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MONNOIE (Page 10:644)
MONNOIE, s.s. (Polit. Finances, Comm.) la monnoie est un signe qui représente la valeur, la mesure de tous les effets d'usage, & est donnée comme le prix de toutes choses. On prend quelque métal pour que le signe, la mesure, le prix soit durable; qu'il se consomme peu par l'usage, & que sans se détruire, il soit capable de beaucoup de division.
On recherche avec empressement 1°. d'où la monnoie reçoit sa valeur; 2°. si cette valeur est incertaine & imaginaire; 3°. si le souverain doit faire des changemens à la monnoie, & fixer la proportion des métaux. Nous nous proposons de résoudre dans ce discours toutes ces questions intéressantes, en empruntant les lumieres de l'auteur des Considérations sur les finances.
Pour éviter toute dispute de mots, nous distinguons ici très - netrement la dénomination ou valeur numéraire de la monnoie, qui est arbitraire; sa valeur intrinseque qui dépend du poids & du degré de finesse; & sa valeur accidentelle, qui dépend des circonstances du commerce dans l'échange qu'on fait des denrées avec la monnoie. Ainsi la monnoie peut être définie une portion de ce métal, à laquelle le prince donne une forme, un nom, & une empreinte, pour certifier du poids & du titre dans l'échange qui s'est pu faire avec toutes les choses que les hommes veulent mettre dans le commerce.
M. Boizard nous donne une idée différente de la monnoie; car il la définit une portion de matiere à laquelle l'autorité publique a donné un poids & une valeur certaine, pour servir de prix à toutes choses dans le commerce.
La monnoie ne reçoit point sa valeur de l'autorité publique, comme M. Boizard prétend: l'empreinte marque son poids & son titre; elle fait connoître que la piece est composée de telle quantité de matiere, de telle finesse, mais elle ne donne pas la valeur, c'est la matiere qui en fait la valeur.
Le prince peut appeller une piece de vingt sols un écu, & la faire recevoir pour quatre livres. C'est une maniere de taxer ses sujets qui sont obligés de la recevoir sur ce pié; cependant il n'augmente pas la piecè de vingt sols, elle passe pour quatre livres: mais une livre alors ne vaudroit que ce que cinq sols valoient avant ce rehaussement. [p. 645]
Si le prince donnoit la valeur à la monnoie, il pourroit donner à l'étain, au plomb, ou aux autres métaux fabriqués en pieces d'une once, la valeur d'un écu, & les faire servir dans le commerce, comme la monnoie d'argent sert présentement. Mais quand le prince auroit donné la fabrique, & le nom d'écu à une once d'étain, le sujet ne donneroit pas des marchandises de la valeur d'un écu pour l'écu d'étain, parce que la matiere de quoi il est fait, ne le vaut pas.
La monnoie n'est pas une valeur certaine, comme M. Boizard le dit encore; car, quoique le prince n'y fasse aucun changement, que les especes soient continuées du même poids & titre, & exposées au même prix, pourtant la monnoie est incertaine en valeur.
Pour prouver cela, je ferai voir d'où les effets reçoivent leur valeur, de quelle maniere cette valeur est appréciée, & comment elle change.
Les effets reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés. S'ils étoient incapables d'aucun usage, ils ne seroient d'aucune valeur.
La valeur des effets est plus ou moins haute, sclon que leur quantité est proportionnée à la demande. L'eau n'est pas vendue, on la donne, parce que la quantité est bien plus grande que la demande. Les vins sont vendus, parce que la demande pour les vins est plus grande que la quantité.
La valeur des effets change, quand la quantité ou la demande change. Si lés vins sont en grande quantité, ou que la demande pour les vins diminue, le prix baisse. Si les vins sont rares, ou que la demande augmente, le prix hausse.
La bonne ou la mauvaise qualité des effets, & la plus grande ou la moindre des usages auxquels ils sont employés, sont comprises. Quand je dis que leur valeur est plus ou moins haute, selon que la quantité est proportionnée à la demande. La meilleure ou plus mauvaise qualité n'augmente ni ne diminue le prix, qu'à mesure que la différence dans la qualité, augmente ou diminue la demande.
Exemple: les vins ne sont pas de la bonté qu'ils étoient l'année passée; la demande pour les vins ne sera pas si grande, & le prix diminuera; mais si les vins sont moins abondans, & que la d'minution de la quantité réponde à la diminution de la demande, ils continueront d'être vendus au même prix, quoiqu'ils ne soient pas de la même bonté. La diminution de la quantité augmentera le prix, autant que la différence dans la qualité l'auroit baissé, & la quantité est supposée alors dans la même proportion, qu'elle étoit l'année passée avec la demande.
L'eau est plus utile & plus nécessaire que le vin: donc les qualités des effets, ni les usages auxquels ils sont employés, ne changent leur prix, qu'à mesure que la proportion entre la qualité & la demande est changée; par - là leur valeur est plus ou moins haute, felon que la quantité est proportionnée à la demande. Leur valeur change, quand la quantité ou la demande change. De même, l'or & l'argent, comme les autres effets, reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés.
Comme la monnoie reçoit la valeur des matieres desquelles elle est faite, & que la valeur de ces matieres est incertaine, la monnoie est incertaine en valeur, quoique continuée du même poids & titre, & exposée au même prix; si la quantité des matieres souffre quelque changement de valeur, l'écu sera du même poids & titre, & aura cours pour le même nombre de livres ou sols, mais la quantité de la matiere d'argent étant augmentée, ou la demande étant diminuée, l'écu ne sera pas de la même valeur.
Si la mesure de blé est vendue le double de la
Les especes étant continuées du même poids & titre, & exposées au même prix, nous appercevons peu les changemens dans la valeur de la monnoie, & des matieres d'or & d'argent; mais cela n'empéche pas que leur valeur ne change. Un écu, ou une once d'argent, ne vaut pas tant qu'il y a un siecle. La valeur de toutes choses change, & l'argent a plus changé que les autres esters: l'augmentation de sa quantité, depuis la découverte des Indes, a tellement diminué la valeur, que dix onces en matiere & en especes, ne valent pas tant qu'une once valoit.
Pour être satisfait de ce que j'avance, on peut s'informer du prix des terres, maisons, blés, vins, & autres effets avant la découverte des Indes: alors mille onces d'argent, ou en matiere ou en especes, achetoient plus de ces effets, que dix milles n'acheteroient présentement. Les effets ne sont pas plus chers, ou different peu; leur quantité étant à - peu - près dans la même proportion qu'elle étoit alors avec la demande, c'est l'argent qui est à meilleur marché.
Ceux qui se servent de la vaisselle d'argent, croyent ne perdre que l'intérêt de la somme employée, le contiôle, & la façon; mais ils perdent encore ce que la matiere diminue en valeur; & la valeur diminuera, tant que la quantité augmentera, & que la demande n'augmentera pas à proportion. Une famille qui s'est servie de dix milles onces de vaisselle d'argent depuis deux cens ans, a perdu de la valeur de sa vaisselle plus de neuf milles onces, outre la façon, le contrôle, & l'intérêt; car les dix >illes onces ne valent pas ce que mille onces valorent alors.
Les compagnies des Indes d'Angleterre & d'Hollande ont porté une grande quantité d'especes & de matieres d'argent aux Indes orientales, & il s'én consomme dans l'Europe; ce qui a un peu soutenu sa valeur; mais nonobstant le transport & la consommation, la grosse quantité qui a été apportée, a diminué sa valeur de quatre - vingt dix pour cent.
La quantïté d'or a augmenté plus que la demande, & l'or a diminué en valeur: mais comme sa quantité n'a pas augmenté dans la même proportion que l'argent, sa valeur n'a pas tant diminué. Il y a deux cens ans que l'once d'or valoit en France seize livres cinq sols quatre deniers, & l'once d'argent une livre douze sols. L'once d'or en matiere ou en especes, valoit alors dix onces d'argent; à présent elle en vaut plus de quinze: donc ces métaux ne sont pas de la valeur qu'ils étoient à l'égard des autres effets, ni à l'égard l'un de l'autre. L'or, quoique diminué en valeui, vaut la moitié plus d'argent qu'il n'a valu.
Par ce que je viens de dire, il est évident que le prince ne donne pas la valeur à la monnoie, comme M. Boizard prétend: car sa valeur consiste dans la matiere dont elle est composée; aussi est - il évident que sa valeur n'est pas certaine, puisque l'expérience a fait voir qu'elle a diminué depuis la découverte des Indes de plus de quatre - vingt - dix pour cent.
Par ces diminutions arrivées à la monnoie, je n'entends pas parler des affoiblissemens que les princes ont faits dans les especes, je parle seulement de la diminution des matieres causée par l'augmentation de leur quantité.
Quand on examinera les assoiblissemens, on trouvera que de cinquante parties, il n'en reste qu'une, [p. 646]
Ceux qui ont eu leur bien payable en monnoie, ont souffert encore par les diminutions des rentes. Avant la découverte des Indes, les rentes étoient constituées au denier dix; elles le sont présentement au denier vingt. Une donation faite il y a deux cens ans, destinée pour l'entretien de cinquante personnes, peut à peine aujourd'hui en entretenir une. Je supposerai cette donation hypothequée pour la somme de dix milles livres, la monnoie étant alors rare, les rentes étoient constituées au denier dix: mille livres d'intérêt pouvoient alors entretenir cinquante personnes; la monnoie à cause de sa rareté, étant d'une plus grande valeur, devenue plus abondante par la quantité des matieres apportées en Europe, l'intérêt a baissé à cinq pour cent; ainsi l'intérêt de l'hypotheque est réduit par - là, de mille à cinq cens livres. Il n'y a plus que le titre d'argent dans la monnoie, par les affoiblissemens que les princes ont faits; ce qui réduit la valeur des cinq cens livres à 166 livres 13 s. 4 d. & les matieres étant diminuées en valeur de quatre - vingt - dix pour cent, les cinq cens livres monnoie foible, ne valent pas davantage que seize livres valoient il y a deux cens ans, & n'acheteroient pas plus de denrées, que seize livres en auroient achétées. D'après cette supposition, une somme destinée pour l'entretien de cinquante personnes, ne peut pas en entretenir une présentement.
La quantité des matieres apportées en Europe depuis la découverte des Indes, a dérangé non - seulement les biens & les revenus des particuliers, mais même elle a dérangé les puissances, qui ne sont plus dans la même proportion de force. Celles qui ont profité le plus par le commerce d'Espagne, abondent en especes, pendant que les autres peuvent à peine se soutenir dans l'état où elles étoient.
Il n'est pas extraordinaire que M. Boizard françois, se soit abusé dans ses idées sur la monnoie; mais M. Locke anglois, homme profond, & qui s'est rendu fameux par ses beaux ouvrages sur cette matiere, ne devoit pas tomber dans une méprise approchante de celle de M. Boizard. Il pense que les hommes par un consentement général, ont donné une valeur imaginaire à la monnoie.
Je ne saurois concevoir comment les hommes de différentes nations, ou ceux d'une même province, auroient pû consentir à donner une valeur imaginaire à aucun effet, encore moins à la monnoie, par laquelle la valeur des autres effets est mesurée, & qui est donnée comme le prix de toutes choses; ou qu'aucune nation ait voulu recevoir une matiere en échange, ou en payement, pour plus qu'elle ne valoit, & comment cette valeur imaginaire a pu se soutenir.
Supposons qu'en Angleterre, la monnoie eût été reçue à une valeur imaginaire, & que les autres nations eussent consenti à la recevoir à cette valeur; alors l'écu ayant cours en Angleterre pour 60 pennis, devoit valoir soixante stuyvers en Hollande, le penni & le stuyver n'étant que des numéros, par lesquels on compte; mais on voit le contraire: la monnoie est estimée & reçue selon la quantité & qualité des matieres dont elle est composée.
Avant que l'argent fût employé aux usages de la monnoie, il avoit une valeur dépendante des usages
Etant employé à faire la monnoie, il augmente sa valeur; mais cette augmentation de valeur ne vient pas de la fabrique, ou monnoyage; car l'argent en matiere vaut autant que celui qui est fabriqué, & cette valeur n'est pas imaginaire, non plus que la valeur qu'il avoit avant que d'être employé à faire la monnoie.
Sa premiere valeur, comme métal, venoit de ce que l'argent avoit des qualités qui le rendoient propre à plusieurs usages auxquels il étoit employé: l'augmentation de sa valeur ve> ce que ce métal avoit des qualités qui le rendoient propre à faire de la monnoie. Ces valeurs sont plus ou moins grandes, selon que la demande est proportionnée à la quantité de ce métal.
Si l'une ou l'autre de ces valeurs est imaginaire, toute valeur est imaginaire: car les effets n'ont aucune valeur que les usages auxquels ils sont employés, & selon que leur quantité est proportionnée à la demande.
Faisons voir comment, & par quelle raison, l'argent a été employé à faire de la monnoie.
Avant que l'usage de la monnoie fût connu, les effets étoient échangés; cet échange étoit souvent très - embarrassant: il n'y avoit pas alors de mesure pour connoître la proportion de valeur que les effets avoient les uns aux autres. Par exemple: A. demandoit à troquer cinquante mines de blé contre du vin: on ne pouvoit pas bien déterminer la quantité des vins qu'A. devoit recevoir pour ses cinquante mines de blé: car quoique la proportion entre les vins & les blés l'année précédente fût connue, si les blés & le vin n'étoient pas de la même bonté; si par la bonne ou mauvaise récolte, ils étoient plus ou moins abondans, alors la quantité du blé & des vins n'étant plus dans la même proportion avec la demande, la proportion de valeur étoit changée, & les cinquante mines de blé pouvoient valoir deux fois la quantité des vins qu'ils valoient l'année passée.
L'argent étant capable d'un titre, c'est - à - dire, d'être réduit à un certain degré de finesse, étant alors peu sujet au changement dans la quantité ou dans la demande, & par - là moins incertain en valeur, étoit employé à servir de moyen terme pour connoître la proportion de valeur des effets. Si les cinquante mines de blé valoient deux cens onces d'argent, de tel titre, & que deux cens onces d'argent, de cette finesse, valussent trente muids de vin, de la qualité qu'A demandoit en échange, alors trente muids de ce vin étoient l'équivalent de ces cinquante mines de blé.
La proportion de valeur des effets livrés en différens endroits, étoit encore plus difficile à connoître. Par exemple, cent pieces de toile d'Hollande étoient livrées à Amsterdam, à l'ordre d'un marchand de Londres; si le marchand d'Amsterdam écrivoit qu'on livrât à Londres, à son ordre, la valeur de ces cent [p. 647]
L'argent étant très - portatif, & par cette qualité à - peu - près de la même valeur en différens endroits, étoit employé à servir de mesure pour connoître la proportion des effets livrés en différens endroits. Si les cent pieces de toile valoient à Amsterdam mille onces d'argent fin, & que mille onces d'argent fin valussent à Londres vingt pieces de draps de la qualité que le marchand hollandois demandoit en échange; alors vingt pieces de ce drap livrées à Londres, étoient l'équivalent de ces cent pieces de toile livrées à Amsterdam.
Les contrats, promesses, &c. étant payables en effets, étoient sujets aux disputes, les effets de même espece différant beaucoup en valeur. Exemple: A prêtoit cinquante mines de blé à B, & B s'engageoit à les rendre dans une année. A prétendoit que le blé que B lui rendoit, n'étoit pas de la bonté de celui qu'il avoit prêté; & comme le blé n'étoit pas susceptible d'un titre, on ne pouvoit pas juger du préjudice que A recevoit, en prenant son payement en blé, d'une qualité inférieure: mais l'argent étant capable d'un titre, étoit employé à servir de valeur dans laquelle on contractoit; alors celui qui prêtoit, prenoit le contrat payable en tant d'onces d'argent, de tel titre, & par - là évitoit toute dispute.
On avoit de la peine de trouver des effets que l'on demandoit en échange. Exemple: A avoit du blé plus qu'il n'en avoit besoin, & cherchoit à troquer contre du vin; mais comme le pays n'en produisoit point, il étoit obligé de transporte: son blé, pour le troquer, sur les lieux où il y avoit du vin.
L'argent étant plus portatif, étoit employé à servir de moyen terme, par lequel les effets pouvoient être plus commodément échangés; alors A troquoit son blé contre l'argent, & portoit l'argent sur les lieux, pour acheter les vins dont il avoit besoin.
L'argent avec ses autres qualités, étant divisible sans diminuer de sa valeur, étant d'ailleurs portatif, étoit d'autant plus propre à servir à ces usages; & ceux qúi possédoient des effets dont ils n'avoient pas immédiatement besoin, les convertissoient en argent. Il étoit moins embarrassant à garder que les autres effets: sa valeur étoit alors moins sujette au changement; comme il étoit plus durable, & divisible sans perdre de sa valeur, on pouvoit s'en servir en tout ou en partie selon le besoin; donc, l'argent en matiere, ayant les qualités nécessaires, étoit employé à servir aux usages auxquels la monnoie sert présentement. Étant capable de recevoir une empreinte, les princes établirent des bureaux pour le porter à un titre, & le fabriquer. Par - là, le titre & poids étoient connus, & l'embarras de le peser & rafiner épargné.
Mais la fabrique ne donne pas la valeur à la monnoie, & sa valeur n'est pas imaginaire. La monnoie reçoit sa valeur des matieres dont elle est composée; & sa valeur est plus ou moins forte, selon que la quantité est proportionnelle à la demande. Ainsi sa valeur est réelle, comme la valeur des blés, vins & autres effets. Il est vrai, que si les hommes trouvoient quelque autre métal plus propre que l'argent, à faire la monnoie, & à servir
Il n'est pas difficile de répondre à la troisieme question, si le souverain doit faire des changemens à la monnoie, l'affoiblir, la surhausser, & fixer la proportion entre l'or & l'argent. L'expérience a fait voir que la premiere opération est funeste, la seconde & la troisieme inutiles. Tout affoiblissement de monnoie dans un royaume, au - lieu d'attirer les especes & matieres étrangeres, fait transporter les especes du pays quoique plus foibles, & les matieres en pays étrangers. Sous le nom d'affoiblissement, j'entends les frais de la fabrique, les droits que les princes prennent sur la monnoie, les surhaussemens des especes, & la diminution de leur poids ou titre.
Le surhaussement des monnoies n'en augmente pas le prix. On a été long - tems dans cette erreur, que la même quantité d'especes surhaussées, faisoit le même effet, que si la quantité avoit été augmentée. Si, en faisant passer l'écu de trois livres pour quatre, on augmentoit la valeur de l'écu; & que cet écu ainsi surhaussé produisît le même effet que quatre livres produisoient, quand l'écu étoit à trois livres, il n'y auroit rien à dire. Mais cette idée est la même, que si un homme qui auroit trois cens aunes d'étoffe pour tapisser un appartement, prétendoit faire servir les trois cens aunes, en les mesurant avec une aune de trois quarts, il auroit alors quatre cens aunes d'étoffe; cependant l'apparcement ne sera pas tapissé plus complétement. Les surhaussemens font que les especes valent plus de livres, mais c'est en rendant les livres moins valables.
Je veux croire que les ministres savent bien que les surhaussemens des especes ne les rendent pas plus valables, & qu'ils ne font de changement dans la monnoie, que pour épargner ou trouver des sommes au prince; mais il est vraissemblable qu'ils ne savent pas toutes les mauvaises suites de ces changemens.
Les anciens estimoient la monnoie sacrée; elle étoit fabriquée dans les temples; les Romains fabriquoient la monnoie aux dépens de l'état; le même poids en matiere & en espece de même titre, étoit de la même valeur.
L'autorité publique, en fabriquant la monnoie, est supposée garantir que les especes seront continuées de même poids & titre, & exposées pour le même nombre de livres, sols & deniers. Le prince est obligé en justice & en honneur, envers ses sujets & les étrangers qui trafiquent avec eux, de ne point faire de changement dans la monnoie. C'est la quantité & la qualité de la matiere qui font la valeur de la monnoie, & non le prix marqué par le prince. Les matieres qui sont propres aux usages de la monnoie, doivent être fabriquées, mais le prix des especes faites de différentes matieres, ne doit pas être reglé par le prince.
Il ne doit pas non plus fixer la proportion entre l'or & l'argent, parce qu'elle varie sans cesse, & ce changement occasionne dans l'intervalle des transports ruineux, ou nuit à certains commerces. Il suffit que le prix du marc d'argent foit fixé, le commerce fixera, suivant ses besoins, le prix du [p. 648]
Quelques politiques ont prétendu que la proportion basse payant l'or moins cher, & attirant conséquemment l'argent par préférence, convenoit mieux aux états qui commercent aux Indes orientales. Mais il faut observer en même tems, que ces pays ont moins d'avantages dans leur commerce avec les peuples qui soldent en or. Aujourd'hui tous les peuples trafiquent dans les Indes orientales, les réexportations sont très bornées en ce genre; ainsi de plus en plus ce commerce deviendra ruineux; pour réparer les sommes qu'il coute, il est essentiel de favoriser de plus en plus les commerces utiles.
Ce qui constitue la valeur réelle d'une piece de
monnoie, c'est le nombre des grains pesant d'or
sin ou d'argent sin qu'elle contient. Une piece d'or
du poids d'une once à 24 karats, contient cent
cinquante - deux grains pesant d'or fin, & vingt - quatre
grains d'alliage. Une piece d'or à 22 karats,
pesant une once, un denier, & deux grains,
sera de même valeur intrinseque que la premiere,
la seule différence consistant dans les vingt - six grains
d'alliage qu'elle contient de plus que la premiere,
& qui ne sont comptés pour rien. Ce n'est pas
qu'un orfevre qui auroit besoin d'or à 23 karats
pour son travail, ne payât plus cher dans le commerce
la piece d'or à 23 karats que l'autre, de
toute la dépense qu'il faudroit faire pour affiner
celle à 22 karats: mais aussi la fabrication de la
piece à 23 karats auroit monté plus cher du montant
de cette même dépense; les mines ordinaires
ne produisant point d'or au - dessus de 22 karats;
outre que l'emploi de l'or très - fin est rare dans le
commerce; il faut encore observer, que si l'on avoit
besoin d'or à 24 karats, la piece d'or à 24 karats
couteroit autant d'affinage que la piece d'or à 22
karats. (Le chevalier
Monnoie de billon (Page 10:648)
Il est douteux qu'en France on se soit servi de monnoie de billon sous la premiere & sous la seconde race; mais vers le commencement de la troisieme race avant saint Louis, on trouve quelques deniers d'argent bas; & depuis saint Louis, on ne trouve plus que des deniers de bas billon.
Les blancs, les douzains, les liards, les doubles, les deniers, les mailles, les pites, sont autant de monnoies de billon dont on s'est servi dans ce royaume, sous la troisieme race. (D.J.)
Monnoie de cuir (Page 10:648)
Nous connoislons encore chez les modernes de
la petite monnoie de cuir, que la néceffité obligea
les Hollandois de renouveller dans le dernier siecle,
lorsqu'ils défendoient leur liberté contre la tyrannie
du roi d'Espagne. Voyez, pour preuve,
Monnoie obsidionale (Page 10:648)
Le grand nombre de villes assiégées où l'on a frappe pendant les xvj. & xvij. siecles de ces sortes de pieces, a porté quelques particuliers à en rechercher l'origine, l'etprit, & l'utilité. Il est certain que l'usage de frapper dans les villes assiegées des monnoies particulieres, pour y avoir cours pendant le siege, doit être un mage fort ancien, puisque c'est la neceisite qui l'a int oduite. En esset, ces pieces étant alors reçues dans le commerce pour un prix infiniment au dessus de leur valeur intrinseque, c'est une grande resiource pour les commandans, pour les magistrats, & même pour les habitans de la ville assiegee.
Ces sortes de monnoies se sentent de la calamité qui les a produites; elles sont d'un mauvais métal, & d'une fabrique grossiere; si l'on en trouve quelques - unes de bon argent, & assez bien travaillées, l'ostentation y a eu plus de part que le besoin.
Leur forme n'est point determinée, il y en a de rondes, d'ovales, & de quarrées; d'autres en losange d'autres en octogone, d'autres en triangles, &c.
Le type & les inseriptions n'ont pas de regles plus fixes. Les unes sont marquées des deux côtes, & cela est rare; les autres n'ont qu'une seule maique. On y voit souvent les armes de la ville assiégée, quelquefois celles du souverain, & quelquefois celles du gouverneur; mais il est plus ordinaire de n'y trouver que le nom de la ville tout au long, ou en abrégé, le millesime, & d'autres chiffres qui dénotent la valeur de la piece.
Comme les curieux ont négligé de ramasser ces sortes de monnoies, il seroit difficile d'en faire ane histoire bien suivie; cependant la diversite des pieces obsidionales que nous connoissons, la singularité de quelques - unes, & les faits auxquels elles ont rapport, pourroient former un petit ouvrage agréable, neuf & intéressant.
Les plus anciennes de ces monnoies obsidionales de notre connoissance ont été frappées au commencement du xvj. siecle, lorsque François I. porta la guerre en Italie; & ce fut pendant les sieges de Pavie & de Crémone, en 1524 & 1526. Trois ans après on en fit presque de semblables à Vienne en Autriche, lorsque cette ville fut assiégée par Soliman Il. Lukius en rapporte une fort singuliere, frappée par les Vénitiens à Nicosie, capitale de l'île de Chypre, pendant le siege que Selim II. mit devant cette île en 1570.
Les premieres guerres de la république d'Hollande avec les Espagnols, fournissent ensuite un grand [p. 649]
On demande si ces sortes de monnoies, pour avoir un cours légitime, doivent être marquées de la tête ou des armes du prince de qui dépend la ville, si l'une ou l'autre de ces marques peut être remplacée par les seules armes de la ville, ou par celle du goùverneur qui la défend; enfin s'il est permis à ce gouverneur ou commaudant de se faire représenter lui - même sur ces sortes de monnoies. Je résous toutes ces questions en remarquant que ce n'est qu'improprement qu'on appelle les pieces obsidionales monnoies; elles en tiennent lieu, à la vérité, pendant quelque tems; mais au fond, on ne doit les regarder que comme des especes de méreaux, de gages publics de la foi des obligations contractées par le gouverneur, ou par les magistrats dans des tems aussi crnels que ceux d'un siege. Il paroît donc fort indifférent de quelle maniere elles soient marquées, pourvù qu'elles procurent les avantages que l'on en espere. Il ne s'agit que de prendre le parti le plus propre à produire cet effet, salus urbis, suprema lex esto.
Au reste, il ne faut pas confondre ce qu'on appelle monnoies obsidionales, avec les médailles frappées à l'occasion d'un siege, & de ses divers événemens, ou de la prise d'une ville; ce sont des choses toutes différentes. (D.J.)
Monnoie des Grecs (Page 10:649)
Voici cependant la proportion des drachmes d'Athènes à celle des autres contrées. La mine de Syrie contenoit 25 drachmes d'Athènes; la mine ptolémaïque 33 1/3; celle d'Antioche & d'Euboé 100; celle de Babylone 116; celle de Tyr 133 1/2; celle d'Egine & de Rhodes 166 2/3.
Le talent de Syrie contenoit 15 mines d'Athènes, le ptolémaïque 20, celui d'Anthioche 60, celui d'Euboé 60 pareillement, celui de Babylone 70, celui de Tyr 80, celui d'Egine & de Rhodes 100.
M. Brerewoòd en suivant les poids des Orfèvres, ne fait valoir la drachme attique que la drachme de son poids d'aujourd'hui, qui fait la huitieme partie d'une once; de cette maniere il en rabaisse la valeur à sept sols & demi monnoie d'Angleterre: mais le docteur Bernard, qui a examiné la chose
(D.J.)Monnoies d'Athènes, selon Brerewood. l. st. sh. s. La drachme 7 1/2 Cent drachmes faisoient la mine 3 2 6 Soixante mines faisoient le talent 187 10 Le talent d'or sur le pié de 16 d'argent. 3000Monnoies d'Athènes, selon Bernard. La drachme 8 1/4 Cent drachmes faisoient la mine 3 8 9 Soixante mines faisoient le talent 206 5 Le talent d'or à raison de 16 d'argent. 3300
Monnoies des Romains (Page 10:649)
Toutes ces especes n'étoient que de cuivre; & même si peu communes dans les commencemens de la république, que l'amende décernée pour le manque de respect envers les magistrats se payoit d'abord en bestiaux. Cette rareté d'especes fit que l'usage de donner du cuivre en masse au poids dans les paiemens subsista long - tems; on en avoit même conservé la formule dans les actes, pour exprimer que l'on achetoit comptant, comme on voit dans Horace, librà mercatur & oere. Tite - Live rapporte que l'an 347 de Rome, les sénateurs s'étant imposé une taxe pour fournir aux besoins de la république, en firent porter la valeur en lingots de cuivre dans des chariots au trésor public, qu'on appelloit ararium, du mot as, genitif aris, qui signifie du cuivre, parce qu'il n'y avoit point à Rome d'or ni d'argent.
Ce fut l'an 485 de la fondation de cette ville que [p. 650]
A peine les Romains eurent assez d'argent pour en faire de la monnoie, que s'alluma la premiere guerre punique, qui dura 24 ans, & qui commença l'an 489 de Rome. Alors les besoins de la république se trouverent si grands, qu'on fut obligé de réduire l'as libralis pesant douze onces, au poids de deux, & toutes les autres monnoies à proportion, quoiqu'on leur conservât leur même valeur. Les besoins de l'état l'ayant doublé dans la seconde guerre punique qui commença l'an 536 de Rome, & qui dura 17 ans, l'as fut réduit à une once, & toutes les autres monnoies proportionnellement. La plûpart de ces as du poids d'une once avoient pour empreinte la tête du double Janus d'un côté, & la proue d'un vaisseau de l'autre.
Cette réduction ou ce retranchement que demandoient les besoins de l'état, répond à ce que nous appellons aujourd'hui augmentation des monnoies; ôter d'un écu de six livres la moitié de l'argent pour en faire deux, ou le faire valoir douze livres, c'est précisément la même chose.
Il ne nous reste point de monument de la maniere dont les Romains firent leur opération dans la premiere guere punique: mais ce qu'ils firent dans la seconde, nous marque une sagesse admirable. La république ne se trouvoit point en état d'acquitter ses dettes: l'as pesoit deux onces de cuivre, & le denier valant dix as, valoit vingt onces de cuivre. La république fit des as d'une once de cuivre; elle gagna la moitié sur ses créanciers; elle paya un denier avec ces dix onces de cuivre. Cette opération donna une grande secousse à l'état, il falloit la donner la moindre qu'il étoit possible; elle contenoit une injustice, il falloit qu'elle fût la moindre qu'il étoit possible; elle avoit pour objet la libération de de la république envers ses citoyens, il ne falloit donc pas qu'elle eût celui de la libération des citoyens entr'eux: cela fit faire une seconde opération; & l'on ordonna que le denier, qui n'avoit été jusques - là que de dix as, en contiendroit seize. Il résulta de cette double opération que, pendant que les créanciers de la république perdoient la moitié, ceux des particuliers ne perdoient qu'un cinquieme: les marchandises n'augmentoient que d'un cinquieme; le changement réel dans la monnoie n'étoit que d'un cinquieme; on voit les autres conséquences. En un mot les Romains se conduisirent mieux que nous, qui, dans nos opérations, avons enveloppé & les fortunes publiques, & les fortunes particulieres.
Cependant les succès des Romains sur la fin de la seconde guerre punique, les ayant laissé maîtres de la Sicile, & leur ayant procuré la connoissance de l'Espagne, la masse de l'argent vint à augmenter à
Dans le même tems, c'est - à - dire l'an de Rome 547, sous le consulat de Claudius Nero, & de Livius Salinator, on commença pour la premiere fois de fabriquer des especes d'or, qu'on nommoit nummus aureus, dont la taille étoit de 40 à la livre de douze onces, de sorte qu'il pesoit près de deux dragmes & demie; car il y avoit trois dragmes à l'once. Le nummus aureus après s'être maintenu assez long - tems à la taille de 40 à la livre, vint à celle de 45, de 50 & de 55.
Il arriva sous les empereurs de nouvelles opérations encore différentes sur les monnoies. Dans celles qu'on fit du tems de la république, on procéda par voié de retranchement: l'état confioit au peuple ses besoins, & ne prétendoit pas le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d'alliage: les princes réduits au désespoir par leurs libéralités même, se virent obligés d'altérer les monnoies; voie indirecte qui diminuoit le mal, & sembloit ne le pas toucher: on retiroit une partie du don, & on cachoit la main; & sans parler de diminution de la paye ou des largesses, elles se trouvoient diminuées. On rémarque que sous Tibere, & même avant son regne, l'argent étoit aussi commun en Italie, qu'il pourroit l'être aujourd'hui en quelque partie de l'Europe que ce soit; mais comme bientôt après le luxe reporta dans les pays étrangers l'argent qui regorgeoit à Rome, ce transport en diminua l'abondance chez les Romains, & fut une nouvelle cause de l'affoiblissement des monnoies par les empereurs. Didius Julien commença cet affoiblissement. La monnoie de Caracalla avoit plus de la moitié d'alliage, celle d'Alexandre Sévere les deux tiers: l'affoiblissement continua, & sous Galien, on ne voyoit plus que du cuivre argenté.
Le prince qui de nos jours feroit dans les monnoies des operations si violentes, se tromperoit lui - même, & ne tromperoit personne. Le change a appris au banquier à comparer toutes les monnoies du monde, & à les mettre à leur juste valeur; le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un prince commence le billon, tout le monde continue, & le fait pour lui: les especes fortes sortent d'abord, & on les lui renvoie foibles. Si, comme les empereurs romains, il affoiblissoit l'argent, sans affoiblir l'or, il verroit tout - à - coup disparoître l'or, & il seroit réduit à son mauvais argent. Le change, en un mot, a ôté les grands coups d'autorité, du moins les succès des grands coups d'autorité.
Je n'ai plus que quelques remarques à faire sur les monnoies romaines & leur évaluation.
Il ne paroît pas qu'on ait mis aucune tête de consul ou de magistrat sur les especes d'or ou d'argent avant le déclin de la république. Alors les trois maîtres des monnoies nommés triumvirs monétaires, s'ingérerent de mettre sur quelques - unes les têtes de telles personnes qu'il leur plaisoit, & qui s'étoient distinguées dans les charges de l'état, observant néanmoins que cette personne ne fût plus vivante, de peur d'exciter la jalousie des autres citoyens. Mais après que Jules - César se fut arrogé la dictature perpétuelle, le sénat lui accorda par exclusion à toute autre, de faire mettre l'empreinte de sa tête sur les monnoies; exemple que les empereurs imiterent ensuite. Il y en eut plusieurs qui firent fabriquer des especes d'or & d'argent portant leur nom, comme des Philippes, des Antonins, &c. Quelques-uns firent mettre pour empreinte la tête des impératrices. Constantin fit mettre sur quelques - unes la tête [p. 651]
Les Romains comptoient par deniers, sesterces, mines d'ltalie, ou livres romaines, & talens. Quatre sesterces faisoient le denier, que nous évaluerons, monnoie d'Angleterre, qui n'est point variable, à sept sols & demi. Suivant cette évaluation 96 deniers, qui faisoient la mine d'ltalie, ou la livre romaine, monteront à 3 liv. sterl. & les 72 liv. romaines, qui faisoient le talent, à 216 liv, sterling.
J'ai dit que les romains comptoient par sesterces; ils avoient le petit sesterce, sestercius, & le grand sesterce, sestertium. Le petit sesterce valoit à - peu - près 1 d. 3/4 sterling. Mille petits sesterces faisoient le sestertium, valant 8 liv. 1 shell. 5 d. 29. sterling. Mille sestertia faisoient decies sestcrcium (car le mot de centies étoit toujours sous - entendu), ce qui revient a 8072 liv. 18 sh. 4 d. sterling. Centies sestertium, ou centies H - S répondent à 80729 liv. 3. sh. 4 d. sterl. Millies H S à 807291 liv. 13 sh. 4 d. sterl. Millies centies H S. à 888020 liv. 16 sh. 8 d. sterl.
La proportion de l'or à l'argent étoit d'ordinaire de 10 à 1, quelquefois de 11, & quelquefois de 12 à 1. Outre les monnoies réelles d'or & d'argent & de cuivre, je trouve que Martial fait mention d'une menue monnoie de plomb, ayant cours de son tems; on la donnoit, dit - il, pour rétribution à ceux qui s'engageoient d'accompagner les personnes qui vouloient paroître dans la ville avec un cortege. Mais il est vraisemblable que cette prétendue monnoie de plomb, ne servoit que de marque & de mereau, pour compter le nombre des gens qui étoient aux gages de tel ou tel particulier.
I'our empêcher les faux - monnoyeurs de contrefaire certaines especes d'or & d'argent, les Romains imaginerent de les denteler tout autour comme une scie; & on nomma ces sortes d'especes nummi serrati; il y a des traducteurs & des commentateurs de Tacite qui se sont persuadés, que le nummus serratus étoit une monnoie qui portoit l'empreinte d'une scie; & cette erreur s'est glissée au moins dans quelques dictionnaires. (D.J.)
Monnoies des Hébreux, de Babylone & (Page 10:651)
La maniere la plus commune de compter chez les
anciens étoit par talens, & leur talent avoit ses subdivisions,
qui étoient pour l'ordinaire des mines &
des drachmes; c'est - à - dire, que leurs talens étoient
composés d'un certain nombre de mines, & la mine
d'un certain nombre de drachmes: mais outre cette
maniere de compter, les Hébreux avoient encore des
sicles & des demi - sicles, ou des békas.
La valeur du talent des Hébreux est connue par le
passage du xxxviij chap. de l'Exode, v. 25 & 26.
car on y lit que la somme que produit la taxe d'un
demi - sicle par tête payée par 603550 personnes, fait
301775 sicles; & cette somme réduite en talens dans
ce passage. est exprimée par celle de cent talens,
avec un reste de 1775 sicles: il n'y a donc qu'à retrancher
ce reste de 1775 sicles du nombre entier
301775, & en divisant les 300000 qui restent par
cent, qui est le nombre des talens que cette somme
forme dans le calcul de Moïse, on trouve qu'il y
avoit 3000 sicles au talent.
On sait d'ailleurs que le sicle pesoit environ trois
schellings d'Angleterre, & Ezéchiel nous apprend
qu'il y en avoit 60 à la mine; d'où il suit qu'il y avoit
50 mines au talent des Hébreux.
Pour leurs drachmes, l'Evangile, selon S. Matthieu, fait voir que le sicle en contenoit quatre; de
sorte que la drachme des Juifs devoit valoir 9 sous
d'Angleterre: car au chap. xvij. v. 34. le tribut que
chaque tête payoit tous les ans au temple, qu'on sait
d'ailleurs qui étoit d'un demi - sicle, est appellé du
nom de didrachme, qui veut dire une piece de deux
drachmes: si donc un demi - sicle valoit deux drachmes,
le sicle entier en valoit quatre. Josephe dit aussi
que le sicle contenoit quatre drachmes d'Athenes;
ce qu'il ne faut pas entendre du poids, mais de la
valeur au prix courant: car au poids, la drachme
d'Athènes la plus pesante ne faisoit jamais plus de
huit sous trois huitiemes, monnoie d'Angleterre; au
lieu que le sicle en faisoit neuf, comme je l'ai déja
remarqué. Mais ce qui manquoit au poids de la drachme
attique pour l'égaler à la juive, elle le gagnoit
apparemment en finesse, & par son cours dans le
commerce: en donnant donc neuf sous d'Angleterre
d'évaluation à la drachme attique & à la juive, le
béka ou le demi - sicle fait un schellin six sous d'Angleterre; le sicle trois schellins, la mine neuflivres
sterling, & le talent 450 livres sterling.
Voilà sur quel pié étoit la monnoie des Juifs du
tems de Moïse & d'Ezéchiel, & c'étoit la même
chose du tems de Josephe. Cet historien dit que la
mine des Hébreux contenoit deux titres & demi, qui
font justement neuf livres sterling; car le titre est la
livre romaine de douze onces, ou de 93 drachmes:
par conséquent deux titres & demi contenoient 240
drachmes, qui à neuf sous la piece, font justement
60 sicles ou 9 livres sterling.
Le talent d'Alexandrie étoit précisément la même
chose: il contenoit 12 mille drachmes d'Athènes,
qui sur le pié de leur valeur en Judée, faisoient autant
de neuf sous d'Angleterre, & par conséquent
450 livres sterling, qui sont la valeur du talent mosaique.
Cependant il faut remarquer ici que quoique
le talent d'Alexandrie valût 12000 drachmes
d'Athenes, il ne contenoit que 6000 drachmes d'Alexandrie; ce qui prouve que les drachmes alexandrines
en valoient deux de celles d'Athènes. De - là
vient que la version des Septante faite par les Juifs
d'Alexandrie, rend le mot de sicle dans cet endroit,
par celui de didrachme, qui signifie deux drachmes;
entendant par - là des didrachme d'Alexandrie. En
suivant donc ici la même méthode qu'on a suivie
pour le talent de Judée, on trouvera que la drachme
d'Alexandrie valoit 18 sous, monnoie d'Angle.
terre; les deux drachmes ou le sicle, qui en font
quatre d'Athènes, trois schellings; la mine, quiétoit
de 60 didrachmes ou sicles, neuflivres sterling; &
le talent, qui contenoit 50 mines, 450 livres sterling,
que font aussi le talent de Moïse & celui de
Josephe.
Les Babyloniens comptoient par drachmes, par
mines & par talens. La mine de Babylone contenoit
116 drachmes d'Athènes, & le talent contenoit,
selon les uns, 70 mines, ou 8120 drachmes d'Athènes, & selon les autres, il contenoit seulement
60 mines, ou 7000 drachmes d'Athènes. Il résulte
d'après cette derniere évaluation, qui me paroît la
plus vraissemblable, que le talent d'argent de Babylone fait, monnoie d'Angleterre, 218 livres sterling,
15 schellings; le talent d'or, à raison de 16 d'argent,
3500 livres sterling; mais, selon le docteur
Bernard, qui en a fait l'évaluation la plus juste, le
talent d'argent de Babylone revient à 240 livres sterling
12 schellings 6 s. & le talent d'or, à raison de 16
d'argent, revient à 3850 livres sterling.
Tout ce que nous venons de dire ne regarde que
l'argent. La proportion de l'or avec ce métal chez
les anciens, étoit d'ordinaire de 10 à 1, quelquefois
de 10 à 11, à 12, & même jusqu'à 13. Du tems
[p. 652]
Ceux qui desireront de plus grands détails, peuvent
consulter le livre de l'évêque Cumberland, des
mesures, des poids & de la monnoie des Juifs; Brerewood, de ponderibus & proetiis veterum nummorum;
Bernard, de mensuris & ponderibus antiquis, & autres
savans anglois qui ont traité le même sujet. (D.J.)
Monnoie réelle & Monnoie imaginaire
(Page 10:652)
On nomme monnoie réelle ou effective, toutes les
especes d'or, d'argent, de billon, de cuivre, & d'autres
matieres qui ont cours dans le commerce, & qui
existent réellement; tels que sont les louis, les guinées,
les écus, les richedales, les piastres, les sequins,
les ducats, les roupies, les abassis, les larins,
&c.
La monnoie imaginaire ou de compte, est celle quin'a
jamais existé, ou du moins qui n'existe plus en especes
réelles, mais qui a été inventée ou retenue pour
faciliter les comptes, en les dressant toujours sur un
pié fixe & non variable, comme les monnoies qui
ont cours, que l'autorité du souverain peut augmenter
ou diminuer à sa volonté.
Il y a cependant encore quelques endroits où des
monnoies courantes servent aussi de monnoies de
compte. Mais nous ferons un article particulier des
principales monnoies de compte de l'Europe & de
l'Asie. Voyez
L'on peut considérer plusieurs qualités dans les
monnoies réelles; les unes qui sont comme essentielles
& intrinseques aux especes: savoir, la matiere & la
forme; & les autres seulement arbitraires, & en
quelque sorte accidentelles; mais quine laissent pas
d'être séparables, comme le volume, la figure, le
nom, le grenetis, la légende, le millésime, le diffé
La qualité la plus essentielle de la monnoie est la
matiere. En Europe on n'y emploie que l'or, l'argent
& le cuivre. De ces trois métaux il n'y a plus que le
cuivre qu'on y emploie pur; les autres s'allient ensemble;
l'or avec l'argent & le cuivre, & l'argent
seulement avec le cuivre: c'est de l'alliage de ces
deux derniers que se compose cette matiere ou ce
métal qu'on appelle billon. Voyez
Les degrés de bonté de l'or & de l'argent monnoyés,
s'estiment & s'expriment différemment. Pour
l'or, on se sert du terme de karats, & pour l'argent,
de celui de deniers. Voyez
Plusieurs raisons semblent avoir engagé à ne pas
travailler les monnoies sur le fin, & à se servir d'alliage; entr'autres le mélange naturel des métaux,
la dépense qu'il faudroit faire pour les affiner, la
nécessité de les rendre plus durs, pour empêcher que
le fret ne les diminue, & la rareté de l'or & de l'argent
dans de certains pays.
L'autre chose essentielle à la monnoie, après la matiere, est ce que les Monnoyeurs appellent la forme,
qui consiste au poids de l'espece, en la taille, au
remede de poids, en l'impression qu'elle porte, & en
la valeur quon lui donne.
Par le poids, on entend la pesanteur que le souverain
a fixée pour chaque espece; ce qui sert, en
les comparant, à reconnoître celles qui sont altérées;
ou même les bonnes d'avec celles qui sont
fausses, ou fourrées.
La taille est la quantité des especes que le prince
ordonne qui soient faites d'un marc d'or, d'argent ou
de cuivre.
Le remede de poids est la permission qui est accordée
aux maîtres des monnoies, de pouvoir tenir le
marc d'especes plus foible d'une certaine quantité de
grains que le poids juste, ce qui s'appelle foiblage.
L'impression, qu'on nomme aussi image, est l'empreinte
que reçoit chaque morceau de métal; la
marque qui lui donne cours dans le public, qui le
fait devenir denier de monnoyage, en un mot qui le
fait piece de monnoie; marque sans laquelle il n'est
qu'un simple morceau d'or, d'argent ou de cuivre,
qui peut bien être employé à divers ouvrages, ou
vendu pour une autre marchandise, mais non pas
être reçu sur le pié de ceux qui portent cette impression
ordonnée par le souverain.
Enfin la valeur de la monnoie, c'est le pié sur lequel
les especes sont reçues dans le commerce, pié
différent de leur prix intrinseque; à cause qu'outre
la valeur de la matiere, les droits du prince qu'on
appelle seigneuriage, & les frais de la fabrication,
qu'on nomme brassage, y doivent être ajoutés.
A l'égard des qualités moins essentielles, le volume de la monnoie n'est autre chose que la grandeur &
l'épaisseur de chaque piece. La figure, c'est cette forme
extérieure qu'elle a à la vue; ronde en France;
irréguliere & à plusieurs angles en Espagne; quarrée
en quelques lieux des Indes; presque sphérique dans
d'autres, ou de la forme d'une petite navette en
plusieurs.
Le nom lui vient, tantôt de ce que représente l'empreinte,
comme les moutons & les angelots; tantôt
du nom du prince, comme les Louis, les Philippes,
les Henris; quelquefois de leur valeur, comme les
quarts d'écus & les pieces de douze sous; & d'autres
fois du lieu où les especes sont frappées, comme
autrefois les parisis & les tournois.
Le grenetis est un petit cordon fait en forme de
grain, qui regne tout - au - tour de la piece, & qui enferme
les légendes des deux côtés. Outre l'ornement
que les pieces en reçoivent, il rend plus difficile
[p. 653]
La lègende est l'inscription qui est gravée d'un côté
autour de l'essigie, & de l'autre autour de l'écusson,
ou qui quelquefois remplit tout un des côtés d'une
piece de monnoie. On vient de dire qu'il y a une troisieme
légende qui se met sur la tranche. La légende
de l'effigie contient le nom & les qualités du prince
qui y est représenté; les autres sont souvent composées
de quelque passage de l'Ecriture - sainte, ou
de quelques mots, comme ceux des devises, ou même
du prix de la piece. On ne parle que de ce qui se
pratique présentement en Europe.
Le millésime marque l'année que chaque piece a
été frappée. Depuis l'ordonnance de Henri II, de
1549, elle se met dans ce royaume en chiffres arabes
du côté de l'écusson: auparavant on ne connoissoit
guere le tems du monnoyage que par le nom du
prince, ou par celui des monétaires.
Le différent est une petite marque que les tailleurs
particuliers & les maîtres des monnoies choisissent à
leur fantaisie; comme un soleil, une rose, une étoile,
un croissant, &c. Elle ne se peut changer que par
l'ordre de la cour des monnoies ou des juges - gardes.
Elle se change nécessairement à la mort des tailleurs
& des maîtres, ou quand il y a de nouveaux jugesgardes
ou essayeurs.
Le point secret étoit autrefois un point qui n'étoit
connu que des officiers de chaque monnoie. Il se mettoit
sous quelque lettre des légendes, pour indiquer
le lieu des fabriques. Le point secret de Paris se plaçoit
sur le dernier e de benedictus, & celui de Rouen,
sous le b du même mot. Ce point n'est plus d'usage;
on se contente présentement de la lettre de l'alphabet
romain que les ordonnances de nos rois ont attribuée
à chaque ville de ce royaume où il se fabrique
des monnoies.
Enfin, les monnoies réelles peuvent être fausses,
altérées, fourrées, foibles.
La fausse monnoie est celle qui n'est pas fabriquée
avec les métaux ordonnés par le souverain; comme
seroient des louis d'or de cuivre doré, des louis d'argent
d'étain couverts de quelques feuilles de fin.
La monnoie altérée est celle qui n'est pas faite au
titre, & du poids porté par les ordonnances, ou qui
ayant été fabriquée de bonne qualité, a été diminuée
de son poids, en la rognant, en la limant sur la tranche,
ou en enlevant quelque partie de la superficie
avec de l'eau régale si c'est de l'or, ou avec de l'eauforte
si c'est de l'argent.
La monnoie fourrée est celle qui tient, pour ainsi
dire, le milieu entre la fausse monnoie & la monnoie
altérée. Elle est faite d'un morceau de fer, de cuivre,
ou de quelqu'autre métal que le faux monnoyeur
couvre des deux côtés de lames d'or ou d'argent,
suivant l'espece qu'il veut contrefaire, & qu'il soude
proprement & avec justesse au - tour de la tranche.
Le faux - flaon se frappe comme les véritables, &
peut même recevoir la légende & le cordonnet de la
tranche. On ne peut découvrir la fausseté de ces
sortes de pieces que par le poids, ou par le volume,
qui est toujours plus épais ou plus étendu que dans
les bonnes especes.
La monnoie foible est celle où il y a beaucoup d'alliage;
& la monnoie forte, celle ou il y en a le moins.
On appelloil autrefois monnoie blanche, celle d'argent,
& monnoie noire, celle de billon. M. Boizard
vous expliquera tous les autres termes qui ont rapport
aux monnoies: consultez - le.
Quant au monnoyage, au marteau & au moulin,
voyez - en l'article.
Plusieurs savans ont traité des monnoies réelles &
Monnoie bractéate
(Page 10:653)
Ce sont des pieces, ou plutôt de simples feuilles
de métal, chargées d'une empreinte grossiere; la
plûpart sont d'argent, presque toutes frappées en
creux, & par conséquent sur un seul côté: plusieurs
ne paroissent l'avoir été que sur des coins de bois.
L'origine n'en remonte point au - delà des siecles barbares: communes en Suede, en Danemark & dans
les diverses provinces de l'Allemagne, où l'usage
s'en est perpétué long - tems, elles sont très - peu connues
dans les autres pays de l'Europe.
Par - tout où ces monnoies eurent cours, on doit
les y regarder comme une production de l'art ou
naissant ou dégénéré: ce sont des ébauches qui suffiroient
seules à caractériser le mauvais goût & l'ignorance
des tems écoulés entre la chûte & la renaissance
des Lettres. Mais il n'est point d'objet indifférent
pour la vanité des hommes. L'origine des
monnoies bractéates se trouve revendiquée par tous
les peuples qui s'en sont servis, sans doute comme
le monument d'une antiquité respectable, dont ils
croient tirer quelqu'avantage sur leurs rivaux &
leurs voisius. Cette diversité de sentimens a fait de
l'époque de ces monnoies un problème dont la solution
demande un examen épineux.
En 1751 le hasard fit naître à M. Schoepflin l'idée
d'approfondir la question, & de communiquer à
l'académie de Paris ses recherches & ses vûes sur
cette matiere, dont nous allons faire usage.
On découvrit en 1736 un dépôt de monnoies bractéates dans le monastere de Guengenbach, abbaye
du diocese de Strasbourg, au - delà du Rhin, par rapport
à nous, & l'une des plus anciennes de l'ordre
de saint Benoît. On y trouva deux petites urnes grises
de terre cuite, posées l'une auprès de l'autre,
dans un mur qui paroît avoir fait partie d'un tombeau.
De ces vases, l'un ne contenoit que des charbons,
l'autre renfermoit plusieurs monnoies bractéates: chaque vase avoit pour couvercle un morceau
de brique.
Ces sortes de monnoies sont assez rares: elles
avoient trop peu de solidité pour être durables. Toutes celles qui n'ont pas été renfermées dans des vases
se sont détruites, parce qu'elles n'étoient point
en état de se préserver par elles - mêmes d'un déchet
prompt dans la matiere, & d'une altération plus
prompte encore dans la forme. Quoique plus communément
répandues en Allemagne qu'ailleurs, ce
n'est pourtant point en Allemagne que l'usage s'en est
d'abord établi.
Ce seroit même par une interprétation forcée de
quelques termes obscurs, qu'on leur assigneroit,
avec Tilemann Prise, une origine antérieure à l'ere
chrétienne. D'autres écrivains la placent cette origine
au vij. siecle depuis Jesus - Christ; leur opinion
est plus vraissemblable, mais sans être mieux fondée.
Les lois des Saliens, des Ripuaires, des Visigoths, des Bavarois & des Lombards, lois dépositaires
de leurs usages, fournissent par leur silence
une preuve sans réplique que ces peuples n'ont point
connu les bractéates; dont la forme n'a nul rapport
avec celle des sols & des deniers mentionnés dans
ces lois, ainsi que dans les capitulaires. Elle n'en a
[p. 654]
Le sentiment le plus commun attribue l'origine de
ces dernieres aux Allemands, & la fixe au tems des
empereurs Othons, ce qui donneroit le x. siecle pour
époque aux bractéates. Plusieurs inductions tirées de
faits incontestables, semblent d'abord favoriser ce
système, adopté par Olearius, par Ludwig, par
Doederlin, & plusieurs autres savans. Ce fut sous
l'empire des Othons que les mines d'argent se découvrirent
en Allemagne. Du tems de Tacite la
Germanie intérieure ne connoissoit point l'argent;
si l'usage en a pénétré depuis dans cette contrée,
c'est par les François conquérans des Gaules qu'il y
fut introduit. Mais les monnoies d'argent que ceux - ci
répandirent de leurs nouvelles habitations dans leurs
anciennes demeures, n'étoient point des bractéates;
elles étoient de l'espece qui sous les rois Carlovingiens s'appelloit monnoie palatine, moneta palatina,
parce que ces princes la faisoient fabriquer dans
leur palais même. Leurs monétaires les suivoient
par - tout; ils alloient avec la cour d'une résidence à
l'autre, tantôt en - deçà, tantôt en - delà du Rhin, &
par - tout ils frappoient au coin du monarque des
pieces dont le poids & la solidité suffisent pour nous
empêcher de les confondre avec les bractéates, plus
minces sans comparaison. Ce n'est donc qu'après
l'extinction de la race Carlovingienne que l'Allemagne a fait usage de cette monnoie légere; c'est donc
aux regnes des Othons qu'il faut en placer l'origine:
ainsi raisonnent Oléarius & ses partisans.
Cette conséquence seroit bonne si les bractéates
avoient en effet pris naissance en Allemagne; mais
si elles sont venues d'ailleurs, elles peuvent avoir
été plus anciennes que le x. siecle, & c'est ce que
pense M. Schoepflin, qui ne donne cependant son
opinion que pour une conjecture, mais qui fonde
cette conjecture sur des monumens.
Les cabinets de Suede & de Danemark lui ont
présenté des bractéates d'un tems plus reculé que celles
d'Allemagne; il en conclud que l'usage en a commencé
dans le Danemark & dans la Suede. Selon
lui, c'est la Suede qui la premiere a fabriqué ces
sortes de monnoies. Elias Brenner, fameux antiquaire
suédois, a produit une bractéate du roi Biorno I. contemporain
de Charlemagne, avec le nom de ce prince
pour légende. Brenner rapporte que de son tems on
découvrit à Stockholm des deniers de Charlemagne,
avec lesquels ces monnoies de Biorno paroissent avoir
quelque trait de ressemblance. M. Schoepflin en conclud
que ces deniers ont servi de modele aux bractéates suédoises pour l'empreinte, non pour l'épaisseur,
car la rareté de l'argent dans tout le Nord y fit réduire
les sols à une feuille très - mince.
De la Suede, l'usage des bractéates se transmit en
Danemark, & par la suite aux provinces de l'empire
Germanique.
Nous avons déja remarqué que les bractéates sont
plus communes en Allemagne qu'ailleurs: la raison
en est simple; c'est une suite de la constitution même
de l'état Germanique, composé d'un nombre infini
de souverains, & de plusieurs cités libres qui sous
différens titres ont joui du droit de battre monnoie,
prodigué par les successeurs de Charlemagne, avec
tant d'autres droits régaliens.
C'est au x. siecle que l'usage des bractéates est devenu
commun dans la Germanie, du - moins l'époque
de celles qu'on a découvertes ne remonte point au - delà;
ni le cabinet du duc de Saxe - Gotha, ni celui
Les mines d'argent découvertes alors en basse
Saxe, n'empêcherent point cette monnoie foible de
s'introduire dans le pays & de s'y perpétuer. D'autres provinces d'Allemagne ont aussi leurs mines
d'argent, trouvées peu après celles de la basse Saxe:
l'Alsace a les siennes; cependant ces provinces &
l'Alsace ont fabriqué long - tems des bractéates. Strasbourg a continué jusqu'au xvj. siecle, & la ville de
Bâle persévere encore aujourd'hui dans cet usage,
qui atteste peut - être moins l'indigence des siecles
barbares, que la méfiance des anciens Allemands,
en garde alors, comme au tems de Tacite, contre
les monnoies fourrées.
Tilemann Frise & Doëderlin prétendent que les
premieres bractéates sont les plus fines, & qu'insensiblement
le titre s'en est altéré de plus en plus. Celae
se peut; cependant les bractéates trouvées par M.
Schoepflin sont presque toutes de différent titre,
quoique toutes paroissent du même âge. Ce sont les
Italiens qui porterent en Allemagne l'art des alliages;
par la suite le cuivre a tellement prévalu dans quelques
pieces de cette monnoie, que les Antiquaires
ont cru trouver des bractéates de bronze. M. Schoepflin en a vû quelques unes en or, mais elles ne sont
pas fort anciennes; il en connoît aussi quelques - unes
de bi - latérales, mais elles sont si rares, que cette
exception n'empêche pas qu'on ne doive, généralement
parlant, définir les bractéates des monnoies à
feuilles d'argent frappées en creux sur un seul côté.
La forme en est communément ronde, mais souvent
cette feuille de métal est coupée avec tant de
négligence, qu'on la prendroit pour un quarré trèsirrégulier.
La grandeur a beaucoup varié; on en distingue
jusqu'à douze modules différens, dont le plus
grand excede la circonférence des contorniates des
empereurs, & le plus petit est égal au petit bronze
du bas - empire. Ni ces divers modules, ni ces divers
allois ne sont spécialement affectés à certains états
de l'empire plûtôt qu'à d'autres. Les empereurs, les
princes ecclésiastiques & séculiers, les villes impériaies,
en ont frappé de grandes & de petites indifféremment.
Les premieres n'ayant point une épaisseur
proportionmée à leur diametre, étoient encore moins
propres que les secondes au commerce; aussi pourroit - ton croire que c'étoit des médailles plûtôt que
des monnoies. A dire vrai, ni les unes ni les autres ne
pouvoient long - tems se conserver, ni par conséquent
être d'un grand usage. Mais nous savons qu'alors les
sommes un peu considérables se payoient en argent
non monnoyé, par marcs & par livres.
De ce que tous les souverains d'Allemagne, empereurs,
rois, ducs, évêques, abbés, margraves,
landgraves, comtes, villes libres ont à l'envi fait
frapper des bractéates, il en résulte, sans que nous
ayons besoin d'insister sur cette conséquence, que
les types en sont extrémement variés. On y trouve
des figures d'hommes, d'animaux, des symboles,
des armoiries, des édifices, des marques de dignité
de toute espece; mais les plus communes, selon M.
Schoepflin, sont les bractéates ecclésiastiques. Voyez
l'histoire de l'académie des Inscriptions, tome XXXIII.
in - 4°. (D.J.)
Monnoies de compte des modernes
(Page 10:654)
A l'égard de l'Afrique, les villes de Barbarie &
[p. 655]
En France, l'ancienne monnoie de compte étoit le
parisis, le tournois, & l'écu d'or au soleil; aujourd'hui on n'y compte plus qu'en livres, sols & deniers
tournois: la livre vaut 20 sols, & le sol 12 deniers.
En Angleterre, la monnoie de compte est la livre,
le schelling, & le sol sterling, the pound, shilling,
and penny sterling: la livre sterling contient 20 schellings,
& le schelling 12 sols.
En Espagne, les monnoies de compte sont le peso,
le ducat d'argent & de vellon, la réale de vellon,
le cornados & le maravédis d'argent & de vellon.
Le peso est au ducat comme 12 est à 10; le ducat
d'argent contient 11 réales d'argent, & le ducat de
vellon contient 11 réales de vellon, ce qui fait une
différence de près d'une moitié. La réale d'argent
court dans le commerce pour 7 schellings sterling,
& celle de vellon court seulement pour 3 schellings
8 deniers sterlings; 34 maravedis font la réale de
vellon, & 63 celle d'argent. Le maravedi se divise
en 4 cornados.
En Hollande, en Zélande, dans le Brabant & à
Cologne, on se sert pour compter de la livre, sols
& deniers de gros. La livre de gros contient 20 sols,
& le sol 12 deniers; la livre de gros répond à 10
schellings 3/16 sterlings. L'on compte aussi dans ces mêmes
pays par florins ou guilders, patards & pennins.
Le fiorin vaut 20 patards, & le patard 12 pennins.
En Suisse, & dans plusieurs des principales villes
d'Allemagne, entr'autres à Francfort, on se sert pour
monnoie de compte de florins, mais qui sont sur un
autre pié qu'en Hollande, de creutzers & de pennins.
Le florin est égal à trois schellings sterlings; il
se divise en 60 creutzers, & le creutzer en 8 pennins.
Dans d'autres villes d'Allemagne, comme à
Nuremberg, on compte par richedallers, par florins
& par creutzers; la richedaller vaut 4 schellings 8
deniers sterlings: elle se divise en 100 creutzers, &
le creutzer en 8 pennins. Dans d'autres villes, comme
à Hambourg, Berlin, &c. on compte par richedallers,
marcs, lubs, sols lubs & deniers lubs. La
richedaller vant 4 schellings 6 deniers sterlings; elle
se divise en 3 marcs, le marc en 3 sols lubs, & le sol
en 12 deniers lubs. On compte aussi à Hambourg
en livres, sols & deniers de gros. Je n'entrerai point
dans le détail des autres monnoies de compte de ces
pays - là.
En Italie, les monnoies de compte sont presqu'aussi
différentes qu'il y a de ville de commerce. A Rome
on compte par écu, livre, sols & deniers d'or, di
stampa. A Venise on compte par ducats & gros de
banque, ou, comme ils disent, di banco. Le ducat
se divise en 24 gros, & chaque gros vaut 2 sols 1/2 sterlings.
On compte encore à Vénise par ducats courans,
livres, sols & deniers; le ducat courant, autrement
nommé sequin, vaut 9 shellings 2 deniers
sterlings. Livourne & Gènes ónt leurs piastres, outre
leurs livres, sols & deniers: leur piastre est équivalente à 4 shellings 6 deniers sterlings. A Naples
on compte par ducats, grains & tarins; le tarin est
égal à 1 shelling sterling & se divise en 20 grains.
A Messine, à Palerme, & dans toute la Sicile;
on compte par livres, onces, tarins, grains & piccolis,
qu'on rassemble par 6, 20 & 30. L'once contient
30 tarins, le tarin 20 grains, & le grain 6 piccolis.
A Malte, on compte par livres, onces, carlins,
& grains: l'once renferme 30 tarins ou 60 carlins,
ou 600 grains; le carlin est égal à 6 d. 1/4 sterl.
Dans toute la Pologne, à Dantzic, aussi - bien qu'à
Berlin, & dans la plûpart des états du roi de Prusse,
les monnoies de compte sont les richedallers, les roups,
& les grochs. La richedaller est égale à 4 sch. 6 d.
sterl. & se divise en 32 roups, & en 90 grochs dans
la Pologne, ou en 24 grochs dans les états de Prusse.
Les monnoies de compte en Suéde, sont par dalles
d'argent ou de cuivre. Les dalles d'argent valent 32
sols lups, ou 3 sch. sterl. Les Danois comptent par
rixdallers, & par sols; leur rixdaller se divise en 38
sols.
Les Moscovites ont leurs roubles, leurs altins &
leurs grifs: le rouble est égal à 100 copecs, ou à
2 richedallers, ou à 9 sch. sterl. il se divise en 10
grifs, 3 altins 1/3 sont le grif ou copec; le copec
vaut 13 sols 3/4 sterl.
L'empire du Turc, soit en Europe, soit en Asie,
soit en Afrique, a pour maniere de compte, ce qu'on
appelle des bourses; les unes d'argent qui sont les
plus communes, les autres d'or, dont on he se sert
que dans le serrail, & des demi bourses qu'on nomme
rizès: la bourse d'argent est égale à 112 liv. 10
sch. sterl. la demie vaut à proportion: la bourse d'or
contient 15 mille séquins, & vaut 6750 liv. sterl.;
mais de telles bourses ne sont d'usage que pour des
présens extraordinaires, de sorte que le mot bourse,
signifie bcurse d'argent. On les appelle ainsi, parce
que tout l'argent du trésor du serrail se met dans
des sacs ou bourses de cuir. Les marchands dans les
états du grand seigneur, comptent par dallers d'Hollande, qu'ils nomment autrement astani ou abouquels, par meideius & par aspres. Le thaler ou piastre
vaut 35 meideius; le meideiu vaut 3 aspres, &
l'aspre est égal à un demi sol sterl.
En Perse, la monnoie de compte est le man, qu'on
nomme plus communément toman ou tumein, & le
dinar - bisti; le toman est composé de 50 abassis, ou
de cent mamodis, de 200 chapes, ou de 10 mille
dinars - bisti; de sorte qu'en mettant le dinar - bisti sut
le pié d'un denier, le toman revient à 3 liv. 12 sch.
6 d. sterl. On compte aussi en Perse, par larins,
particulierement à Ormus, & sur les côtes du golfe
Persique: le larin est équivalent à 11 sols sterl.,
& c'est sur ce pié qu'il est d'usage parmi les Arabes,
& dans une grande partie du continent des Indes
orientales.
Dans la Chine, le pic, le picol & le tach, qui
sont des poids, servent en même tems de monnoies
de compte, ce qui s'étend jusques dans le Tunquin.
Le pic se divise en 100 catis, quelques - uns disent
125: le catis se partage en 16 tachs, chaque tach
est égal à une once deux drachmes; le picol contient
66 catis 3/4; le tach équivaut à 6 sch. 8 d. sterl.
Le Japon a pour monnoies de compte, ses schuites,
ses cockiens, ses oubans & ses taèls; 200 schuites
sont égales à 500 florins d'Hollande; le cockien
vaut 10 florins des Pays - Bas; 1000 oubans font 45
mille taels.
A Surate, à Agra, & dans le reste des états du
grand mogol, on compte par lacres ou lacs, ou
par lechs; un lac de roupies fait 100 milles roupies.
Au Malabar & à Goa, on se sert pour monnoies
de compte, de tangas, de vintins, & de pardaosxerafins: le tanga est de deux especes, savoir de
bon ou de mauvais aloi; quatre tangas de bon
aloi valent un pardaos - xerafin, au lieu qu'il en faut
[p. 656]
L'ile de Java a ses santas, ses sapacou, ses caxas,
ses fardos & ses catis. Le santa vaut 200 caxas,
qui sont de petites pieces du pays ensilées dans un
cordon; la valeur de chaque cax 35 répond à 1/10 de
sols sterl. 5 santas font le sapacou, Le fardos vaut
2 sch. 8 d. sterl.; le cati contient 20 taels; le tael
vaut 6 sch. 8 d. sterl.
Il y a plusieurs autres îles, villes & états des
Indes orientales, dont nous ne rapportons point ici
les monnoies de compte, soit parce qu'elles se réduisent
à quelques - uns de celles dont nous avons parlé,
soit parce que les auteurs ne s'accordent point
dans le récit qu'ils en font.
Il nous reste pour remplir notre promesse, à
dire un mot des monnoies de compte d'Afrique. Du
cap Verd au cap de bonne - Espérance, tous les
échanges & les évaluations des marchandises se font
par macoutes & par pieces. A Loango de Boirée &
quel qu'autres lieux de la côte d'Angola, les estimations
se font par macoutes. A Masimbo & Cabindo
qui sont aussi sur la même côte, les negres comptent
par pieces. Chez les premiers, la macoute est
équivalente à 10, & dix macoutes font 100; chez
les autres la piece vaut 1, mais elle s'augmente par
addition, jusqu'à tel nombre qu'il convient pour la
traite des marchandises d'Afrique, & leur échange
contre celles d'Europe. Supposez donc qu'ils ayent
fixé leur esclave à 3500, ce qui revient à 305 macoutes;
pour faire ce nombre de macoutes en marchandi
es d'Europe, chaque espece de ces marchandises
a son prix aussi en macoutes.
Par exemple, deux couteaux flamans se comptent
une macoute; un bassin de cuivre de deux livres pesant,
vaut trois macoutes; un fusil s'estime 30 macoutes,
une piece de salampouris bleu 120 macoutes,
ainsi du reste; ensuite de quoi, les negres prennent
sur cette évaluation autant de ces marchandises
qu'il en faut pour 305 macoutes, à quoi ils ont
mis leur esclave, il en est de même de la piece: les
naturels du pays évaluent leur esclave à 10 pieces;
ainsi les Européens mettent, par exemple, un fusil
pour valoir 1 piece, une piece de salampouris bleu
pour 4 pieces, &c.
Enfin, on sait que les coquillages qu'on appelle
bouges en Afrique, cauris aux Indes, servent de menue
monnoie. Le cacao pareillement sert de menue
monnoie en Amérique; le mays & les amandes de
lar, en servent en plusieurs endroits des Indes orientales.
(Le chevalier
Monnoies, cours des
(Page 10:656)
Originairement, la cour des monnoies de Paris étoit
seule, & avoit tout le royaume pour ressort jusqu'en
1704. que fut créée la cour des monnoies de Lyon.
Cour des monnoies de Paris. La fabrication des monnoies,
ainsi que l'emploi des matieres d'or & d'argent,
sont de telle importance, que les souverains
ont eu dans tous les tems des officiers particuliers
pour veiller sur les opérations qui y avoient rapport,
& sur ceux qui étoient préposés pour y travailler.
Chez les Romains, il y avoit trois officiers appellés
triumviri mensarii seu monetarii, qui présidoient à
la fabrication des monnoies; ces officiers faisoient
partie des centumvirs, & étoient tirés du corps des
chevaliers.
Il paroît que cette qualité leur fut conservée jusqu'au regne de Constantin, qui après avoir supprimé
les triumvirs monétaires, créa un intendant des
finances, ayant aussi l'intendance des monnoies auquel
on donna le nom de comes sacrarum largitionum.
Cet officier avoit l'inspection sur tous ceux qui
étoient préposés pour la fabrication des monnoies,
il étoit aussi le dépositaire des poids qui servoient à
peser l'or & l'argent, & c'étoit par son ordre qu'on
envoyoit dans les provinces des poids étalonnés sur
l'original, comme il se pratique actuellement à la
cour des monnoies, seule dépositaire du poids original
de France.
Telle étoit la forme du gouvernement des Romains, par rapport aux monnoies; lorsque Pharamond, premier roi de France, s'empara de Trèves
qui leur appartenoit; il suivit, ainsi que ses successeurs,
la police des Romains pour les monnoies.
Vers la fin de la premiere race, il y avoit des
monnoies dans les principales villes du royaume, qui
étoient sous la direction des ducs & comtes de ces
villes, mais toujours sous l'inspection du comes sacrarum
largitionum, ou des géneraux des monnoies,
que le bien du service obligea de substituer à l'intendant
général.
Ces généraux des monnoies furent d'abord appellés
monetarii, on les appelloit en 1211. & dans les
années suivantes, magistri monetoe, & en françois,
maitres des monnoies; ces maîtres étoient d'abord
tous à la suite de la cour, parce qu'on ne fabriquoit
les monnoies que dans le palais des rois; ils étoient
commensaux de leur hôtel, & c'est de - là que les
officiers de la cour des monnoies tirent leur droit de
committimus.
Depuis que Charles le Chauve eut établi huit
hôtels des monnoies, il y eut autant de maîtres particuliers
des monnoies au - dessus desquels étoient les
autres maîtres, qu'on appella pour les distinguer,
maîtres généraux des monnoies par - tout le royaume
de France, ou généraux maîtres ou généraux des monnoies.
En 1359, le roi les qualifioit de ses conseillers, ils
sont même qualifiés de présidens dans des lettres de
Charles le Bel de 1322, & dans des comptes de 1473
& 1474, ils sont qualifiés de sires.
Le nombre des généraux des monnoies a beaucoup
varié: ils étoient d'abord au nombre de trois, &
c'est dans ce tems, qu'ils furent unis & incorporés
avec les maîtres des comptes qui n'étoient pareillement
qu'au nombre de trois, & avec les tresoriers
des finances qui étoient aussi en pareil nombre, &
placés dans le palais à Paris, au lieu où est encore
présentement la chambre des comptes.
Ces trois jurisdictions différentes qui composoient
anciennement la chambre des comptes, connoissoient
conjointement & séparément, suivant l'exigence
des cas du maniement & distribution des finances,
de celui du domaine qu'on appelloit trésor
des monnoies, d'où a été tirée la chambre des monnoies; cela se justifie par diverses commissions, dont
l'adresse leur étoit faite en commun par nos rois.
Les généraux des monnoies avoient dans l'enceinte
de la chambre des comptes leur chambre particuliere,
dans laquelle ils s'assembloient pour tout ce qui
concernoit le fait de leur jurisdiction, & même pour
y faire faire les essais & épreuves des deniers des
boîtes qui leur étoient apportées, par les maîtres
& gardes de toutes les monnoies du royaume.
Constant qui écrivoit en 1653, dit qu'il n'y avoit
pas long - tems que l'on voyoit encore dans cette
chambre des vestiges de fourneaux, où les généraux
faisoient faire les essais des deniers des boîtes & deniers
courans.
[p. 657]
Il y a même actuellement dans l'intérieur de la
cour des monnoies, un endroit destiné à faire lesdits
essais.
En 1296, il y avoit quatre généraux, dont un
étoit maître de la monnoie d'or; on n'en trouve plus
que trois en 1315, ils étoient quatre en 1346; l'année
suivante ils furent réduits de même à quatre par
Charles V. alors régent du royaume; il établit en
1358 un gouverneur & souverain maître des monnoies du royaume, mais son administration dont on
ne fut pas content ne dura qu'un an; il y en eut
cependant encore un semblable en 1364.
Pour ce qui est des généraux, ce même prince
en mit un cinquieme en 1359; & dans la même année
il en fixa le nombre à huit, dont six étoient
pour la langue d'Oil en pays coutumier, & résidoient
à Paris, les deux auties étoient pour rendre
la justice en qualité de commissaire dans les provinces
de la langue d'Oc ou pays de droit écrit.
Les trois corps d'officiers qui se réunissoient à la
chambre des comptes, ayant été augmentés, cela
donna lieu à leur séparation, ce qui arriva vers
1358, alors la chambre des monnoies fut placée au - dessus
du bureau de la chambre des comptes, aussi
bien que leur greffe & parquet, & ce tribunal tint
en cet endroit ses séances jusqu'en 1686, que la cour
des monnoies fut transférée au pav. l'on neuf du palais
du côté de la place Dauphine, où elle commença
à tenir ses séances au mois d'Octobre de ladite
année; & depuis ce tems, elle les a toujours
tenues dans le même lieu.
Pour revenir aux généraux, l'augmentation qui
avoit eu lieu fut confirmée par le roi Jean en 1361,
& ils demeurerent dans le même nombre de huit,
jusqu à ce que Charles V. en 1378 les réduisit à six.
Charles VI. en 1381. n'en nomma que cinq en titre,
& un sixieme pour suppléer en l'absence d'un des
cinq qui étoit échevin. Ils furent cependant encore
depuis au nombre de six, & même en 1388 Charles VI. ordonna qu'il y en auroit huit; savoir, six
pour la langue d'Oil, & deux pour la langue d'Oc:
il réduisit en 1400 ceux de la langue d'Oil à quatre,
& confirma ce même nombre en 1413.
Lorsque les Anglois furent maîtres de Paris sous
Charles VI. les généraux des monnoies transférerent
leur chambre à Bourges, où elle demeura depuis
le 27 Avril 1418, jusqu'en 1437 qu'elle fut rétablie
à Paris après l'expulsion des Anglois; il y eut néanmoins
pendant ce tems une chambre des monnoies,
tenue à Paris par deux généraux & un commissaire
extraordinaire qui étoient du parti des Anglois.
Tous ces officiers étant réunis, lorsque la chambre
fut rétablie à Paris, Charles VII. trouva qu'ils
étoient en trop grand nombre; c'est pourquoi en
1443 il les réduisit à sept, ce qui demeura sur ce pié
jusqu'en 1455 qu'il les réduisit à quatre.
Louis XI. les maintint de même: mais Charles
VIII. en 1463 en fixa le nombre à six, & en 1494
il en ajouta deux.
Ce nombre de huit ne paroissant pas suffisant à
François premier, il créa en 1522 un président &
deux conseillers de robe - longue, ce qui faisoit en
tout onze pensonnes, un président & dix conseillers.
Les premiers généraux des monnoies jugeoient &
connoissoient de la bonté des monnoies de nos rois,
& même de celles des seigneurs auxquels nos rois
avoient accordé la permission de faire battre monnoie; c'étoit les généraux qui regloient le poids,
l'aloi, & le prix des monnoies de ces seigneurs, &
qui pour cet effet en faisoient la visite.
Du tems de Philippe - le - Bel les seigneurs hautsjusticiers
connoissoient, dans leurs terres, des abus
que - l'on faisoit des monnoies, soit en en fabriquant
de fausses, ou en rognant les bonnes, ils pouvoient
faire punir le coupable, Philippe - le - Bel accorda
Mais le roi connoissoit seul par ses officiers des
contestations pour le droit de battre monnoie, ils
avoient aussi seuls la connoissance & la punition
des coupables pour monnoies contrefaites à son coin,
& les officiers que les seigneurs nommoient pour
leurs monnoies devoient être agréés par le roi, &
reçus par les généraux.
Philippe - le - Bel, Louis Hutin, Philippe - le - Long,
Charles IV. Philippe de Valois, Charles VII. & en
dernier lieu François premier, ayant ôté aux seigneurs
le droit de battre monnoie, les généraux des
monnoies, & autres officiers royaux qui leur étoient
subordonnés, furent depuis ce tems les seuls qui
eurent connoissance du fait des monnoies.
Charles V. étant régent du royaume, renouvella
les défenses qui avoient été faites à tous juges de
connoître des monnoies, excepté les généraux &
leurs députés.
Ces députés étoient quelques - uns d'entr'eux qu'ils
envoyoient dan, les provinces pour empêcher les
abus qui se commettoient dans les monnoies éloignées de Paris; ils alloient deux de compagnie, &
avoient outre leurs gages des taxations particulieres
pour les frais de leurs voyages & chevauchées.
Leur équipage étoit reglé à trois chevaux & trois
valets; ils devoient visiter deux fois l'an chaque
monnoie.
La jurisdict on des généraux des monnoies s'étendoit,
comme fait encore celle de la cour des monnoies, privativement à tous autres juges, sur le fait
des monnoies & fabrication d'icelles, baux à fermes
des monnoies, & réceptions de cautions, sur les maîtres
officiers, ouvriers & monnoyeurs, soit pour
le poids, aloi, & remede d'icelles, pour le cours &
prix des monnoies, tant de France qu'étrangeres,
comme aussi pour regler le prix du marc d'or &
d'argent, faire observer les édits & reglemens sur le
fait des monnoies par les maîtres & officiers d'icelles,
Changeurs, Orfévres, Jouailliers, Affineurs, Orbateurs, Tireurs & Ecacheurs d'or & d'argent, Lapidaires, Merciers, Fondeurs, Alchimistes, officiers
des mines, Graveurs, Doreurs, Horlogers, Fourbisseurs, & généralement sur toutes sortes de personnes
travaillant ou trafiquant en matieres ou ouvrages
d'or & d'argent dans toute l'étendue du royaume.
Les généraux avoient aussi par prévention à tous
juges ordinaires la jurisdiction sur les faux monnoyeurs,
rogneurs des monnoies, & altérateurs
d'icelles.
Pour sceller leurs lettres & jugemens ils se servoient
chacun de leur sceau particulier, dont l'apposition
à queue pendante rendoit leurs expéditions
exécutoires par tout le royaume; on croit même
qu'ils ont usé de ces sceaux jusqu'au tems où ils
ont été érigés en cour souveraine.
Ils commettoient aussi aux offices particuliers des
monnoies, qui se trouvoient vacans, ceux qu'ils en
jugeoient capables jusqu'à ce qu'ils y eussent été
pourvûs par nos rois.
Les généraux des monnoies jugeoient souverainement,
même avant l'érection de leur cour en cour
souveraine, excepté en matiere criminelle, où l'appel
de leurs jugemens étoit attribué au parlement
de Paris; le roi leur donnoit pourtant quelquefois
le droit de juger sans appel, même dans ce cas,
ainsi qu'il paroît par différentes lettres - patentes.
La chambre des monnoies étoit en telle considération,
que les généraux étoient appellés au conseil
du roi lorsqu'il s'agissoit de faire quelques reglemens
sur les monnoies.
Nos rois venoient même quelquefois prendre
séance dans cette chambre, comme on voit par
[p. 658]
Louis XII. en confirmant leur jurisdiction à son
avenement à la couronne, les qualisia de cour,
quoiqu'ils ne fussent point encore érigés en cour
souveraine, ne l'ayant été qu'en 1551.
Plusieurs généraux des monnoies turent élus prevôts
des marchands de la ville de Paris, tels que
Jean Culdoé ou Cadoé en 1355, Pierre Deslandes
en 1438, Michel de la Grange en 1466, Nicolas
Potier en 1500, Germain de Marle en 1502 &
1526, & Claude Marcel en 1570.
Anciennement il n'y avoit qu'un même procureur
du roi pour la chambre des comptes, les généraux
des monnoies, & les trésoriers des finances,
attendu que ces trois corps composoient ensemble
un corps mixte; mais depuis leur séparation il y
eut un procureur du roi pour la chambre des monnoies, on ne trouve point sa création, mais il existoit
dès 1392.
L'office d'avocat du roi ne fut établi que vers
l'an 1436, auparavant il étoit exercé par commission.
Celui de greffier en chef existoit dès l'an 1296,
sous le titre de clerc des monnoies, & ce ne fut qu'en
1448 qu'il prit la qualité de greffier.
Au mois de Janvier 1551 la chambre des monnoies fut erigée en cour & jurisdiction souveraine &
supérieure comme sont les cours de parlemens,
pour juger par arrêt & en dernier ressort toutes matieres,
tant civiles que criminelles, dont les généraux
avoient ci - devant connu ou dû connoître, soit
en premiere instance ou par appel des gardes, prevôt,
& conservateurs des privileges des mines.
Le même édit porte qu'on ne pourta se pourvoir
contre les arrêts de cette cour que par la voie de
proposition d'erreur (à laquelle a succédé celle des
requêtes civiles); que les gens de la cour des monnoies Jugeront eux - mêmes s'il y a erreur dans leurs
arrêts en appellant avec eux quelques - uns des gens
du grand - conseil, cour de parlement ou généraux
des aides jusqu'au nombre de dix ou douze.
Ils devoient, suivant cet édit, être au - moins
neuf pour rendre un arrêt; & au cas que le nombre
ne fût pas complet, emprunter des juges dans les
trois autres couis dont on vient de parler, auxquelles
il est enjoint de venir à leur invitation, sans
qu'il soit besoin d'autre mandement.
Dans la suite il a été ordonné qu'ils seroient dix
pour rendre un arrêt; & le nombre des présidens &
conseillers de la cour des monnoies avant été beaucoup
augmenté, ils n'ont plus été dans le cas d'avoir
recours à d'autres juges.
Le même édit de 1551 en créant un second président
& trois généraux, ordonna que les présidens
ne pourroient être que de robe - longue, & qu'entre
les généraux il y en auroit au - moins sept de robelongue;
depuis par une déclaration du 29 Juillet
1637, il fut ordonné qu'à mesure que les offices
de conseillers vaqueroient, ils seroient remplis par
des gradués.
Depuis ce tems il y a eu encore diverses autres
créations, suppressions, & rétablissemens d'offices
dont le détail seroit trop long: il suffit de dire que
cette cour est présentement composée d'un premier
président, de huit autres présidens, de deux chevaliers
d'honneur crées en 1702, trente - cinq conseil<cb->
Il y a aussi des commissaires en titre pour faire
les visites dans les provinces de leur département;
ces commissions sont au nombre de dix, lesquelles
sont remplies par les presidens & conseillers de ladite
cour.
Outre les officiers ci - dessus, il y a encore deux
avocats généraux, un procureur general, deux substituts,
un greffier en chef, lequel est secrétaire du
roi près ladite cour, deux commis du greffe, un
receveur des amendes & épices, un premier huissier,
& seize autres huissiers audienciers, un receveur
général des boîtes des monnoies, lequel est trésorier
payeur des gages, ancien, alternatit, & triennal
des officiers de ladite cour, comme aussi trois
contrôleurs dudit receveur géneral.
Son établissement en titre de cour souveraine fut
confirmé par édit du moi de Septemble 1570, par
lequel le roi ôta toutes les modifications que les
cours avoient pû apporter à l'enregistrement de
l'édit de 1551.
Ses droits & privileges ont encore été confirmés
& amplifiés par divers édits & déclarations, notamment
par un édit du mois de Juin 1635.
La cour des monnoies jouit du droit de committimus,
du droit de franc sallé, & autres droits attribués
aux cours souveraines.
Elle a rang dans toutes les cérémonies publiques
immédiatement après la cour des aides.
La robe de cérémonie des présidens est de velours
noir, celle des conseillers, gens du roi, & greffier
en chef est de satin noir; ils s'en servent dans toutes
les cérémonies publiques, à l'excéption des pompes
funebres des rois, reines, princes & princesses,
où en qualité de commensaux ils conservent leurs
robes ordinaires avec chaperons, comme une marque
du deuil qu'ils portent.
Par un édit du mois de Mars 1719, registré tant
au parlement qu'à la chambre des comptes & cour
des aides, le roi a accorde la noblesse aux officiers
de la cour des monnoies au premier degré, à l'instar
des autres cours.
L'édit de 1570 ordonna que les officiers de cette
cour serviroient alternativement, c'est - à - dire la
moitié pendant une année, l'autre moitié l'année suivante;
mais par un autre édit du mois d'Octobre
1647, cette cour a été rendue semestre, & tel est
son état actuel pour les conseillers; à l'égard des
présidens, ils servent par trimestre, savoir trois mois
dans un semestre & trois mois dans l'autre, excepté
M. le premier president, & M. le procureur général,
qui sont de service toute l'année.
La cour des monnoies a, suivant sa création, le
droit de connoître en dernier ressort & toute souveraine>é, privativement à toutes couts & juges,
du travail des monnoies, des fautes, malversations
& abus commis par les maîtres, gardes, tailleurs,
essayeurs, contre - gardes, prevôts, ouvriers, monnoyeurs
& ajusteurs, changeurs, affineurs, départeurs,
batteurs, tireurs d'or & d'argent, cueilleurs
& amasseurs d'or de paillole, orfevres, jouailliers,
mineurs, tailleurs de gravures, balanciers, fourbisseurs,
horlogers, couteliers, & autres faisant
fait des monnoies, circonstances & dépendances d'icelles,
ou travaillans & employans les matieres d'or
& d'argent, en ce qui concerne leurs charges &
métiers, rapports & visitations d'iceux.
Les ouvriers qui font des vaisseaux de terre resistans
au feu à sec, propres à la fonte des métaux,
sont aussi soumis à sa jurisdiction.
[p. 659]
Les particuliers qui veulent établir des laboratoires
destinés à la fusion des métaux, doivent en
obtenir la permission, & faire enregistrer leurs brevets
en la cour des monnoies.
Elle a droit, de même que les juges qui lui sont
subordonnés, de connoître des matieres de sa compétence,
tant au civil qu'au criminel, & de condamner
à toutes sortes de peines affliétives, même
à mort.
Les jours d'audience sont les mercredis & samedis;
& ceux que M. le premier président veut accorder
extraordinairèment: les autres jours sont
employés aux affaires de rapport.
Dans les audiences les juges se mettent sur les
hauts siéges, lorsqu'il est queition d'appel des sentences
des premieres juris nctions; & lorsque ce
sont des affaires en premiere instance, ils se mettent
sur les bas siéges.
Le ressorts de la cour des monnoies de Paris s'étend
dans tout le royaume, à l'exception de quelques
provinces qui en ont été démembrées pour
former celui de la cour des monnoies de Lyon.
Il y a encore une jurisdiction subordonnée à la
cour des monnoies, qui est celle du prevôt général
des monnoies, dont la compagnie a ete creée pour le
service de ladite cour; il en sera parle plus au long
dans l'article qui le concerne.
La cour des monnoies connoît parprévention & par
concurrence avce les > prevôts
des marecnaux, & autres juges, des saux - monnoyeurs, logneurs & aliérateurs des monnoies,
billonneurs, al>stes, transgiesseurs des ordonnances
sur le tait des monnoies de France & étrangeres.
Nous observerons en pàssant à ce sujet, que le
crime de fausse monnoie est un cas royal, dont la
peine a toujours été tres - sévere. Anciennement on
faisoit bouillir les faux monnoyeurs; leurs exécutions
se faisoient au marché aux pourceaux. Il y en
eut deux qui subirent cette peine en 1347; d'autres
furent aussi attachés en croix; deux autres furent
bouillis, l'un en 1525, l'autre en 1550. Présentement on les condamne à être pendus; & la place
où se font les exécutions, en vertu d'arrêt de la
cour des monnoies, est la place de la croix du trahoir.
L'Eglise employoit aussi contre eux les armes
spirituelles. Clement V. excommuaia les faux monnoyeurs
de toute espece qui étoient en France, &
ordonna qu'ils ne pourroient être absous que par le
pape, excepté à l'article de la mort. Charles V. envoya
une cople de cette bulle à l'évêque de Langres, pour la faire afficher à la porte de toutes les
églises de son diocese.
La cour des monnoies a encore, entre autres prérogatives,
celle d être dépoutaire de l'étalon ou
poids original de France, lequel est conservé dans
un coffre ferme à trois serrures & clés différentes.
Ce poids original pése 50 marcs, & contient
En 1529 l'empereur Charles V. ayant voulu conformer
le poids du marc de l'empire pour les Pays - Bas, au poids royal de France, envoya un de ses
généraux des monnoies, pour en demander permission
au roi; & les lettres de créance lui ayant été
expédiées à cet effet, la vérifieation & l'étalonnement
fut fait en présence du président & des généraux
des monnoies.
Et dernierement en 1756, la même vérification
& étalonnement ont été faits en présence de son
excellence le comie de Staremberg, comeiller au
conseil aulique de l'Empire, chambeilan actuel de
leurs majestés impériales & royales, & leur ministre
plénipotentiaire à la cour de France, & aussi en présence
de deux conseillers en la cour des monnoies,
& d'un substitut de M. le procureur général en ladite
cour, sur un poids de 64 marcs avec toutes ses
divisions, présenté par le sieur Marquart, essayeur
général des monnoies de sa majesté impériale &
royale aux Pays - Bas, & chargé par le gouvernement
desdits Pays - Bas, pour leiquels ledit poids est
destiné. (A)
Généraux provinciaux des monnoies. Les généraux
provinciaux subsidiaires des monnoies, sont des officiers
etablis pour veiller dans les provinces de leur
dépa tement, sous l'autorité des couis des monnoies auxquelies ils sont subordonnés, à l'exécution
des ordonnances & des réglemens sur le fait des monnoies, ainsi que sur tous les ouvriers justiciables d'icelles,
qui emploient les matieres d'or & d'argent,
& tabriquent les différens ouvrages composés de ces
matieres précieuses.
Ils connoissent de toutes les transgressions aux ordonnances
& réglemens, ainsi que detoutes les contraventions
qui peuvent être commises par lesaits
justiciables, à la charge de l'appel dans les cours des
moinoies auxquelles ils ressortissent; ils président
aux jugemens qui sont rendus dans les jurisdictions
aux sieges établis dans les hôtels des monnoies, &
sont tenus de faire exactement des chevauchées dans
les provinces de leur département, à l'effet de découvrir
les différens abus, délits & malversations qui
peuvent se commeitre sur le fait des monnoies & des
matieres & ouvrages d'or & d'argent.
Ils connoissent des mêmes matieres, & ont la même
jurisdiction en premiere instance, que les cours
des monnoies dans lesquelles ils ont entrée, séance &
vo x délibérative, le jour de leur réception, & toutes
les sois qu'il s'y juge quelqu'affaire venant de leur
département, ou qu'ils ont quelque chose à proposer
pour le bien du service & l'intérêt public.
On les appelle subsidiaires, parce qu'ils représentoient
en quelque façon les généraux des monnoies,
& qu'ils représentent encore dans les provinces les
commissaires des cours des monnoies, qui étant obligés
de résider continuellement pour vaquer à leurs
fonctions, ne peuvent faire de tournées & chevauchées
aussi souvent qu'il seroit à desirer pour la manutention
des réglemens; aussi ont - ils droit dans les
provinces de leur département, comme les commissaires
desdites cours, de juger en dernier ressort les
accusés de clime de fabrication, exposition de fausse
monnoie, rognure & altération d'especes, & autres
crimes de jurisdiction concurrente, lorsqu'ils ont
prévenu les autres juges & officiers royaux.
Ces officiers furent institués originairemnt dans les
provinces de Languedoc, Guienne, Bretagne, Normandie, Bourgogne, Dauphiné & Provence, pour
régir & gouverner les monnoies particulieres des anciens
comtes & ducs de ces provinces, qui ayant un
coin particulier pour les monnoies qu'il faisoient frap<pb->
[p. 660]
Ils étoient aussi dès - lors chargés du soin de faire
observer les ordonnances du roi sur le fait des monnoies, & ils étoient dès - lors appellés subsidiaires,
parce qu'ils étoient soumis en tout aux généraux des
monnoies dont ils étoient justiciables, & ne connoissoient
que subsidiairement à eux des matieres qui
leur étoient attribuées.
Ils étoient mis & établis par l'autorité des rois, &
si les seigneurs de ces provinces les nommoient &
présentoient, ils étoient toûjours pourvus par le
roi, & reçus par les généraux de la chambre des
monnoies en laquelle ressortissoit l'appel de leurs jugement.
Plusieurs de ces officiers avoient été destitués en
différens tems, & il n'avoit point été pourvu à leurs
offices: en 1522 il n'en restoit plus que trois, dont
un en Languedoc & Guienne, un en Dauphiné, & le
troisieme en Bourgogne; & comme ces offices étoient
devenus assez inutiles par la réunion que les rois
avoient faite des monnoies particulieres des seigneurs,
& qu'ils causoient quelquefois du trouble & empêchement
aux commissaires & députés de la chambre
des monnoies, lorsqu'ils faisoient leurs chevauchées
dans les provinces, Henri Il. les supprima en tout
par édit du mois de Mars 1549.
Ils furent rétablis au nombre de sept, par édit du
roi Henri III. du mois de Mai 1577, pour faire leur
principale résidence ès villes & provinces dans lesquelles
étoient établis les parlemens de Languedoc,
Guienne, Bretagne, Normandie, Bourgogne,
Dauphiné & Provence; cet édit leur attribua les mêmes
pouvoir & jurisdiction qui avoient été attribués
aux généraux de la cour des monnoies de Paris, par
l'édit de Charles IX. de l'année 1570, lorsqu'ils font
leurs cheveauchées dans les provinces; & ordonna
que ceux qui seroient pourvus desdits offices, seroient
reçus en ladite cour & y auroient entrée,
séance & voix délibérative en toutes matieres de
leur connoissance, & quand ils s'y trouveroient
pour le fait de leurs charges.
Cessept offices ont été supprimés par édit du mois
de Juin 1696; mais le même édit porte création de
28 autres généraux provinciaux subsidiaires des
monnoies, avec les mêmes honneurs, droits, pouvoirs
& jurisdiction portés par l'édit du mois de
Mai 1577, savoir:
Un pour la ville & généralité de Rouen:
Un pour les villes de Caën & Alençon:
Un pour la ville & diocese de Rennes, & ceux de
Dol, Saint - Malo, Saint - Brieux, Treguier & Saint - Paul de Leon:
Un pour la ville & diocese de Nantes & ceux de
Vannes & Cornouailles:
Un pour la ville de Tours, la Touraine & l'Orléanois:
Un pour la ville d'Angers & pour les provinces
d'Anjou & Maine:
Un pour la ville & généralité de Limoges:
Un pour la ville & généralité de Bourges & Nivernois:
Un pour la ville & généralité de Poitiers:
Un pour la ville de la Rochelle, le pays d'Aunis
& la province de Xaintonge:
Un pour la ville de Bordeaux, Périgueux, Agen,
Condom & Sarlat:
Un pour la ville de Bayonne, élection d'Acqs, le
pays du Soule & de Labour, & le comté de Marsan.
Un pour la ville de Pau & le ressort du parlement:
Un pour la ville & diocese de Toulouse, & ceux
de Mirepoix, Alby, Lavaur, Comminges, Mon<cb->
Un pour la ville & diocese de Narbonne, & ceux
de Beziers, Agde, Lodeve, Saint - Pons, Carcassone,
Saint - Papoul, Castres, Aleth & Limoux:
Un pour la ville & diocese de Montpellier, &
ceux de Nismes, Alais, Viviers, le Puy, Uzès &
Mende:
Un pour la ville de Lyon, le Lyonnois & les pays
de Forès & de Beaujolois:
Un pour la ville de Grenoble, le Dauphiné, la
Savoie & le Piémont:
Un pour la ville & ressort du parlement d'Aix:
Un pour la ville de Riom & les provinces d'Auvergne & de Bourbonnois:
Un pour la ville & ressort du parlement & chambre
des comptes de Dijon:
Un pour la ville & ressort du parlement de Besançon:
Un pour la ville & ressort du parlement de Mets,
ville & province de Luxembourg:
Un pour la ville & généralité d'Amiens, le Boulonnois & le pays conquis & reconquis:
Un pour la ville de Lille, la province d'Artois,
& le pays nouvellement conquis en Flandres & Hainault, ou cédés par les derniers traités:
Un pour la ville de Rheims & les élections de
Rheims, Châlons, Epernay, Rethel, Sainte - Menehould & le Barrois:
Un pour la ville de Troyes, Sézanne, Langres,
Chaumont, Bar - sur - Aube & Vitry - le - François:
Et un pour les villes & provinces d'Alsace, & autres
lieux de la frontiere d'Allemagne:
Le même édit ordonne qu'ils seront gradués &
reçus en la cours des monnoies où ils ont entrée, séance,
après le dernier conseiller, & voix délibérative
comme il est dit ci - dessus.
Ils connoissent de même que les commissaires des
cours des monnoies, par prévention & concurrence
avec les baillifs, sénéchaux, officiers des présidiaux,
juges - gardes des monnoies, & autres juges royaux,
du billonage, altération de monnoies, tabrication &
exposition de fausse monnoie; & peuvent juger de
ces matieres en dernier ressort, en appellant le nombre
de gradués suffisant.
Ils connoissent aussi par concurrence avec lesdits
commissaires & juges gardes des monnoies, & jugent
seuls, ou avec lesdits juges gardes, de toutes
les matieres tant de la jurisdiction privative que cumulative,
où il n'échet de prononcer que des amendes,
confiscations ou autres peines pécuniaires, à
la charge de l'appel esdites cours des monnoies.
Ils sont les chefs des jurisdictions des monnoies de
leur département; ils ont droit d'y présider; les juges
gardes sont tenus de les appeller au jugement
des affaires qu'ils ont instruites, & les jugemens
qu'ils ont rendus, ou auxquels ils ont présidé, sont
intitulés de leurs noms. (A)
Juges gardes, voyez ci - après jurisdictions des monnoies.
Jurisdictions des monnoies. Les jurisdictions des
monnoies sont des justices royales, établies dans les
différentes villes du royaume, pour connoître en
premiere instance du fait des monnoies, des matieres
d'or & d'argent, & de tous les ouvriers employés à
la fabrication desdites monnoies, ou aux différens
ouvrages d'or & d'argent.
Les officiers qui composent ces jurisdictions, sont
le général provincial subsidiaire dans le département
duquel se trouve la jurisdiction; deux juges
gardes, qui en l'absence du général provincial, &
concurremment avec lui, peuvent faire toutes les instructions
& connoître des mêmes matieres; un contrôleur
contre - garde qui remplit les fonctions des
[p. 661]
Les procureurs des jurisdictions royales y occupent.
L'établissement des juges gardes est fort ancien;
ils réunissent aujour d'hui toutes les fonctions & jurisdiction
qu'avoient autrefois les gardes & prévôts
des monnoies.
Les gardes & contre - gardes des monnoies furent
établis par Charles le Chauve, dans chacune des
villes où les monnoies du roi étoient établies; il y en
avoit aussi dans les monnoies des seigneurs particullers;
les uns & les autres étoient pourvus par le roi,
sur la nomination des seigneurs, ou des villes dans
lesquelles les monnoies étoient établies; & lorsque
ces places étoient vacantes, il y étoit commis par
les généraux maîtres des monnoies, comme il y est
encore aujourd'hui commis à l'exercice de ces charges
par les cours des monnoies, lorsqu'elles se trouvent
vacantes, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu ou
commis par le roi.
L'édit du mois de Mai 1577, avoit uni les offices
de gardes & de contre - gardes à ceux de prevóts
royaux des monnoies; mais ces mêmes offices surent
rétablis par l'édit du mois de Juillet 1581, qui supprima
les prevôts royaux, & rendit ceux - ci héréditaires.
Les juges gardes connoissent en l'absence du général
provincial, & concurremment avec lui, privativement
à tous autres officiers, de l'examen & réception
des Changeurs, Batteurs & Tireurs d'or,
ainsi que des aspirans à la maitrise d'Orfévrerie, de
leurs cautions, de l'élection de leurs jurés, de l'insculpation
de leurs poinçons, & de ceux des Fourbisseurs, Horlogers, Graveurs sur métaux, & tous autres
ouvriers qui travaillent & emploient les matieres
d'or & d'argent, chez lesquels ils ont droit de visite,
de toutes les malversations qui peuvent être
par eux commises, même des entrepriles de tous
ceux qui ont des fourneaux, & se mélent de fontes
& distillations sans y être autorisés par état ou pat
lettres du roi enrégistrées dans les cours des monnoies, & généralement de tout ce qui concerne le titre,
bonté, alliage des matieres, marques & poinçons
qui doivent être sur les ouvrages, & de l'abus
desdits poinçons, à l'esset de quoi les jurés desdites
communautés d'Orfévres & autres ouvriers travaillans
en or & en argent, doivent porter devant
eux leurs procès - verbaux & rapports des visites &
saisies qu'ils peuvent faire, ainsi que le fermier de
la marque d'or & d'argent, pour être par eux jugés
sur le titre & les marques de tous les ouvrages saisis
par les uns ou par les autres.
Ils connoissent aussi en l'absence du général provincial,
& concurremment avec lui & autres juges
royaux, des crimes de billonnage, altération des
monnoies, fabrication, exposition de fausse monnoie,
& autres de jurisdiction concurrente.
Ils connoissent seuls & privativement aux généraux
provinciaux, de la police intérieure des monnoies, & du travail de la fabrication des especes dont
ils font les délivrances aux maîtres ou directeurs
particuliers d'icelles, ainsi que du paraphe des registres
que tiennent tous les officiers & ouvriers employés
à ladite fabrication; & ils sont dépositaires
des poinçons, matrices & carrés sur lesquels les especes
sont monnoyées. (A)
Prevôté générale des monnoies. La prevôté générale
des monnoies est une compagnie d'ordonnance crééc
& établie par édit du mois de Juin 1635, pour faciliter
l'exécution des édits & réglemens sur le fait
des monnoies, prêter main - forte aux députés de la
cour des monnoies, tant en la ville de Paris que hors
Cette compagnie est assimilée, & jouit des mêmes
honneurs & avantages que les autres maréchaussées
du royaume.
Elle étoit originairement composée d'un petit
nombre d'officiers créés par ledit édit de 1635; elle
a été augmentée depuis en différens tems par différentes
créations d'officiers & archers, tant pour le
service de ladite cour que pour la jurisdiction.
Elle est actuellement composée d'un prevôt, six
lientenans, huit exempts, un assesseur, un procureur
du roi, un greffier en chef, un premier huissieraudiencier,
& 66 archers qui ont droit d'exploiter
partout le royaume.
Les fonctions & le titre de l'assesseur & du procureur
du roi, ont été unis aux charges de substituts
du procureur général de sa majesté en ladite cour,
en laquelle tous ces officiers doivent être reçus, à
l'exception seulement des greffier, huissier & archers,
qui sont reçus par le prevôt, & prêtent serment entre
ses mains.
Cette compagnie a aussi une jurisdiction qui lui
a été attribuée par son édit de création, & confirmée
depuis par différens arrêts du conseil, réglés ainsi qu'il
suit:
Le prevôt général des monnoies & les officiers
de ladite prevoté, peuvent connoître par préyention
& concurrence avec les généraux - provinciaux,
juges - gardes, & autres officiers des monnoies, prevôts
des maréchaux, & autres juges royaux, même
dans la ville de Paris, des crimes de fabrication &
exposition de fausse monnoie, rognure & altération
d'especes, billonnage, & autres crimes de jurisdiction
concurrente, pour raison desquels il peut informer,
decréter, & faire toutes instructions & procédures
nécessaires jusqu'à jugement définitif exclusivement,
sans pouvoir cependant ordonner l'élargissement des
prisonniers arrêtés en vertu de ses decrets; & à la
charge d'apporter toutes lesdites procédures & instuctions
en la cour des monnoies, à l'effet d'y être
réglées à l'extraordinaire, s'il y a lieu, & être jugées
définitivement lorsque le procès a été instruit dans
l'étendue de la ville, prevôté, vicomté & monnoie
de Paris, ou aux présidiaux les plus prochains,
lorsque lesdits procès ont été instruits hors ladite
étendue.
Il connoît par concurrence avec lesdits générauxprovinciaux,
juges - gardes, & autres officiers des
monnoies, & privativement à tous autres prevôts
& juges, des délits, abus & malversations qui, dans
l'étendue du ressort de la cour des monnoies de Paris,
peuvent être commis par les justiciables d'icelle,
chez lesquels ils peuvent faire visites & perquisitions
pour ce qui concerne la fonte, l'alliage des matieres
d'or & d'argent, les marques qui doivent être sur
leurs ouvrages, & autres contraventions aux réglemens,
à l'exception cependant de ceux qui demeurent
en la ville de Paris, chez lesquels ils ne peuvent
se transporter sans y être autorisés par ladite cour;
& il peut juger lesdits abus, délits & malversations
jusqu'à sentence définitive & inclusivement, sauf
l'appel en icelle.
Il ne peut néanmoins connoître dans l'intérieur
des hôtels des monnoies des abus, délits & malversations
qui pourroient être commis par les officiers
& ouvriers employés à la fabrication des especes,
ni des vols de matieres qui seroient faits dans lesdits
hôtels des monnoies.
Il peut aussi connoître des cas prevôtaux autres
que ceux concernant les monnoies, suivant l'édit de
[p. 662]
Le prevôt général des monnoies a aussi le droit de
correction & discipline sur les officiers & archers de
sa compagnie, sauf l'appel en la cour des monnoies,
à laquelle il appartient de connoître de toutes les
conrestations qui peuvent naître entre lui ou autres
ses officiers & archers, pour raison des fonctions de
leurs offices.
Il a entrée & séance en la cour des monnoies après
le dernier conseiller d'icelle, le jour de sa réception,
ainsi qu'au rapport des procédures instruites par lui
ou par ses lieutenans, & toutes les fois qu'il y est
mandé & qu'il a quelque chose à représenter pour
le service du roi ou les fonctions de sa charge, mais
sans avoir voïx délibérative.
Le prevôt général des monnoies a encore le droit
de connoitre des duels, suivant la disposition de l'édit
de 1669.
Il n'est point obligé de faire juger sa compétence
comme les autres prevôts des maréchaux, mais seulement
lorsqu'elle lui est contestée; & c'est à la cour
des monnoies qu'appartient de juger ladite compétence.
Le prevôt général des monnoies étoit créé pour
toute l'étendue du royaume, & a été seul prevôt
des monnoies jusqu'en l'année 1704, qu'il a été créé
& établi une seconde prevôté des monnoies pour le
ressort de la cour des monnoies de Lyon, à l'instar
de celle ci - dessus.
Ces prevôts généraux des monnoies ne doivent
point être confondus avec les anciens prevôts des
monnoies dont il va être parlé ci - après.
Prevôts des monnoies. Il y avoit dès le commencement
de la troisieme race de nos rois des prevôts
des monnoies qui avoient inspection sur tous les monnoyeurs
& ouvriers des monnoies; dans la suite il y en
eut deux dans chaque monnoie, l'un pour les monnoyers,
qu'on appelle aujourd'hui monnoyeurs, &
l'autre pour les ouvriers, qu'on appelle aujourd'hui
ajusteurs.
Il est à remarquer que les monnoyers & ouvriers
qui ajustent & monnoyent les especes qui se fabriquent
dans les monnoies, ne peuvent y être admis
qu'en justifiant de leur filiation & du droit que la
naissance leur en a donné de pere en fils; & il faut
bien les distinguer des autres ouvriers ou journaliers,
gens de peine & à gages, qui sont employés
dans les monnoies.
Ces prevôts des monnoyeurs & ouvriers étoient
élus chacun dans leur corps, & non - seulement en
avoient la direction, mais encore l'exercice de la
justice tant civile que criminelle, sur ceux du corps
auquel ils étoient préposés: ce droit leur étoit attribué
par d'anciennes ordonnances, & ils furent maintenus
jusqu'en l'année 1548, que par édit du mois
de Novembre ils furent supprimés, & en leur place
il fut créé dans chaque monnoie un seul prevôt avec
un greffier, lequel precôt avoit l'inspection sur les
monnoyers & ouvriers, & la connoissance de tout
ce qui concernoit la monnoie, avec l'exercice de la
justice.
En 1555 il fut créé en chacune des monnoies un
procureur du roi & deux sergens, ce qui formoit un
corps de jurisdiction.
Cet établissem n> souffrit quelques difficultés avec
les gardes des monnoies; & enfin par édit du mois
de Juillet 1581, les prevôts furent entierement supprimés,
& les offices des gardes surent rétablis; &
depuis ce tems ce sont les gardes qu'on appelle au<cb->
Les monnoyers & ouvriers ont cependant continué
d'élire entr'eux des prevôts, mais qui n'ont plus
que la police & la discipline de leurs corps, pour
obliger ceux d'entr'eux au travail, & les y contraindre
par amendes, même par privation ou suspension
de leurs droits.
Au mois de Janvier 1705, il fut créé des charges
de prevôts & lieutenans des monnoyeurs & ajusteurs,
mais elles furent supprimées peu de tems
après, & réunies au corps des monnoyeurs & ajusteurs,
qui depuis ce tems ont continué d'élire leuts
prevôts & lieutenans à vie, lesquels sont reçus &
prêtent serment en la cour des monnoies. (A)
Cour des monnoies de Lyon fut créée une premiere
fois par édit du mois d'Avril 1645, lequel fut alors
presqu'aussi - tôt révoqué. Elle fut créée de nouveau
par édit du mois de Juin 1704, à l'instar de celle de
Paris, dont elle est un démembrement.
L'année suivante le roi y réunt la sénéchaussée
& siége présidial de la même ville, pour ne faire à
l'avenir qu'un même corps, par édit du mois d'Avril
1705.
Le ressort de la cour des monnoies de Lyon s'étend
suivant son édit de création, dans les provinces,
généralités & départemens de Lyon, Dauphiné,
Provence, Auvergne, Toulouse, Montpellier, Montauban & Bayonne.
Et par un autre édit du mois d'Octobre 1709, le
roi a ajouté à ce ressort les provinces & pays de
Bresse, Bugey, Valromey & Gex, dans lesquelles
provinces énoncées dans les deux édits ci - dessus, se
trouvent les monnoies de Lyon, Bayonne, Toulouse,
Montpellier, Riom, Grenoble & Aix. La monnoie de
Perpignan est aussi du ressort de la cour des monnoies
de Lyon.
Cette cour est composée d'un premier président &
de cinq autres présidens, aux offices desquels sont
joints ceux de lieutenant général, de présidens au
présidial, de lieutenant criminel, lieutenant particulier,
& assesseur criminel; de deux chevaliers
d'honneur, dont l'un est lieutenant général d'épée;
de deux conseillers d'honneur, de vingt - neuf autres
conseillers, dont un conseiller clerc, & un autre fait
les fonctions de commis au comptoir, & un autre
celle de contrôleur; de deux avocats généraux, un
procureur général, quatre substituts, un greffier en
chef, lequel est secrétaire du roi; trois greffiers commis,
un receveur - payeur des gages, un receveur
des amendes; un premier huissier, trois huissiersaud
enciers, & dix autres huissiers.
Il y a en outre huit commissions établies à l'effet
de faire des visites dans les monnoies du ressort de
cette cour, dont deux devoient être possédées par
deux présidens, & les six autres par des conseillers:
lesquelles charges sont réunies au corps.
Par l'édit de création ci - dessus, du mois de Juin
1704, le roi a établi près la cour des monnoies de
Lyon, une chancellerie, laquelle est composée d'un
garde - scel, quatre secrétaires du roi audienciers,
quatre contrôleurs, quatorze secrétaires, deux référendaires,
un chauffe cire, un receveur des émolumens du sceau, un greffier, & deux huissiers.
Il y a encore près cette cour une prevôté génerale
des monnoies, laquelle, est composée d'un prevot
général dés monnoies, d'un lieutenant, d'un guidon,
d'un assesseur, d'un procureur du roi, de quatre
exempts, d'un greffier, de 30 archers, & d'un archer
trompette.
Cette compagnie a été créée par édit du mois de
Juin 1704, à l'instar de celle qui est attachée à
[p. 663]
Hôtel de la monnoie. C'est à Nancy que les ducs
de Lorraine faisoient battre monnoie. Le duc René
Il. y fit construire un hôtel de la monnoie; il fut démoli
& reconstruit avec plus de magnificence sous
le regne du duc Léopold en 1720. Les officiers de
la monnoie y logeoient. Toutes les machines qui servent
à la fabrication y sont encore; mais il n'en a été
fait usage, depuis l'avénement du roi Stanislas, que
pour y srapper des médailles.
La chambre des comptes de Lorraine est en même
tems cour des monnoies, & elle en a toutes les attributions.
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Monnoie des Hébreux, selon Brerewood. l. st. sc. s.
La drachme valoit 9
Deux drachmes faisoient le béka,
ou le demi - sicle; qui étoit la somme
que chaquejuif payoit au temple, 1 6
Deux békas faisoient le sicle, 3
Soixante sicles faisoient la mine, 9
Cinquante mines faisoient le talent, 450
Le talent d'or, sur le pié de seize
d'argent, 7200
Monnoies d'Alexandrie. l. st. sc. s.
La drachme d'Alexandrie valant
deux drachmes d'Athènes, sur le
piéoù cette drachme étoit en Judée, 1 6
Le didrachme, ou les deux drachmes,
qui faisoient le sicle hébreu, 3
Les 60 didrachmes, qui faisoient
la mine, 9
Les 50 mines qui faisoient le talent,
450
Le talent d'or, à raison de 16 d'argent,
7200
Paris. Reims.
Rouen. Nantes.
Caèn. Troyes.
Tours. Amiens.
Angers. Bourges.
Poitiers. Rennes.
La Rochelle. Mets.
Limoges. Sitasbourg.
Bourdeaux. Belançon.
Dijon. Lille.
Orleans.