seule n'est pas un signe suffisant, elle ne peut pas servir de regle, un signe seul ne suffit pas; il faut les réunir tous pour faire une distinction sûre.

Voici quelques obser vations qui pourront servir de regle.

Lorsque le cheval jette par les deux naseaux, qu'il est glandé des deux côtés, qu'il ne tousse pas, qu'il est gai comme à l'ordinaire, qu'il boit & mange comme de coutume, qu'il est gras, qu'il a bon poil, & que l'écoulement est glaireux, il y a lien de croise que c'est la morve proprement dite. Loisque le cheval ne jette que d'un côté, qu'il est glandé, que l'écoulement est glaireux, qu'il n'est pas triste, qu'il ne tousse pas, qu'il boit & mange comme de coutume, il y a plus lieu de croire que c'est la morve proprement dite.

Lorsque tous ces fignes existans, l'écoulement subsiste depuis plus d'un mois, on est certain que c'est la morve proprement dite.

Lorsque tous ces signes existans, l'écoulement est simplement glaireux, transparent, abondant & sans pus, c'est la morve proprement dite commençante.

Lorsque tous ces fignes existans, l'écoulement est verdâtre ou jaunâtre, & mêlé de pus, c'est la morve proprement dite confirmée.

Lorsque tous ces signes existans, l'écoulement est noirâtre ou sanieux & glaireux en même tems, c'est la morve proprement dite invéterée.

On sera encore plus.assûré que c'est la morve proprement dite, si avec tous ces signes on voit en ouvrant les naseaux, de petits ulceres rouges, ou des érosions sur la membrane pituitaire, au commencement du conduit nasal.

Lorsqu'au contraire l'écoulement se fait également par les deux naseaux, qu'il est simplement purulent, que le cheval tousse, qu'il est triste, abattu, dégoûté, maigre, qu'il a le poil hérissé, & qu'il n'est pas glandé, c'est la morve improprement dite.

Lorsque l'écoulement succede à la gourme, c'est la morve de fausse gourme.

Lorsque le cheval jette par les naseaux une simple mucosité transparente, & que la tristesse & le dégoût ont précédé & accompagnent cet écoulement, on a lieu de croire que c'est la morfondure: on en est certain lorsque l'écoulementne dure pas plus de 15 jours.

Lorsque le cheval commence à jetter également par les deux naseaux une morve mêlée de beaucoup de pas, ou le pus tout pur sans être glandé, c'est la pulmome seule; mais si le cheval devient glandé par la suite, c'est la morve composée, c'est - à - dire la pulmonie & la morve proprement dite tout à la fois.

Pour distinguer la morve par l'ecoulement qui se fait par les naseaux, prenez de la matiere que jettoit un cheval morveux proprement dit, mettez - la dans un verre, versez dessus de l'eau que vous ferez tomber de fort haut: voici ce qui arrivera, l'eau sera troublée fort peu; & il se déposera au fond du verre une matiere visqueuse & glaireuse.

Prenez de la matiere d'un autre cheval morveux depuis plus long - tems, mettez - la de même dans un verre, versez de l'eau dessus, l'eau se troublera considérablement; & il se déposera au fond une matiere glaireuse, de même que dans le premier: versez par inclination le liquide dans un autre verre, laissez - le reposer, après quelques heures l'eau deviendra claire; & vous trouverez au fond du pus qui s'y étoit déposé.

Prenez ensuite de la matiere d'un cheval pulmonique, mettez - la de même dans un verre, versez de l'eau dessus, toute la matiere se délayera dans l'eau; & rien n'ira au fond.

D'où il est aisé de voir que la matiere glaireuse est un signe spécifique de la morve proprement dite; & que l'écoulement purulent est un signe de la pulmonie: on connoîtra les différens degrés de la morve proprement dite, par la quantité du pus qui se trouvera mêlé avec l'humeur glaireuse ou la morve. La quantité différente du pus en marque toutes les nuances.

Pour avoir de la matiere d'un cheval morveux ou pulmonique, on prend un entonnoir, on en adapte la base à l'ouverture des naseaux, & on le tient par la pointe; on introduit par la pointe de l'entonnoir une plume, ou quelqu'autre chese dans le nez, pour irriter la membrane pituitaire, & faire ébrouer le cheval, ou bien on serre la trachée - artere avec la main gauche, le cheval tousse & jette dans l'entonnoir une grande quantité de matiere qu'on met dans un verre pour faire l'expérience ci - dessus. Il y a une infinité d'expériences à sur cette maladie; mais les dépenses en seroient fort considérables.

Prognostic. Le danger varie suivant le degré & la nature de la maladie. La morve de morfondure n'a pas ordinairement de suite; elle ne dure ordinairement que 12 ou 15 jours, pourvû qu'on fasse les remedes convenables: lorsqu'elle est négligée, elle peut dégénerer en morve proprement dite.

La morve de pulmonie invétérée est incurable.

La morve proprement dite commençante peut se guérir par les moyens que je proposerai; lorsqu'elle est confirmée elle ne se guerit que difficilement: lorsqu'elle est invétérée, elle est incurable jusqu'àprésent. La morve simple est moins dangereuse que la morve composée; il n'y a que la morve proprementdite qui 10 t contagieuse, les autres ne le sont pas.

Curation. Avant que d'entreprendre la guérison, il faut être bien assuré de l'espece de morve que l'on a à traiter & du degré de la maladie: 1° de peur de faire inutilement des dépenses, en entreprenant de guérir des chevaux incurables; 2° afin d'empêcher la contagion, en condamnant avec certitude ceux qui sont morveux; 3° afin d'arracher à la mort une infinité de chevaux qu'on condamne très - souvent mal - à - propos: il ne s'agit ici que de la morve proprement dite.

La cause de la morve commençante étant l'inflammation de la membrane pituitaire, le but qu'on doit se proposer est de remédier à l'inflammation: pour cet effet, on met en usage tous les remedes de l'inflammation; ainsi dès qu'on s'apperçoit que le cheval est glandé, il faut commencer par saigner le cheval, réiterer la saignée suivant le besoin, c'est le remede le plus efficace: il faut ensuite tâcher de relâcher & détendre les vaisseaux, afin de leur rendre la souplesse nécessaire pour la circulation; pour cet esset on injecte dans le nez la décoction des plantes adoucissantes & relâchantes, telles que la mauve, guimauve, bouillon - blanc, brancursine, pariétaire, mercuriale, &c. ou avec les fleurs de camomille, de mélilot & de sureau: on fait aussi respirer au cheval la vapeur de cette décoction, & sur - tout la vapeur d'eau tiede, où l'on aura fait bouillir du son ou de la farine de seigle ou d'orge; pour cela on attache à la tête du cheval, un sac où l'on met le son ou les plantes tiedes. Il est bon de donner en même tems quelques lavemens ratraichissans, pour tempérer le mouvement du sang, & l'empêcher de se porter avec trop d'impétuofité à la membrane pituitaire.

On retranche le foin au cheval, & on ne lui fait manger que du son tiede, mis dans un sac de la maniere que je viens dire: la vapeur qui s'en exhale adoucit, relâche & diminue admirablement l'in<pb->

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