ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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MONT KRAPACK (Page 10:687)

MONT KRAPACK, Carpathus. (Géog. & Phys.) chaîne de montagnes qui bornoit chez les anciens la Sarmatie européenne du côté du midi. Elle sépare aujourd'hui la Pologne d'avec la Hongrie, la Transylvanie, & la Moldavie.

Les observations faites par David Frae lichius sur cette montagne, sont très - utiles en Physique, pour former un jugement sur la hauteur de l'air, & celle de ses diverses régions; ainsi je crois devoir les donner ici toutes entieres.

Le Carpathus, dit cet auteur, est la principale montagne de Hongrie; ce nom lui est commun avec toutes la suite des montagnes de Sarmatie, qui séparent celles de Hongrie de celles de Russie, de Pologne, de Moravie, de Silésie, & de celles de la partie d'Autriche au - dela du Danube. Leurs sommets élevés & effrayans, qui sont au - dessus des nuages, s'apperçoivent à Césaréopolis. On leur donne quelquefois un nom qui désigne qu'ils sont presque toujours couverts de neiges; & un autre nom, qui signifie qu'ils sont nuds & chauves; en effet, les rochers de ces montagnes l'emportent sur ceux des Alpes, d'Italie, de Suisse, & du Tirol, pour être escarpés & pleins de précipices. Ils sont presque impraticables, & personne n'en approche, à l'exception de ceux qui sont curieux d'admirer les merveilles de la nature.

M. Fraelichius qu'il faut mettre au nombre de ces curieux, ayant forme le dessein de mesurer la hauteur de ces montagnes, y monta au mois de Juin 1615. Quand il fut arrivé au faîte du premier rocher, il en apperçut un second fort escarpé & beau<pb-> [p. 688] coup plus haut; il y grimpa par - dessus de grandes pierres mal assurées. Une de ces pierres s'étant éboulée, en entraîna avec elle quelques centaines de plus grandes, avec un bruit si violent, qu'on auroit cru que toute la montagne écrouloit: enfin Froelichius ayant apperçu un nouveau rocher plus haut, & ensuite quelques autres moindres, mais dont le dernier paroisioit toujours plus élevé que le précédent, il fut obligé de passer à - travers au péril de sa vie, jusqu'à ce qu'il eût gagné le sommet.

« Toutes les fois, dit - il, que je jettois les yeux sur les vallées au - dessous, qui étoient couvertes d'arbres, je n'y appercevois que comme une nuit noire, ou du - moins une couleur de bleu céleste, telle qu'on en voit souvent dans l'air quand le tems est beau; & je croyois que si j'étois tombé, j'aurois roulé non sur la terre, mais dans les cieux; car les objets visibles, à cause de leur grande pente, sembloient diminués & confus. Mais lorsque je montai encore plus haut, j'arrivai dans des nuages épais, & les ayant traversés, je m'assis pendant quelques heures; je n'étois pas alors bien loin du sommet; je voyois distinctement les nuages blancs, dans lesquels j'étois, se mouvoir au - dessous de moi, & j'apperçus clairement au - dessus d'eux l'étendue de quelques milles de pays, au - delà de celui de Sépuze, où étoient les montagnes. Je vis aussi d'autres nuages, les uns plus hauts, les autres plus bas, & quelques - uns egalement éloignés de terre: de tout cela je conclus trois choses. 1°. Que j'avois passé le commencement de la moyenne région de l'air. 2°. Que la distance des nuages à la terre varie en différens lieux, selon les vapeurs qui s'élevent. 3°. Que la hauteur des nuages les plus bas, n'est seulement que d'un demi - mille d'Allemagne.

Quand je fus arrivé au sommet de la montagne, continue Froelichius, l'air étoit si délié & si calme, qu'on n'auroit pas vu remuer un cheveu, quoique j'eusse senti un fort grand vent sur les montagnes au - dessous. Je trouvai donc que le fin sommet du mont Carpathus a un mille de hauteur, à prcndre depuis sa racine la plus basse, jusqu'à la plus haute région de l'air, où les vents ne soufflent jamais. Je tirai un coup de pistolet, qui d'abord ne fit pas plus de bruit que quand on casse un bâton; mais un moment après, j'entendis un long murmure, qui remplit les vallées & les bois inférieurs.

En descendant par les anciennes neiges dans les vallées, je tirai encore une fois; mais ce coup rendit un son terrible, comme si on avoit tiré du canon, & je crus que toute la montagne alloit tomber sur moi. Le son dura bien un demi - quart d'heure, jusqu'à ce qu'il fùt parvenu aux antres les plus secrets de la montagne, où étant augmenté, il réfléchit de toutes parts; d'abord les cavernes supérieures retentirent peu; mais quand le son fut arrivé à celles d'au - dessous, le bruit fut très violent. »

Il grèle ou neige presque toujours sur ces hautes montagnes, même dans le coeur de l'été, c'est - à - dire, aussi souvent qu'il pleut dans les vallées voisines; il est même aisé de distinguer les neiges de différentes années, par la couleur & la fermeté de leur surface. (D.J.)

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