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MONNOYAGE au marteau et au moulin (Page 10:663)
MONNOYAGE
Toutes les especes de France ont été fabriquées
au marteau jusqu'au regne d'Henri II, que les inconvéniens
de ce monnoyage sirent penser à lui en substituer
un meilleur. Un menuisier nommé Aubry Olivier, inventa pour lors l'art de monnoyer au moulin;
& ce fut Guillaume de Marillac, général des
monnoies, qui le produisit à la cour, ou tout le
monde admira la beauté des essais qu'il fit. Le roi
lui permit l'établissement de ce monnoyage par ses
lettres - patentes du 3 de Mars 1553, lesquelles portent:
Cette monnoie fut la plus belle qu'on eut encore vue; mais parce que la dépente excédoit de beaucoup celle de la monnoie au marteau, il arriva qu'en 1585 Henri III. défendit de faire à l'avenir de la monnoie au moulin, & les machines d'Aubry Olivier ne servirent plus qu'à frapper des médailles, des jetons, & auctes pleces de ce genre.
Nicolas Briot tâcha en 1616 & en 1623 de faire recevoir à la monnoie l'usage d'une nouvelle machine très - propre au monnoyage, qu'il disoit avoir inventée; mais n'ayant pu la faire goûter dans ce royaume, il se rendit en Angleterre, où on l'approuva peu de tems après. Les machines d'Aubry Olivier ayant passé des mains de ses héritiers dans celles de Warin, celui - ci les perfectionna, de façon qu'il n'y eut plus rien de comparable pour la force, la vîtesse & la facilité avec laquelle on y frappoit toutes sortes de pieces, qui y recevoient l'empreinte d'un seul coup, au lieu qu'auparavant on ne pouvoit les marquer que par sept ou hait coups, dont l'un gâtoit bien souvent l'empreinte des autres.
Des avantages si sensibles firent qu'en 1640 on commença à Paris de ne plus se servir que du balancier & des autres machines nécessaires pour monnoyer au moulin; & qu'au mois de Mars 1645 on supprima entierement en France l'usage du monnoyage au marteau. Pour lors Warin fut nommé maître & directeur général des monnoies dans le royaume, & nos especes devinrent si belles & si parfaites, qu'elles ont été admirées de toutes les nations policées.
A cette invention on en a ajouté une autre, qui est celle de marquer un cordon sur la tranche dès especes d'or & d'argent, en même tems qu'on marque la pile. La machine servant à cet usage a été inventée par le sieur Castaing, ingénieur du roi, &
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Henri Ill. en 1585, rétablit la manutention du maiteau, & la fabrication au laminoir ne servit plus que pour les médailles, les jetons, & les pieces de fêtes ou de plaisirs.
Enfin, l'ancienne maniere fut entierement abolie par Louis XIV. qui par son édit du mois de Mars 1645, défendit aux ouvriers & autres officiers des monnoies, de fabriquer aucune monnoie ailleurs ni autrement, que par la voie du laminoir, & ce pour rendre toutes les monnoies uniformes, & eviter tous les abus qu'on pouvoit si facilement commettre, & qui continuellement s'introduisoient dans la fabrication au marteau.
On a continué depuis ce tems à se servir du laminoir dans tous les hôtels des monnoies de France, la commodité des ouvriers & la beauté de l'ouvrage s'y trouvant également. Son effet est trop sûr pour ne pas regarder le monnoyage au marteau comme aneanu pour toujours, quoique l'on s'en serve encore en Hollande.
Pour le monnoyage au laminoir & au balancier,
il faut poinçon des matrices ou des carrés avec
lesquels on puisse imprimer sur les flancs, c'est - à - dire sur les morceaux de métal disposés à recevoir
l'effigie du prince, ou les autres marques &
légendes qui caractérisent les especes, & qui reglent
leur poids & leur prix. Ayant expliqué ailleurs
la maniere de les tailler & de les graver,
on ne la répétera pas ici. Voyez
Les Monnoyeurs ne fabriquent point d'especes
d'or & d'argent sans alliage, & mettent toujours
du cuivre avec ces deux métaux. Les raisons de
ces coutumes sont la rareté de ces métaux, la
nécessité de les rendre plus durs par le mélange
de quelque corps étranger; & en - outre par ce
moyen d'éviter les dépenses de la fabrication qui
se doivent prendre fur les especes fabriquées. Voyez
Il y a deux sortes d'alliages qui se font dans la fabrique des monnoies: l'un quand on emploie des matieres d'or & d'argent, qui n'ont point encore servi pour le monnoyage: & l'autre, lorsque l'on fond ensemble diverses sortes d'especes ou de lingots de différens titres, pour en faire une nouvelle monnoie.
L'évaluation ou plutôt la proportion de l'alliage
avec le fin, est facile dans le premier cas; mais
elle a plus de difficulté dans le second. Tous les
auteurs qui ont traité des monnoies, ont donné des
tables pour faire cette réduction; & les calculs
donnent aussi des méthodes & formules d'alliage,
dont on peut se servir. Voyez
Voici une méthode que l'on suit assez communément: quand on veut faire un alliage ou plutôt [p. 664]
Ayant calculé chaque bordereau séparément, on voit par le calcul des premieres ce que les matieres fortes de titre ont au - dessus du titre ordonné; & par le calcul du second, ce que les matieres foibles ont au - dessous; ensorte que les deux résultats étant comparés, on sait précisément par une soustraction, combien il faut ajouter ou de fin ou d'alliage pour réduire toutes les matieres au titre réglé pour la nouvelle fonte.
A l'égard de la fonte, si c'est de la monnoie
d'or, elle se fait dans les creusets de terre, de
peur que l'or ne s'aigrisse; mais si c'est de l'argent,
du billon ou de cuivre, on se sert de creuset de
fer fondu, en maniere de petits seaux sans anses,
ou de casses. Voyez
Deux sortes de fourneaux sont propres pour la
fonte des monnoies; ceux à vent, & ceux à soufflet.
Voyez
Quand l'or, l'argent, ou les autres métaux sont en bain, c'est - à - dire entierement fondus, on les brasse avec des cannes ou brassoirs de terre cuite, appellés quilles, pour l'or, & de fer, pour l'argent, billon & cuivre.
En cet état, on les coule dans les moules ou
chassis pour faire les lames; ce qui se fait de la
même maniere que les Fondeurs en sable, tant
pour les massifs, que pour la maniere de corroyer
la terre & d'y arranger les modeles. Voyez
Les modeles des monnoies sont des lames de
bois élevées de relief sur la
Monnoyage au laminoir. Les lames ayant été retirées des moules, les parties baveuses en sont emportées avec une serpe, ce que l'on appelle ébarber; on les gratte & nettoie avec la gratte - bosse; enfuite on les passe plusieurs fois au laminoir, pour les applatir, & successivement par différens laminoirs, pour les réduire à la juste épaisseur qu'elles doivent avoir: ces lames sont destinées à faire flancs.
Il faut observer que les lames d'or sont recuites avant de passer au laminoir. Pour les recuire, on les met sur un fourneau de recuite; on les fait presque rougir; ensuite on les jette dans l'eau, pour les adoucir, faire qu'elles s'étendent plus facilement, & empêcher que leur aigreur ne les fasse casser au dégrossi, ce qui arrive néanmoins quelquefois malgré cette précaution.
Quant aux lames d'argent, elles passent en blanc,
Les lames soit d'or, soit d'argent, soit de cuivre, ayant été réduites autant qu'il est possible, à l'épaisseur des especes à fabriquer, on les coupe avec la machine appellée coupoir, qui est faite d'acier bien acre, en forme d'emporte - piece, dont le diametre est proportionné à la piece qu'on veut frapper. Le morceau de métal emporté par cet instrument est appellé flanc, & ne prend le nom de monnoie, qu'après que l'esfigie du roi y a été empreinte.
Le coupoir dont on peut voir la fig.
Après que les flancs ont été ajustés, on les porte
à l'attelier du blanchiment, c'est - à - dire au lieu où
l'on donne la couleur aux flancs d'or, & l'on
blanchit ceux d'argent; ce qui s'exécute en les faisant
recuire dans un fourneau, & lorsqu'ils ont
été tirés & refroidis, en leur donnant le bouillitoire.
Voyez
Donner le bouillitoire aux flancs, c'est les faire bouillir successivement dans deux vaisseaux de cuivre appellés bouilloirs, avec de l'eau, du sel commun & du tartre de Montpellier ou gravelle; & lorsqu'ils ont été bien épurés avec du sablon, & bien lavés avec de l'eau commune, les faire sécher sur un feu de braise qu'on met dessous un crible de cuivre où on les a placés au sortir des bouilloirs.
Le blanchiment des flancs se faisoit autrefois
bien différemment; & même l'ancienne maniere
s'est encore conservée parmi plusieurs Orfévres ou
ouvriers qui emploient l'or & l'argent pour blanchir
& donner couleur à ces métaux: on en a fait
un article particulier. Voyez
Avant l'année 1685, les flancs qui avoient reçu le bouillitoire, étoient immédiatement portés au balancier, pour y être frappés & y recevoir les deux empreintes de l'effigie & de l'écusson; mais depuis ce tems, en conséquence de l'ordonnance de 1690, on les marque auparavant d'une légende ou d'un cordonnet sur la tranche, afin d'empêcher par cette nouvelle marque, la rognure des especes, qui est une des manieres dont les fauxmonnoyeurs alterent les monnoies.
La machine pour marquer les flancs sur la tranche, quoique simple, est très - ingénieuse. Elle consiste en deux lames d'acier faites en forme de regle épaisse d'environ une ligne, sur lesquelles sont gravées les légendes ou les cordonnets, moitié sur l'une, moitié sur l'autre; l'une de ces lames est im<pb-> [p. 665]
L'autre lame est mobile & coule sur la plaque de cuivre, par le moyen d'une manivelle & d'une roue de fer à pignon, dont les dents s'engrenent dedans la denture qui est sur la superficie de la lame coulante.
Le flanc placé horisontalement entre ces deux lames, est entraîné par le mouvement de celle qui est mobile, ensorte que lorsqu'il a décrit un demi-cercle, il se trouve entierement marqué.
Cette machine est si commode qu'un seul homme peut marquer 20000 flancs en un jour.
Ce fut Castaing, ingénieur, qui la trouva: elle fut, comme on conçoit facilement, reçue avec applaudissement; on en fit usage en 1685, & l'ordonnance en fut rendu cinq ans après. C'est ici l'endroit de rendre justice à Castaing. Les Anglois prétendent avoir eu la marque sur tranche avant Castaing.
Voici la preuve qu'ils en donnent. Olivier Cromwel en 1658 fit frapper des pieces appellées couronne & demi - couronne, qui sont marquées sur
tranche. Mais long - tems avant Cromw vel on avoit
marqué sur tranche avec des viroles. Voyez
Cette opération se faisoit en mettant le flane dans une virole juste qu'il excédoit de hauteur; & en frappant dessus plusieurs coups de balancier; la matiere s'étendoit, & recevoit l'empreinte des lettres qui étoient gravées sur la virole.
Lorsque les flancs sont marqués sur tranche, on les acheve au basaneier, dont on peut voir la figure, qui est une invention de la fin du seizieme siecle.
Les principales parties du balancier sont le fiéau, la vis, l'arbre, les deux platines, & les boîtes. Toutes ces parties, à la réserve du fléau, sont contenues dans le corps du balancier, qui est quelquefois de fer, mais plus souvent de fonte ou de brouze. Ce corps qui est tres massif pour soutenir l'effort du travail, est porté par un fort massif de bois ou par un bloc de marbre. Le fléa> qui est placé horisontalement au - dessus du corps du balancier, est une longue barre de fer, quarrée, garnie à chaque bout d'une grosse sphere de plomb; le mouvement de cette masse fait toute la force du coup. Il y a au fléau des anneaux auxquels sont attachés des cordons que des hommes tirent.
Dans le milieu du fléau est enclavée la vis; elle
s'engrene dans l'écrou qui est travaillé dans la partie
supérieure du balancier même, & presse l'arbre
qui est au - dessous. A cet arbre qui est dressé
perpendiculairement & qui traverse les deux platines
qui servent à lui conserver régulierement
cette situation, est attaché le carré ou coin d'écusson
dans une espece de boîte, où il est retenu
par des vis & leurs écrous Enfin, la boîte où se
met le coin d'effigie, est tout au dessus, & solidement
attachée à la partie inférieure du corps du
balancier qu'on voit,
Lorsqu'on veut marquer un flanc, ou frapper une médaille, on le met sur le carré d'effigie; & à l'instant des hommes tirant chacun de leur côté un des cordons du fléau, sont tourner la vis qui est enclavée qui par ce mouvement fait baisser l'arbre. On tient le carré d'écusson, ensorte que le métal qui
Les flancs ainsi marqués des trois empreintes, de l'effigie, de l'ecusson & de la tranche, deviennent monnoyés, ou comme on paile en terme de monnoies, deniers de monnoies; mais ils n'ont cours qu'apres la delivrance, & que la cour a donné permission aux directeurs des monnoies de les exposer en public.
Tout ce qui fait la différence entre le monnoyage
des especes & celui des médailles au balancier,
c'est que la monnoie n'ayant pas un grand relief,
se marque d'un seul coup; & que pour les médailles,
il faut les rengrever plusieurs fois, & tirer
plusieurs fois la barre avant qu'elles avent pris toute
l'empreinte: outre que les médailles dont le relief
est trop fort, se moulent toujours sans sable & ne
font que se rengrever au balancier, & quelquefois
si difficilement qu'il faut jusqu'a douze ou
quinze volées de fleaux pour les achever. Voyez
On connoît qu'une médaille est suffisamment
marquée, lorsqu'en la touchant avec la main dans
le carré d'écusson, elle porte également de tout
côté, & ne remue point. Voyez
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La fonte du métal se faisoit, de même que les essais, à - peu pres de la maniere que l'on a détaillée à l'article précedent; c'est aussi tôt apres la fonte des lames que commence la différence.
Les lames d'or, d'argent ou de cuivre, ayant été
tirées des mouies, on les étendoit sur l'enclume,
apres les avoir fait recuire; ce qui s'appelloit battre
la chaude. Après qu'elles étoient suffisamment battues,
on les coupoit en morceaux; ce qu'on nommoit
couper carreaux, voyez
Les carreaux en cet état se nommoient flancs:
on portoit les flancs au blanchiment, voyez
Pour cette derniere opération qui achevoit la
monnoie, on se servoit de deux poinçons ou coins,
l'un nommé la pile, voyez
La pile qui avoit environ huit pouces de hauteur,
avoit une espece de talon au milieu, & finissorent
en pointe; elle avoit cette figure, pour être
plus facilement enfoncée, & plus sol>ement attachee
au bil ot nommé cépeau, voyez
Le monnoyeur ayant mis le flanc horisontale<pb-> [p. 666]
Ainsi s'achevoient les diverses especes de monnoies au marteau, qui, non plus que celles que l'on fait aujourd'hui au laminoir, n'avoient cours qu'après que la délivrance en avoit été faite par les juges - gardes.
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Il y dans chaque hôtel de monnoie, pour la régie, deux juges gardes, un directeur, un contrôleur, un graveur, des ajusteurs & monnoyeuts, dont le nombre n'est pas limité. Dans celle de Paris il y a de plus un directeur général, un trésorier général, un contiôleur général, un graveur général, un essayeur général, qui le sont de toutes les monnoies de France; de plus, un receveur & un contrôleur au change.
Pour la justice dans quelques - unes, un général provincial, qui a séance à la cour des monnoies, les deux juges - gardes, un procureur du roi, des huissiers.
Il n'y a en France que deux cours des monnoies, savoir, Paris & Lyon. Il y a de plus une chambre des monnoies à Mets, une à Dole, & une autre à Pau.
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Il y a dans l'hôtel des monnoies de Paris un inspecteur du monnoyage: ce sont les juges - gardes qui ont cette inspection dans les provinces.
La chambre du monnoyage est le lieu où les officiers monnoyeurs s'assemblent, soit pour leurs délibérations, ou autre chose de cette nature.
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